B. DES DÉLAIS DE JUGEMENT EN MATIÈRE PÉNALE ENCORE EXCESSIFS MAIS DES EFFORTS RÉELS POUR AMÉLIORER LE TAUX DE RÉPONSE PÉNALE
1. Une absence d'amélioration significative des délais de jugement en matière pénale
Depuis dix ans, la durée moyenne des procédures pénales se caractérise par une très grande stabilité, oscillant entre 10,3 mois et 11,5 mois. En 2003, elle s'élève à 10,8 mois (contre 11,1 mois en 2002).
En matière criminelle , le délai imputable à l'institution judiciaire en 2003 ( 34,8 mois dont 22,7 mois pour le déroulement de l'instruction et 12,1 mois pour l'audiencement) se dégrade par rapport à 2002 (32,5 mois).
Comme en 2003, les cours d'assises ont fourni en 2004 un effort de productivité notable qui s'est traduit par un nombre croissant de personnes jugées (4.168 contre 4.022 en 2003) et des arrêts prononcés en hausse. En 2004, le taux d'appel -21 %- est en recul par rapport aux deux années précédentes (24 %). Toutefois, cette évolution favorable n'a pas permis de limiter la croissance du stock d'affaires en instance d'audiencement qui croît de 10 % par rapport à 2003. Cette situation s'explique principalement par la pression des affaires nouvelles liées à l'instauration par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes d'un appel des jugements de cours d'assises qui pèse sur le fonctionnement de ces juridictions.
Constante depuis 1999, la durée moyenne des procédures délictuelles en 2003 - 11 mois - diminue légèrement par rapport à 2002 (11,3 mois). Cette donnée masque d'importantes disparités suivant la nature de l'infraction : les condamnations en matière de stupéfiants sont prononcées dans un délai -très long- de 16,7 mois en raison d'une saisine fréquente du juge d'instruction, tandis que les infractions à la circulation routière et à la police des étrangers sont jugées dans des délais nettement plus brefs respectivement 4,8 et 5,4 mois. L'orientation de ces délits vers la procédure de comparution immédiate explique notamment ce constat.
Avec près de 10 % de jugements supplémentaires rendus, l'activité des tribunaux correctionnels a cru en 2004. Cette hausse est la traduction de l'augmentation du nombre d'affaires transmises par les parquets (+ 13 % ) imputable en partie à la « correctionnalisation » de certains délits routiers (défaut d'assurance, défaut de permis de conduire) opérée par la loi du 9 mars 2004.
Le nombre de jugements portant condamnation ou relaxe rendus par ces juridictions (397.162) accuse une légère baisse qui a cependant été compensée par un volume important d'ordonnances pénales (42.000) 92 ( * ) et d'ordonnances d'homologation rendues dans le cadre de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (1.700).
La place occupée par ces deux nouvelles procédures de jugement (ordonnance pénale et CRPC) confirme le bien-fondé de la démarche du législateur tendant à mettre à la disposition de la justice des instruments nouveaux pour traiter -dans de bonnes conditions- un nombre d'affaires croissant. La diversité des procédures pénales permet d'orienter les affaires en fonction de leur complexité vers les circuits les plus adaptés (circuit long/circuit court), ce qui est de nature à améliorer la qualité de la justice rendue.
Deux nouvelles procédures
accélérées de jugement : l'ordonnance
pénale
Inspirée du droit allemand, l'ordonnance pénale a été introduite en 1972 pour traiter certaines contraventions. La loi du 9 septembre 2002 a élargi son champ d'application pour y inclure certains délits : les délits prévus par le code de la route et les délits en matière de réglementation relatives aux transports terrestres. La procédure applicable est simplifiée écrite et non contradictoire (articles 495 et suivants du code de procédure pénale). Elle ne prévoit pas d'audience de jugement mais donne lieu à une décision qui équivaut à un jugement. La montée en puissance de cette procédure a été très rapide. En 2004, près de 13 % des affaires poursuivies ont été orientées vers l'ordonnance pénale. A Paris et à Lyon, elle constitue un outil désormais incontournable pour traiter le contentieux de masse et absorbe respectivement 10 % et 29 % du contentieux correctionnel. Nanterre totalisait déjà au premier trimestre 1.237 ordonnances pénales. De même, dans les juridictions de petite taille ou de taille moyenne, cette procédure rencontre un succès notable. Ainsi, le tribunal de grande instance de Grasse a rendu près de 1.000 ordonnances pénales en 2004 tandis que le tribunal de grande instance de Laval évalue à 600 le nombre d'ordonnances pénales pour l'année 2005.
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), communément désignée par l'expression « plaider coupable », a sans doute constitué la principale innovation de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale). Cette procédure permet au procureur de la République de proposer à une personne qui reconnaît avoir commis un délit, une peine qui, en cas d'accord de l'intéressé, pourra être homologuée par le président du tribunal. Actuellement, près de 160 tribunaux de grande instance sur 181 mettent en oeuvre cette procédure. Le champ d'application retenu par la plupart des juridictions est encore assez limité (conduite sous l'empire d'un état alcoolique, conduite sans permis et défaut d'assurance) mais devrait s'étendre. En outre, après avoir suscité des réserves de la part de nombreux acteurs de l'institution judiciaire (magistrats, avocats), elle est de mieux et mieux acceptée et tend à être de plus en plus utilisée. |
Source : « Juger vite, juger mieux, les procédures rapides de traitement des affaires pénales, état des lieux » - rapport n° 17 (Sénat, 2005-2006) de M. François Zocchetto au nom de la mission d'information de la commission présidée par M. Laurent Béteille relative aux procédures accélérées de jugement.
En outre, la participation des juges de proximité aux formations collégiales des tribunaux correctionnels prévue par la loi du 26 janvier 2005 précitée devrait permettre aux magistrats professionnels de traiter un plus grand nombre d'affaires. 120 tribunaux de grande instance ont déjà mis en oeuvre l'échevinage en matière correctionnelle ou en ont l'intention. Près d'une centaine de juges de proximité -sur la base du volontariat- ont déjà siégé en audience correctionnelle.
D'après la mission chargée du recrutement des juges de proximité, ces derniers sont satisfaits de participer aux formations collégiales du tribunal correctionnel. Ils estiment en particulier que ces nouvelles attributions constituent un moyen d'être mieux intégrés au milieu judiciaire et de bénéficier de l'expérience des magistrats professionnels. La mise en place d'un échevinage au sein des tribunaux correctionnels a été en outre bien acceptée par les magistrats professionnels.
Le délai de jugement moyen des contraventions de la cinquième classe a diminué en 2003 pour s'établir à 8,5 mois .
Les tribunaux de police ont enregistré une baisse de leur activité en 2004 qui résulte du transfert vers les tribunaux correctionnels des infractions en matière de circulation routière. Le nombre de contraventions sanctionnées s'est donc mécaniquement réduit au cours de cette période (- 20 %). Les juridictions de proximité compétentes depuis 2003 93 ( * ) pour juger certaines contraventions de cinquième classe ont traité peu de contraventions de cinquième classe (3.098) en 2004 (moins 4 % du contentieux total).
Compte tenu de la nouvelle répartition des compétences prévue par la loi du 26 janvier 2005 précitée, le contentieux des contraventions de cinquième classe relève désormais intégralement des tribunaux de police 94 ( * ) .
* 92 Sur ces 42.000 ordonnances pénales, 41.725 tendait à une condamnation et 312 à une relaxe (soit un taux de relaxe de 0,7 %).
* 93 Voir les dispositions du décret n° 2003-542 du 23 juin 2003 désormais abrogées qui fixent la liste des contraventions de cinquième classe relevant des juridictions de proximité. Il s'agit principalement d'infractions au code de la route.
* 94 En effet, le législateur a souhaité simplifier et clarifier les attributions en matière contraventionnelle en instituant une compétence de principe des juridictions de proximité en matière de contraventions des quatre premières classes et en confiant le traitement exclusif des contraventions de la cinquième classe aux tribunaux de police. Voir rapport n° 66 de M. Pierre Fauchon (Sénat, 2004-2005) pages 17 et 18. Voir le décret n° 2005-284 du 25 mars 2005 qui a abrogé les dispositions prévues par le décret n° 2003-542 du 23 juin 2003.