Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 25/07/2003

M. Jean-Claude Carle attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le mode de calcul des bases de la fiscalité locale. Ces bases sont calculées sur les revenus locatifs des immeubles et répartissent les propriétés bâties en catégorie de taxation auxquelles correspondent des prix au mètre carré. Or, dans la mesure où chaque catégorie est choisie différemment selon les communes et que le prix au mètre carré qui leur est affecté est propre à chaque commune, deux habitations identiques peuvent avoir des " bases locatives " très différentes d'une commune à l'autre. Ce système de calcul provoque des inégalités au sein d'un même établissement public de coopération intercommunale. Ces derniers, souvent dotés d'une fiscalité propre appuyée sur des " bases locatives ", développent des taxes intercommunales pour financer les missions de service public qui leur sont déléguées, avec un taux unique appliqué à toutes les communes membres (ex : taxe d'enlèvement des ordures ménagères). Cela peut entraîner une hausse importante du coût du service pour telle commune, une baisse significative pour d'autres. A ce titre, il lui demande s'il envisage une révision et une harmonisation des bases de la fiscalité locale à l'échelle d'un EPCI.

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Réponse du Ministère délégué aux libertés locales publiée le 08/10/2003

Réponse apportée en séance publique le 07/10/2003

M. Jean-Claude Carle. Ma question porte sur les modalités de calcul de la fiscalité locale, assise sur les bases locatives et leurs conséquences sur le financement des missions transférées à un EPCI, établissement public de coopération internationale.

Comme vous le savez, la taxe d'habitation et la taxe foncière appliquée à tous les immeubles bâtis sont calculées sur la valeur locative de l'immeuble selon des bases établies dans les années soixante-dix.

Ainsi, pour deux maisons identiques avec environnement et prestations similaires, mais situées dans deux communes différentes, la catégorie de taxation et le prix dans chaque catégorie peuvent être très variables.

Plusieurs de mes collègues ont déjà interpellé ce gouvernement et le gouvernement précédent sur l'obsolescence de ce système qui a trente ans d'ancienneté, portant le débat sur le gonflement artificiel du potentiel fiscal de certaines communes, lequel entraîne une perte sur les dotations de l'Etat.

Il faut également souligner le problème d'équité qu'il soulève lorsqu'il est appliqué au sein d'une structure intercommunale.

La vocation générale de l'intercommunalité est d'assurer une ou plusieurs missions déléguées par les communes membres.

Je prends volontairement l'exemple de l'enlèvement des ordures ménagères.

Pour financer ce service, les collectivités disposent de deux moyens en dehors du budget général : la redevance et la taxe.

Nous savons tous que la redevance présente l'avantage d'être calculée en fonction du service rendu, mais elle entraîne des problèmes de recouvrement, voire des risques d'impayés.

Nombre de collectivités ont donc opté pour le principe de la taxe, qui a un caractère d'imposition, mais qui est injuste au regard du service rendu à chaque citoyen, puisqu'elle est calculée sur la base des valeurs locatives des immeubles.

Dans de nombreux cas, le taux déterminé pour lever cette taxe est un taux unique appliqué à toutes les communes membres.

Ce système, selon les bases communales, entraîne forcément des hausses pour certaines communes et des baisses pour d'autres, pour aboutir à un prix moyen par habitant très différent d'une commune à l'autre.

Ainsi, dans mon département, une communauté de communes est passée de l'application d'un taux déterminé selon les bases communales à un taux unique.

Si l'on compare les variations pour deux des communes membres au nombre d'habitants comparable, on constate les variations suivantes : pour l'une, une baisse de 6,5 % du coût du service, pour l'autre, une hausse de 13,8 %, et cela bien sûr, sans changement du coût global du service.

La délégation de compétence ne peut pas se limiter à une simple délégation de service. Elle engage une logique qui va bien au-delà. A l'échelle d'une communauté de communes, elle engage une mise en cohérence équitable, qui doit se traduire, notamment, par une harmonisation fiscale.

Par ailleurs, les EPCI à fiscalité propre, de plus en plus nombreux, sont appelés à acquérir de plus en plus de compétences et, par là même, on peut le craindre, à lever de plus en plus d'impôts.

Au début des années 1990, une réforme de ce système avait commencé à voir le jour, mais elle n'a pas été menée à son terme. Il me paraît aujourd'hui nécessaire de relancer le débat avec tous les acteurs concernés : d'une part, les services fiscaux pour la détermination des valeurs locatives, dont les révisions triennales initialement prévues n'ont jamais eu lieu, puisque remplacées par des revalorisations forfaitaires ; d'autre part, les élus locaux et les contribuables réunis au sein de la commission communale des impôts pour le classement par catégorie d'immeuble et le zonage du territoire communal.

Il ne s'agit en aucun cas dans cette perspective de diminuer les prérogatives des maires. Bien au contraire, il s'agit de savoir faire coïncider équité sociale, autonomie locale et pouvoir de décision, problématique que je suis heureux de pouvoir soulever aujourd'hui, à l'heure d'un nouvel élan de décentralisation et de réorganisation des territoires.

Monsieur le ministre, ma question est donc la suivante : quels moyens envisagez-vous de prendre pour réviser les bases locatives de la fiscalité locale afin de permettre une harmonisation à l'échelle d'un EPCI ?

En fin de compte, monsieur le ministre, envisagez-vous d'adapter la fiscalité locale aux réalités d'aujourd'hui ? Cette question, j'en conviens, mériterait un véritable débat au sein de notre assemblée.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le sénateur, la question que vous posez est tout à fait justifiée : elle décrit très exactement une situation effectivement tout à fait disparate.

En réalité, la disparité des bases cadastrales est fondée sur la date d'achèvement des travaux de construction : suivant qu'un logement est ancien ou récent, la base cadastrale est actualisée, très peu actualisée, voire pas actualisée. Les disparités sont donc considérables entre les communes, mais aussi à l'intérieur même des communes.

Par ailleurs, quand quelqu'un rénove son logement ou procède à une extension, dès lors qu'il s'agit d'un logement ancien, il y a réévaluation de la base cadastrale. Ainsi, certains logements vétustes voient leur base cadastrale multipliée par quatre alors qu'a seulement été ajoutée quelque élément de confort.

La question que vous posez est en fait celle de la révision générale des bases cadastrales. Cette révision a été prévue à plusieurs reprises. Mais, craignant l'impopularité qu'elle risquait fort de susciter en raison des bouleversements et des changements brutaux qu'elle provoquerait, les gouvernements qui avaient l'intention d'y procéder ont reculé.

Bien évidemment, en raison de cette injustice qui ne fait que s'accélérer, tant la taxe d'habitation que la taxe foncière deviennent de plus en plus impopulaires. Dans un EPCI, la confrontation de l'inégalité est, bien sûr, encore plus flagrante qu'à l'intérieur d'une commune, même si, je le répète, dans une même commune, des logements situés dans une même rue, classés dans une même catégorie, peuvent faire l'objet d'une disparité considérable, simplement parce que l'évaluation n'a pas eu lieu au même moment.

Que fait donc le Gouvernement en la matière ?

Le Gouvernement est convaincu qu'à l'occasion de la décentralisation il faut restituer à la taxe d'habitation et à la taxe foncière, impôts de base de la fiscalité locale et de l'autonomie fiscale et financière des collectivités locales, source même de leur libre administration, leur légitimité et leur équité. Il faut donc, d'une manière ou d'une autre, essayer de résoudre ce fameux problème de l'évaluation des bases cadastrales.

Le Gouvernement mène une réflexion qui devrait nous permettre d'avancer en 2005.

D'ores et déjà, deux pistes de travail sont à l'étude.

Première piste : opérer la révision de la base cadastrale au moment de la mutation du bien. En effet, le problème de l'actualisation des bases cadastrales est permanent. Même si, par un coup de baguette magique, le problème était réglé la semaine prochaine, il se poserait de nouveau dans dix ans, car de nouvelles disparités apparaîtraient au fil du temps. Il est donc important de mettre au point un mécanisme de réévaluation permanente.

Ainsi l'idée de réviser la base cadastrale au moment du changement de propriétaire, soit au coup par coup, est intéressante puisque, au moment de la vente du bien, une déclaration d'intention d'aliéner est adressée aux services fiscaux, ce qui offre à ceux-ci l'occasion d'opérer éventuellement une réévaluation. Cette réévaluation frappera le nouveau propriétaire qui n'aura pas connu l'ancien impôt. Elle sera donc plus facile à accepter.

Deuxième piste : agir sur les catégories. Cela me paraît tout aussi indispensable.

Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, les catégories datent de 1970. A bien des égards, y compris sur les concepts de confort, elles sont souvent dépassées. Peut-être sont-elles trop nombreuses et pourraient-elles être simplifiées.

De toute façon, monsieur le sénateur, je suis entièrement d'accord avec vous, si elle reste en l'état, la situation va devenir très critique ; une action est nécessaire.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je vous remercie des précisions que vous nous avez apportées. Je suis heureux que le Gouvernement, pleinement conscient des disparités qui existent actuellement et du poids de la fiscalité locale, manifeste la volonté de réviser les bases cadastrales.

Je souhaite qu'à l'occasion du débat sur la décentralisation on puisse aborder le problème d'une manière plus large et, si vous me permettez l'expression, mettre un terme au véritable génocide qui frappe aujourd'hui les « quatre vieilles ». (Sourires.)

M. Patrick Devedjian, ministre délégué. N'abusons pas du mot génocide !

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