EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'objectif de cette proposition de loi est de préciser l'application de la lutte contre l'artificialisation des sols. Dans le prolongement de la nouvelle réglementation issue de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, cette proposition de loi prévoit une adaptation des objectifs au niveau des communes, en fonction de leurs spécificités démographiques et géographiques.
Cette proposition de loi précise ainsi que les objectifs de la lutte contre l'artificialisation des sols doivent être adaptés aux besoins des communes rurales. Elle concourt ainsi à renforcer la pertinence et l'intelligibilité du principe de lutte contre l'artificialisation des sols.
Les contraintes qui pèsent sur les communes rurales pénalisent fortement le développement des communes rurales
Cette proposition de loi répond à un besoin concret, exprimé par les maires des communes rurales partout en France depuis plusieurs années, relatif à la difficulté à pouvoir obtenir des permis de construire, pourtant en nombre réduit et d'ampleur limitée. Dans de nombreux cas, ces maires se heurtent à des applications sans nuance de la règlementation du code de l'urbanisme et du code des collectivités territoriales conduisant, notamment, à des refus de permis de construire entrainant la diminution de la population et la disparition de services. Faute de projet et faute de pouvoir se développer, ces communes connaissent une dévitalisation.
Les interrogations et l'incompréhension des élus et de la population des communes rurales sont fortes face à l'application de l'objectif de réduction de l'artificialisation des sols indistinctement des situations locales. Le décalage entre le terrain et les codes juridiques s'est encore accru avec la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Celle-ci prévoit pour toutes les collectivités territoriales, que le rythme d'artificialisation devra être divisé par deux d'ici 2030 et que le « zéro artificialisation nette » devra être atteint à terme. Ce faisant la réglementation a renforcé les contraintes qui pèsent sur les communes rurales et pénalise fortement leur développement.
Le rééquilibrage de l'urbanisation et des dynamiques territoriales ne doit pas être freiné par la lutte contre l'artificialisation des sols
L'un des risques de la lutte contre l'artificialisation des sols est de figer la situation sans tenir compte des enjeux locaux qui sont différents selon les communes. Le rééquilibrage de l'urbanisation et des dynamiques territoriales ne doit pas être freiné par la lutte contre l'artificialisation des sols qui empêcherait le développement des communes très peu denses. Dans cette perspective, le développement rural est une des solutions aux problèmes de l'urbanisation des villes et répond aux aspirations de nombreux habitants, notamment depuis la crise sanitaire. Or, pour répondre aux attentes de la population et se développer, les communes rurales ont besoin d'accroitre leurs offres de logement. Faute de pouvoir le faire, les communes rurales se trouvent pénalisées.
L'habitat est un enjeu central pour les communes rurales, avec ses spécificités
L'habitat est donc un enjeu central pour les communes rurales avec des problématiques et des spécificités, déjà reconnues juridiquement à travers les communes de montagne, les zones de revitalisation rurales ainsi que la protection de l'activité agricole et de l'environnement. Dans ces secteurs, les enjeux de l'habitat sont à distinguer de ceux des communes urbaines. Conséquemment, le principe d'absence artificialisation nette des sols à l'horizon 2040 n'a de sens que s'il est pensé à l'échelle locale la plus fine, celle des communes, et s'il tient compte des dynamiques territoriales différenciées, ce que traduisent d'ailleurs localement les Schéma régionaux d'aménagement de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET), les Schéma de cohérence territoriale (SCoT), les Plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi) et les Plans locaux d'urbanisme (PLU) ou cartes communales. La non artificialisation des sols doit donc être adaptée sur tout le territoire pour répondre à sa diversité.
L'adaptation du principe de non artificialisation des sols prévue par la loi mais insuffisamment mis en oeuvre
Dans son titre V « se loger », la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, a prévu des mesures pour lutter contre l'artificialisation des sols en adaptant les règles d'urbanisme. Il est également prévu, à l'article L141-8 du Code de l'urbanisme, que les objectifs peuvent varier en tenant compte « de la diversité des territoires urbains et ruraux, des stratégies et des besoins liées au développement rural ainsi qu'à la revitalisation des zones rurales et des communes rurales ». Cependant, si cette différenciation est possible, elle n'est que facultative et insuffisamment mis en oeuvre.
Cette proposition de loi apporte une solution en précisant l'application des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols pour les communes peu denses et très peu denses. Les objectifs doivent être adaptés aux spécificités et besoins des communes peu denses et très peu denses.
Une adaptation des objectifs justifiée par la très forte hétérogénéité de la répartition spatiale de la population et des types de communes
La proposition de loi se fonde sur la grille de densité communale. Cet indicateur caractérise les communes en fonction de la répartition de la population sur leur territoire. Plus la population de la commune est concentrée et nombreuse, plus la commune est considérée comme dense. En France, la grille définit quatre niveaux de densité : les communes densément peuplées, les communes de densité intermédiaire, les communes peu denses et les communes très peu denses. Ces deux derniers niveaux correspondent aux communes rurales, pour lesquelles l'application de la lutte contre l'artificialisation des sols pose problème.
En effet, l'application uniforme de la lutte contre l'artificialisation des sols est contraire à la diversité des territoires qui transparaît clairement de la grille de densité communale. D'après l'INSEE ( La France et ses territoires - INSEE Références - Edition 2021 ), en 2017, les communes densément peuplés représentent 38 % de la population totale mais seulement 1,5 % de la superficie de la France et 2 % des communes françaises. A l'inverse, les communes peu denses représentent 29 % de la population mais 59 % de la superficie et 54 % des communes. Les communes très peu denses représentent 4 % de la population mais 29 % de la superficie et 34 % des communes.
Ces constats illustrent la très forte hétérogénéité de la répartition spatiale de la population et des types de communes qui en résultent. La densité communale est donc un indicateur et un outil pertinent pour prévoir les modulations nécessaires dans la lutte contre l'artificialisation des sols afin de mieux prendre en compte la diversité des territoires urbains et ruraux. Cette proposition de loi s'appuie donc sur les particularités démographiques et géographiques des communes peu denses, très peu denses pour favoriser le développement de la ruralité et des communes rurales.
L'objectif de lutte contre l'artificialisation des sols doit tenir compte de cette diversité et être adapté aux spécificités et aux besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens des données statistiques de densité établies par l'INSEE.
Considérant l'ensemble de ces motifs,
L'article 1 er modifie l'article du code de l'urbanisme précisant les objectifs que doivent atteindre l'action des collectivités publiques en matière d'urbanisme, dans le respect des objectifs du développement durable. La proposition complète cet article en précisant que l'objectif doit être adapté en fonction de la diversité des territoires urbains et ruraux, pour tenir compte des spécificités et des besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens de l'INSEE.
L'article 2 complète l'article du code de l'urbanisme précisant la manière dont les objectifs mentionnés à l'article précédent, sont atteints. Il est précisé, d'une part, que l'atteinte de ces objectifs est adaptée en fonction de la diversité des territoires urbains et ruraux pour tenir compte des spécificités et des besoins des communes peu denses et très peu dense, au sens de l'INSEE. Il est précisé, d'autre part, que le décret en Conseil d'État fixant les conditions d'application de l'article doit tenir compte de la diversité des territoires urbains et ruraux et que les documents de planification et d'urbanisme doivent être élaborés en fonction des spécificités et des besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens
L'article 3 complète l'article du code de l'urbanisme qui prévoit la réduction du rythme de l'artificialisation, en indiquant que cet objectif tient compte de la diversité des territoires urbains et ruraux. Il est adapté aux spécificités et aux besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens de l'INSEE.
L'article 4 précise dans l'article du code de l'urbanisme indiquant que la réalisation des objectifs de réduction de l'artificialisation des sols peut se décliner par secteur géographique, d'une part, que le document d'orientation et d'objectifs tient compte de la diversité des territoires urbains et ruraux et, d'autre part, que ce document est adapté aux spécificités et aux besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens de l'INSEE.
L'article 5 complète l'article du code des collectivités territoriales relatif aux modalités de la lutte contre l'artificialisation des sols en précisant que les objectifs et ses déclinaisons entre les différentes parties du territoire doivent tenir compte de la diversité des territoires urbains et ruraux, d'une part, et être adaptés aux spécificités et aux besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens de l'INSEE, d'autre part.
L'article 6 précise dans l'article du code des collectivités territoriales relatif à la trajectoire permettant d'aboutir à l'absence de toute artificialisation nette que cet objectif doit tenir compte de la diversité des territoires urbains et ruraux et qu'il est adapté aux spécificités et aux besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens de l'INSEE.
L'article 7 complète l'article du code des collectivités territoriales relatif au schéma d'aménagement régional des régions de Guadeloupe et de La Réunion, les collectivités territoriales de Guyane et de Martinique et le Département de Mayotte, que les objectifs de réduction du rythme de l'artificialisation doivent tenir compte de la diversité des territoires urbains et ruraux et qu'il est adapté aux spécificités et aux besoins des communes peu denses et très peu denses, au sens de l'INSEE.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi.