NOTE DE SYNTHESE
L'adoption, lors de la discussion du projet de loi de finances pour
1999, d'un amendement permettant l'interconnexion des fichiers fiscaux et
sociaux à l'aide du numéro de sécurité sociale a
relancé dans notre pays le débat sur l'interconnexion des
fichiers administratifs.
Confrontés à la même nécessité de lutter
contre la fraude -fraude fiscale ou fraude aux prestations sociales- la plupart
des pays développés ont également instauré des
dispositifs de rapprochement de données.
On a donc analysé la législation applicable aux transferts de
données nominatives entre administrations dans plusieurs pays
étrangers représentatifs de traditions juridiques
différentes : l'
Allemagne
, les
Pays-Bas
, le
Portugal
, le
Royaume-Uni
, l'
Australie
et la
Nouvelle-Zélande
.
Pour chacun de ces six pays, on a étudié les principales
dispositions législatives régissant, d'une part, l'attribution
d'un identifiant personnel unique et, d'autre part, les transferts de
données entre administrations. Toutefois, dans la présente note
de synthèse, on a choisi de mettre en évidence comment le
rapprochement des données fiscales et sociales était
effectué.
L'examen des législations étrangères permet de conclure
que le principe général d'interdiction du transfert de
données nominatives entre administrations n'empêche pas
l'organisation d'opérations de rapprochement des données fiscales
et sociales.
Si les
Pays-Bas et le Portugal sont les seuls pays dont
les lois sur la protection des données personnelles ne posent pas le
principe général de l'interdiction du transfert des
données nominatives entre administrations, en fait, le Portugal est le
seul où la loi ne régit pas avec précision le
rapprochement des données fiscales et sociales.
1) A l'exception des lois néerlandaise et portugaise, les lois étrangères sur la protection des données personnelles posent le principe de l'interdiction de tout transfert d'informations entre administrations
a) Les lois néerlandaise et portugaise prévoient explicitement l'interconnexion des fichiers administratifs
Aux
Pays-Bas, l'article 6a de la loi de 1988 sur les fichiers de données
personnelles,
qui résulte d'une modification entrée en
vigueur le 1
er
janvier 1996, légitime l'utilisation de
numéros personnels d'identification créés par la loi pour
fournir des données à des tiers, dans la mesure où cette
utilisation est prévue par une loi ou par un règlement
d'administration publique.
Dans l'un de ses premiers articles, la
loi portugaise de 1998 sur la
protection des données personnelles
définit l'interconnexion
comme la "
possibilité de mise en relation de données
d'un fichier avec celles d'un ou de plusieurs fichiers qui sont
gérés par un autre ou par d'autres responsables ou qui sont
gérés par le même responsable, mais dans un autre
but
". Plus loin, elle précise qu'une telle opération
peut, dans certaines conditions (adéquation avec les objectifs
recherchés, garanties pour les particuliers...), être
autorisée par une loi ou par la Commission nationale de protection des
données.
b) Les autres lois posent le principe de l'interdiction du transfert de données nominatives entre administrations
Cette
interdiction est explicite en Australie. Elle est implicite en Allemagne, au
Royaume-Uni et en Nouvelle-Zélande.
L'interdiction est explicite en Australie
La loi fédérale de 1988 sur la vie privée énonce
les principes que les administrations et les organismes chargés d'une
mission de service public doivent respecter lors du traitement des
données personnelles. L'un de ces principes interdit aux gestionnaires
de fichiers de diffuser les données qu'ils détiennent ou
contrôlent.
L'interdiction est implicite en Allemagne, au Royaume-Uni et en
Nouvelle-Zélande
En Allemagne et au Royaume-Uni, le principe de finalité, selon lequel
les données personnelles ne peuvent être utilisées que pour
servir l'objectif qui a justifié leur collecte, fait partie des
principes fondamentaux contenus dans la loi générale sur la
protection des données nominatives. Or, le respecter signifie interdire
le transfert des données nominatives à des tiers.
En Nouvelle-Zélande, le fait que l'information doive être
collectée directement auprès de la personne concernée fait
partie des principes fondamentaux. Ce principe interdit également le
transfert des données nominatives entre gestionnaires de fichiers.
* *
*
Cette interdiction générale n'empêche pas les rapprochements de données, réalisés automatiquement ou non, car les principes susmentionnés sont assortis d'exceptions. C'est ainsi que souvent une loi particulière autorise expressément ce que la loi générale sur la protection des données personnelles interdit.
2) Tous les pays étudiés, sauf le Portugal, ont adopté des dispositions législatives permettant le rapprochement des données fiscales et sociales
En Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Australie et en Nouvelle-Zélande, des dispositions législatives autorisent le rapprochement des données fiscales et sociales, mais ces opérations sont organisées de façon assez différente dans ces cinq pays.
a) Aux Pays-Bas, plusieurs textes permettent le rapprochement des données fiscales et sociales par l'intermédiaire d'un identifiant personnel
Le
rapprochement des données fiscales et sociales est prévu dans
différents textes, notamment dans les textes régissant les
différentes prestations sociales. Il s'effectue grâce au
numéro d'identification sociale et fiscale
.
La loi sur les impôts du Royaume le définit ainsi :
"
le numéro d'identification sociale et fiscale est le
numéro sous lequel une personne physique est enregistrée
auprès des services fiscaux ; ce numéro sert de
numéro d'enregistrement aux assurés sociaux et aux
bénéficiaires des prestations sociales pour l'exécution
des dispositions relatives à la sécurité
sociale
".
Initialement conçu pour les besoins internes de l'administration
fiscale, ce numéro a vu son champ d'application s'étendre au
domaine des prestations sociales, de sorte qu'actuellement, il est
utilisé par exemple par les services sociaux municipaux, les services du
ministère du Logement ou l'organisme responsable du financement des
études lorsqu'une personne demande une allocation d'aide sociale, une
allocation logement ou une bourse d'études. En règle
générale, le service qui traite la demande peut, grâce au
numéro d'identification sociale et fiscale, vérifier
auprès d'autres organismes que les informations fournies par le
demandeur correspondent à celles qu'il a données ailleurs.
b) La loi néo-zélandaise sur la protection des données autorise certains rapprochements de données, en particulier celui des données fiscales et sociales
La
protection des données personnelles est régie par la loi de 1993
sur la vie privée, qui comporte notamment les règles applicables
au rapprochement des données.
En effet, la loi néo-zélandaise autorise certains services
administratifs ou organismes chargés d'une mission de service public
à rapprocher leurs données. La liste des
bénéficiaires de cette mesure est limitative, car elle reprend
les services qui avaient été autorisés à effectuer
des opérations de rapprochement par voie législative avant
l'adoption de la loi de 1993.
Les administrations fiscale et sociale font partie des services
autorisés à
rapprocher leurs données
, et l'un
des principaux programmes de rapprochement vise à déterminer les
personnes qui ont un emploi rémunéré et qui
perçoivent une prestation à laquelle elles n'ont pas droit.
La loi de 1993, qui interdit l'attribution d'un numéro d'identification
universel, n'exclut pas l'utilisation des numéros d'identification pour
réaliser des opérations de rapprochement.
La loi soumet les services qui réalisent entre eux des
opérations de
rapprochement à des contraintes
sévères
: ils doivent conclure un accord écrit
fixant les modalités du transfert de données, et tout programme
de rapprochement doit faire l'objet d'un protocole très
détaillé. Ils ne peuvent conserver les données
communiquées plus de soixante jours, à moins qu'une anomalie
n'ait été détectée et qu'une mesure de correction
ne doive être prise.
La loi veille également à respecter les droits des
particuliers
, qui doivent être informés de la
réalisation de telles opérations, par des campagnes d'information
radiotélévisées par exemple. De plus, les anomalies
détectées doivent leur être communiquées par lettre
et, pendant un délai de cinq jours permettant aux personnes mises en
cause de fournir des explications, aucune action ne peut être entreprise.
Le Commissaire à la vie privée
, qui est l'organisme qui
veille au respect de la loi sur la protection des données personnelles,
contrôle étroitement les
opérations de
rapprochement
: il reçoit copie des accords fixant les
conditions des échanges d'informations, ainsi que des protocoles des
programmes de rapprochement. Il peut demander aux services réalisant de
tels programmes des informations très précises sur les
opérations entreprises, et il doit consacrer une partie de son rapport
annuel à cette question.
c) Des lois spécifiques régissent le rapprochement des données fiscales et sociales en Allemagne, au Royaume-Uni et en Australie
Le
code social allemand
autorise les organismes de sécurité
sociale à transmettre les données personnelles qu'ils
gèrent dans plusieurs cas limitativement énumérés,
parmi lesquels "
l'accomplissement d'une obligation légale
consistant à fournir des informations
", notamment lorsque
celles-ci permettent de "
garantir le recouvrement de
l'impôt
".
En
Australie, la loi de 1990 sur le rapprochement des données
fiscales et sociales
autorise les échanges de données entre
l'administration fiscale et les organismes attribuant des prestations sociales,
le rapprochement de ces données entre elles et la communication des
résultats de ce rapprochement à l'administration qui a fourni les
données. La loi de 1990 décrit très
précisément les différentes étapes des
opérations de rapprochement et, tout comme la loi
néo-zélandaise, les conditions dans lesquelles elles se
déroulent.
La loi de 1990 s'applique aux seules interconnexions
effectuées par l'intermédiaire du numéro d'identification
fiscale
.
Les autres sont régies par les
directives du Commissaire à la
vie privée
, qui, juridiquement, n'ont aucune valeur contraignante.
Ces directives insistent sur le fait que seul l'intérêt public
peut justifier des opérations de rapprochement et
énumèrent les obligations que les responsables de ces
opérations doivent respecter (information détaillée du
Commissaire à la vie privée, durée de conservation
limitée des données transmises, information des personnes
concernées...). Elles sont en particulier utilisées lorsque, sur
la base de la loi sur l'assiette de l'impôt sur le revenu,
l'administration fiscale fournit des informations au ministère de la
Sécurité sociale pour lui permettre d'appliquer la loi sur les
pensions et prestations.
A l'image de l'Australie, le
Royaume-Uni
a adopté en 1997
la
loi relative à l'administration de la sécurité sociale en
matière de fraude
, qui
légitime certains flux
d'informations entre administrations, dans la mesure où
ils sont
organisés dans le but de lutter contre la fraude
. La loi autorise
notamment l'administration fiscale à fournir des données
personnelles aux administrations chargées de la gestion des cotisations
et des prestations sociales lorsque le transfert est justifié par :
la prévention, la détection, l'examen ou la poursuite des
infractions relatives à la sécurité sociale, ou la
vérification de l'exactitude des informations fournies par les
assurés.
La loi a été complétée par un
code de bonne
conduite du ministère de la Sécurité sociale
, qui
précise notamment les durées de conservation des données
transférées.
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Parmi les six pays étudiés, le Portugal est le seul qui n'ait jusqu'à maintenant pas adopté de dispositions législatives définissant précisément les possibilités de rapprochement des données fiscales et des données sociales.