Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 13/12/2012

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage, sur la nécessité de préserver et sécuriser le statut des formateurs occasionnels.

L'intervention ponctuelle de professionnels et d'experts est indispensable à la qualité des formations. La remise en question du statut de formateur occasionnel serait un véritable gâchis économique et pédagogique. Or, c'est ce qu'il risque de se passer si le Gouvernement ne veille pas au strict respect de l'arrêté du 23 décembre 1987 sur le statut social du formateur occasionnel.

Les organismes de formation ont depuis toujours recours à des professionnels pour intervenir ponctuellement durant les sessions de formation. Ces experts dans leur domaine transmettent une expérience et un savoir-faire de terrain indispensables à la qualité des formations. Un arrêté de 1987 a reconnu le statut social du formateur occasionnel et lui a accordé un régime correspondant à la spécificité de son activité. Il prévoit ainsi que le formateur issu d'un autre domaine d'activité que la formation, qui intervient moins de 30 fois et 30 jours par an pour un organisme de formation, est soumis à un régime forfaitaire de cotisation au régime général de la sécurité sociale. De plus, ces formateurs occasionnels ne sont pas obligés de s'inscrire en tant que formateurs indépendants.

Toutefois, depuis 2010, les Urssaf ont multiplié les redressements des organismes de formation : considérant que ceux-ci sont liés aux formateurs occasionnels par un contrat de travail, elles leur ont appliqué les cotisations d'assurance chômage.

Au-delà de l'insécurité juridique qui résulte de cette situation, la remise en question de ce dispositif est une atteinte au modèle social, économique et pédagogique des formations assurées par des professionnels :
- remise en cause du modèle social : le formateur occasionnel se voit assujetti à des cotisations au régime du chômage aujourd'hui et, pourquoi pas, du régime vieillesse demain, sans obtenir de droits en retour ;
- remise en cause du modèle économique : ces cotisations sociales diminuent la rémunération perçue par le formateur occasionnel ;
- remise en cause du modèle pédagogique : rendre le recours à des formateurs occasionnels risqué revient à nuire à la qualité des formations.

Si le statut de formateur occasionnel venait à disparaître, ce serait un véritable gâchis pour les organismes de formation et pour les formateurs occasionnels, bien sûr, mais surtout pour les apprenants. Il lui demande donc les intentions du Gouvernement sur ce dossier.

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Réponse du Ministère chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage publiée le 06/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 05/02/2013

M. Jean-Claude Carle. Je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention sur la nécessité de préserver et de sécuriser le statut des formateurs occasionnels.

L'intervention ponctuelle de professionnels et d'experts est indispensable à la qualité des formations. La remise en question du statut de formateur occasionnel serait un véritable gâchis économique et, surtout, pédagogique. Or c'est ce qu'il risque de se passer si le Gouvernement ne veille pas au strict respect de l'arrêté du 23 décembre 1987 sur le statut social du formateur occasionnel.

Les organismes de formation ont, depuis toujours, recours à des professionnels pour intervenir ponctuellement durant les sessions de formation, et ce dans des domaines très divers : ce peut être un conducteur de machines, un conseiller maître à la Cour des Comptes, un directeur commercial, pour ne citer que quelques exemples.

Ces experts transmettent une expérience et un savoir-faire de terrain qui sont indispensables à la qualité des formations et ils n'ont aucun lien de subordination avec les organismes de formation.

Un arrêté de 1987 a reconnu le statut social du formateur occasionnel et lui a accordé un régime correspondant à la spécificité de son activité. Il prévoit ainsi que le formateur issu d'un autre domaine d'activité que la formation et qui intervient moins de trente fois et trente jours par an pour un organisme de formation est soumis à un régime forfaitaire de cotisations au régime général de la sécurité sociale.

De plus, ces formateurs occasionnels ne sont pas obligés de s'inscrire en tant que formateurs indépendants.

Toutefois, depuis 2010, les URSSAF ont multiplié les redressements des organismes de formation : considérant que ceux-ci sont liés aux formateurs occasionnels par un contrat de travail, elles leur ont appliqué les cotisations d'assurance chômage.

Au-delà de l'insécurité juridique qui résulte de cette situation, la remise en cause de ce dispositif est une atteinte au modèle social, économique et pédagogique des formations assurées par des professionnels.

Remise en cause du modèle social : le formateur occasionnel se voit aujourd'hui assujetti à des cotisations au régime du chômage - et, pourquoi pas, demain, du régime vieillesse - sans obtenir de droits en retour.

Remise en cause du modèle économique : ces cotisations sociales diminuent la rémunération perçue par le formateur occasionnel.

Enfin, remise en cause du modèle pédagogique : contraindre ainsi le recours à des formateurs occasionnels revient à nuire à la qualité des formations.

Si le statut de formateur occasionnel venait à disparaître, ce serait un véritable gâchis pour les organismes de formation, pour les formateurs occasionnels, bien sûr, mais aussi et surtout pour les apprenants.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier, qui offre une parfaite illustration d'une interprétation absurde des textes par rapport à l'esprit de la loi.

Avec de tels comportements, la formation professionnelle, qui est régie par le contrat, risque d'être victime de la contrainte : pour glaner quelques euros, on risque de détruire un système qui marche !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, chargé de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Monsieur Carle, vous avez attiré mon attention sur le statut des formateurs occasionnels auxquels les organismes de formation privés ont ponctuellement recours dans le cadre des programmes qu'ils mettent en place.

Pour tout vous dire, c'est, avec le sauvetage de l'Association pour la formation professionnelle des adultes, l'AFPA, un des sujets auxquels je me suis intéressé dès ma prise de fonction, l'été dernier. En effet, dans un cas comme dans l'autre, mon souci est de mettre à la disposition de l'ensemble de nos concitoyens une offre de formation de qualité, s'appuyant sur des professionnels reconnus. Nous partageons, j'en suis certain, cette préoccupation et cette exigence.

La question qui se pose à nous, et qui fait débat depuis quelques années déjà, hélas ! concerne le statut du formateur qui intervient ponctuellement dans un organisme de formation.

Doit-il être considéré comme un salarié de l'organisme de formation qui le sollicite, le formateur étant, eu égard à la prestation qu'il exécute, en situation de subordination à l'égard de l'organisme de formation qui l'emploie, même temporairement ? Dans ce cas, la relation de travail s'analyse comme un contrat de travail, soumis aux charges sociales patronales et salariales.

Ou bien doit-il être considéré comme un collaborateur externe ? Dans ce cas, deux situations peuvent se présenter : soit le collaborateur est un travailleur indépendant qui cotise lui-même aux assurances sociales ; soit il est salarié d'une autre structure et affilié à ce titre.

Prenant en compte la diversité de ces situations et devant la difficulté d'établir dans les faits la relation de salariat, l'arrêté du 23 décembre 1987 que vous avez évoqué a établi que « sont appelés formateurs occasionnels des formateurs dispensant des cours dans des organismes ou entreprises au titre de la formation professionnelle continue ou dans des établissements d'enseignement et dont l'activité de formation n'excède pas trente jours civils par année et par organisme de formation ou d'enseignement ». Je tiens à préciser que cet arrêté ne vise que les cotisations de sécurité sociale.

L'UNEDIC a, pour sa part, une appréciation différente et présume la relation de salariat à l'organisme de formation. Selon elle, il incombe au formateur occasionnel d'apporter la preuve contraire en produisant un document attestant son enregistrement comme travailleur indépendant.

Vous le voyez, cette situation assez complexe ne dépend pas entièrement de l'État : elle est également liée aux règles posées par les partenaires sociaux s'agissant de l'assurance chômage.

Tout d'abord, il est primordial de garantir le droit des salariés et d'éviter les dérives. Selon moi, il est en effet essentiel de sécuriser la relation entre l'intervenant et la structure qui le sollicite. Sans qu'il soit possible de chiffrer les dérives, il est manifeste, selon les organismes de contrôle, que certains organismes contraignent des « formateurs permanents » à prendre le statut de « formateur occasionnel », alors même qu'ils exercent la profession de formateur à temps plein, ou celui d'autoentrepreneur - les motifs sont suffisamment évidents pour que je n'aie pas besoin d'y insister -, ou bien encore celui de travailleur indépendant, ce qui leur fait perdre le bénéfice des droits attachés au salariat.

Ces situations sont bien sûr néfastes aux salariés, aux organismes de formation qui respectent le droit et, plus globalement, à notre système de protection sociale.

Il est néanmoins important - et soyez convaincu que j'y veille - de rendre possibles, en assurant une certaine souplesse, des interventions ponctuelles d'experts dans le cadre de dispositifs de formation de longue ou de courte durée. Vous l'avez dit à juste titre, c'est un élément de la qualité des formations dispensées et cela procède d'une démarche de contribution à l'éducation et à la formation propice à des échanges d'expériences entre pairs.

Vous l'avez compris, monsieur le sénateur, je ne vous apporterai pas aujourd'hui de réponse « clé en main ». Je tiens cependant à vous indiquer que nous avons engagé dès cet été, en lien avec la Fédération de la formation professionnelle, représentant les organismes privés de formation, avec l'UNEDIC, avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et avec la Direction générale du travail, un travail d'identification des points de blocage et de mise à plat des solutions envisageables satisfaisant aux critères que j'ai énoncés précédemment : garantir la qualité de l'offre de formation, et donc le recours possible à des professionnels en poste, mais aussi sécuriser les formateurs dans le cadre de leur contrat et quant à l'exercice de leurs droits aux prestations de chômage et de retraite.

J'espère pouvoir faire aboutir positivement cette concertation afin de garantir, tout à la fois, les droits des salariés et la possibilité pour les organismes de formation de recourir ponctuellement à des collaborateurs experts de leur domaine pour enrichir les formations. Je vous informerai, bien entendu, de la solution qui aura été adoptée, aussi complexe que soit son élaboration. D'ailleurs, c'est sans doute cette complexité qui explique pourquoi mes prédécesseurs ne se sont pas réellement « frottés » à ce problème...

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je vous remercie de ces précisions, monsieur le ministre.

Au vu de la situation, il est vrai complexe, nous devons prévenir un certain nombre de dérives. Je salue votre volonté de trouver une solution partenariale qui garantisse une nécessaire souplesse, sécurise les formateurs occasionnels - en l'espèce, la sémantique a son importance, et le terme « intervenant » serait sans doute mieux approprié -, sans remettre pas en cause un système qui satisfait pour tous les acteurs, au premier chef les apprenants.

Je comprends le souci de l'URSSAF d'optimiser sa gestion, mais je ne suis pas convaincu que ce soit sur les intervenants occasionnels qu'il faille faire porter l'effort : le gain escompté, de l'ordre de 1,5 à 2 millions d'euros, n'est pas en rapport avec le risque de déstabilisation d'un système qui fonctionne.

Je vous renouvelle la proposition que je vous avais faite, monsieur le ministre, lors d'une précédente séance de questions orales : l'UNEDIC pourrait demander à la Suisse le remboursement des indemnités qu'elle verse aux chômeurs français licenciés en Suisse, et dont le montant annuel s'élève, là, à 120 millions d'euros. Outre qu'une telle mesure procurerait un gain bien plus substantiel, elle mettrait un terme à une situation injuste et inacceptable.

Je sais que vous aurez à cœur de trouver une solution, car je connais votre pugnacité. Encore une fois, il serait dommage de déstabiliser un système qui marche.

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