B. VERS L'APPROFONDISSEMENT DE LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE EN FAVEUR DES RÉGIONS ULTRA-PÉRIPHÉRIQUES

1. Le renouvellement des dispositifs communautaires en faveur des départements et régions d'outre-mer

La politique communautaire a, en 2004, permis de confirmer le dispositif de taxation spécifique de l'octroi de mer dans les départements et régions d'outre-mer, les concours financiers européens étant maintenus et désormais mieux consommés.

a) La confirmation du régime de l'octroi de mer jusqu'en 2014

L'octroi de mer, taxe parafiscale instituée au XVIIème siècle, s'applique, dans les départements d'outre-mer, tant aux biens importés (octroi de mer « externe ») qu'aux productions locales (octroi de mer « interne »). Il est perçu dans l'ensemble des départements d'outre-mer, à l'exception de Saint-Barthélémy et Saint-Martin .

La fixation des taux d'octroi de mer relève de la compétence des conseils régionaux depuis la loi n° 84-747 du 2 août 1984 relative aux compétences des régions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion. Cette taxe constitue une recette fiscale importante pour les départements d'outre-mer, à commencer par les communes qui y sont implantées. En effet, son produit revient essentiellement à celles-ci qui ont reçu, à ce titre, plus de 600 millions d'euros en 2003, ce qui représente entre 25 et 30 % de leurs recettes de fonctionnement.

Elle joue également un rôle de protection et de promotion des entreprises locales . D'une part, l'octroi de mer tend à aligner le coût des produits importés sur celui des productions locales, structurellement plus élevés compte tenu des handicaps propres aux départements d'outre-mer. D'autre part, il peut constituer un instrument de soutien aux entreprises ultramarines, à travers la possibilité qu'ont les régions d'exonérer partiellement ou totalement certaines productions locales de l'acquittement de ce droit.

Compte tenu de son objet, l'octroi de mer se heurte cependant au principe de libre circulation des marchandises , établi par le traité instituant la Communauté européenne. L'article 25 de ce traité interdit en effet les droits de douane à l'importation et à l'exportation ainsi que les taxes d'effets équivalents entre les Etats membres, cette interdiction s'appliquant également aux droits de douanes à caractère fiscal. La Cour de justice des Communautés européennes avait d'ailleurs estimé que le régime de l'octroi de mer antérieur à 1992 était contraire au traité CE, dans la mesure où la perception d'une taxe sur des produits nationaux et communautaires pénétrant sur le territoire d'une collectivité infra-étatique portait atteinte, selon elle, à l'unicité du territoire douanier communautaire. 9 ( * )

Toutefois, prenant en compte les spécificités des départements d'outre-mer en leur qualité de régions ultrapériphériques de l'Union européenne, le Conseil des ministres des Communautés européenne a, par une décision n° 688/89/CE du 22 décembre 1989, autorisé la France à maintenir, jusqu'au 31 décembre 2002, l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer, sous réserve de certaines modifications de son régime. La loi n° 92-676 du 17 juillet 1992 relative à l'octroi de mer a, en conséquence, apporté au droit français les modifications nécessaires à la bonne application des nouvelles règles communautaires.

Compte tenu de l'arrivée de l'échéance de l'autorisation donnée en 1989, le Gouvernement a négocié avec les autorités communautaires l'adoption d'une nouvelle décision, prorogeant le régime de l'octroi de mer pour une nouvelle période de dix ans. A cet effet, le Gouvernement a déposé une demande de prorogation circonstanciée, en avril 2003, qui à conduit à une nouvelle décision d'autorisation, adoptée le 10 février 2004 par le Conseil de l'Union européenne et expressément fondée sur les dispositions du paragraphe 2 de l'article 299-2 du traité CE. 10 ( * )

La loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer transpose en droit national cette nouvelle décision et permet le maintien, jusqu'en 2014, d'un régime de l'octroi de mer rénové.

Alors que sous l'empire de la loi précitée du 17 juillet 1992, les taux de taxation des produits étaient plafonnés à 10, 30 ou 50 % selon les produits et appliqués presque exclusivement aux produits importés, le nouveau dispositif supprime ces plafonds en introduisant, en contrepartie, un système d'écarts de taxation, proportionnés et justifiés, entre les taux d'octroi de mer interne et externe . Ces écarts de taxation maximum sont fixés à 10, 20 ou 30 points de pourcentage selon les départements et les produits déterminés par une liste fixée par le Conseil de l'Union européenne sur proposition des régions.

Les petites entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 550.000 euros peuvent par ailleurs continuer à bénéficier d'un système d'exonération du paiement de la taxe . Cette mesure se conjugue, en outre, avec un supplément de protection prenant la forme d'une majoration de 5 points des écarts de taux autorisés.

La nouvelle loi vise également à remédier à une consommation insuffisante des fonds régionaux pour le développement et l'emploi (FRDE) , alimentés par une fraction du produit de l'octroi de mer, qui ont pour fonction d'apporter aux communes des subventions d'investissement facilitant l'installation d'entreprises et la création d'emplois.

Ainsi, la nouvelle loi prévoit que 80 % des ressources des FRDE sont versées directement aux communes, au prorata de leur population, avec une majoration de 20 % pour les communes chefs-lieux de département et de 15 % pour les communes chefs-lieux d'arrondissement. Par ailleurs, 10 % de cette part communale est réservée aux communes des îles du sud de la Guadeloupe, défavorisées par leur double insularité. Cette recette nouvelle est versée aux communes sous la forme d'une dotation globale d'investissement servant prioritairement à financer des projets facilitant l'installation d'entreprises et la création d'emplois ou contribuant à la réalisation d'infrastructures ou d'équipements publics nécessaires au développement.

Le solde de 20 % des FRDE est affecté aux budgets des régions pour financer des investissements de syndicats mixtes ou d'établissements publics de coopération intercommunale contribuant au développement économique, à l'aménagement du territoire et au désenclavement, sous maîtrise d'ouvrage de la région. Par ailleurs, la loi prévoit le reversement aux communes sur trois ans, à compter de 2005, des ressources des FRDE non engagées par les régions au 31 décembre 2003, les ressources des FRDE encaissées par les régions en 2004 et non engagées au 31 décembre 2004 étant reversées aux communes dès le début de l'année 2005.

Enfin, la loi simplifie l'organisation administrative afin que les acteurs économiques locaux assujettis à l'octroi de mer aient pour seul et unique interlocuteur le service des douanes tant pour le calcul que la perception de la taxe. Elle maintient également l'exclusion du champ d'application de la taxe pour les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.

Le décret d'application de la loi est intervenu le 29 juillet 2004, permettant l'entrée en vigueur du nouveau dispositif de l'octroi de mer le 1 er août 2004. 11 ( * ) Ainsi, la contribution essentielle de l'octroi de mer au développement des économies des régions d'outre-mer est préservée, pour le plus grand profit des acteurs économiques locaux et des collectivités publiques.

b) Une nette amélioration de la consommation des crédits communautaires

Votre commission constate avec satisfaction un doublement de la consommation des fonds structurels communautaires par rapport à l'année précédente.

Répartition des fonds structurels 2000-2006 (en millions d'euros)
(situation au 1er août 2004)

 

FEDER

%

FEOGA O

%

FSE

%

IFOP

%

Total

%

Guadeloupe

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Dotation

497.554

 

140.175

 

164.656

 

6.159

 

808.545

 

Programmation

352.356

70,8

71.383

50,9

103.375

62,8

1887

30,6

529.001

65,4

Consommation

147.663

29,72

35.490

25,3

59.665

36,2

664

10,8

243.481

30,1

Guyane

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Dotation

224.231

 

62.809

 

75.920

 

7.622

 

370.582

 

Programmation

168.751

75,3

48.532

77,3

52.632

69,3

4.630

60,7

274.545

74,1

Consommation

80.436

35,9

26.665

42,5

25.468

33,5

1.955

25,6

134.523

36,3

Martinique

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Dotation

443.775

 

99.864

 

121.019

 

9.125

 

673.783

 

Programmation

277.766

62,6

62.656

62,7

57.477

47,5

2591

28,4

400.489

59,4

Consommation

112.708

25,4

30.849

30,9

35.854

29,6

631

6,9

180.042

26,7

Réunion

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Dotation

743.049

 

300.213

 

457.153

 

15.588

 

1.516.003

 

Programmation

338.358

45,5

150.226

50,0

335.350

73,4

7.613

48,8

831.547

54,9

Consommation

150.766

20,3

79.742

26,6

192.774

42,2

4.719

30,3

428.001

28,2

Total DOM

 
 
 
 
 
 
 
 

0

 

Dotation

1.908.609

 

603.061

 

818.748

 

38.495

 

3.368.913

 

Programmation

1.137.231

59,6

332.797

55,2

548.834

67,0

16.721

43,4

2.035.583

60,4

Consommation

491.572

25,8

172.746

28,6

313.761

38,3

7.969

20,7

986.048

29,3

Dans le cadre de son avis sur le projet de loi de finances pour 2004, votre commission avait en effet relevé une programmation des dotations au titre des fonds structurels à hauteur de 39,6 % et une consommation des crédits à hauteur de 15 %. Or, au 1 er août 2004, date à laquelle les derniers chiffres sont disponibles, le taux de programmation s'élève à 60,4 % et le taux de consommation atteint 29,3 % pour l'ensemble des départements et régions d'outre-mer.

La progression est donc forte et doit être poursuivie. Les fonds structurels européens constituent des outils de financement essentiels pour le développement des départements et régions d'outre-mer, et il convient, autant que possible, d'éviter la sous-consommation de ces crédits et la sanction du « dégagement d'office » qui l'accompagne.

Cette croissance tient beaucoup à l'amélioration des techniques de gestion de ces crédits. Les mesures prévues par la circulaire du Premier ministre du 15 juillet 2002 sur les systèmes de gestion et de contrôle des opérations cofinancées au titre des fonds structurels, et la circulaire interministérielle du 19 août 2002 prévoyant des mesures de simplification des procédures de gestion des fonds structurels, ont pleinement porté leurs fruits. Il serait toutefois souhaitable que le taux de consommation des crédits, à l'échéance de 2006, puisse dépasser celui des crédits pour la période 1994-1999, qui avait atteint 88,5 % dans les départements et régions d'outre-mer.

Votre rapporteur pour avis rappelle que des commissions régionales de suivi de l'utilisation des fonds structurels européens, désormais visées à l'article L. 4433-4-9 du code général des collectivités territoriales, avaient été prévues la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer, mais n'ont jamais été mises en place . Lors de son audition devant votre commission, le ministre a justifié cette situation par la préexistence de structures idoines composées, outre d'élus, de représentants des milieux socioprofessionnels et des services compétents de la Commission européenne . Elle a suggéré que les futurs projets de loi portant dispositions institutionnelles et statutaires pour l'outre-mer procèdent en conséquence à l'abrogation de ces dispositifs.

* 9 CJCE, 16 juillet 1992, Legros, aff. 163/90, Rec. CJCE p. I-4658.

* 10 Décision 2004/162/CE du Conseil du 10 février 2004 relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE.

* 11 Décret n° 2004-784 du 1 er juillet 2004 pris pour l'application de la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004 relative à l'octroi de mer.

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