2. Des instruments encore perfectibles
- Certains indicateurs n'expriment pas véritablement la prise en compte de la performance 61 ( * ) mais se contentent de retracer l'activité d'un service .
Ainsi, l'indicateur n° 5 de l'objectif n°1 retrace la simple évolution du taux de requêtes en interprétation, en rectification d'erreurs matérielles et en omission de statuer. Il renseigne sur le niveau de contestation portant sur la qualité des jugements rendus et non sur la qualité intrinsèque de la décision. La mesure du nombre d'erreurs matérielles dans les requêtes ou d'omissions de statuer permettrait d'avoir une information plus significative de la qualité de la justice rendue. Le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur pour avis être conscient de ces difficultés.
De plus, votre commission des lois, à l'instar de votre commission des finances, s'interroge sur le bien-fondé de l'indicateur de performance sur le nombre de personnes ayant accès aux permanences juridiques organisées par les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), rapporté à la population du ressort de ces services prévu dans le programme accès au droit et à la justice 62 ( * ) . Le ministère de la justice a admis la nécessité d'affiner cet indicateur. Il envisage de rechercher un instrument plus pertinent pour mesurer la capacité des groupements d'intérêt public à faire connaître à un public défavorisé les dispositifs d'accès au droit mis à sa disposition et évaluer, par le taux de fréquentation de ces établissements, leur capacité à répondre aux attentes des justiciables.
Des critiques analogues peuvent être formulées à l'encontre de l'indicateur sur l'évolution sur deux ans du nombre de victimes accueillies par les associations et du nombre de dossiers suivis par les associations du programme accès au droit et à la justice 63 ( * ) . Cet indicateur fournit en effet une information purement statistique et mériterait d'être précisé. L'efficience des associations intervenant en matière d'aide aux victimes ne peut s'apprécier qu'en rapportant leur activité au coût qu'elles représentent pour l'Etat. De même, la qualité du service rendu aux victimes pourrait également opportunément s'apprécier au regard des contrôles effectués par l'Etat dans le domaine associatif.
- La performance de certaines actions de la mission justice n'est pas appréhendée par le projet annuel de performance.
Ainsi, l'activité de la Cour de cassation n'est évaluée qu'à travers son activité juridictionnelle alors que le service de documentation et d'études propre à cette dernière assume des tâches essentielles pour l'instruction des pourvois et le jugement ainsi que pour l'homogénéité de l'application du droit 64 ( * ) . Le premier président de cette cour, M. Guy Canivet, a d'ailleurs souhaité que l'activité de ce service soit prise en compte dans le projet annuel de performance.
De même, l'activité des juridictions judiciaires en matière civile n'est analysée que dans sa dimension contentieuse alors que les magistrats et certains acteurs extérieurs au monde judiciaire (conciliateurs de justice par exemple) consacrent une partie non négligeable de leur temps à prévenir les conflits. Votre rapporteur pour avis a pu constater lors de sa visite au tribunal d'Aubervilliers que la conciliation constituait une activité à part entière pour l'ensemble des personnels (fonctionnaires du greffe, conciliateur de justice, magistrats). Ainsi, la mesure du nombre de conciliations et de tentatives de conciliation enregistrées chaque année rapportées au nombre de magistrats et de conciliateurs pourrait être opportune.
Enfin, l'activité normative de l'administration centrale n'est envisagée que sous l'angle national alors que la production du droit communautaire nécessite la publication de nombreux textes de transposition essentiellement dans le domaine réglementaire. Un indicateur de performance retraçant l'évolution du taux de publication des textes de transposition en distinguant éventuellement les textes de nature législative et ceux de nature réglementaire permettrait de mesurer utilement l'aptitude du ministère de la justice à respecter les engagements pris dans le cadre des négociations au sein de l'Union européenne.
- Les modalités retenues pour alimenter certains indicateurs suscitent quelques observations.
L'indicateur n° 1 de l'objectif n° 5 du programme accès au droit et à la justice qui renseigne -en des termes pour le moins maladroits- sur « l'indice de satisfaction des victimes d'infractions » soulève une interrogation au regard de son impact financier. En effet, le ministère de la justice prévoit de mener une enquête nationale effectuée tous les deux ans auprès de 6.000 victimes sur l'analyse des décisions d'indemnisation intervenues et la perception des victimes sur l'effectivité de l'exécution des mesures d'indemnisation. Mme Mireille Thuau, directrice par intérim du service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville et responsable du programme, a indiqué à votre rapporteur pour avis que la réalisation de l'enquête devrait être confiée à un prestataire extérieur (institut de sondage). Ce choix ne sera pas sans conséquence sur les finances publiques. Telle est la raison pour laquelle il conviendra de rechercher le prestataire offrant le meilleur rapport coût-avantage. A cet égard, la mission « droit et justice » pourrait utilement être mobilisée pour mettre en oeuvre cette vaste enquête.
- Enfin, le caractère peu opérationnel de certains indicateurs doit également être souligné.
Contrairement à l'annonce du ministère de l'économie et des finances selon laquelle 100 % des indicateurs seront renseignés aux termes du futur projet de loi de finances pour 2007, un seul indicateur (sur 9) du programme accès au droit -en cours de construction- sera opérationnel l'année prochaine. La plupart de données qui alimentent les indicateurs de ce programme ne seront pas disponibles avant 2008, voire 2009. Au cours de son audition, la responsable du programme a relativisé cette inquiétude en indiquant à votre rapporteur pour avis que les indicateurs pourraient être opérationnels plus tôt que prévu compte tenu de la forte mobilisation des services du ministère de la justice chargés de la mise en oeuvre de ce programme.
* 61 Le ministère de l'économie et des finances a invité chaque ministère à appréhender la performance dans sa triple dimension : efficacité socio-économique qui traduit le bénéfice attendu de l'action de l'Etat par le citoyen, qualité du service rendu aux usagers et efficience qui traduit le rapport coût-avantage.
* 62 Indicateur n° 2 de l'objectif n° 3 - Annexe Justice au projet de loi de finances - page 141.
* 63 Indicateur n° 1 de l'objectif n° 6 - Annexe Justice au projet de loi de finances - page 143.
* 64 Ce service assure notamment des travaux de recherche, de classement et participe à la conception de la base de données qui permet d'accéder à la jurisprudence de la Cour de cassation et des cours d'appel.