N° 94
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000. |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME III
DÉVELOPPEMENT RURAL
Par M. Henri REVOL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .
Sénat : 91 et 92 (annexe n° 3 ) (2000-2001).
Lois de finances. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
L'avis budgétaire qui vous est présenté est traditionnellement l'occasion d'examiner les crédits en faveur du développement rural inscrits dans le projet de loi de finances, ainsi que l'action menée par les pouvoirs publics dans ce domaine au cours de l'année écoulée.
Mais auparavant, votre rapporteur pour avis a souhaité évoquer les tempêtes qui ont touché une large partie du territoire français les 26 et 27 décembre 1999. Les effets de ces tempêtes ont été très durement ressentis par la population vivant en zone rurale, laquelle s'est souvent trouvée coupée du reste du monde pendant plusieurs jours, en raison de l'endommagement des réseaux électriques et de télécommunications.
De fait, les équipements ruraux ont été particulièrement mis à mal, révélant parfois leur inadaptation. Les tempêtes ont ainsi été à l'origine d'une réflexion d'EDF sur la nécessaire sécurisation du système électrique français, en ce qui concerne tant l'enfouissement des lignes de moyenne et basse tension, pour lequel la France accuse un retard considérable, que la résistance des ouvrages et des pylônes électriques.
Des moyens ont néanmoins été mis en oeuvre, mobilisant plusieurs volets et instruments de la politique d'aménagement du territoire et de développement rural.
Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, qui s'est tenu à Nantes le 28 février 2000, a ainsi été essentiellement consacré à la prise de mesures d'aides en faveur des secteurs agricoles et forestiers, particulièrement sinistrés. Un plan national pour la forêt, comportant des subventions pour un montant de 2 milliards de francs, une enveloppe de 12 milliards de francs de prêts bonifiés, ainsi qu'une dotation de 600 millions de francs par an pendant 6 ans, destinée à soutenir la reconstitution des forêts, a notamment été élaboré, pour venir en aide à ce secteur particulièrement frappé.
Des mesures spécifiques ont également été décidées dans le cadre de politiques sectorielles. Un programme spécial " tempêtes de décembre 1999 " a, par exemple, été instauré au sein du Fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACE), en vue d'aider les collectivités rurales maîtres d'ouvrage à réaliser leurs travaux d'enfouissement et de consolidation des lignes électriques.
Si la politique de développement rural a été très marquée par les conséquences des tempêtes de décembre 1999, elle a également vu, au cours de l'année 2000, ses objectifs redéfinis par le nouveau plan français de développement rural, approuvé par les instances européennes le 26 juillet dernier.
Conformément au règlement européen de mai 1999, le plan national de développement rural programme et articule les mesures de développement rural que la France entend mettre en oeuvre sur la période 2000-2006.
L'alignement sur les principes qui fondent le règlement européen de développement rural a néanmoins suscité quelques résistances. A titre d'illustration, les indemnités compensatoires de handicaps naturels, dont le régime apparaît modifié dans le nouveau plan de développement rural français, ne doivent plus viser à compenser les difficultés spécifiques supportées par les agriculteurs en zone de montagne, mais tendent à devenir des mesures agri-environnementales, dès lors que leur versement est lié au respect de bonnes pratiques agricoles.
Cependant, il convient de reconnaître que les mécontentements provoqués par cette réforme tiennent surtout à la fixation, par le Gouvernement français, de critères d'extensivité rigides, exprimés en taux de chargement par hectare, qui pourraient exclure du dispositif près de 10 % des bénéficiaires actuels.
Prenant acte de l'engagement du Gouvernement de revenir sur les dispositions du plan de développement rural relatives aux ICHN, votre rapporteur pour avis souligne qu'il suivra attentivement l'évolution de ce dossier.
Venons en maintenant à l'examen des crédits du développement rural.
Les crédits consacrés au développement rural proprement dit (inscrits aux chapitres 44-80/10, 44-80/20 et 44-80/60), sont en légère augmentation, avec un montant total de 90,3 millions de francs, en raison de la progression de la dotation aux SAFER, lesquelles doivent assumer de nouvelles missions depuis la loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999.
Les crédits d'aménagement en milieu rural, regroupant trois lignes budgétaires (les chapitres 61.44/10, 61.44/20 et 61.44/70) qui servent à financer les opérations d'aménagement hydraulique, les grands aménagements régionaux et diverses actions d'amélioration du cadre de vie, augmentent de 5 millions de francs en autorisations de programme. Cette augmentation est essentiellement imputable à une croissance inhabituelle des autorisations de programme allouées à l'aménagement hydraulique, dont votre rapporteur a dénoncé, dans ses précédents avis, la diminution régulière ces dernières années. Il s'agit donc là d'un petit rattrapage.
Ces crédits d'aménagement en milieu rural diminuent néanmoins en crédits de paiement, cette baisse concernant surtout l'amélioration du cadre de vie.
La progression notable des crédits consacrés à la forêt, tout à fait justifiée au regard des dégâts que celle-ci a subis fin décembre 1999, constitue le point fort de ce budget . Cette progression se chiffre à 31 %, grâce à une augmentation des crédits de 563 millions de francs, qui porte à 2,425 milliards de francs la dotation totale consacrée aux forêts dans le projet de loi de finances pour 2001.
Votre commission prend acte de cette progression, qui conforte une tendance amorcée l'année dernière, et qui concerne aussi bien les crédits alloués aux dépenses ordinaires -destinées notamment à financer des travaux d'entretien, des prêts divers, ainsi que la dotation de l'ONF- que les crédits de dépenses en capital, -reboisement et aides aux industries de première transformation-.
L'effort financier ainsi réalisé en faveur du secteur forestier doit cependant être prolongé sur le plan fiscal, en particulier par la mise en place d'un dispositif fiscal d'incitation à l'investissement forestier.
Votre rapporteur pour avis regrette, à cet égard, le retard pris par le Gouvernement dans la mise en place, annoncée lors de l'examen de la loi d'orientation pour la forêt à l'Assemblée Nationale, d'un groupe de travail sur ce thème.
Par ailleurs, il faut souhaiter que cette augmentation de crédits ne soit pas une simple mesure d'affichage, comme cela semble avoir été le cas pour une partie des crédits alloués dans le cadre du plan national pour la forêt. Dans de nombreux départements, les propriétaires forestiers n'ont pas encore reçu les subventions relevant de l'enveloppe de 2 milliards de francs prévue pour les mesures d'urgence. De même, nombre de communes forestières se plaignent de ne pas pouvoir bénéficier des mesures spécifiques prévues par le collectif budgétaire de printemps.
Les dotations affectées à la compensation de handicaps ou de contraintes spécifiques, et en particulier à l'agriculture de montagne , doivent faire l'objet d'une appréciation nuancée.
Les crédits consacrés aux actions spécifiques en zones défavorisées, inscrits à la ligne 44.80/50, augmentent de 2,27 millions de francs, le montant total des crédits en jeu -9,27 millions de francs- restant toutefois très modeste.
Surtout, votre rapporteur pour avis regrette la diminution de 17,7 % des crédits affectés aux indemnités compensatoires de handicaps naturels, regroupés dans la ligne 44.80/30 . Si cette diminution est compensée par une augmentation de la participation communautaire au financement de ces aides, le budget ne l'Etat n'en réalise pas moins de ce fait une économie conséquente sur ce chapitre, qui passe de 1,56 milliard de francs en 2000 à 1,28 milliard pour 2001.
Votre rapporteur pour avis s'associe sans réserve aux protestations formulées par les organisations professionnelles agricoles et les représentants des agriculteurs de montagne en réaction à ce désengagement de l'Etat. Leur mobilisation a permis d'obtenir du ministre de l'agriculture la promesse d'affecter 500 millions de francs supplémentaires, provenant notamment des sommes économisées, à la politique de la montagne.
Il faut souhaiter que ces crédits permettent de modifier les nouveaux critères d'attribution des ICHN, en vue d'éviter l'exclusion de bénéficiaires.
Votre rapporteur pour avis prend également note de la promesse d'augmentation de la dotation allouée aux bâtiments d'élevage et à la mécanisation en zone de montagne , en insistant pour que cette revalorisation soit inscrite dans le projet de loi de finances pour 2001. A défaut, la stagnation de cette enveloppe à 74 millions de francs ne permettra pas, cette année encore, de résorber les files d'attentes.
Il convient d'ajouter, enfin, un mot sur les contrats territoriaux d'exploitation, pour constater, à l'instar de notre collègue Gérard César, rapporteur pour avis du budget de l'agriculture, le succès pour le moins mitigé de ces instruments, qui devaient également servir le développement rural. Alors que le nombre de contrats signés est très loin d'atteindre les objectifs affichés, il y a lieu de déplorer la diminution de 58% des crédits affectés aux CTE, et de s'interroger sur la légitimité des prélèvements opérés par la modulation sur le revenu d'une partie des agriculteurs, qui étaient destinés à les financer.
Compte tenu de la diminution des crédits consacrés aux CTE, de la diminution des crédits alloués à l'amélioration du cadre de vie et des tentatives, heureusement contrecarrées, de remise en cause de la politique en faveur de la montagne, votre rapporteur pour avis vous proposera de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de développement rural inscrits au budget du ministère de l'agriculture.