3. Repenser et améliorer certains objectifs et indicateurs de performances
Le dernier champ des progrès à envisager est celui des objectifs et des indicateurs de performances (OIP), outils mis par la LOLF à la disposition du Parlement pour évaluer les résultats des politiques menées par l'administration avec les moyens budgétaires autorisés chaque année .
La définition de ces objectifs et le choix de ces indicateurs ont fait l'objet d'un long et très approfondi travail itératif des services ministériels, mené sous l'égide du MINEFI, et d'échanges fructueux avec les commissions des finances des assemblées et certaines de leurs autres commissions permanentes. Un guide méthodologique a d'ailleurs été établi dès juin 2004 (11 ( * )) pour aider les gestionnaires à conceptualiser leurs OIP en fonction des usages auxquels ils sont destinés. En outre, notre collègue Jean Arthuis, président de la commission des finances du Sénat, a rédigé en mars 2005 un rapport d'information qui, se fondant sur l'analyse des maquettes des bleus budgétaires présentées, à titre expérimental, en annexe au projet de loi de finances initial pour 2005, formule un certain nombre de préconisations pour en améliorer la présentation et le contenu (12 ( * )).
Enfin, votre rapporteur pour avis a, dans le cadre de ses fonctions, adressé le 5 avril dernier à M. Christian Jacob, alors ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, un courrier portant spécifiquement sur les corrections susceptibles d'être apportées aux indicateurs de performances concernant les activités en faveur des PME de son département ministériel .
A l'évidence, nombre des remarques ainsi formulées ont été entendues par les administrations concernées, le bleu de la mission DRE témoignant d'un réel effort de rationalisation et de prise en compte des observations du Parlement. Pour s'en tenir aux suggestions formulées en avril 2005 par votre rapporteur pour avis , celui-ci relève avec satisfaction que, par exemple :
- l'indicateur Connaissance des prestations par les entreprises , envisagé l'an dernier pour, à partir d'une enquête annuelle, apprécier l'accès des PME et des entreprises innovantes à l'information relative aux aides dont elles peuvent bénéficier, n'a pas été conservé : votre rapporteur l'avait en effet estimé non pertinent car son résultat pouvait évaluer favorablement plus en raison d'une forte implication des réseaux privés d'aide à la création d'entreprises et à leur accompagnement, des réseaux consulaires, des organisations patronales, etc. que d'une efficacité particulière de la politique publique d'information ;
- un indicateur permettant d'évaluer les dispositifs financés par le FISAC a été retenu : écart entre le taux de survie à trois ans des entreprises aidées par le FISAC et le taux de survie des entreprises non aidées des secteurs comparables ; votre rapporteur pour avis s'était en effet ému de ce qu'aucune mesure de l'efficacité du FISAC, outil budgétaire principal dont dispose la puissance publique pour soutenir l'activité économique du secteur du commerce et de l'artisanat, n'avait été prévue par la maquette initiale.
Reste qu'en dépit de cette première série d'améliorations, qui couvre l'ensemble du champ de la mission, les efforts doivent être poursuivis pour répondre mieux encore aux prescriptions du Guide méthodologique et pouvoir mesurer l'efficacité socio-économique des politiques publiques, la qualité du service assuré à l'usager et l'efficience de la gestion de l'administration.
a) Mieux définir les objectifs
Le choix des concepteurs de la mission DRE de ne pas présenter les OIP action par action, contrairement à celui fait pour d'autres missions, présente de réels avantages en ce qu'il permet de synthétiser des objectifs, transversaux à plusieurs actions d'un même programme. Mais cette médaille a son revers : celui de ne pouvoir porter une appréciation globale sur une action particulière. C'est ainsi le cas, par exemple, pour les actions 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information » et 06 « Accompagnement des mutations industrielles » du programme 134.
Au-delà de cette observation, deux critiques peuvent être portées à l'encontre de certains objectifs . La première concerne, une fois de plus, l' inégale qualité de la définition des objectifs . Souvent, ceux-ci sont correctement ciblés et participent clairement d'une stratégie de performance clairement conçue : tels sont par exemple les objectifs et les outils définis par l'administration des douanes ou, dans une moindre mesure, par la DGCCRF (programme 199). Parfois, cependant, les OIP paraissent terriblement généraux et non fondés sur une réflexion préalable suffisamment approfondie : le cas le plus extrême étant l'objectif n° 1 Mettre en sécurité l'ensemble du territoire minier du programme 174, qui conduit du reste à l'élaboration d'indicateurs inadaptés car confondant l'objectif et l'évaluation de la performance .
La seconde critique porte précisément sur cette confusion , qui peut aussi se présenter pour des objectifs relativement bien conçus : tous les indicateurs qui prévoient ou ont pour cible des valeurs égales à zéro (0 sinistre sur les terrains miniers, 0 annulation des décisions de l'ARCEP pour vice de forme) ou à plus de 90 % ou à 100 % (100 % d'expropriations réglées à l'amiable, plus de 90 % des client d'UBIFRANCE satisfaits par ses prestations) sont davantage des objectifs que des outils de mesure de la performance puisque, précisément, leur niveau initial interdit d'observer une évolution démontrant l'amélioration de l'efficacité de l'administration d'une année sur l'autre.
b) S'attacher à ne construire que des indicateurs fiables et pertinents
Un travail semblable doit être accompli afin de rendre certains indicateurs plus adaptés aux objectifs poursuivis et à l'analyse de la performance . Trop d'entre eux demeurent des indicateurs de moyens, paraissent sans lien avec l'objectif poursuivi, ne peuvent pas être analysés à l'aune de leurs résultats ou sont redondants. A l'inverse, on peut estimer que divers indicateurs manquent pour évaluer correctement l'efficacité de l'administration.
Quelques exemples d'améliorations envisageables d'indicateurs du programme 134 (13 ( * )) Les taux de placement à six mois des élèves diplômés des écoles d'ingénieurs et de certains stagiaires observé par l'indicateur n° 2 de l'objectif n° 5 ne résulte-t-il pas plus d'un contexte économique général échappant à l'action publique qu'il s'agit d'évaluer que de la qualité de l'enseignement dispensé ? De même, l'évolution du sous-indicateur a) de l'indicateur n° 1 de l'objectif n° 4 visant à développer l'usage des énergies renouvelables n'est-il pas exclusivement dépendant de la compétitivité du coût de production desdites énergies, sur le niveau de laquelle le programme n'a pas de maîtrise, comme le reconnaît du reste le commentaire accompagnant l'indicateur au titre des précisions méthodologiques ? L'indicateur n° 3 de l'objectif n° 2 observe la différence entre la croissance des exportations françaises vers les 25 pays cibles définis par le ministre du commerce extérieur et la croissance totale des ventes françaises à l'étranger : ne serait-il pas plus pertinent de comparer le taux de croissance français avec celui de ses principaux concurrents dans lesdits pays cibles pour mesurer l'efficacité de la politique spécifiquement mise en oeuvre par les pouvoirs publics ? Les indicateurs n° 1 et 2 du même objectif s'intéressent, respectivement, au nombre de clients payants d'UBIFRANCE et à leur taux de satisfaction : ils font à l'évidence double emploi pour analyser la qualité et l'efficacité du soutien aux entreprises à l'exportation, l'augmentation du nombre des entreprises recourant aux prestations payantes du réseau international du MINEFI et d'UBIFRANCE témoignant à l'évidence de leur satisfaction par rapport auxdites prestations. L'indicateur n° 2 pourrait donc être supprimé sans dommage, d'autant que prévoir systématiquement un taux de satisfaction supérieur à 90 % en prévisions comme en valeur cible n'est pas très utile pour analyser la performance. A l'inverse, il semble manquer, pour cet objectif n° 2, un indicateur de performances relatif aux volontaires internationaux en entreprises (VIE), qui pourrait être construit à partir de leur nombre, du nombre et de la catégorie des entreprises qui y ont recours, de leurs perspectives d'embauche ultérieure, du type de résultats qu'en tirent les entreprises concernées, etc. Au titre des indicateurs manquants, on peut aussi évoquer un ou plusieurs outils d'analyse de l'efficacité du FISAC, soit d'efficacité interne, tel le délai d'examen des dossiers par les organismes d'instruction au plan local, soit d'efficacité externe, comme la valorisation des partenariats par la mesure de l'effet de levier des financements publics. |
Votre commission estime ainsi qu'avec les OIP, un vaste chantier demeure à explorer pour satisfaire à la logique d'examen du budget résultant de la LOLF, qui est désormais plus orientée sur le contrôle de l'utilisation des crédits que sur leur montant. C'est d'ailleurs l'analyse de ces OIP qui rendra bientôt le rendez-vous de la loi de règlement aussi important que celui de la loi de finances, y compris pour les commissions saisies pour avis.
* (11) « La démarche de la performance. Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 » - Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Cour des comptes, Comité interministériel de l'audit des programmes, commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.
* (12) « LOLF : culture des indicateurs ou culture de la performance ? » - Rapport d'information n° 220 (2004-2005) fait, au nom de la commission des finances par M. Jean Arthuis, sur les objectifs et les indicateurs de performance de la LOLF - 2 mars 2005.
* (13) L'analyse des indicateurs de l'objectif n° 3 est réalisée pages 43 et 44, dans la partie du présent rapport consacrée à la maîtrise des économies d'énergie.