N° 177
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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005
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Annexe au procès-verbal de la séance du 3 février 2005
PROPOSITION DE
RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE PAR M. JEAN-PIERRE BEL ET LES MEMBRES DU GROUPE SOCIALISTE (1) , APPARENTÉS (2) ET RATTACHÉS (3) , EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT,
sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (E-2520),
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
(1) Ce groupe est composé de : Mmes Jacqueline Alquier, Michèle André, MM. Bernard Angels, David Assouline, Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Jean-Marie Bockel, Yannick Bodin, Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Nicole Bricq, M. Jean-Pierre Caffet, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, MM. Michel Charasse, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Mme Christiane Demontes, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mmes Odette Herviaux, Sandrine Hurel, M. Alain Journet, Mme Bariza Khiari, MM. Yves Krattinger, André Labarrère, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Thierry Repentin, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, M. Claude Saunier, Mme Patricia Schillinger, MM. Michel Sergent, Jacques Siffre, René-Pierre Signé, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vézinhet, Marcel Vidal, Richard Yung.
(2) Apparentés : MM. Jacques Gillot, Serge Larcher, Claude Lise.
(3) Rattachés administrativement : Mmes Marie-Christine Blandin, Alima Boumedienne-Thiery, M. Jean Desessard, Mme Dominique Voynet.
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La proposition de directive sur les services dans le marché intérieur, adoptée par la Commission européenne le 13 janvier 2004, a soulevé un très grand nombre d'oppositions et de critiques.
C'est un texte extrêmement mal préparé et mal rédigé qui sera source de conflits juridiques avec :
- les normes de droit international définies par la Convention Rome I sur la loi applicable aux obligations contractuelles et en contradiction avec le projet de règlement Rome II sur l'harmonisation des règles de conflit de lois applicables aux obligations contractuelles,
- des normes de droit communautaire comme la Directive sur le détachement des travailleurs,
- des normes nationales. Pour la France, il ne s'agirait rien de moins que des principes fondamentaux de valeur constitutionnelle qui ont été soulignés par le Conseil d'État dans son avis du 18 novembre 2004. Le Conseil d'État a ainsi constaté que cette proposition de directive remettait en cause les principes de souveraineté nationale, d'égalité devant la loi et de légalité des délits et des peines.
L'atteinte au principe de subsidiarité est manifeste. Ce texte ne garantit pas le respect de l'applicabilité territoriale de la loi pénale, ni les responsabilités des États en matière d'organisation ou de financement des systèmes de santé nationaux.
L'insécurité juridique que ce texte entraînera, va donc à l'encontre de l'objectif recherché qui est d'établir un climat de confiance favorable à un développement des échanges de services intracommunautaires.
Cette proposition constitue une rupture injustifiée avec la méthode communautaire d'harmonisation des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices.
Cette proposition pose la règle du pays d'origine comme un principe communautaire qui n'a pourtant reçu jusqu'alors que de rares applications dans des secteurs particuliers.
La généralisation de cette règle du pays d'origine aurait pour conséquence de mettre en concurrence sur le territoire d'un seul État membre, vingt-cinq législations différentes : comment croire que dans ces conditions les consommateurs auront réellement les moyens de comparer correctement les différentes propositions ? Une telle mise en concurrence aurait certainement pour conséquence de créer une pression majeure sur les législations nationales en matière de conditions de travail et de droit du travail. Ce texte constitue une incitation de fait aux pratiques de dumping social, fiscal et environnemental. C'est une menace contre le modèle social européen qui ne peut être tolérée.
Le champ d'application de ce texte pose de considérables problèmes.
Le choix par la Commission européenne de proposer une directive cadre avec un champ d'application horizontal recouvrant des activités d'une très grande diversité qui vont des métiers du bâtiment, du conseil en entreprise, aux agences immobilières, en passant par les soins de santé, le soutien aux personnes âgées, les services audiovisuels et les professions réglementées comme les huissiers ou les notaires pourtant porteurs de missions de service public.
Cette règle rend irréalisable toute mesure de contrôle portant sur la qualité du service rendu ainsi que sur les conditions de travail des travailleurs détachés.
En effet, la proposition de directive prévoit que ce sont les autorités du pays d'origine qui devront effectuer le contrôle sur les activités de leurs entreprises nationales même lorsque le service est réalisé sur le territoire d'un autre État membre.
De plus, la suppression d'exigences portant sur la déclaration préalable de salariés détachés, l'obligation pour le salarié détaché d'avoir des documents sociaux en sa possession ou l'obligation d'avoir un représentant rendent quasiment impossible pour les autorités d'origine et en particulier des inspections du travail d'effectuer des vérifications et contrôles dans des conditions et délais pertinents.
Cette proposition a soulevé les plus grandes critiques de la part des partenaires sociaux en France comme en Europe avec la Confédération européenne des syndicats qui s'y sont vivement opposés.
À l'évidence, cette proposition de directive ne répond pas à l'ensemble des objectifs assignés par la Stratégie de Lisbonne et notamment celui de permettre une « croissance économique durable accompagnée d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi et d'une plus grande cohésion sociale ».
Il faut également souligner que cette proposition de directive se trouve en contradiction avec le traité instituant une Constitution pour l'Europe adopté par les chefs d'état et de gouvernement des pays membres de l'Union européenne le 18 juin 2004 et en particulier avec ses articles I-3, III-119, III-120, III-122, III-172, III-209.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (COM[2004] 2 final, document E 2520) :
1) Sur la directive sur les services dans le marché intérieur
Demande que la Commission retire la proposition de directive sur les services dans le marché intérieur.
Demande que la France s'oppose fermement à cette proposition et en demande le rejet.
2) Sur les services publics
Demande en préalable à toute nouvelle directive sur les services, l'adoption d'une loi-cadre sur les services publics ou les services d'intérêt économique général.
3) Sur toute autre proposition de directive sur les services
Rejette le principe du pays d'origine et sa généralisation.
Demande que la Commission respecte la démarche communautaire d'harmonisation par le haut des législations nationales et de reconnaissance mutuelle des législations les plus protectrices.