EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Notre Constitution « ne connaît que le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d'origine, de race ou de religion » 1 ( * ) .
Cette vision française de l'unicité du peuple est le socle fondamental sur lequel reposent nos conceptions de l'unité et de la souveraineté de la nation, et de l'indivisibilité de la République. Elle est un principe cardinal qui irrigue l'ensemble de notre pacte républicain.
Elle est pourtant désormais ébranlée par la progression régulière d'attitudes communautaristes qui, en multipliant les propos et revendications religieux ou ethniques contraires à nos valeurs fondamentales, menacent de déchirer notre tissu national et de fragmenter notre société en une juxtaposition de communautés désunies.
L'essor de l'Islam radical, qui vise notamment à isoler les musulmans du reste de la communauté nationale et à substituer des lois religieuses aux lois de la République, en est l'illustration la plus préoccupante. Antithèse de nos valeurs communes les plus fondamentales, ce projet ouvertement sécessionniste cherche aujourd'hui à s'implanter dans tous les champs de la vie collective, y compris électorale.
Or, si la religion musulmane a naturellement toute sa place dans notre pays, le fondamentalisme islamique ne saurait en aucun cas trouver la sienne dans notre vie politique. Afin de répondre aux défis majeurs posés par sa propagation, une évolution de notre ordre juridique apparaît dès lors indispensable.
C'est la raison d'être de cette proposition de loi qui s'appuie sur nos principes républicains et constitutionnels intangibles. L'article 4 de la Constitution précise que les partis et groupements politiques ne « se forment et exercent leur activité librement » que dans la mesure où ceux-ci « respectent les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».
Ces principes de la souveraineté nationale et de la démocratie sont, selon le préambule de la Constitution de 1958, « définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Ils incluent ainsi, par exemple, l'égalité des droits, notamment entre les femmes et les hommes, l'égalité devant la loi ou encore la liberté d'opinion. Plus largement, ils incluent également, en vertu du préambule de 1946, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au sein desquels, comme l'a expressément jugé le Conseil d'État, la laïcité occupe une place absolument centrale. Celle-ci est d'ailleurs le seul exemple cité à ce jour par le Conseil constitutionnel de « principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France » (commentaire de la décision n° 2008-564 DC), ce qui en fait une valeur qui relève de ce que l'on peut considérer comme l'ADN de la République.
La présente proposition de loi vise ainsi en premier lieu à affirmer clairement dans la législation que les partis et groupements politiques sont tenus de respecter ces principes, tant pour leur financement qu'en matière électorale que dans le cadre de l'exercice du mandat électif.
Dans le cadre des campagnes électorales, cette exigence se traduirait par une interdiction de tout élément, direct ou indirect, relevant de discours contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité et qui soutiennent les revendications d'une section du peuple fondées sur l'origine ethnique ou l'appartenance religieuse. Il s'agit là de comportements graves puisque de telles revendications manifestent l'intention des candidats d'accorder ou de refuser des droits en fonction de ces considérations.
L'objectif des auteurs de la présente proposition de loi n'est donc pas d'interdire à un candidat, s'il en éprouve le besoin, de mentionner son origine ethnique ou son éventuelle appartenance religieuse, car cette mention n'a rien, en elle-même, d'un discours contraire aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité.
L'interdiction supposera la contestation de nos valeurs fondamentales et, en définitive, l'intention affichée de postuler à des fonctions électives dans le but de porter atteinte à l'unicité de la République. Les listes ou les candidats qui méconnaitraient cette prescription perdraient tout droit à un financement public, verraient leurs affiches électorales retirées et pourraient être purement et simplement exclus de l'élection.
Attendre que de tels candidats soient élus en comptant sur l'exercice du contrôle de légalité ou du contrôle de constitutionnalité, comme le proposent certains, relève de l'angélisme et traduit une méconnaissance évidente du fonctionnement des pouvoirs publics tant nationaux que locaux.
Il est aussi nécessaire de prévoir d'autres dispositions relatives aux conditions d'exercice de leur mandat par les élus. La charte de l'élu local devrait ainsi comprendre l'obligation de se conformer, dans l'exercice des fonctions électives, aux valeurs de la République, et donc au principe de laïcité qui impose notamment de ne manifester aucune opinion religieuse comme par exemple au travers du port d'un signe ostentatoire.
L'exigence posée par l'article 4 de la Constitution selon laquelle les partis et groupements politiques doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie doit être scrupuleusement respectée . Ces principes doivent s'entendre au sens donné par le texte constitutionnel, à savoir, selon son Préambule, les « principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 ». Au nombre de ces principes figurent donc, entre autres, l'égalité des droits (article 1 er de la DDHC), et notamment entre la femme et l'homme (alinéa 3 du Préambule de 1946), l'égalité devant la loi (article 6 de la DDHC), la liberté d'opinion (article 10 de la DDHC) et, comme l'a maintes fois affirmé le Conseil constitutionnel, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République (liberté individuelle, liberté de l'enseignement...).
Il ne fait aucun doute que la laïcité relève bien des principes de la souveraineté nationale : elle participe de l'idéal « de liberté, d'égalité et de fraternité » à la racine duquel, selon le Préambule de la Constitution, se trouvent ces principes ; certaines de ses composantes elles-mêmes découlent de la DDHC (liberté de conscience) et le Conseil constitutionnel a d'ailleurs fait sienne l'affirmation de son ancien secrétaire général, M. Olivier Schrameck, pour qui la Déclaration de 1789 « constitue le terreau spirituel » de la laïcité (commentaire de la décision n° 2012-297 QPC du 21 février 2013). On ne saurait d'ailleurs oublier la jurisprudence déjà évoquée du Conseil d'État, dépourvue de toute ambigüité : « les préambules des constitutions des 27 octobre 1946 et 4 octobre 1958 ont réaffirmé les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, au nombre desquels figure le principe de laïcité » (n° 219379 du 6 avril 2001).
L' article 1 er exclut qu'un candidat aux élections législatives qui a ouvertement mené une campagne communautariste, en tenant des propos contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d'une section du peuple fondées sur l'origine ethnique ou l'appartenance religieuse, soit pris en compte pour l'attribution d'une aide financière au parti ou au groupement politique qui l'a présenté.
L' article 2 interdit de déposer, pour les élections donnant lieu à un scrutin de liste, des listes dont le titre affirmerait, même implicitement, qu'elles entendent contrevenir aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d'une section du peuple fondées sur l'origine ethnique ou l'appartenance religieuse.
L' article 3 est le complément du précédent : il interdit que la propagande électorale se prête à de telles dérives, par exemple lors des réunions ou sur les affiches ou professions de foi des candidats. Il ne servirait en effet à rien d'interdire ces provocations dans le titre d'une liste si elles pouvaient être ensuite commises impunément durant la campagne. Notons que cet article s'applique à toutes les élections, qu'elles donnent ou non lieu à des listes, car il est bien évident que le respect des valeurs de la République par les candidats ne saurait dépendre du mode de scrutin.
Afin de renforcer l'efficacité des interdictions qu'il édicte, ce même article 3, d'une part, investit le préfet de la mission de faire procéder au retrait des affiches contenant des propos (ou des images s'y assimilant) contraires aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité ayant pour objet de soutenir les revendications d'une section du peuple fondées sur l'origine ethnique ou l'appartenance religieuse et, d'autre part, prévoit la possibilité pour le juge, saisi sans délai par le préfet, d'exclure un candidat qui, pendant la campagne, aurait manifestement contrevenu aux principes de la souveraineté nationale, de la démocratie ou de la laïcité afin de soutenir les revendications d'une section du peuple fondées sur l'origine ethnique ou l'appartenance religieuse.
L' article 4 inscrit dans la charte de l'élu local l'obligation de respecter les valeurs de la République, parmi lesquelles le principe de laïcité.