BELGIQUE (Communauté française)
L'enseignement fait partie des compétences des
trois
communautés
française, flamande et germanophone.
|
Conformément à
l'article 24 de la
Constitution,
qui dispose que
«
la
communauté organise un enseignement qui est
neutre
»,
le décret du 31 mars 1994
définissant la neutralité dans l'enseignement public subordonne
l'exercice de la liberté religieuse au respect d'autres principes
généraux.
Il énonce ainsi à
l'article 3 :
«
Les élèves y sont entraînés
graduellement à la recherche personnelle ; ils sont motivés
à développer leurs connaissances raisonnées et objectives
et à exercer leur esprit critique.
»
L'école de la Communauté garantit à
l'élève ou à l'étudiant, eu égard à
son degré de maturité, le droit d'exprimer librement son opinion
sur toute question d'intérêt scolaire ou relative aux droits de
l'homme.
»
Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir
et de répandre des informations et des idées par tout moyen du
choix de l'élève et de l'étudiant, à la seule
condition que soient sauvegardés les droits de l'homme, la
réputation d'autrui, la sécurité nationale, l'ordre
public, la santé et la moralité publiques, et que soit
respecté le règlement intérieur de
l'établissement.
»
La liberté de manifester sa religion ou ses convictions
et la liberté d'association et de réunion sont soumises aux
mêmes conditions. »
Par ailleurs, le
décret du 24 juillet 1997 définissant
les missions prioritaires
de l'enseignement
public consacre le
principe d'égalité
. Il affirme notamment
qu'«
assurer à tous les élèves des chances
égales
d'émancipation sociale
» constitue un
objectif de l'enseignement et que, pour que cet objectif puisse être
atteint, chaque élève a «
l'obligation de participer
à toutes les activités liées à la certification
organisée par l'établissement et d'accomplir les tâches
qui en découlent
», ce qui exclut par exemple que des
jeunes filles qui portent le foulard soient dispensées des cours
d'éducation physique.
Même si les règlements de certains établissements
scolaires
(1(
*
))
interdisent
le port de tout couvre-chef, jusqu'à présent,
le port du
foulard islamique dans les écoles a suscité peu de
procédures judiciaires,
car les principes de neutralité et
d'égalité font l'objet d'une application particulièrement
souple : des compromis sont donc négociés entre les
établissements scolaires et les familles, par exemple pour n'interdire
le foulard que pendant certaines activités (travaux pratiques de chimie
ou gymnastique).
Plusieurs affaires ont cependant été portées devant les
tribunaux, qui se sont fondés sur les deux décrets
susmentionnés pour dénier aux jeunes filles de confession
musulmane le droit de déroger au règlement intérieur de
leur établissement et de porter le foulard.
Ainsi, le tribunal de grande instance de Bruxelles s'est prononcé le
11 décembre 1997 contre la réintégration de six
jeunes filles dans leur école, dont le règlement interdisait le
port de signes distinctifs. Le règlement précisait
«
Porter un
signe distinctif (vestimentaire ou
emblématique) est déjà donner
[...]
un message
porteur de certaines valeurs, ce qui est tout à fait contraire
à la déontologie
[...]
».
Le tribunal a
alors affirmé : «
dans notre État de droit, qui
n'est pas théocratique mais d'inspiration pluraliste, ces textes
coraniques et paroles prophétiques, pas plus que la bible,
l'évangile ou autres textes religieux, ne constituent une règle
de droit à laquelle les organes de l'État seraient
soumis.
»
Dans une affaire similaire, la cour d'appel de Liège avait, le
23 février 1995, déclaré : «
il
convient de rappeler qu'il a déjà été
jugé que l'interdiction du port d'insignes manifestant une opinion
politique, religieuse ou philosophique n'était pas manifestement
contraire à la liberté de conscience et de culte garantie aux
étudiants, lorsque ceci est appliqué sans discrimination et
repose sur des considérations objectives.
»
Il convient de souligner que ces décisions ont été rendues
en référé et que la Cour de cassation n'a pas eu
l'occasion de se prononcer.
Indépendamment de tout incident particulier, mais face au
développement, d'une part, du port du foulard sur les lieux de travail
et, d'autre part, de « tenues complètes » de la part
d'élèves de confession musulmane,
une polémique a
opposé au début de l'année 2002 le ministre de
l'Éducation et le Ministre-président de la communauté
française.
Le premier s'était exprimé en janvier 2002 pour l'interdiction du
port du foulard. En mai 2002, à l'initiative du second, le gouvernement
de la communauté adoptait une position commune favorable au foulard. Le
communiqué de presse publié le 16 mai 2002
énonçait : «
Il est important que,
dans
une démocratie pluraliste, toutes les religions et signes religieux
distinctifs soient traités sur un même plan au sein de
l'école. Des manifestations de tels signes doivent donc être
acceptées tant qu'elles ne sont pas assimilables à du
prosélytisme, ne résultent pas du fruit d'une pression subie en
ce sens par les intéressées et ne se heurtent pas à des
principes essentiels tels que la mixité des cours.
»
Le même texte précisait que le port du foulard devait être
interdit pendant les cours d'éducation physique et sur les photographies
des documents d'identité scolaires.
A la suite de cette polémique, le Ministre-président a, le 30 mai
2002, sollicité l'avis du Conseil d'État et du Centre pour
l'égalité des chances.
Le Conseil d'État a décliné sa compétence, mais
s'est référé à l'arrêt précité
de la cour d'appel de Liège du 23 février 1995 et à celui
de la Cour européenne des droits de l'homme du 15 février 2001
(2(
*
))
, qui nient la
légitimité du port du foulard dans les établissements
publics d'enseignement. Quant au Centre pour l'égalité des
chances
(3(
*
))
, il a, en septembre 2002,
rendu un avis motivé dans lequel il ne se montre pas favorable à
une interdiction de principe du port de signes à connotation religieuse
ou philosophique. Il estime que la solution aux conflits ne peut être
trouvée dans le droit, mais que chaque cas doit être
examiné séparément et en dehors de tout climat passionnel.