II. DES SECTEURS INDUSTRIELS AUX ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
A. L'INDUSTRIE TEXTILE FACE AU REMBOURSEMENT DES AIDES DU " PLAN TEXTILE "
1. Une conjoncture améliorée
L'année 1999 a été marquée par une reprise lente, mais réelle, de l'industrie du textile-habillement . La crise asiatique, qui avait provoqué un déstockage généralisé et un effondrement des prix a cessé progressivement de faire sentir ses effets. L'amélioration a cependant été lente. Si le textile retrouve progressivement les niveaux antérieurs, l'habillement est toujours dans une décroissance structurelle de son activité.
En matière de taux de changes , la création de l'euro, le niveau élevé de la livre et du dollar, joints à la croissance de la consommation dans ces pays, ont facilité les exportations, et facilité la croissance du secteur.
La croissance de la consommation sur le marché intérieur a été un autre facteur favorable : la reprise amorcée nettement depuis 1997 pour l'ensemble habillement-cuir (+1,1 % en francs constants en 1997, puis près de +3 % en 1998) a été suivie d'un net ralentissement en 1999 (niveau stable), mais le redémarrage est certain depuis le début de l'année 2000 (sur un rythme de +2 %) et tout indique qu'il est maintenant durable. La croissance de la consommation en France est parmi les plus élevées en Europe.
2. Des difficultés structurelles
a) Une production tendanciellement à la baisse
L'amélioration de l'environnement économique et les allégements de charges sociales avaient permis une stabilisation de la production de ce secteur en 1997 et en 1998. A partir du dernier trimestre de 1998, la production s'est orientée franchement à la baisse, et les résultats financiers se sont dégradés. La reprise a eu lieu à partir de la fin 1999, mais les résultats sont différents selon les branches. Pour le textile , l'année 1999 a été mauvaise avec une baisse de la production physique de près de 6 %. Pour 2000, on s'oriente vers une stabilisation : l'indice de production (base 100 en 1995) s'établit aux environs de 87. Pour l'habillement , la baisse s'élève à près de 10 % en 1999 et continue en 2000, pour un indice de production de 55 (base 100 en 1995).
Au-delà de la crise asiatique, c'est d'un malaise plus profond que résultent ces chiffres, la reprise actuelle ne suffisant pas à les redresser. Les facteurs s'en font sentir, en particulier pour les activités dont le taux de main d'oeuvre est le plus élevé.
Le déficit du commerce extérieur de ce secteur n'a cessé de se creuser depuis 1970, principalement sous l'effet de la hausse des importations en provenance des pays à bas salaires. Le déficit commercial de la France atteint 10 milliards de francs avec les pays méditerranéens, et 20 milliards de francs avec l'Asie, dont 7 milliards avec la seule Chine.
b) Un emploi qui ne cesse de s'amenuiser
Les emplois dans le secteur du textile et de l'habillement ne cessent de diminuer depuis de longues années, sur un rythme annuel moyen de 3 à 4 % , avec des pointes de 6 à 7 % quand la conjoncture est particulièrement difficile.
Après la période délicate de 1996, les années 1997 et 1998 ont vu une amélioration notable (effets du plan " Borotra " et de la conjoncture), mais depuis la mi-1998, on assiste à une nouvelle dégradation avec de multiples fermetures ou délocalisations.
Malgré l'embellie, l'année 1999 a été particulièrement mauvaise sur le plan de l'emploi, avec des pertes d'emplois estimées à 6 % (soit 17.000 personnes, chiffre provisoire communiqué par le ministère de l'industrie).
Votre commission considère que le niveau trop élevé des charges sociales dans notre pays pénalise tout particulièrement ces industries de main d'oeuvre, tout comme la réduction du temps de travail, qui dégrade leur rentabilité.
3. Le remboursement des aides du plan d'allégement des charges sociales (dit plan " Borotra ") de la loi du 12 avril 1996
a) Un dispositif finalement condamné par la Cour de Justice Européenne
Le dispositif d'allégement de charges pour le secteur textile-habillement-cuir, mis en place par la loi du 12 avril 1996, a été mis en oeuvre de la mi-96 au 31 décembre 1997.
Ce dispositif a toutefois été condamné par la Commission européenne le 9 avril 1997 , au titre des aides d'Etat à caractère prohibé. La Commission a demandé à la France de prendre toutes dispositions pour récupérer les aides illégalement versées. Cette condamnation a été confirmée par la Cour de Justice Européenne le 6 octobre 1999.
Le Gouvernement français étant tenu de se conformer à cet arrêt, sous peine d'un recours en manquement, le processus de remboursement a été mis en route.
b) Des conditions de remboursement négociées
Les conditions de remboursement ont toutefois fait l'objet de longues négociations avec la Commission européenne, afin d'obtenir les interprétations les plus favorables et de ne pas mettre en danger les entreprises d'un secteur déjà fragile. Les conditions suivantes ont été arrêtées :
- pour la détermination du montant à rembourser, il est tenu compte de l'incidence fiscale sur les aides perçues. En conséquence, le montant est réduit d'environ 40 %. Une partie de l'aide restante est couverte par la règle du " de minimis ", qui prévoit que les Etats n'ont pas à soumettre à autorisation les aides versées dans la limite de 100.000 euros ;
- le remboursement pourra être étalé sur une période de 3 ans à partir de son début, soit le 1 er avril 2000 ;
- inversement, en conformité avec les règles européennes l'aide perçue et le remboursement sont affectés d'un taux d'intérêt, au taux négocié de 6,01 % correspondant à la moyenne des taux d'intérêts sur la période avant le remboursement.
Ce dispositif a fait l'objet d'une circulaire envoyée aux préfets le 31 mars 2000 . Les URSSAF sont chargées de la gestion du remboursement, sous l'autorité du préfet de département.
c) L'état d'avancement du processus de remboursement
Le processus de remboursement ne faisant que débuter, votre rapporteur ne dispose pas encore de statistiques complètes sur son ampleur ni sur son incidence directe sur les entreprises concernées.
Cependant, les premières indications recueillies confirment les éléments chiffrés communiqués dans le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000.
Le nombre d'entreprises de ce secteur de plus de 50 personnes, objet de la procédure, est d'environ un millier . Sur ce nombre, 250 à 300 ont moins de 80 personnes et n'auront donc en fait pratiquement rien à rembourser compte tenu des conditions du remboursement. On peut penser qu'environ 200 autres n'auront qu'une somme très modérée à payer.
Parmi les entreprises restantes, les cas sont extrêmement divers. A priori, pour la plus grande partie, l'incidence du remboursement, sans être nulle, devrait néanmoins rester faible compte tenu de l'étalement dans le temps.
Pour les entreprises auxquelles le remboursement poserait problème, soit à cause du montant à débourser, soit en raison de difficultés déjà existantes, un double dispositif a été mis en place :
- les entreprises peuvent s'adresser aux services du préfet ou de la comptabilité publique (Commission des chefs de service financiers) en cas de difficultés de paiement, afin qu'il soit procédé à une étude globale de leur situation, même si le principe du remboursement doit être respecté ;
- les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) ont reçu instruction de visiter systématiquement les entreprises du secteur, afin de voir quel soutien peut leur être apporté dans le cadre des procédures existantes, au titre de l'innovation ou de la formation.
Votre commission pour avis demande au Gouvernement de donner des instructions pour que la procédure de remboursement soit mise en oeuvre avec pragmatisme par les services concernés, afin de ne pas mettre en danger des entreprises déjà fragilisées.