EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En France et partout dans le monde, le mois de juillet 2019 aura officiellement été - selon les données du service européen Copernicus sur le changement climatique - le mois le plus chaud jamais mesuré. En août de la même année, l'Amazonie comme l'Afrique subsaharienne ont fait face à des feux de grande ampleur qui représentent tant une perte inestimable de biodiversité qu'une émission supplémentaire de gaz à effet de serre, estimée entre 25 à 35 % des émissions annuelles totales selon l'Agence spatiale européenne.
Ces phénomènes climatiques récents ne feront que s'accentuer, aggravés par le réchauffement climatique mondial que la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques souhaite « limiter » entre 1,5 °C et 2 °C d'ici 2100.
Au regard de cette véritable urgence climatique, la nécessaire transition écologique et énergétique passera aussi bien par une évolution de nos modèles de production que de consommation. Mais cette évolution majeure nécessite d'accroître l'investissement public et privé dédié, à l'heure où les investissements publics nets sont négatifs en Europe et que l'épargne privée s'accumule, faute de catalyseurs. En France comme en Europe, les investissements nécessaires sont ainsi estimés entre 2,5 et 4 % du PIB, soit un montant entre 55 et 85 milliards d'euros en France quand les investissements s'élevaient à 31 milliards d'euros en 2017, ménages, entreprises et acteurs publics confondus. De tels investissements pourraient être co-financés par les pouvoirs publics, afin de remédier aux défaillances du marché ou à des situations d'investissement non optimales, d'attirer les investisseurs privés au lieu de se substituer à eux, et éviter ainsi de favoriser des effets d'aubaine tout en bénéficiant d'un effet de levier.
Un tel investissement est aujourd'hui impossible au regard de nos règles de comptabilité nationale qui considèrent le déficit public comme un besoin net de financement et ne distinguent pas, contrairement aux entreprises, les dépenses de fonctionnement des dépenses d'investissement. Ces dernières devraient pouvoir être amorties sur plusieurs années. La comptabilité nationale, en ne prenant pas en compte l'amortissement des investissements mais en assimilant le montant des investissements pour une année donnée en un besoin de financement, conduit donc à un sous-investissement chronique.
La présente résolution propose ainsi d'exclure du calcul du déficit les fonds publics affectés aux investissements de transition écologique et énergétique.
Au niveau national, cela reviendrait à demander à l'Insee de corriger le calcul du déficit en excluant le montant net des investissements dédiés à la transition écologique et énergétique et en y incluant les charges d'intérêt et la dépréciation du capital.
Au niveau européen, cela reviendrait à utiliser les mécanismes de flexibilité existants. Tout d'abord, la prise en compte de l'investissement public de transition relève des objectifs politiques de l'Union européenne (UE) en matière d'environnement exprimés à l'article 3 du traité sur l'Union européenne. Par la suite, un assouplissement de la clause d'investissement permettant une déviation temporaire de l'objectif de moyen terme en raison d'investissements spécifiques ayant des effets budgétaires de long terme positifs pourrait être envisagé. Enfin, consciente d'un sous-investissement durable en Europe malgré des liquidités suffisantes, la Commission européenne a fait de la relance de l'investissement sa principale priorité avec la mise en place du Plan Juncker, dispositif exceptionnel supposé restaurer la confiance des investisseurs en Europe et permettre le financement de projets d'envergure. Les États membres avaient à ce titre la possibilité de contribuer audit Plan via le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS), leurs contributions étant susceptibles de relever des dérogations du Pacte de stabilité et de croissance.
La présente proposition de résolution pourrait ainsi s'envisager dans le cadre de tels dispositifs de flexibilité adoptés lors des contributions au Plan Juncker et conduisant à ne pas tenir compte des investissements dans l'évaluation de l'objectif budgétaire de moyen terme d'un État. La présente résolution représenterait également un outil national efficace dans le cadre du futur Green Deal européen que souhaite la Commission européenne présidée par Ursula VON DER LEYEN.
Cette proposition de résolution propose enfin une solution alternative aux augmentations de fiscalité liée au carbone et à l'énergie et à l'origine du mouvement des gilets jaunes, les recettes fiscales supplémentaires n'ayant pas été orientées vers le financement de la transition écologique mais vers des allégements de la fiscalité pesant sur d'autres produits, travaux ou revenus.