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N° 657

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 juin 2014

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à modifier le Règlement du Sénat afin d'autoriser le Bureau à prononcer des sanctions disciplinaires à l'encontre des membres du Sénat qui auraient manqué à leurs obligations en matière de conflits d' intérêts ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean-Pierre BEL, Mme Bariza KHIARI, M. Jean-Pierre RAFFARIN, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Thierry FOUCAUD, Jean-Léonce DUPONT, Jean-Patrick COURTOIS, Charles GUENÉ, Jean-Claude CARLE, Jean-Marc TODESCHINI, Gérard DÉRIOT, Alain ANZIANI, Jean BOYER, Marc DAUNIS, Mmes Michelle DEMESSINE, Marie-Hélène DES ESGAULX, MM. Jean DESESSARD, Alain DUFAUT, Hubert FALCO, François FORTASSIN, Jacques GILLOT, Mme Odette HERVIAUX, M. Gérard LE CAM, Mmes Marie-Noëlle LIENEMANN et Catherine PROCACCIA,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Aux termes de l'article 3 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, « le Bureau de chaque assemblée, après consultation de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts. Il veille à leur respect et en contrôle la mise en oeuvre. »

Dans ce cadre, le Bureau a décidé, au cours de sa réunion du 23 octobre 2013, de saisir le Comité de déontologie parlementaire, présidé par Mme Catherine Tasca, pour l'inviter à formuler des suggestions de règles déontologiques que les membres du Sénat pourraient être conduits à suivre, dans l'exercice de leur mandat, pour prévenir et traiter les situations de conflit d'intérêts. Le traitement de ces situations a conduit à une réflexion sur les sanctions qui pourraient être envisagées à l'égard des membres du Sénat qui se seraient placés dans une situation de conflit d'intérêts en violation des règles déontologiques mises en place au sein du Sénat.

On souligne que la démarche à laquelle le législateur invite le Bureau des assemblées s'inscrit dans la cohérence de l'action déjà conduite par le Sénat, avec l'appui du Comité de déontologie, pour promouvoir la transparence et l'éthique au sein de l'institution sénatoriale. Une action en ce sens a en effet déjà été conduite depuis 2009, tant vis-à-vis des groupes d'intérêts qu'en matière de déontologie interne et de transparence des intérêts détenus par les membres du Sénat.

Ainsi, le Sénat a mis en place, le 7 octobre 2009, un corps de règles visant à encadrer l'activité des groupes d'intérêt au Sénat. Ce dispositif vise essentiellement à subordonner leur droit d'accès au Sénat à leur inscription sur un registre de groupes d'intérêts et leur adhésion à un code de conduite défini par le Bureau.

De même, le Bureau du Sénat a créé le 25 novembre 2009 un Comité de déontologie parlementaire, instance consultative placée auprès du Bureau et du Président et chargée de formuler des avis consultatifs et confidentiels sur toute « question d'éthique concernant les conditions d'exercice du mandat des sénateurs et le fonctionnement du Sénat »

Enfin, le Bureau du Sénat a institué au cours de sa réunion du 14 décembre 2011 un dispositif déclaratif renforcé, caractérisé notamment par une obligation de déclaration d'activités et d'intérêts des sénatrices et des sénateurs, et assorti depuis le 30 juin 2012 d'une publicité des déclarations sur le site internet du Sénat. De même, les membres du Sénat sont désormais tenus de déclarer les déplacements financés par des organismes extérieurs, tant en France - à l'exception des manifestations culturelles et sportives - qu'à l'étranger, ainsi que les dons, cadeaux ou avantages en nature d'une valeur supérieure à 150 €.

Aujourd'hui, les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique et le contexte judiciaire et politique ayant conduit à leur adoption ont créé une situation nouvelle. L'ensemble des responsables publics, parlementaires, membres du gouvernement, élus locaux, hauts fonctionnaires et personnes investies de fonctions exécutives dans des organismes publics ou semi-publics, sont invités à se conformer aux nouvelles procédures instituées par ces lois dans un objectif de transparence, de moralisation de la vie publique et de prévention des conflits d'intérêts. Une nouvelle autorité administrative indépendante, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, a été mise en place pour veiller au respect de ces procédures et, le cas échéant, saisir les autorités compétentes, pour en obtenir la bonne application et sanctionner les contrevenants à la loi.

Dans ce cadre, le Parlement a été invité, en vertu du principe de l'autonomie des assemblées parlementaires, à élaborer ses propres règles pour prévenir et traiter les situations de conflits d'intérêts, dans le respect de l'universalité et du libre exercice du mandat parlementaire.

C'est ainsi que le Bureau du Sénat, après consultation du Comité de déontologie, a adopté, au cours de sa réunion du 25 juin 2014, un corps de règles, de principes et de procédures visant à renforcer, conformément aux exigences de la loi, le dispositif de prévention et de traitement des conflits d'intérêts susceptibles de concerner les membres du Sénat.

Ce dispositif marque une avancée significative : des principes déontologiques de portée générale ont été affirmés ; un guide de bonnes pratiques, destiné à être enrichi au fil du temps, a été élaboré afin d'éclairer les sénatrices et les sénateurs sur l'attitude qu'ils pourraient être amenés à suivre face à des situations éventuelles de conflits d'intérêts ; une procédure précise, assorti le cas échéant d'un dialogue entre le Bureau et le Comité de déontologie ainsi que d'un droit du sénateur concerné à être entendu, permet un examen approfondi et collégial des situations en cause. Enfin, le Bureau peut rendre public l'avis du Comité, ce qui pourrait lui conférer un effet dissuasif et une valeur de sanction symbolique.

Ce dispositif ne saurait toutefois être complet, ni même totalement crédible, s'il ne comportait des sanctions effectives.

On rappelle sur ce point que le groupe de travail de la commission des lois, présidé par M. Jean-Jacques Hyest, avait présenté dans son rapport d'information du 12 mai 2011 consacré à la prévention des conflits d'intérêts 1 ( * ) deux propositions en ce sens, ainsi rédigées :

« Proposition n s 39 : sanctionner les parlementaires qui (...) n'auraient pas respecté une observation ou une recommandation de cette autorité [en charge de l'application des règles de prévention des conflits d'intérêts] ou se seraient placés en situation de conflit d'intérêts « réel » grave. »

« Proposition n° 40 : autoriser le Bureau à prononcer tous les types de sanctions disciplinaires prévues par le Règlement du Sénat pour sanctionner les sénateurs ayant contrevenu à leurs obligations déontologiques. »

Il est donc proposé, dans l'esprit de ces recommandations, que les sanctions disciplinaires prévues par le Règlement du Sénat puissent être appliquées par le Bureau à l'encontre de membres du Sénat qui n'auraient pas respecté leurs obligations déontologiques en matière de conflits d'intérêts.

On rappelle à cet égard que le Règlement du Sénat définit, dans son article 92, une échelle de sanctions disciplinaires, dont il précise les modalités dans ses articles 93 à 100.

Les peines disciplinaires applicables aux membres du Sénat sont le rappel à l'ordre, le rappel à l'ordre avec inscription au procès-verbal, la censure et la censure avec exclusion temporaire.

La censure simple emporte la privation, pendant un mois, du tiers de l'indemnité parlementaire et de la totalité de l'indemnité de fonction, tandis que la censure avec exclusion temporaire étend cette privation à deux mois au lieu d'un.

Le Règlement, établit une définition précise des faits susceptibles de motiver une sanction. Ces faits, définis aux articles 40, 93 à 95 et 99, se rattachent principalement - mais non exclusivement - au déroulement de la séance publique, à savoir : trouble à l`ordre de la séance, attaques personnelles, provocation d'une scène tumultueuse, injures, provocations ou menaces, usage du titre de sénateur pour d'autres motifs que pour l'exercice du mandat, appel à la violence en séance publique, outrages envers le Sénat ou son Président, injures, provocations ou menaces envers le Président de la République, le Premier ministre, les membres du gouvernement et des assemblées prévues par la Constitution.

Le rappel à l'ordre, avec ou sans inscription au procès-verbal, est de la compétence du Président, tandis que la censure, simple ou avec exclusion temporaire, relève d'une décision du Sénat.

À cet égard, on observe que l'article 3 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique confère expressément au Bureau des assemblées la mission de contrôler la mise en oeuvre des dispositions qu'il édicte en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts, ce qui couvre donc le domaine des sanctions.

Par ailleurs, la proposition précitée n° 40 du rapport d'information du groupe de travail de la commission des lois procède de la même logique, puisque ses auteurs préconisent d' « autoriser le Bureau à prononcer tous les types de sanctions disciplinaires prévues par le Règlement du Sénat ».

C'est ainsi en s'inscrivant pleinement dans le cadre recommandé par la commission des lois et défini par le législateur lui-même qu'il est proposé, par dérogation aux règles de compétence actuelles, de confier au Bureau du Sénat le pouvoir de prononcer des sanctions à l'encontre des membres du Sénat qui auraient failli à leur devoir en matière de conflits d'intérêts. Ces sanctions pourraient également être appliquées aux sénatrices et aux sénateurs qui n'auraient pas déclaré au Bureau les dons, cadeaux, avantages en nature qu'ils auraient reçus ainsi que les invitations financées par des organismes extérieurs au Sénat qu'ils auraient acceptées.

Il est proposé que la sanction encourue soit l'une de celles actuellement définies par le Règlement, en fonction de l'appréciation portée par le Bureau sur la gravité du manquement.

Ce nouveau dispositif ferait l'objet d'un article 99 bis inséré dans le Règlement, comportant un renvoi à la définition et aux modalités des sanctions disciplinaires définies au chapitre XVII (articles 92 et suivants).

La dérogation aux règles attribuant la compétence disciplinaire au Président (premier alinéa de l'article 93) ou au Sénat (premier alinéa de l'article 96) est explicitement précisée.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Article unique

Après l'article 99 du Règlement du Sénat, il est inséré un article 99 bis ainsi rédigé :

« Art. 99 bis. - Tout membre du Sénat qui n'aura pas respecté une décision du Bureau lui demandant de faire cesser sans délai une situation de conflit d'intérêts ou de prendre les mesures recommandées par le Comité de déontologie parlementaire du Sénat encourt l'une des sanctions prévues à l'article 92, dans les conditions définies au chapitre XVII du Règlement.

« Encourt les mêmes sanctions, tout membre du Sénat qui n'aura pas déclaré au Bureau les dons, cadeaux, avantages en nature qu'il aura reçus ainsi que les invitations financées par des organismes extérieurs au Sénat qu'il a acceptées.

« Nonobstant le premier alinéa de l'article 93 et le premier alinéa de l'article 96, ces sanctions sont prononcées par le Bureau, sur la proposition du Président. »


* 1 Rapport d'information n° 518 du 12 mai 2011, « prévenir effectivement les conflits d'intérêts pour les parlementaires » présenté au nom de la commission des lois par MM. Jean-Jacques Hyest, Alain Anziani, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Détraigne, Mme Anne-Marie Escoffier et M. Jean-Pierre Vial.

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