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N° 163
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à mettre en oeuvre une expérimentation en vue de la révision des valeurs locatives des locaux d' habitation ,
PRÉSENTÉE
Par M. François MARC,
Sénateur
(Envoyée à la commission des finances, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les valeurs locatives jouent un rôle important dans le calcul de l'imposition de nos concitoyens et de nos entreprises puisqu'elles déterminent le montant de la plupart des impôts locaux. Or, leur définition conduit aujourd'hui à des différences d'imposition incompréhensibles entre deux biens de même surface, au sein d'une même commune.
L'évaluation des valeurs locatives s'effectue en référence au marché locatif de 1970. Or, celui-ci a profondément évolué depuis cette date, sans qu'aucune révision n'ait été réalisée - en dehors des revalorisations annuelles uniformes sur tout le territoire. Aussi, les valeurs locatives sont-elles totalement déconnectées de la réalité du marché locatif actuel.
En outre, leur évaluation repose sur la prise en compte d'éléments dits « de confort » en 1970 (eau, électricité, installations sanitaires...). La généralisation de ces équipements conduit à rendre ce critère totalement obsolète.
Ainsi, c'est l'année de construction du logement qui constitue le principal déterminant de sa valeur locative, et conditionne donc le montant des impôts locaux à la charge de son occupant et de son propriétaire. Dans un même quartier, pour une surface identique, des contribuables voisins sont amenés à acquitter des montants d'impôts locaux très différents qui ne correspondent en rien ni à l'état de leur logement, ni à leur loyer éventuel. Chacun peut le constater en consultant des proches.
Outre l'opacité de ce système, son injustice a été dénoncée par le Conseil des prélèvements obligatoires, soulignant que « les biens de faible valeur paraissent largement surestimés par les valeurs locatives cadastrales » ; c'est le cas en particulier pour les habitations à loyer modéré (HLM).
Aussi, il est indispensable de recréer un lien entre le mode de calcul de l'impôt et le marché locatif. C'est dans cette perspective que s'inscrit la présente proposition de loi.
Le principe d'une nouvelle révision a été arrêté en 2010. Il a été décidé de distinguer la révision des locaux professionnels et commerciaux de celle des locaux d'habitation. En 2011, une expérimentation a été menée dans cinq départements 1 ( * ) concernant la révision des seuls locaux professionnels et commerciaux ; elle a fait l'objet d'un rapport remis au Parlement début 2012. La commission des finances du Sénat avait alors appelé à la mettre en oeuvre rapidement et à lancer la révision des bases locatives des locaux d'habitation 2 ( * ) .
La révision des bases locatives des locaux professionnels est en cours. Une telle réforme doit cependant être envisagée de façon globale ; aussi, convient-il d'engager dès à présent la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation.
Lors de l'examen du troisième projet de loi de finances rectificative pour 2012 3 ( * ) , à l'initiative de sa commission des finances, le Sénat avait adopté un amendement lançant la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation. Il n'a toutefois pas pu figurer dans la loi, en raison du rejet par le Sénat de l'ensemble du texte.
La présente proposition de loi s'inscrit dans la continuité de cette initiative et fixe les principes d'une expérimentation qui permettra de préciser les modalités de la révision générale des valeurs locatives des locaux d'habitation.
La méthode proposée s'inspire de celle retenue pour les locaux professionnels : il s'agit de permettre à l'administration fiscale de recueillir, à partir de 2014, des données dans plusieurs départements. Celles-ci permettront de réaliser des simulations mais n'affecteront pas les modalités actuelles d'évaluation des locaux d'habitation ni les impositions acquittées par les contribuables.
À l'issue de cette expérimentation, fin 2015, un rapport devra être remis au Parlement afin de mettre en évidence les conséquences de la réforme pour les différentes catégories de contribuables, pour les collectivités et pour l'État ; il traitera également de la question des logements sociaux.
Selon les principes avancés par la présente proposition de loi, la valeur locative du bien serait déterminée en fonction du type de local, de sa surface et de sa localisation, définie par des secteurs présentant un marché locatif homogène.
Il reviendra ensuite au législateur de tirer les conclusions de cette expérimentation pour définir les modalités précises de la révision générale. Les élus locaux auront toute leur place dans la mise en oeuvre de cette réforme puisqu'ils siégeront dans des commissions locales.
La réforme s'opèrera à produit constant : il s'agit seulement de répartir l'impôt de façon plus juste entre les contribuables . Des effets redistributifs sont à attendre - c'est l'intention de cette révision générale.
Le bon aboutissement de cette réforme exigera de l'énergie, de la pédagogie et du courage ; ils sont pleinement justifiés au regard de l'objectif de justice sociale poursuivi par la présente proposition de loi.
Sous le bénéfice de ces observations, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
I. - Une expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation et des locaux servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile est menée, en 2015, dans plusieurs départements selon les modalités et les principes définis aux III à VII du présent article.
II. - A. - Le Gouvernement transmet au Parlement, au plus tard le 30 septembre 2015, un rapport sur l'expérimentation prévue au I du présent article.
Ce rapport retrace les conséquences de la révision pour les contribuables, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale et l'État. Il s'attache notamment à mesurer :
- les transferts de fiscalité entre les catégories de contribuables ;
- l'impact de la révision sur les potentiels financier et fiscal des collectivités territoriales, la répartition des dotations de l'État et les instruments de péréquation.
Pour les immeubles d'habitations à loyer modéré attribués sous condition de ressources d'une part et des habitations louées sous le régime de la loi n° 48-1360 du 1 er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement d'autre part, le rapport présentera des simulations reposant, notamment, sur les hypothèses suivantes : application à ces locaux des tarifs déterminés en application du VI, le cas échéant corrigés pour tenir compte de leurs spécificités, ou détermination pour ces locaux de secteurs d'évaluation et de tarifs propres adaptés à leurs spécificités.
B. - Au vu du rapport prévu au A et de celui relatif à la révision des valeurs locatives des locaux professionnels prévue au XXI de l'article 34 de la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010, la loi détermine les modalités et le calendrier de la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation et des locaux servant à l'exercice d'une activité salariée à domicile.
III. - La valeur locative des propriétés bâties mentionnées au I est déterminée à la date de référence du 1 er janvier 2015.
IV. - A. - La valeur locative de chaque propriété ou fraction de propriété mentionnée au I est déterminée en fonction de l'état du marché locatif. Elle tient compte de la nature, de la situation et de la consistance de la propriété ou de la fraction de propriété considérée.
La valeur locative des locaux présentant un caractère exceptionnel peut être déterminée par voie d'appréciation directe définie au VII.
B. - Les propriétés du groupe constitué par les locaux mentionnés au I sont classées en fonction de leur nature dans les quatre sous-groupes suivants :
1° Les maisons individuelles et leurs dépendances ;
2° Les appartements situés dans les immeubles collectifs et leurs dépendances ;
3° Les locaux d'habitation qui présentent un caractère exceptionnel ;
4° Les dépendances isolées.
Les propriétés de chaque sous-groupe sont classées par catégorie en fonction de leur consistance.
Un décret définit la consistance des propriétés.
V. - A. - Il est constitué, dans chaque département, un ou plusieurs secteurs d'évaluation qui regroupent les communes ou parties de communes qui, dans le département, présentent un marché locatif homogène.
B. - Les tarifs par mètre carré sont déterminés à partir des loyers constatés dans chaque secteur d'évaluation par catégorie de propriétés à la date de référence mentionnée au III.
Pour la détermination de ces tarifs, il n'est pas tenu compte des loyers des locaux donnés en location, à la date de référence ci-dessus :
- par les organismes d'habitation prévus à l'article L. 411-2 du code de la construction et de l'habitation et attribués sous condition de ressources ;
- sous le régime de la réglementation des loyers établie par la loi n° 48-1360 du 1 er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.
À défaut d'éléments suffisants, les tarifs sont fixés dans des conditions définies par décret.
VI. - La valeur locative des propriétés mentionnées au I est obtenue par application d'un tarif par mètre carré déterminé conformément au B du VI à la consistance du local ou à défaut de tarif par voie d'appréciation directe mentionnée au VII.
VII. - Lorsque le premier alinéa du A du IV n'est pas applicable, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe en appliquant un taux à définir dans le cadre de l'expérimentation à la valeur vénale de l'immeuble, telle qu'elle serait constatée à la date de référence définie au III si l'immeuble était libre de toute location ou occupation.
À défaut, la valeur vénale d'un immeuble est déterminée en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimée à la date de référence prévue au III par comparaison avec celle qui ressort de transactions relatives à des terrains à bâtir situés dans une zone comparable, la valeur de reconstruction à la date de référence précitée.
VIII. - Les propriétaires des biens mentionnés au I sont tenus de souscrire une déclaration précisant les informations relatives à chacune des propriétés qu'ils détiennent dans les départements soumis à l'expérimentation, dont notamment le montant annuel du loyer exigible au 1 er janvier 2015 pour celles données en location.
* 1 Hérault, Pas-de-Calais, Bas-Rhin, Paris et Haute-Vienne.
* 2 « Valeurs locatives cadastrales : la reprise rapide de la révision des locaux professionnels, un préalable à la seconde étape pour les locaux d'habitation », rapport n° 593 (2011-2012) de François MARC et Pierre JARLIER.
* 3 Projet de loi de finances rectificative pour 2012, n° 204 (2012-2013).