B. LES CAUSES DE CETTE ÉVOLUTION
En 2003, la hausse des admissions à l'aide juridictionnelle connaît une nette amplification enregistrant un doublement par rapport à l'année dernière (9,5 % contre 4,7 % en 2002). Cette évolution rompt avec la tendance à une légère décroissance observée entre 1998 et 2001. L'aide totale, majoritaire 45 ( * ) , enregistre la plus forte hausse (10,4 %). La progression des admissions en matière civile (8,5 %) équivaut à celle enregistrée dans le domaine pénal (10,3 %).
Deux causes expliquent cette situation : l'élargissement du champ d'application de l'aide juridictionnelle à de nouveaux bénéficiaires et la revalorisation récente de la rétribution allouée aux avocats.
1. L'élargissement du champ d'application de l'aide juridictionnelle
L'entrée en vigueur des réformes précédemment mentionnées a étendu à de nouveaux domaines le champ d'application de l'aide juridictionnelle, accroissant le nombre de justiciables éligibles à ce dispositif.
Aux effets « inflationnistes » induits mécaniquement par les récentes innovations législatives se sont ajoutés deux autres éléments :
- l'augmentation automatique du nombre de bénéficiaires résultant de la revalorisation annuelle des plafonds de ressources indexée sur l'évolution de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu 46 ( * ) ;
- les aménagements procéduraux destinés à simplifier la procédure telles la modulation des correctifs familiaux pour les deux premières personnes à charge du demandeur instituée en avril 2003 et la clarification des règles relatives aux ressources afin de réduire les disparités de traitement des demandes par les bureaux d'aide juridictionnelle 47 ( * ) .
Les représentants de la profession d'avocat entendus par votre rapporteur pour avis se sont interrogés sur les limites de cet élargissement de l'aide juridictionnelle, soulignant que certaines réformes telle l'admission à ce dispositif des victimes des atteintes les plus graves à la personne ou leurs ayant droits sans condition de ressources s'éloignait de la philosophie initiale de la loi de 1991 tout en pesant lourdement sur le budget du ministère de la justice.
2. La récente revalorisation de la rétribution allouée aux avocats
L'augmentation du barème de la rétribution de l'avocat exerçant des missions au titre de l'aide juridictionnelle est intervenue dans le cadre du quatrième axe de la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice relatif à l'amélioration de l'accès des citoyens au droit et à la justice.
Une première revalorisation du barème d'un montant global de 56 millions d'euros est intervenue sur la base du protocole du 18 décembre 2000 conclu entre le ministère de la justice et les avocats, financée en deux temps (en janvier 2001 et en janvier 2002).
Sensible au souhait des principaux représentants de la profession d'avocat, le Gouvernement a proposé une nouvelle augmentation des barèmes concernant 15 procédures 48 ( * ) . Cette mesure d'un coût de 11,3 millions d'euros a été financée en loi de finances initiale pour 2004, à laquelle s'est ajoutée le relèvement de 2 % du montant de l'unité de valeur (mesure inscrite pour un montant de 4,5 millions d'euros).
L'impact de ces réformes est loin d'être négligeable comme en attestent les règlements effectués par les caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA) aux avocats au titre de missions achevées en forte hausse (+ 28 % entre 2001 et 2003) 49 ( * ) .
Compte tenu de l'effort de maîtrise des dépenses publiques et en dépit de l'engagement pris l'année dernière de« revaloriser régulièrement l'unité de valeur au cours des prochaines exercices budgétaires », le Gouvernement n'a pas souhaité relever le montant de l'unité de valeur en 2005 au grand regret des représentants de la profession d'avocat entendus par votre rapporteur pour avis.
Considérant que l'assurance de protection juridique pouvait constituer une alternative intéressante à l'aide juridictionnelle, susceptible de permettre aux classes moyennes d'être couvertes lorsqu'elles engagent une instance, ces derniers ont vivement souhaité que le ministère de la justice prenne des mesures, si nécessaire législatives, pour inciter les compagnies d'assurance à rémunérer décemment les avocats et pour prévenir les déchéances abusives de garantie. En outre, ils ont invité celui-ci à engager une réflexion sur la mise en oeuvre de l'honoraire de résultats lorsque la procédure procure des ressources nouvelles au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle. Cette piste de réforme est à l'étude, une commission ayant été constituée au sein du Conseil national de l'aide juridique.
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Au bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 2005.
* 45 Elle représente 87 affaires sur 100.
* 46 En application de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991.
* 47 L'exclusion de la prise en compte des ressources de l'aide personnalisée au logement et de l'aide juridictionnelle entre dans ce cadre.
* 48 Voir décret n° 2003-853 du 5 septembre 2003.
* 49 Qui sont passés de 149 millions d'euros en 2001 à 191 millions d'euros en 2003.