II. LES ORIENTATIONS DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2005
A. UNE BAISSE PRÉOCCUPANTE DES CRÉDITS DE L'EMPLOI EN 2005
Les moyens budgétaires en faveur de l'emploi s'élèveront en 2005 à 329,1 millions d'euros . Ces crédits, qui sont inscrits au chapitre « fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon » (FEDOM) sont en baisse de 28,4 % par rapport à la loi de finances pour 2004. Ils englobent :
- les crédits consacrés aux DOM, sauf la Martinique, et des collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon et Mayotte (article 10), soit 264 millions d'euros ;
- les dotations globalisées, à titre expérimental, depuis 2004, en Martinique (article 21), soit 65 millions d'euros.
Évolution des crédits du FEDOM
(en millions d'euros)
|
LFI 2004 |
LFI 2005 |
Variation 2004/2005 |
FEDOM |
389,04 |
264,14 |
- 32 % |
FEDOM Martinique |
70,38 |
65,00 |
- 7,7 % |
TOTAL |
459,43 |
329,14 |
- 28,4 % |
Cette baisse doit toutefois être relativisée en raison du transfert de 40 millions d'euros de crédits consacrés aux exonérations de cotisations sociales, mais elle porte tout de même sur 90 millions d'euros, soit 24 % des crédits du FEDOM. A un moment où la loi de programme n'a pas encore atteint sa vitesse de croisière et où la baisse du chômage n'est pas encore stabilisée, votre commission ne peut que regretter l'ampleur de la réduction des crédits consacrés à l'emploi outre-mer .
1. Un contexte favorable
Le FEDOM concentre les moyens financiers dont dispose le ministère pour conduire la politique en faveur de l'emploi outre-mer.
LE FEDOM
La loi du 25 juillet 1994 a créé le fonds pour l'emploi dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Géré directement par le ministère chargé de l'outre-mer, ce fonds est souple d'utilisation et adapté aux spécificités économiques et sociales des départements d'outre-mer.
Le comité directeur du FEDOM, composé de parlementaires élus localement, se prononce sur la répartition des crédits entre les différentes solutions d'insertion.
Le contrat d'accès à l'emploi (CAE)
Il est proposé aux demandeurs d'emploi de longue durée, aux bénéficiaires du RMI, aux travailleurs handicapés et aux jeunes en grande difficulté. L'employeur privé bénéficie, pour chaque recrutement en contrat à durée indéterminée ou déterminée d'au moins douze mois, d'une prime modulable en fonction de l'ancienneté du chômage de 152,45 à 304,90 euros par mois et de l'exonération des charges sociales patronales. Ce type de contrat est réservé au secteur privé.
Le contrat d'insertion par l'activité (CIA)
Ce dispositif consiste à remettre en activité, par l'exécution de tâches d'utilité sociale, des bénéficiaires du RMI exclusivement, au moyen d'un véritable contrat de travail. Les titulaires de CIA ont un employeur unique, l'agence d'insertion, établissement public créé dans chaque département, qui les met, par voie de convention, à la disposition des collectivités et des associations. Comme pour les CES, l'activité est exercée à mi-temps. Elle est rémunérée sur la base du SMIC horaire.
Le contrat emploi-solidarité (CES) et le contrat emploi-consolidé (CEC)
Ces dispositifs sont les mêmes qu'en métropole. Il s'agit d'offrir à des publics en difficulté d'insertion un emploi à mi-temps, rémunéré au SMIC horaire, pour satisfaire, dans le secteur associatif ou auprès de collectivités, des besoins d'utilité collective.
Les primes à la création d'emplois
Elles sont attribuées sur agrément préfectoral aux entreprises dont l'activité est principalement orientée vers des débouchés commerciaux à l'extérieur des départements d'outre-mer et qui augmentent leurs effectifs. La loi d'orientation prévoit une modification de leur régime.
Les emplois-jeunes
Ils s'adressent aux jeunes de moins de vingt-six ans. Les emplois créés doivent répondre à des besoins émergents ou non satisfaits en matière d'utilité sociale. En 2002, à la fin de la mise en oeuvre du dispositif, 11.380 postes avaient été créés dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Les conventions passées avec les employeurs ayant une durée de cinq ans, les premières sorties du dispositif emplois-jeunes ont démarré dès la fin de l'année 2002 pour un petit nombre d'entre eux, les autres devant sortir du dispositif à partir de 2003. Compte tenu du nombre de jeunes concernés et des spécificités des DOM, des dispositions particulières ont été mises en place par la loi de programme : les collectivités ont désormais la possibilité de prolonger dans la limite de trois ans ces contrats de droit privé sous réserve de la signature d'un avenant à la convention initiale permettant leur consolidation.
Le projet initiative-jeunes (PIJ)
Ce dispositif tend, par une aide financière de l'État, à favoriser la réalisation du projet professionnel de jeunes de dix-huit ans à trente ans et des bénéficiaires d'un emploi-jeune arrivant au terme de leur contrat qui :
- soit, créent ou reprennent une entreprise ;
- soit, poursuivent une formation professionnelle proposée par l'Agence nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer (ANT) ou par tout organisme agréé par l'État en dehors du DOM où est situé « le centre de leurs intérêts ».
Le congé solidarité
Afin de favoriser l'embauche de jeunes par la cessation d'activité de salariés âgés, le congé solidarité permet, sous certaines conditions, aux salariés de plus de cinquante-cinq ans adhérant à une convention conclue entre l'État et l'employeur, de cesser par anticipation leur activité professionnelle en contrepartie de l'embauche d'un jeune de trente ans maximum sous contrat à durée indéterminée par une entreprise dont la durée collective de travail est d'au plus trente-cinq heures par semaine. Le salarié âgé bénéficie alors d'une allocation de congé-solidarité financée par l'État, les collectivités locales et l'entreprise, fixée en fonction de la durée de sa carrière et versée jusqu'à ce qu'il bénéficie d'une retraite à taux plein et au plus tard jusqu'à soixante-cinq ans.
L'allocation de retour à l'activité (ARA)
Pour favoriser le retour à l'emploi de certains bénéficiaires de minima sociaux, ceux-ci peuvent bénéficier, à leur demande, d'une allocation de retour à l'activité (ARA) pour leur réinsertion dans une activité professionnelle lorsqu'ils créeront ou reprendront une entreprise ou lorsqu'ils exerceront une activité au domicile de particuliers, dans une association ou en entreprise.
Il est à noter que le FEDOM peut également participer au financement de « mesures de restructuration » par redéploiement des crédits. Par ailleurs, à partir de l'exercice 2002, le FEDOM a également été appelé à assurer la gestion des mesures en faveur de l'emploi ouvertes à Mayotte.
Source : ministère de l'outre-mer
Depuis deux ans, la gestion du FEDOM a été profondément révisée en raison de la mise en oeuvre de la LOLF à titre expérimental et de l'entrée en vigueur de la loi de programme pour l'outre-mer.
a) Les promesses tenues de la loi de programme pour l'outre-mer
La plupart des mesures pour l'emploi, lancées par la loi d'orientation du 13 décembre 2000, ont été redéfinies par la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003.
Pour les contrats d'accès à l'emploi , les décrets d'application ont été pris en mars 2004 (décret n° 2004-254 et décret CE n° 2004-253 du 19 mars 2004) et la réforme du dispositif est entrée en vigueur le 1 er avril 2004 ; le premier bilan sera donc disponible en 2005.
En ce qui concerne la sortie du programme emplois-jeunes , la situation particulière des collectivités d'outre-mer ne permettait pas d'envisager sereinement l'avenir professionnel de ces jeunes. La loi de programme leur a donné la possibilité de prolonger, dans la limite de trois ans, ces contrats de droit privé, sous réserve de la signature d'un avenant à la convention initiale permettant la consolidation des emplois à l'issue de ces conventions.
Le dispositif d'aide aux jeunes diplômés a pris du retard dans son application, compte tenu de la date de publication des textes réglementaires (19 mars 2004) et surtout, de la circulaire fixant les modalités de mise en oeuvre du dispositif (10 juin 2004). Pour 2005, le projet de budget prévoit 840 bénéficiaires du soutien à l'emploi des jeunes diplômés.
A Mayotte, la prime à la création d'emploi en faveur des jeunes permet aux entreprises d'en bénéficier depuis la publication du décret d'application n° 2004-253 du 19 mars 2004.
La mise en oeuvre de ces textes d'application a permis d'utiliser les crédits du FEDOM de manière optimale. Au cours de l'année 2004, ils ont été répartis entre emplois marchands et non marchands de la manière suivante :
Répartition des crédits emploi de la LFI 2004
(en millions d'euros)
|
Guadeloupe |
Guyane |
Martinique |
Réunion |
Mayotte |
Secteur non marchand |
48,3 |
21,3 |
54,6 |
161,3 |
12,0 |
Secteur marchand |
11,3 |
1,9 |
16,3 |
26,7 |
1,1 |
Total |
59,6 |
23,3 |
70,9 |
188,1 |
13,2 |
Source : ministère de l'outre-mer
Quant au dispositif d'exonérations de cotisations sociales prévu par la loi de programme et financé jusqu'à aujourd'hui par le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, les premiers résultats de l'évaluation prévue pour la période 2003-2005 devraient être présentés au Parlement à l'automne 2006, conformément à ce que prévoit la loi de programme. Ce sera l'occasion de comparer les effets de la loi d'orientation du 13 décembre 2000 et ceux de la loi de programme.
En attendant, les premières estimations montrent que les exonérations spécifiques aux DOM sont passées de 150 millions au deuxième trimestre 2003, à 159 millions, au troisième trimestre 2003 (+ 6 %) et à 177 millions d'euros, au quatrième trimestre (+ 11 %).
Exonérations de cotisations dans le cadre de la
loi d'orientation pour l'outre-mer
du 13 décembre 2000 ou de la loi
programme du 21 juillet 2003
|
Cotisations exonérées ( en millions d'euros) |
Effectifs exonérés |
Nombre d'établissements |
2002 |
0,58 |
177.763 |
29.182 |
2003 |
0,64 |
186.524 |
28.656 |
Évolution |
+9,7 % |
+4,9 % |
-1,8 % |
Source : ministère de l'outre-mer
Enfin, la défiscalisation a constitué un puissant levier pour le développement économique. Au 30 septembre 2004, 257 dossiers avaient été déposés auprès du ministère de l'économie, soit l'équivalent du nombre de dossiers déposés sur l'ensemble de l'année 2003, soit un total d'investissements de 1,3 milliard d'euros .
b) Un cadre budgétaire renouvelé
Les crédits du FEDOM ont fait l'objet d'une globalisation expérimentée en 2004 en Martinique, conformément aux recommandations de la LOLF. La fongibilité des dotations a pour objectif de permettre une plus grande souplesse de gestion et de financement des mesures pour l'emploi, soit d'ordre national (contrat emploi solidarité, contrat emploi consolidé, contrat d'insertion-revenu minimum d'activité), soit spécifiques à l'outre-mer (contrat d'accès à l'emploi, contrat d'insertion par l'activité, projet initiative-jeune, congé de solidarité, allocation de retour à l'activité, mesures en faveur de Mayotte).
La gestion globale des moyens d'intervention a été mise en oeuvre par le service public de l'emploi sous l'autorité du préfet. Elle permet désormais de garantir à la fois :
- une autonomie renforcée des gestionnaires locaux ;
- une meilleure prise en compte du « terrain » et une réactivité accrue des politiques publiques ;
- le passage d'une logique d'exécution des dépenses à une logique de résultats attendus et obtenus de la dépense publique.
Le bilan de cette expérimentation s'est révélé positif. Des outils originaux bien adaptés aux modalités de gestion de ces crédits ainsi qu'aux spécificités de l'outre-mer ont été mis en place. En 2005, elle devrait être étendue aux autres DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Bilan de la globalisation des crédits du
FEDOM expérimentée en Martinique
La globalisation des mesures d'insertion et d'aides directes à l'emploi en Martinique instaurée en 2004, afin de donner au préfet la capacité de redéployer les entrées d'un dispositif d'aide à l'emploi à un autre , s'applique aux dispositifs gérés par le ministère de l'outre-mer à savoir les contrats emploi-solidarité (CES), les contrats emploi-consolidé (CEC), les contrats d'insertion par l'activité (CIA), les aides forfaitaires des contrats d'accès à l'emploi (CAE), les contrats emplois-jeunes, les projets initiative-jeunes (PIJ), les congés-solidarité (CS), le soutien aux jeunes diplômés (SEJD) et les allocations de retour à l'activité (ARA).
Les moyens mis en place afin de permettre la réalisation et le suivi de cette expérimentation ont été définis dans le cadre d'un protocole entre le ministère délégué au budget et à la réforme budgétaire et le ministère de l'outre-mer, et d'un contrat d'objectifs et de progrès , le COP, signé le 1 er mars 2004 entre le ministère de l'outre-mer et le préfet de la région Martinique.
Le pilotage d'une fongibilité entre les différents dispositifs susvisés a conduit à la définition et à la mise en place d'un outil partagé de calcul, le tableau de calcul des coûts pluriannuel (TCCP) , développé au cours du premier semestre 2004. Dans le respect de l'enveloppe budgétaire ouverte à l'article 21 du chapitre 44-03 du budget du ministère de l'outre-mer et sur la base du diagnostic territorial établi par le directeur du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DTEFP), le préfet a établi une programmation des entrées dans les dispositifs (basée sur la moyenne des entrées au cours des trois dernières années) et ce, dans le cadre d'un dialogue de gestion instauré entre le préfet de la Martinique, le DTEFP et le ministère de l'outre-mer.
A la suite de cette première phase du dialogue de gestion, la programmation proposée par le préfet a été validée par le ministère de l'outre-mer qui a fixé au préfet des objectifs spécifiques en matière de politique d'aide à l'emploi et à l'insertion professionnelle des publics les plus démunis au regard de l'emploi, tels qu'ils ont été définis dans l'avant-projet annuel de performance (PAP) du programme « Emploi outre-mer » à savoir, les demandeurs d'emploi de longue durée de plus de deux ans d'ancienneté, les demandeurs d'emploi allocataires du revenu minimum d'insertion et les jeunes demandeurs d'emploi de moins de trente ans. L'atteinte des objectifs ainsi assignés à la Martinique pour l'exercice 2004 relève de la responsabilité du préfet qui dispose pour cela du budget prévisionnel mis à sa disposition. La fongibilité des fonds dont il dispose également lui permet de proposer en cours de gestion les redéploiements qu'il juge opportuns dans la programmation des mesures afin d'obtenir des résultats probants.
D'un montant prévisionnel global de 70,9 millions d'euros en début d'exercice 2004, les crédits ont été ramenés à 65,1 millions d'euros par le ministère de l'outre-mer à la suite du réajustement des besoins budgétaires liés à la programmation arrêtée en début d'année, tels qu'ils sont apparus avec la mise en place effective du tableau de calcul des coûts pluriannuels.
Afin d'assurer le suivi des engagements et paiements effectués par les acteurs centraux et locaux, il s'est avéré indispensable d'organiser un suivi particulier des paiements effectués par les organismes gestionnaires de dispositifs et de tenir une comptabilité des entrées et des sorties dans les dispositifs.
A cet effet, des avenants spécifiques ont été passés pour certains d'entre eux (l'ANPE le 6 juillet 2004 pour les CAE, l'ANT le 20 juillet 2004 pour une partie du PIJ et l'UNEDIC le 18 mai 2004 pour les SEJD) ou sont en cours de finalisation pour d'autres (le CNASEA en ce qui concerne la gestion des CES, CEC, PIJ et des contrats emplois-jeunes, l'ADI pour les CIA, l'ACOSS pour l'ARA), afin d'établir une identification des paiements et des engagements réalisés pour la Martinique, les modalités d'informations sur ces éléments des responsables locaux et centraux ainsi que les modalités d'information des organismes gestionnaires de dispositifs sur les modifications de programmation des mesures en cours d'exercice.
Source : ministère de l'outre-mer