NOTE DE SYNTHESE
La
présente étude décrit les conséquences
patrimoniales du divorce dans cinq pays étrangers, l'
Allemagne
,
l'
Angleterre
et le
Pays de Galles
, le
Danemark
,
l'
Espagne
et la
Suisse
, ainsi qu'en France.
Pour chacun de ces pays, elle présente les principales
caractéristiques de la pension due aux enfants et des différents
transferts financiers et patrimoniaux entre conjoints après le
prononcé du divorce. Elle décrit aussi la liquidation du
régime matrimonial et précise le sort du logement familial
à l'issue du divorce.
Dans tous les pays retenus, les règles fixées par la loi ne
s'appliquent que subsidiairement, c'est-à-dire à défaut
d'accord entre les parties. Cependant, certains accords, notamment ceux qui
concernent les enfants, doivent être ratifiés par le juge.
Même si les conséquences patrimoniales du divorce sont le plus
souvent arrêtées par accord entre les conjoints, seules les
dispositions législatives ont été analysées.
Compte tenu de la discussion qui s'est engagée en France sur la
réforme de la prestation compensatoire et, à un degré
moindre, sur la pension alimentaire due aux enfants, la présente note de
synthèse ne porte que sur ces deux aspects, et plus
particulièrement sur les points débattus actuellement.
En effet, la loi française de 1975 avait pour objectif de
libéraliser et de dédramatiser le divorce en essayant d'en
régler définitivement les conséquences pécuniaires,
auparavant source d'un important contentieux. Or, l'application de cette
réforme, notamment le paiement de la prestation compensatoire, a
créé certaines situations intolérables non seulement pour
le débiteur, mais aussi pour ses héritiers.
Le rapport du groupe de travail " Droit de la famille ",
présidé par Mme Dekeuwer-Defossez, a proposé
d'adopter un certain nombre de mesures visant à réformer la
prestation compensatoire. Dans l'ensemble, ces mesures correspondent à
celles qui sont contenues dans les diverses propositions de loi qui ont
été déposées sur ce sujet, tant à
l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
Le 23 février 2000, l'Assemblée nationale a adopté,
à l'unanimité, les dispositions suivantes :
- détermination du montant de la prestation compensatoire en fonction de
la situation professionnelle des conjoints ou de leurs perspectives d'emploi,
ainsi que de la durée du mariage ;
- versement de la prestation compensatoire sous forme de capital, qui pourrait
être constitué par des versements réguliers pendant une
durée en principe limitée à huit ans ;
- possibilité exceptionnelle et dûment motivée de fixer la
prestation compensatoire sous forme de rente viagère ;
- possibilité ultérieure de transformer une rente viagère
en capital ;
- possibilité de réduction, voire de suppression, de la
prestation compensatoire versée sous forme de rente viagère,
à la demande du débiteur ou de ses héritiers, en cas de
"
changement important dans les ressources des parties
",
c'est-à-dire non seulement en cas de diminution des revenus du
débiteur, mais aussi d'amélioration de la situation du
créancier ;
- au décès du débiteur, déduction du montant de
la pension de réversion perçue par le créancier du montant
de la prestation compensatoire.
De plus, ces mesures seraient, dans certaines conditions, applicables aux
prestations compensatoires payées sous forme de rentes attribuées
antérieurement.
En ce qui concerne la pension alimentaire due aux enfants, le rapport de
Mme Dekeuwer-Defossez propose de créer un groupe de travail
chargé de réfléchir à l'élaboration de
barèmes indicatifs pour le calcul du montant de l'obligation parentale
d'entretien. De la même façon, une proposition de loi a
été déposée à l'Assemblée nationale
par M. Yves Nicolin, le 1
er
décembre 1999,
"
tendant à fixer équitablement la contribution à
l'entretien et à l'éducation des enfants en cas de
divorce
". Elle propose d'établir un barème indicatif
tenant compte des revenus du débiteur pour fixer le montant de la
pension alimentaire.
L'examen des législations étrangères permet de mettre en
évidence que :
- les versements périodiques à l'ex-conjoint sont limités
dans le temps dans tous les pays étudiés ;
- leur modification est partout possible ;
- les versements en capital entre conjoints revêtent un caractère
exceptionnel ;
- l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, ainsi que la Suisse, ont pris
des dispositions explicites sur le partage des droits à pension de
retraite des conjoints divorcés ;
- à l'exception de l'Espagne, tous les pays retenus utilisent des
barèmes pour le calcul des pensions alimentaires dues aux enfants.
I. DANS TOUS LES PAYS ETUDIES, LES VERSEMENTS PERIODIQUES A L'EX-CONJOINT
SONT LIMITES DANS LE TEMPS ET REVISABLES
1) Sauf en Espagne, ces versements ont le caractère d'une pension
alimentaire permettant de faire face à des difficultés
financières passagères
a) En Espagne, le conjoint divorcé ne peut obtenir qu'une prestation
compensatoire
Le code civil la définit comme une pension versée à l'un
des conjoints lorsque "
la situation ou le divorce produit un
déséquilibre économique par rapport à la position
de l'autre conjoint, entraînant une dégradation de sa situation
par rapport à celle qu'elle était dans le mariage
".
b)
Dans les autres pays, le conjoint divorcé peut essentiellement
obtenir une pension alimentaire
Seuls l'Angleterre et le Pays de Galles, ainsi que le Danemark,
prévoient que le conjoint divorcé puisse, le cas
échéant, obtenir de son ex-époux autre chose qu'une
pension alimentaire fondée sur l'" obligation d'entretien ".
Dans le premier de ces pays, un capital ou un bien peut être
octroyé en sus ou en remplacement de la pension alimentaire. Dans le
second, un capital peut être attribué à titre de prestation
compensatoire, que l'époux bénéficiaire ait ou non droit
à une pension alimentaire.
En revanche, en Allemagne et en Suisse, le conjoint divorcé ne peut
recevoir qu'une pension alimentaire.
Dans aucun des pays étudiés, l'octroi de la pension
alimentaire n'est automatique. Il dépend toujours de la situation de
besoin du demandeur
. La pension alimentaire ne constitue un droit que si
les revenus ou le patrimoine de l'un des époux ne lui permettent pas de
subvenir seul à ses besoins.
Ainsi, en Allemagne, le code civil oblige le demandeur à utiliser son
capital avant de solliciter une pension alimentaire.
En Angleterre et au Pays de Galles, la loi oblige le juge à envisager la
rupture des obligations financières mutuelles des époux
immédiatement après le prononcé du divorce.
Au Danemark, pour obtenir une pension alimentaire, il faut que le demandeur
dispose d'un revenu mensuel inférieur à la moyenne des salaires
et, s'il n'y a pas d'enfants, que le mariage ait duré au moins cinq ans.
De plus, en règle générale, le paiement d'une pension
alimentaire n'est pas imposé à quelqu'un dont le revenu mensuel
est inférieur à 13 000 francs, même si les
revenus de son ex-conjoint sont inférieurs.
En Suisse, le nouveau droit du divorce consacre le principe de la rupture nette
entre les ex-époux : le versement d'une pension alimentaire n'est
plus la règle. Il doit être justifié par
l'impossibilité qu'éprouve l'un des conjoints de subvenir
à ses besoins.
2) Quelle que soit la nature des versements, leur durée est
limitée
En Allemagne, depuis la loi du 20 février 1986, le juge peut
limiter dans le temps la pension alimentaire ou prévoir sa diminution
progressive.
En Angleterre et au Pays de Galles, le législateur encourage l'autonomie
financière des époux divorcés et la loi oblige le juge,
lorsqu'il a retenu le principe du versement d'une pension, à
prévoir une durée limitée. Il n'est donc pas rare que la
durée de versement de la pension soit limitée à deux ou
cinq ans.
Au Danemark, le juge doit également, sauf circonstances exceptionnelles,
prévoir une durée de versement limitée, qui ne peut pas
dépasser dix ans. La plupart du temps, les pensions sont versées
pendant cinq, huit ou dix ans. Le versement d'une pension viagère est
rarement imposé : il faut pour cela que le mariage ait duré
plus de vingt ans, que le bénéficiaire n'ait jamais
travaillé, ait au moins quarante-cinq ans et n'ait aucune
perspective de trouver un emploi.
De même, en Suisse, le versement de la pension alimentaire est
limité dans le temps, de façon à permettre à
l'époux en difficulté au moment du divorce de s'adapter à
sa nouvelle situation.
Cette limitation correspond bien à la notion de pension alimentaire, qui
doit permettre à l'un des époux de surmonter une situation de
besoin temporaire. Cependant, elle s'applique également en Espagne,
où le droit à prestation compensatoire cesse lorsque son
bénéficiaire retrouve un niveau de vie équivalent à
celui qu'il avait pendant le mariage.
3) La durée des versements peut être inférieure à
celle qui a été initialement fixée
Des événements peuvent mettre fin aux versements. Il s'agit
essentiellement du remariage du bénéficiaire ou du
décès du débiteur.
a) Le remariage entraîne toujours la disparition des versements entre
conjoints
En cas de remariage, le bénéficiaire de la pension alimentaire
cesse d'y avoir droit en Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles, au
Danemark et en Suisse.
Il en va de même en Espagne pour le bénéficiaire de la
prestation compensatoire.
b)
En cas de décès du débiteur, l'Allemagne et
l'Espagne sont les seules à transmettre la dette aux héritiers
En Angleterre et au Pays de Galles, au Danemark et en Suisse, le
décès du conjoint débiteur entraîne la fin de
l'obligation alimentaire. La pension n'est donc jamais payée par les
héritiers.
En Allemagne, l'obligation alimentaire ne s'éteint pas au
décès du débiteur, car elle est transmise à ses
héritiers. Il en va de même pour la prestation compensatoire en
Espagne.
Toutefois, en Espagne, les héritiers peuvent demander au juge la
diminution ou la suppression de la prestation compensatoire si la succession
n'est pas suffisante pour en assurer le paiement ou si la part des
héritiers réservataires risque d'être affectée.
Le code civil allemand ne prévoit aucune mesure explicite comparable,
mais les héritiers peuvent se fonder sur un changement substantiel des
éléments déterminant le calcul de la pension alimentaire
pour en demander la modification.
4) Les versements périodiques sont révisables
Dans chacun des pays étudiés, la modification de la prestation
versée à l'un des conjoints peut être demandée sur
le fondement d'un changement important de la situation économique de
l'un ou de l'autre.
Si la demande est acceptée, la pension alimentaire peut être
augmentée ou diminuée en Allemagne, en Angleterre et au Pays de
Galles, au Danemark et en Suisse. En revanche, la prestation compensatoire
espagnole peut seulement être réduite.
II. DANS TOUS LES PAYS, LES VERSEMENTS EN CAPITAL ENTRE CONJOINTS REVETENT
UN CARACTERE EXCEPTIONNEL
En Allemagne et en Suisse, le juge peut, dans la mesure où les
circonstances le permettent, ordonner le versement de la pension alimentaire
sous forme d'un capital. Dans la plupart des cas, la pension alimentaire est
versée sous forme d'une rente.
De même, en Espagne, si la prestation compensatoire est normalement
versée sous forme de mensualités fixes, les conjoints peuvent,
à tout moment, décider de lui substituer la remise d'un bien, le
versement d'un capital ou l'usufruit de certains biens.
Au Danemark, lorsque l'un des époux possède des biens propres,
l'autre peut
demander au juge de lui accorder une somme qui compense la
perte de ressources
consécutive au divorce
. Cette
décision est prise indépendamment de celle qui concerne la
pension.
En revanche, en Angleterre et au Pays de Galles, le juge a toute latitude
pour ordonner à l'un des conjoints le paiement d'une somme forfaitaire
à l'autre ou pour procéder à des ajustements de
patrimoine. Ces deux catégories d'ordonnances, qui ne sont en principe
pas révisables,
peuvent remplacer ou compléter les
ordonnances relatives au paiement de la
pension alimentaire
.
Lorsqu'un tribunal anglais ordonne à un époux de verser à
son conjoint une somme forfaitaire, il dispose d'une grande liberté
d'action. Il peut, en fonction des circonstances, indiquer que le paiement sera
fractionné ou préciser que les sommes dont le versement est
différé porteront intérêt. Il peut aussi, pour
faciliter le paiement de cette somme, ordonner la vente d'un bien
possédé par l'un ou l'autre des époux. Il dispose
également de larges pouvoirs pour rendre des ordonnances d'ajustement
patrimonial. Il peut ainsi ordonner à un des époux de
transférer à l'autre la propriété d'un bien ou de
lui céder les droits -un droit d'usufruit par exemple- qu'il a sur un
bien.
III. L'ALLEMAGNE, L'ANGLETERRE ET LE PAYS DE GALLES, AINSI QUE LA SUISSE,
ONT EDICTE DES DISPOSITIONS LEGISLATIVES SUR LES DROITS A PENSION DE RETRAITE
DU CONJOINT DIVORCE
Pour tenir compte du fait qu'un époux n'a pas pu exercer une
activité professionnelle ou a eu une activité professionnelle
moins rémunérée que celle de son conjoint, par exemple
parce qu'il a dû s'occuper de l'éducation des enfants,
l'Allemagne, l'Angleterre et le Pays de Galles, ainsi que la Suisse, ont
prévu le
partage des droits à pension de retraite acquis
pendant le mariage
.
En Allemagne, le juge statue d'office sur cette question, même lorsque le
divorce ne se traduit pas par le versement d'une pension alimentaire. Les
époux ont toutefois la possibilité de conclure un accord sur
cette compensation. En règle générale, celui qui a acquis
les droits les plus élevés est tenu de verser à son
ex-conjoint la moitié de la différence. Il en va de même en
Suisse où, depuis le 1
er
janvier 2000, les droits acquis
pendant le mariage auprès de caisses de retraite sont partagés
par moitié, indépendamment du régime matrimonial et de la
cause du divorce, le juge pouvant néanmoins s'opposer à un tel
partage dans certaines circonstances exceptionnelles. Jusqu'au
31 décembre 1999, le partage des droits à pension de
retraite était limité aux cas où le divorce avait
été prononcé pour faute.
En Angleterre et au Pays de Galles, une loi sur les pensions, adoptée
à la fin de l'année 1999 et qui devrait entrer en vigueur avant
la fin de l'année 2000, donne aux tribunaux la possibilité de
rendre des ordonnances de partage des droits à la retraite lors d'un
divorce. Comme en Allemagne, ce partage devrait se concrétiser par le
transfert d'une partie des droits du titulaire à son ex-conjoint.
Actuellement, les juges anglais ont seulement l'obligation de tenir compte de
l'existence de plans d'épargne retraite au moment de rendre une
décision comportant des dispositions financières.
IV. A L'EXCEPTION DE L'ESPAGNE, TOUS LES PAYS ETUDIES UTILISENT DES BAREMES
POUR LE CALCUL DES PENSIONS DUE AUX ENFANTS
En l'absence de dispositions législatives ou réglementaires
précises permettant de calculer le montant des pensions dues aux
enfants, les juges allemands, suisses et danois recourent à des
barèmes préétablis lorsqu'ils déterminent le
montant des pensions dues aux enfants.
En Allemagne, ils utilisent les tableaux que certains tribunaux ont
établis à partir de leur pratique et qui donnent le montant de la
pension en fonction de l'âge des enfants et des revenus du parent
débiteur. Le plus connu de ces tableaux est le tableau de
Düsseldorf. De même, en Suisse, les juges recourent au tableau de
l'Office des mineurs du canton de Zurich.
Au Danemark, chaque année, le ministère de la Justice publie un
tableau dans lequel il exprime le montant de la pension alimentaire de l'enfant
en fonction de l'âge de ce dernier, des revenus du parent débiteur
et en pourcentage d'une valeur de référence, elle-même
fixée annuellement par le ministère des Affaires sociales.
Dans ces trois pays, les tableaux n'ont qu'une valeur indicative, et les juges
ont l'obligation de tenir compte des particularités de chaque situation.
En Angleterre et au Pays de Galles, la très grande majorité des
pensions dues aux enfants est établie par la
Child Support Agency,
organisme administratif qui dépend du ministère de la
Sécurité sociale. La
Child Support Agency
calcule le
montant des pensions en utilisant une formule mathématique qui comporte
de nombreux paramètres, de sorte que le débiteur éprouve
de grandes difficultés à déterminer à l'avance le
montant de la pension qu'il devra payer. Les parents ont certes la
possibilité de faire appel des décisions de la
Child Support
Agency.
Toutefois, comme le système actuel de détermination
et d'administration des pensions des enfants est très critiqué,
le gouvernement envisage de le réformer. Les pensions seraient alors
calculées en fonction des revenus du parent débiteur.
* *
*
Les comparaisons portant sur les caractéristiques des versements périodiques entre conjoints ont un caractère très relatif. En effet, si l'on excepte l'Espagne, qui a introduit un mécanisme de prestation compensatoire visant à pallier le déséquilibre économique que le divorce crée entre les conjoints, les autres pays estiment que le conjoint divorcé a essentiellement droit à une pension alimentaire qui doit lui permettre de surmonter les difficultés financières qu'il rencontre après le divorce. Sauf au Danemark, le juge statue alors sur le partage des droits à pension, comme s'ils faisaient partie du patrimoine commun aux deux époux.