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N° 603 rectifié
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1er juillet 2010 |
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
visant à garantir l' indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique ,
PRÉSENTÉE
Par Mmes Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, Josiane MATHON-POINAT, M. François AUTAIN, Mme Marie-France BEAUFILS, M. Michel BILLOUT, Mme Annie DAVID, M. Jean-Claude DANGLOT, Mmes Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Mmes Brigitte GONTHIER-MAURIN, Gélita HOARAU, M. Robert HUE, Mme Marie-Agnès LABARRE, M. Gérard LE CAM, Mme Isabelle PASQUET, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mmes Mireille SCHURCH, Odette TERRADE, MM. Bernard VERA et Jean-François VOGUET,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis 1988, le financement de la vie politique est encadré par un régime juridique de plus en plus strict. À ce titre, des obligations de transparence ont été imposées aux partis et aux candidats afin d'éviter les financements occultes, sources d'inégalités et d'éventuelles pressions de la part de la sphère économique et financière.
En 1995, il a enfin été décidé que les personnes morales ne pourraient plus prendre part au financement de la vie politique. Cependant, cette interdiction ne porte que sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques. De plus, elle ne protège pas contre toutes les dérives ; en effet, les personnes morales peuvent être tentées d'utiliser d'autres moyens pour influer sur les décideurs politiques et bénéficier ainsi des décisions de l'État, notamment de l'attribution de marchés publics.
Un vide juridique subsiste s'agissant des décideurs politiques, qu'il s'agisse d'élus, tels les parlementaires ou encore le Président de la République ou des membres du gouvernement.
Ainsi, une fois les candidats élus, rien n'empêche une personne physique ou une personne morale d'octroyer certains avantages, financiers ou en nature, de façon directe ou indirecte, aux parlementaires, aux membres du gouvernement ou encore, au Président de la République.
Si le financement de la vie politique par des personnes physiques présente moins de risque en termes d'indépendance, la question des dons effectués par les personnes morales est en revanche plus complexe.
La législation actuelle présente des insuffisances tant dans son champ d'application, qui est aujourd'hui limité aux seuls partis et candidats, que dans l'effectivité de son application.
Dans sa Recommandation Rec (2003)4, sur les règles communes contre la corruption dans le financement des partis politiques et des campagnes électorales adoptées par le Comité des Ministres le 8 avril 2003, le Conseil de l'Europe a affirmé la nécessité que les règles relatives au financement des partis politiques s'appliquent mutatis mutandis au financement des campagnes électorales des candidats aux élections et au financement des activités politiques des élus.
De plus, en ce qui concerne l'effectivité de l'application des dispositions existantes, la Commission pour la transparence financière de la vie politique a eu l'occasion de relever un certain nombre de lacunes concernant la portée limitée de son contrôle sur les déclarations de patrimoine des parlementaires. Elle souligne notamment « qu'elle ne peut mettre en doute la sincérité des déclarations qui lui sont transmises et ne peut contrôler que ce qui est déclaré. Elle ne dispose notamment d'aucun pouvoir d'investigation. »
Les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du parti de gauche se sont toujours fermement opposés à la mise sous tutelle de la vie politique par des personnes morales.
Aucun financement n'est neutre. Il crée des liens et des obligations en retour. Ces liens et ces obligations sont incompatibles avec l'indépendance des élus.
C'est pourquoi nous souhaitons que la transparence s'applique non seulement aux candidats et aux partis politiques, mais également aux titulaires des fonctions électives et gouvernementales, afin que les citoyens soient informés de leurs liens financiers avec toute personne physique ou morale.
Cette proposition de loi constitutionnelle - accompagnée d'une proposition de loi organique applicable aux membres du Parlement - répond à la nécessité de lever toute opacité affectant la vie politique et de garantir au Président de la République et aux membres du gouvernement, une réelle indépendance.
À cette fin, le présent texte a pour objet d'étendre l'interdiction de recevoir tout don ou avantage, sous quelque forme que ce soit, de personnes morales et de créer une obligation de déclaration des dons provenant de personnes physiques lorsque ces dons excèdent un montant annuel fixé par la loi ordinaire. Il pourrait être de 4 600 euros, à l'instar de la législation actuelle en matière de financement de la campagne des candidats à une élection. Les dons concernés sont soit directs soit indirects. Tout don ou avantage en nature effectué par une tierce personne dont bénéficient également les personnes visées par la présente proposition de loi sont pris en compte dans le calcul des sommes déclarées. Cette nouvelle législation serait applicable au Président de la République (article 1 er ) et aux membres du gouvernement (article 2). Les sanctions applicables sont celles prévues par la Constitution pour le Président de la République, par la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique pour les membres du gouvernement.
C'est donc dans un souci de transparence de la vie politique, condition essentielle du bon fonctionnement de notre démocratie, que les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et des sénateurs du parti de gauche vous soumettent la présente proposition de loi constitutionnelle.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
La Constitution est ainsi modifiée :
1° Après l'article 7, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 7 bis. - Est interdit le fait, pour tout candidat élu à la Présidence de la République, et durant toute la durée de son mandat, de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par des personnes morales. Est également interdit le fait, pour ces personnes morales, de proposer ou de procurer ces avantages.
« Ces dons ainsi définis qui lui sont consentis par des personnes physiques, à l'exception des donations familiales, font l'objet d'une déclaration publique annuelle auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique s'ils excèdent un montant global fixé par la loi. » ;
2° Après l'article 23, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 23 bis . - Est interdit le fait, pour les membres du gouvernement, de recevoir des avantages en nature ou en espèces, sous quelque forme que ce soit, d'une façon directe ou indirecte, procurés par des personnes morales. Est également interdit le fait, pour ces personnes morales, de proposer ou de procurer ces avantages.
« Les dons qui leur sont consentis par des personnes physiques, à l'exception des donations familiales, font l'objet d'une déclaration publique annuelle auprès de la Commission pour la transparence financière de la vie politique s'ils excèdent un montant global fixé par la loi. »