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N°83
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 19 novembre 1996.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
PRÉSENTÉE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 73 BIS DU RÈGLEMENT
sur la proposition de la Commission en vue d'un règlement du Conseil relatif au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations budgétaires, sur la proposition de règlement (CE) du Conseil visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs ( n° E-719 ),
Par Mmes Hélène LUC, Marie-Claude BEAUDEAU, M. Paul LORIDANT, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Michelle DEMESSINE, MM. Jean-Luc BÉCART, Claude BILLARD, Mme Nicole BORVO, M. Guy FISCHER, Mme Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM. Félix LEYZOUR, Louis MINETTI, Robert PAGÈS, Jack RALITE et Ivan RENAR,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Union européenne.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Les mesures qui nous sont soumises dans le cadre des propositions contenues dans la proposition d'acte communautaire E 719 résultent d'une initiative de la Commission et du Conseil et n'étaient pas prévues par le traité de Maastricht.
Elles répondent à la demande de l'Allemagne et du gouverneur de la Bundesbank visant à mettre en place un « pacte de stabilité » budgétaire entre les pays s'étant doté de l'Euro et prévoyant des sanctions financières si leur déficit dépassait 3 % de leur P.I.B.
Si la proposition en vue d'un règlement du Conseil relatif « au renforcement de la surveillance et des coordinations budgétaires » et celle visant à « accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits publics excessifs » étaient acceptées, obligation serait ainsi faite pour tout État membre participant à la monnaie unique de soumettre sa politique budgétaire à l'assentiment de la Commission et du Conseil.
Dans l'hypothèse où le programme de stabilité à moyen terme serait jugé insuffisant, les autorités de Bruxelles, sous la coupe de la future banque centrale européenne, pourraient alors prendre des sanctions financières à l'égard du pays concerné.
De telles dispositions renforcent le caractère éminemment contraignant et antidémocratique du traité de Maastricht. Elles aggravent la mise sous tutelle de l'économie française en privant la nation et le peuple de toute intervention dans l'intérêt économique et social du pays. Elles invitent le Gouvernement français à poursuivre la remise en cause des traditions françaises du service public et du système de protection sociale.
Le pouvoir exécutif, qui s'est dessaisi du pouvoir monétaire en le remettant aux banques centrales, est en train de s'amputer complètement du faible pouvoir budgétaire qui lui restait en renforçant les dispositions déjà draconiennes en la matière imposées par le traité de Maastricht en vue de la réalisation de la monnaie unique.
En outre, ces dispositions essentielles pour notre pays sont élaborées sans que les Français soient consultés par la voix de leurs représentants au Parlement et par celle du référendum.
Pourtant, une telle politique économique, tournée vers les seuls besoins des marchés financiers, a fait la preuve de son inefficacité en matière de lutte contre le chômage et l'exclusion en Europe.
Tout montre que la marche forcée vers la monnaie unique attise la concurrence entre les places financières et internationales au détriment de l'emploi. Il en résulte, logiquement, une austérité renforcée dans la perspective de l'Euro qui ne saurait avoir comme conséquence que de nouvelles récessions et catastrophes sociales.
Cette politique renforçant les fameux critères de convergence constitue une machine à aggraver les inégalités à l'intérieur de chaque pays et entre les pays, à écarteler l'Europe. C'est la stabilité même du continent qui est à terme en jeu.
La Commission pour l'emploi du Parlement européen confirmait déjà en novembre 1995 que l'abandon des critères budgétaires de Maastricht éviterait la perte de 1,5 million d'emplois en Europe d'ici à la fin du siècle.
En conséquence, les propositions de règlement du Conseil ne peuvent qu'accélérer un processus de déclin de plus en plus contesté par les peuples européens.
En élargissant la fracture sociale, en écartant toujours davantage les centres de décisions des peuples, en concédant chaque jour de nouveaux abandons de souveraineté, cette politique participe au désaveu des institutions et tend à favoriser les idées nationalistes les plus rétrogrades.
En outre, les dispositions réglementaires proposées contraindraient les États signataires du pacte de stabilité à présenter leur loi de finances aux autorités européennes avant même le vote de la représentation nationale et réserveraient la possibilité de voter des sanctions contre les pays qui décideraient, par leur Parlement, de répondre aux besoins et aspirations de son peuple.
De plus, la mise en place d'un pacte de stabilité budgétaire en Europe a, nous l'avons souligné, des conséquences très importantes tant sur le plan économique et social que sur celui de la souveraineté nationale. Il est dès lors inadmissible qu'elle puisse s'effectuer par de simples propositions de règlement du Conseil sur lesquelles le Parlement ne peut s'exprimer que par la voix de résolutions qui, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, n'ont aucune valeur impérative pour le Gouvernement.
Cet abaissement de la représentation nationale est inacceptable et bafoue la souveraineté nationale. Il est contraire aux principes démocratiques élémentaires.
Pour ces raisons, nous vous proposons d'adopter la proposition de résolution suivante.
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la proposition de la Commission en vue d'un règlement du Conseil relatif au renforcement de la surveillance et de la coordination des situations budgétaires et la proposition de règlement (CE) du Conseil visant à accélérer et clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs (E 719),
Considérant que la Commission souhaite renforcer la mise sous tutelle de l'économie française et de la politique budgétaire de l'État imposée par le traité de Maastricht et conduisant à une austérité accrue,
Considérant que l'adhésion à un « pacte de stabilité » constitue une nouvelle capitulation face au diktat de la Bundesbank et des marchés financiers,
Considérant que des dispositions préventives et dissuasives d'un « pacte de stabilité » sont de nature à priver la nation de ses moyens politiques et économiques pour lutter contre le chômage, la désindustrialisation, les reculs sociaux et la pauvreté,
Considérant inacceptable le fait que la loi de finances soit soumise à l'assentiment d'instances financières et supranationales avant même qu'elle ait été discutée et adoptée, en toute indépendance, par la représentation nationale,
Considérant contraire aux intérêts des peuples européens que des sanctions financières puissent être appliquées à un pays refusant de se soumettre au critère de limitation du déficit des finances publiques,
Demande au Gouvernement de s'opposer à l'adoption des propositions contenues dans la proposition d'acte communautaire E 719.