2. Un excédent en réalité ponctionné
Le prédécesseur de votre rapporteur pour avis avait déjà dénoncé l'année dernière les ponctions dont avaient fait l'objet les excédents retrouvés de la branche famille.
a) Une tradition depuis que la branche famille est en excédent
S'agissant d'abord du transfert du financement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS) du budget de l'Etat vers la branche famille, le prédécesseur de votre rapporteur pour avis avait rappelé l'année passée qu'il avait abouti à diminuer l'excédent de la branche famille pour 2000 des 2 milliards de francs (300 millions d'euros) supplémentaires pris en charge par la CNAF à ce titre. Pour 2001, les comptes de la branche famille avait intégré la prise en charge totale de la majoration de l'ARS par la branche famille, soit 6,6 milliards de francs (1 milliard d'euros).
L'article 21 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait en outre instauré une prise en charge progressive par la CNAF des majorations de pensions servies aux parents de trois enfants et plus, normalement à la charge du FSV.
L'article L. 223-1 du code de la sécurité sociale qui définit le rôle de la CNAF a été modifié afin d'étendre ce rôle au versement au FSV d'un montant égal aux dépenses prises en charge par ce fonds au titre des majorations de pension pour enfants.
Pour 2001, la CNAF a du verser au FSV un montant égal à 15 % des sommes correspondant à ces majorations, soit, d'après l'annexe f au présent projet de loi de financement concernant les comptes du FSV, 440 millions d'euros (2,9 milliards de francs). Le solde de cette opération doit être déterminé par les lois de financement de la sécurité sociale ultérieures.
Le coût global de ces majorations de pension est de l'ordre de 40 milliards de francs (6,10 milliards d'euros), avec un poids différent selon les régimes, les écarts résultant des différences de montant de la bonification et de la proportion de familles nombreuses dans les régimes. A ces 40 milliards de francs, il faut ajouter la dépense fiscale correspondant à l'exonération de cette majoration de l'impôt sur le revenu, soit 2,3 milliards de francs (0,35 milliard d'euros), majorant la bonification de 6 % en moyenne par rapport à ce qu'elle serait si elle était imposable.
Le financement est différent selon les régimes : il est à la charge du FSV pour le régime général et les régimes alignés (18 milliards de francs) ; il est à la charge des régimes eux-mêmes dans les autres cas.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, en transférant progressivement la prise en charge de ces majorations du FSV vers la CNAF, a ajouté de la confusion à ce mode de financement déjà très hétérogène. Le résultat excédentaire de la branche famille a donc été ponctionné dans le but de soulager ceux des organismes de sécurité sociale qui connaissent des résultats beaucoup moins encourageants. En outre, malgré ce transfert, le solde d'exercice pour 2001 du FSV est en déficit de 127 millions d'euros (833 millions de francs).
Bilan des transferts entre régimes de base
(En millions d'euros)
Régime général CNAF |
|||
Transferts reçus |
Transferts versés |
Solde des transferts (reçus-versés) |
|
1999 |
256 |
3.614 |
- 3.358 |
2000 |
255 |
3.374 |
- 3.118 |
2001 |
269 |
3.424 |
- 3.156 |
2002 |
5.128 |
3.493 |
- 3.217 |
Source : Commission des comptes de la sécurité sociale septembre 2001
b) L'année 2002 : un record en matière d'excédents « détournés »
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 contient plusieurs articles qui entraîne des transferts des excédents de la branche famille, au titre de l'année 2000 et de l'année 2002, vers d'autres organismes.
(1) Exercice 2000
L'article 5 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit une annulation rétroactive de la créance de la CNAF sur le FOREC au titre des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale prises en charge en 2000. Cette annulation de créance a pour conséquence une réouverture des comptes clos de la CNAF au titre de l'année 2000 pour permettre de la contre-passer comptablement. A ce titre, donc, les excédents de la CNAF de l'année 2000 se voient amputés de 2,773 milliards de francs (0,42 milliard d'euros).
L'article 24 du présent projet de loi de financement prévoit de doter, pour l'année 2002, le fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance créé par l'article 23 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 de 228,67 millions d'euros (1,5 milliard de francs)
Enfin, l'article 29 du présent projet de loi de financement dispose que la CNAF verse en 2002 la somme de 762 millions d'euros (5 milliards de francs ) au Fonds de réserve pour les retraites, prélevée sur le résultat excédentaire 2000 de la branche famille, après affectation d'une fraction de celui-ci au Fonds d'investissement pour le développement des structures d'accueil de la petite enfance. Il s'agit d'un versement « exceptionnel » de la CNAF au FRR. Votre rapporteur pour avis souhaite véritablement que ce versement soit exceptionnel et qu'il ne se pérennise pas.
Au total, au titre de l'exercice 2000, ce sont donc 9,3 milliards de francs, 1,4 milliard d'euros, qui ont été prélevés par le gouvernement sur les excédents de la branche famille pour servir des intérêts autres que ceux de la politique familiale.
Enfin, il convient également de retrancher du résultat de l'exercice comptable 2000 de la branche famille une somme de 185 millions de francs (28,2 millions d'euros) au titre du régime des prestations familiales agricoles.
Dès lors, après tous ces artefacts comptables au titre de l'exercice 2000, il ne restera plus à la branche famille, en comptabilité de droits constatés, qu'un excédent de 7 millions de francs (1,07 million d'euros, alors que cet excédent était à l'origine de 1,44 milliard d'euros (9,45 milliards de francs).
(2) Exercice 2002
L'article 23 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit les modalités de financement du congé de paternité instauré par l'article 22. Ce congé de paternité est défini par le présent projet de loi comme faisant partie des prestations du régime d'assurance maladie-maternité, or c'est la Caisse nationale des allocations familiales qui devra en assurer le financement par le remboursement au régime d'assurance maladie-maternité des indemnités versées aux bénéficiaires du congé de paternité. Le coût pour la CNAF en 2002 est évalué à 700 millions de francs (106,7 millions d'euros).
L'article 25 du présent projet de loi de financement prévoit la poursuite de la prise en charge par la CNAF des majorations de 10 % de la pension principale servie aux parents de trois enfants ou plus, normalement à la charge du FSV. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 avait fixé cette prise en charge à une fraction représentant 15 % du montant de ces majorations. Le présent projet de loi fixe cette fraction à 30 %.
D'après la commission des comptes de la sécurité sociale, l'application des règles de droits constatés a conduit le FSV à inscrire 42 millions d'euros à ce titre dès l'exercice 2000. En 2001, le versement de la CNAF au FSV s'est élevé à 440 millions d'euros. En outre, pour 2002, ce versement était évalué par la Commission des comptes de la sécurité sociale, en septembre 2001, à 459 millions d'euros, hors mesures nouvelles contenues dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Si l'on tient compte cependant des dispositions de l'article 25 du présent projet de loi, ce sont 916 millions d'euros que la CNAF devra verser au FSV en 2002, soit un concours financier nouveau par rapport à la participation tendancielle de la CNAF de 457 millions d'euros 57 ( * ) .
Votre rapporteur pour avis ne peut que condamner l'ensemble des manipulations comptables dont la CNAF est victime et qui lui pose de graves difficultés juridiques, comptables et informatiques. En outre, lors de son audition devant la commission des affaires sociales du Sénat, M. Claude Thélot, rapporteur de la Cour des comptes pour les lois de financement de la sécurité sociale, a reconnu que ces prélèvements aux dépens de la branche famille avaient effectivement pour effet de neutraliser les excédents de la branche. Il s'est en outre interrogé sur la pertinence de la prise en charge progressive par la CNAF des majorations de pension pour enfants. La mission du FSV n'était-elle pas, justement, de prendre en charge ces dispositions de solidarité nationale applicables aux régimes obligatoires de retraite ?
* 57 Voir les développements consacrés à ce sujet dans le IV du chapitre relatif à la vieillesse.