CHAPITRE II : LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE, UNE RÉVOLUTION EN COURS

En 1910, Edmond Locard crée à Lyon le premier laboratoire de police scientifique et y met en application le principe selon lequel « tout individu, à l'occasion de ses actions criminelles en un lieu donné, dépose et emporte à son insu des traces et des indices : sueur, sang, poussière, fibres, sperme, salive, poils, squames, terre, etc... Qu'ils soient de nature physique, chimique ou biologique, ces indices, une fois passés au crible d'examens de plus en plus sophistiqués, parlent et livrent le récit du crime avant de permettre au lecteur-enquêteur de déchiffrer la signature de l'auteur-coupable » 7 ( * ) .

Parmi les priorités fixées par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure du 29 août 2002 (LOPSI), le développement de l'action judiciaire des forces de sécurité intérieure figure en bonne place. Pour y parvenir, l'annexe I de la loi dispose que « les moyens de la police technique et scientifique seront renforcés. Le développement d'outils d'investigation performants sera poursuivi afin d'obtenir, par la généralisation de nouveaux modes d'administration de la preuve, une amélioration du taux d'élucidation des faits constatés ».

En effet, le renforcement de la police technique et scientifique (PTS) est au coeur de différents enjeux :

- accompagner le passage d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve pour confondre les délinquants ;

- adapter les forces de sécurité intérieure aux évolutions technologiques ;

- répondre à la sophistication des méthodes employées par les délinquants.

I. LE RENFORCEMENT DE LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE : UN OBJECTIF TENU DE LA LOPSI

A. DÉVELOPPER DE NOUVEAUX OUTILS

1. Champs et domaines de la PTS

De façon schématique, deux domaines peuvent être distingués au sein de la PTS :

- la recherche, le perfectionnement et la mise en oeuvre de procédés scientifiques et techniques visant à révéler l'identité d'un délinquant ainsi qu'à reconstituer le déroulement d'un acte délictueux. Il s'agit de la police scientifique au sens classique du terme. Elle est le fait principalement de personnels scientifiques. Elle recouvre différentes disciplines : la balistique, la toxicologie, la biologie (analyses de traces biologiques, établissement de profils génétiques), l'étude des documents et des traces papillaires (examens de documents, études comparatives d'écritures manuscrites et dactylographiques, l'analyse des incendies et des explosions, la physique-chimie (analyses des peintures, verres, fibres...), l'analyse des traces technologiques, la thanatologie... ;

- la mise au point et la gestion de traitements automatisés de données permettant d'exploiter, de collecter, de comparer et de diffuser l'ensemble des informations recueillies dans le cadre de l'action judiciaire en vue de faciliter la constatation d'infractions pénales. Les fichiers de police judiciaire les plus emblématiques sont le STIC pour la police nationale et JUDEX pour la gendarmerie nationale ainsi que le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG) communs aux deux forces de sécurité intérieure.

2. Perfectionner et diffuser la PTS

La LOPSI avait naturellement pour objectif de renforcer le niveau d'excellence de la police scientifique dans les différentes disciplines. Sans cesse, les équipes perfectionnent leurs connaissances et leurs méthodes. A titre d'exemple et pour illustrer la diversité des champs d'investigation de la police scientifique, en 2006, l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) a fait l'acquisition d'un radar géophysique qui, associé à un chien spécialement dressé, permet de détecter l'enfouissement de cadavres.

La LOPSI a été également attentive à développer des outils d'investigation performants, en particulier au travers de « l'utilisation, l'alimentation et le rapprochement des grands fichiers de police ».

Un double constat s'imposait :

- la faiblesse de l'équipement et des réseaux informatiques de la police et de la gendarmerie nationale ;

- l'absence d'architecture intégrée des fichiers et des réseaux informatiques faisant en sorte que la police et la gendarmerie nationales ne pouvaient que très difficilement mutualiser leurs moyens ou, à tout le moins, accéder réciproquement aux données de l'autre.

Outre la mutualisation et la mise en commun des moyens respectifs de la police et de la gendarmerie nationales toutes les fois où cela semble utile, la LOPSI s'est fixé pour objectif qu' « à terme, tous les agents de la sécurité intérieure habilités (aient) accès à toutes les bases documentaires de recherches criminelles ».

L'ambition est que les moyens de la police technique et scientifique se diffusent à l'ensemble des forces de sécurité intérieure et deviennent un instrument quotidien de travail qui ne soit pas réservé à quelques grands services de police judiciaire ou aux affaires les plus importantes.

3. L'obligation d'évoluer vers de nouveaux modes d'administration de la preuve

Si le principe en droit français reste la liberté de la preuve, le juge reste souverain pour apprécier les éléments de preuve qui lui sont fournis.

La jurisprudence tend pourtant à délaisser certains modes de preuve comme le témoignage ou l'aveu. Ainsi, aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement d'un témoignage anonyme.

A tout le moins, il apparaît de plus en plus indispensable d'étayer des témoignages ou des aveux par des preuves objectives fournies par les progrès de la police technique et scientifique.

B. DES MOYENS HUMAINS ET MATÉRIELS SUPPLÉMENTAIRES

Pour atteindre ces objectifs, des moyens humains, matériels et juridiques ont été engagés depuis 2002.

1. Des effectifs en hausse et une formation renforcée

Selon le rapport relatif à l'exécution au 31 décembre 2005 de la LOPSI réalisé par l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées (IGA/CGA), les effectifs budgétaires 8 ( * ) des personnels techniques et scientifiques de la police nationale sont passés de 2.322 à 2.735 entre 2002 et 2005, soit une hausse de 413 personnels dont 357 scientifiques.

Cette hausse s'est poursuivie en 2006. Ainsi, l'Institut national de la police scientifique, établissement public administratif créé à la fin de 2004 et qui regroupe les six laboratoires de police scientifique de la police nationale , a vu le nombre de ses personnels scientifiques passer de 314 à 384 entre le 31 décembre 2004 et le 2 mai 2006.

Le projet de budget pour 2007 prévoit le recrutement de 115 personnels scientifiques supplémentaires pour la police nationale représentant environ 95 ETPT.

Dans la gendarmerie nationale, la hausse des effectifs a été moins sensible. Toutefois, au cours de son audition, le général Serge Caillet, sous-directeur de la police judiciaire à la direction générale de la gendarmerie nationale a estimé que les effectifs actuels permettaient de répondre aux besoins, même si dans l'avenir proche des recrutements seraient nécessaires pour répondre à la hausse structurelle de l'activité de la police scientifique.

Ces données ne rendent pas totalement compte des moyens humains consacrés à la police technique et scientifique. En effet, d'autres services y contribuent, en particulier la direction des systèmes d'information et de communication du ministère de l'intérieur (DSIC) qui a la responsabilité des équipements transversaux et structurants ou le service des technologies de la sécurité intérieure de la direction de l'administration de la police nationale. Ces services gèrent et financent par exemple le développement des applications nationales d'identification et de documentation criminelle comme le FAED ou le FNAEG.

Enfin, il faut y ajouter l'ensemble des policiers et gendarmes formés à la police technique de proximité. Sauf pour les crimes les plus importants pour lesquelles les spécialistes de la police scientifique se déploient sur la scène d'infraction 9 ( * ) , le recueil des indices et des traces qui seront ensuite analysés par les laboratoires de la police scientifique est le fait de policiers et gendarmes exerçant soit dans des services de sécurité publique, soit dans des services de police judiciaire.

Ainsi, la police nationale a formé en 2005 120 personnes ressources, dont 82 relevant de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) et 36 de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Ces personnes ressources spécialement formées à la police technique de proximité sont ensuite chargées de former des policiers polyvalents aux techniques de base de l'identité judiciaire (relevés de trace ou anthropométriques, application de mesures conservatoires, gel des lieux) 10 ( * ) . La formation initiale des gardiens de la paix prévoit également une formation de cinq jours à ces techniques ; 3.700 en ont bénéficié en 2006. Le même effort est fourni par la gendarmerie nationale.

2. Un effort d'investissement ciblé sur quelques domaines prioritaires

Il n'est pas évident de connaître l'ensemble des moyens financiers alloués (hors masse salariale) à la police technique et scientifique. Certains investissements, notamment informatiques, sont transversaux et relèvent par exemple de la DSIC (voir ci-dessus). Toutefois, un ordre de grandeur peut être donné.

Pour la gendarmerie nationale :

- les dépenses de fonctionnement ont cru régulièrement depuis 2002 passant de 1,72  millions d'euros (M€) à 2,83 M€ en 2005. Pour 2006, 5,18 M€ devraient être consommés. Cette hausse spectaculaire est pour l'essentiel due à la montée en puissance du FNAEG en 2006 avec la mise en place d'une unité de génotypage de masse. Cette hausse régulière accompagne également le renforcement des capacités de police judiciaire de la gendarmerie nationale (effectifs des sections de recherche en hausse, création de plates-formes techniques judiciaires de la gendarmerie nationale au niveau départemental 11 ( * ) ) ;

- les dépenses d'investissement ont aussi cru régulièrement depuis 2002 passant de 1,67 M€ à 3,25 M€ pour 2007, après un pic exceptionnel en 2005 à 5,26 M€ justifié par l'acquisition de l'unité de génotypage de masse (1,8 M€). L'essentiel de ces moyens nouveaux a été dévolu aux unités locales de police judiciaire 12 ( * ) .

Pour la police nationale :

- le budget de fonctionnement et d'équipement (hors renouvellement) de la PTS (dotation de la sous-direction de la police technique et scientifique de la DCPJ et des six laboratoires de police scientifique 13 ( * ) ) est passé entre 2002 et 2005 de 6,25 M€ à 11 M€ 14 ( * ) . La quasi-totalité des ressources nouvelles a été attribuée aux laboratoires ;

- depuis l'entrée en vigueur de la LOLF, les projets annuels de performance pour 2006 et 2007 indiquent que les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la police technique et scientifique de la police nationale étaient respectivement de 18,16 M€ et de 15,82 M€. Ces montants sont difficiles à comparer à ceux des années précédentes. En effet, ils comprennent diverses contributions de l'Etat au budget spécial de la préfecture de Police, dont étrangement un remboursement de la masse salariale des agents affectés au laboratoire de toxicologie. Ces montants comprennent également les subventions de l'Etat à l'Institut national de la police scientifique (INPS) soit 6,65 M€ en 2006 15 ( * ) et 8,4 M€ en 2007. Mais là encore, la lisibilité n'est pas simple puisque la subvention allouée pour 2007 couvre le fonctionnement et l'équipement du laboratoire de toxicologie de Paris, ce qui n'était pas le cas en 2006. Enfin, la différence de crédits en 2006 et 2007- respectivement 18,16 M€ et de 15,82 M€- s'explique pour l'essentiel par un changement de périmètre de ces enveloppes. En effet, en 2006 cette somme comprenait la dotation à la sous-direction de la police technique et scientifique de la police nationale à Ecully (Rhône) 16 ( * ) tandis que pour 2007, celle-ci figure dans une autre enveloppe. Votre rapporteur regrette ces changements de périmètre qui rendent mal aisé le suivi des crédits.

3. Le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG)

Le département « biologie » de la PTS a été le principal bénéficiaire de ces moyens financiers et humains supplémentaires. Il a pour mission de rechercher et d'analyser les traces et indices biologiques, et notamment les empreintes génétiques qui font l'objet d'un traitement automatisé, le FNAEG.

Le FNAEG

Créé en 1998, le FNAEG est réellement devenu un fichier de masse à la suite des évolutions législatives de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui a étendu ce fichier à la plupart des crimes et délits. Placé sous le contrôle d'un magistrat, le FNAEG est mis en oeuvre par la direction centrale de la police judiciaire de la police nationale. Il est implanté à Ecully (Rhône) à la sous-direction de la police technique et scientifique. La conservation des prélèvements biologiques est assurée en revanche par le service central de préservation des prélèvements biologiques (SCPPB) qui est géré par la gendarmerie nationale.

Peuvent faire l'objet d'un enregistrement au fichier :

- les traces, c'est-à-dire les empreintes biologiques appartenant à des personnes non identifiées relevées sur des scènes d'infractions ;

- les empreintes biologiques des personnes définitivement condamnées pour les infractions entrant dans le champ du fichier (infractions sexuelles, crimes, violences, menaces, trafic de stupéfiants, atteintes aux libertés de la personne, atteintes aux libertés de la personne, vols, extorsions, recel, blanchiment...) ;

- les empreintes biologiques des personnes suspectes, c'est-à-dire des personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient commis l'une des infractions entrant dans le champ du fichier ;

- les empreintes biologiques des personnes disparues ou décédées dans des conditions inquiétantes.

En revanche, sont seulement comparées au fichier sans être enregistrées les empreintes des personnes à l'encontre desquelles il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis un crime ou un délit.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur au cours de son déplacement à Ecully, les départements « biologies » des laboratoires de police scientifique (LPS) de la police nationale représentent plus de 160 personnes, soit plus du quart du personnel scientifique de ces laboratoires.

Un autre indicateur de la priorité accordée à ce secteur est la part qu'il représente dans le volume de travail des LPS. En 2002, le nombre de dossiers arrivant dans les LPS et destinées à la biologie s'élevait à 8.343 sur un total de 17.575 (toutes les autres sections confondues), soit 47,5 %. En 2005, avant même le lancement opérationnel des unités de génotypage de masse, ce nombre était de 126.138 dossiers sur un total de 135.557, soit 93 %.

Toutefois, il est très difficile d'évaluer précisément le coût complet du FNAEG, même si les réponses au questionnaire budgétaire et les informations recueillies au cours des auditions et du déplacement à Ecully montrent que les moyens financiers supplémentaires dégagés depuis 2003 ont été prioritairement affectés à ce projet.

Ainsi, le projet annuel de performance pour le budget 2006 du programme « Police nationale » indique une enveloppe de 7,5 millions d'euros en crédits de paiement. Toutefois, un rapport de décembre 2005 d'une mission d'audit de modernisation 17 ( * ) indique qu'il ne lui a pas été possible d'établir la façon dont a été constitué ce montant. De la même façon, le projet annuel de performance pour 2007 annonce une enveloppe de 6,7 M€ en crédits de paiement.

Ces crédits recouvrent notamment :

- l'acquisition de kits de prélèvements buccaux ;

- le développement et la gestion du FNAEG proprement dit qui se trouve à Ecully ;

- le développement des capacités d'analyse de la police nationale, notamment avec le lancement de l'unité de génotypage de masse du LPS de Lyon en septembre dernier 18 ( * ) .

Toutefois, ces montants ne semblent pas intégrer par exemple les moyens engagés par la gendarmerie nationale pour développer ses capacités d'analyse de profils génétiques qui viendront ensuite alimenter le FNAEG 19 ( * ) .

Il est également difficile d'avoir une idée du coût global du système en y intégrant les coûts de personnel.

Ces remarques avaient d'ailleurs conduit la mission d'audit de modernisation précitée à renoncer à proposer une estimation du coût complet unitaire d'une analyse « individu ».

4. Des évolutions législatives et réglementaires pour encadrer et développer la police technique et scientifique

Deux domaines de la PTS ont principalement été l'objet de modifications législatives et réglementaires : les fichiers de police judiciaire et l'interception des communications.

De nombreux fichiers de police judiciaire sont désormais prévus par la loi, qu'il s'agisse du FNAEG, du SALVAC 20 ( * ) , du fichier des personnes recherchées ou des fichiers STIC et JUDEX 21 ( * ) .

Le développement de nouveaux moyens de communication a également conduit le législateur à adapter les règles en matière d'interception des communications et de conservations des données de trafic par les opérateurs 22 ( * ) .

Mme Aude Marland, adjointe du chef de bureau de la police judiciaire au ministère de la justice, a souligné l'attention nouvelle de son ministère à suivre au plus près les évolutions technologiques et les pratiques des délinquants pour adapter la réglementation aux besoins de l'enquête et de l'investigation. A cet égard, elle a mis en exergue la création par le décret n° 2006-1405 du 17 novembre 2006 de la délégation aux interceptions judiciaires . Une de ses missions sera de mettre en place une veille technologique et juridique dans ce domaine en liaison avec tous les acteurs concernés (administrations, opérateurs, fournisseurs d'accès, loueurs de matériels...). Le général Serge Caillet, directeur de la police judiciaire au sein de la gendarmerie nationale, a expliqué pour sa part que la mission qui avait préfiguré la création de cette délégation avait très bien fonctionné et témoignait d'un nouvel état d'esprit visant à garder un train d'avance sur les délinquants.

Ce développement législatif témoigne à la fois de la prise de conscience de la nécessité d'une police technique et scientifique efficace et du besoin d'encadrer la PTS eu égard aux atteintes aux libertés dont elle peut s'avérer porteuse. La PTS ne peut pas avoir pour unique limite ce que l'état des connaissances permet à un moment donné.

C. MIEUX UTILISER LES MOYENS EXISTANTS

1. Faire de la police technique et scientifique, un outil quotidien de travail pour tous les policiers et gendarmes

Longtemps, la PTS a semblé être réservée aux services de police judiciaire les plus prestigieux et aux affaires les plus médiatiques. Afin de rentabiliser les investissements importants de la PTS, la stratégie mise en place consiste à diffuser ses moyens jusqu'à la base.

Les efforts en matière de formation précédemment évoqués sont un des aspects de cette politique.

Un exemple topique est la modernisation en cours du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED). Créé en 1987 et opérationnel depuis 1992, ce fichier est commun à la police et à la gendarmerie. Il est actuellement alimenté par trois sites principaux (le service central de l'identité judiciaire à Ecully, la préfecture de police et l'IRCGN pour la gendarmerie nationale), ainsi que 19 sites régionaux implantés dans les services territoriaux de la direction centrale de la police judiciaire.

Son mode d'alimentation et de consultation est longtemps resté traditionnel. Au centre d'Ecully, l'ensemble de la procédure a été présenté à votre rapporteur. Les policiers et gendarmes procèdent au relevé décadactylaire des individus mis en cause dans la commission d'une infraction en appliquant sur des fiches papiers les doigts encrés. Ces fiches sont ensuite envoyées par la poste à l'un des sites alimentant le fichier. Une fois le relevé entré dans la base, le système compare les empreintes à l'ensemble de la base. A l'heure actuelle, le temps de réponse pour une comparaison « individu-individu » est d'environ 15 minutes et pour une comparaison « trace-individu » d'environ trois heures.

Ce mécanisme a pour inconvénient un temps global de traitement relativement long qui peut dépasser le temps de la garde à vue. Pour raccourcir ces délais et parvenir à une consultation de la base en quasi-temps réel, un plan pluriannuel d'équipement prévoit la numérisation complète de la procédure grâce à l'installation de bornes de signalisation dans l'ensemble des commissariats.

Votre rapporteur s'est vu présenter les deux types de bornes en cours de déploiement.

Les bornes de type T1, d'un coût de l'ordre de 77.000 euros l'unité, permettent de relever les empreintes digitales et palmaires des individus sans encrage. Les relevés numériques sont transmis en temps réel à la sous-direction de la police scientifique et technique de la police nationale qui gère le fichier.

Les bornes de type T4, d'un coût d'environ 15.000 euros l'unité, permettent également de transmettre en temps réel les relevés. Toutefois, il faut toujours procéder à un relevé encré. Ce relevé est ensuite numérisé par scanner et envoyé. Ce système présente également l'avantage de pouvoir numériser des traces trouvées sur une scène d'infractions.

Depuis 2004, environ 110 bornes ont été installés (une vingtaine de bornes T1 et 90 bornes T4). Au cours de son audition par la commission des lois, M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire a indiqué qu'à l'été 2007, environ 50 bornes T1 et 251 bornes T4 devraient être installées.

2. La mutualisation des moyens de la police et de la gendarmerie

Le rapprochement opérationnel de la police et de la gendarmerie est de manière générale l'un des principaux objectifs de la LOPSI. En matière de police technique et scientifique, cet objectif revêt une importance particulière.

Les principaux fichiers de police judiciaire étaient déjà communs aux deux forces (FNAEG, FAED, SALVAC, fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles). D'autres fichiers comme le fichier des personnes recherchées ou le fichier des véhicules volés sont alimentés au travers de deux systèmes parallèles par la police et la gendarmerie et mis à jour régulièrement par un échange en temps réel.

Tous les nouveaux fichiers sont désormais réalisés en commun. Ainsi d'ici 2008, le fichier des personnes signalées devraient remplacer le fichier des personnes recherchées.

Mais le rapprochement majeur concerne les fichiers STIC (police) et JUDEX (gendarmerie) 23 ( * ) . Depuis la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, un cadre législatif commun à ces deux fichiers a été défini. Les projets de refonte de ces fichiers ont fait apparaître une convergence des besoins fonctionnels et des principes généraux de fonctionnement et d'utilisation de ces fichiers.

Dans une première étape et dès 2003, les accès réciproques à ces fichiers se sont développés ; d'abord au niveau central puis dans des services locaux. Fin 2006, une majorité des services territoriaux de police judiciaire des deux forces devraient bénéficier d'un accès réciproque. Toutefois, les différences d'architecture technique sont trop importantes pour atteindre un résultat pleinement satisfaisant.

C'est pourquoi, dès 2005, il a été décidé de développer un système commun. Ce projet baptisé ARIANE dispose de structures et d'équipes communes police/gendarmerie, oeuvrant sur la base d'un financement partagé.

Sur le plan fonctionnel, les gains attendus sont :

- l'accroissement de l'efficacité des forces de sécurité intérieure, par la mise en commun des informations judiciaires et l'apport de fonctionnalités innovantes ;

- l'harmonisation du recueil et du traitement de l'information ;

- l'amélioration de la traçabilité des interrogations au sein du système ;

- la production de statistiques plus précises et plus fiables pour la police (la gendarmerie conservant son propre circuit de production de statistiques).

Sur le plan technique et financier, cela devrait réduire les coûts globaux de mise en oeuvre et de fonctionnement des systèmes d'information par un partage des études, des réalisations, de l'exploitation et de la maintenance.

Après dépouillement des offres relatives au marché ARIANE en avril et mai, le marché principal a été notifié courant octobre. La société Unilog IT Services en est chargée. Le coût de ce projet sur trois ans est estimé à 6 millions d'euros pour la gendarmerie et à 10,2 millions d'euros pour la police (dont 4,1 millions d'euros au titre des applications statistiques). La mise en service de l'application ARIANE est prévue début 2008.

De manière générale, le rapprochement police-gendarmerie en matière de police technique et scientifique se cristallise au sein du Conseil supérieur de la police technique et scientifique (CSPTS) .

Le CSPTS regroupe sous la présidence du ministre de l'intérieur, les directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, le directeur des affaires criminelles et des grâces et le directeur général de la recherche et de la technologie.

Il a pour mission de proposer un schéma directeur définissant les orientations de la police technique et scientifique, de veiller à la cohérence de l'application de la politique mise en oeuvre par les services compétents et de s'assurer de l'adéquation des moyens mis en oeuvre aux besoins exprimés par les autorités judiciaires. Les activités de ce conseil s'inscrivent dans le cadre de deux groupes de travail : le groupe « documentation criminelle » et le groupe « criminalistique ».

A titre d'exemple, au sein du groupe « documentation criminelle », l'utilisation systématique de la photographie numérique dans le cadre de l'alimentation de l'ensemble des bases de documentation criminelle est une des lignes d'action arrêtées.

Les activités du groupe « criminalistique » ont, cette année encore, été dominées par la mise en oeuvre du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Cette réflexion a concrètement débouché sur l'élaboration des textes relatifs au fichier, la finalisation d'un kit de prélèvement, la mise en place de formations spécifiques au profit des policiers et gendarmes ou la création d'une mallette de prélèvements biologiques pour les scènes d'infractions les moins complexes et les moins graves.

Des marchés communs peuvent être lancés de la sorte.

Ainsi, un marché public national des kits de prélèvement biologique, portant sur la fourniture de 470.000 pièces minimum par an au prix moyen de 8,65 euros HT l'unité, pour la police et la gendarmerie nationales, avait déjà été passé en 2003. La renégociation de ce marché à l'occasion de la mise en place de l'INPS a été lancée en janvier 2006. La procédure s'est terminée le 29 avril dernier. Le lot principal relatif aux kits a été emporté par l'ancien titulaire du marché qui a consenti un rabais de 30 % par rapport au tarif précédent avec des remises supplémentaires pouvant aller jusqu'à 40 % en fonction du volume de la commande.

* 7 Béatrice Durupt «  La police judiciaire, la scène de crime », Gallimard, 2000, p. 23. Cité dans le rapport sur la valeur scientifique de l'utilisation des empreintes génétiques dans le domaine judiciaire (n° 3121 AN-XI, n° 364 Sénat 2000-2001) de M. Christian Cabal, député, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

* 8 Le décalage avec les effectifs réels est assez faible et est du au décalage dans le temps de certains recrutements.

* 9 C'est le cas par exemple de l'Unité nationale d'investigation criminelle de la gendarmerie nationale ou de l'Unité gendarmerie d'identification des victimes de catastrophes.

* 10 Par exemple, au 31 décembre 2005, près de 10.000 policiers polyvalents avaient reçu un enseignement dans le domaine des prélèvements biologiques.

* 11 Il s'agit de petits laboratoires de police scientifique au niveau départemental.

* 12 Des investissements immobiliers ont également été engagés pour environ 9 M€. D'ici à cinq ans, l'IRCGN situé à Rosny-sous-Bois devrait être réinstallé à Pontoise pour un coût de 40 M€.

* 13 Les laboratoires de police scientifique de Lille, Lyon, Marseille, Paris et Toulouse et le laboratoire de toxicologie de la préfecture de police.

* 14 Ces sommes ne semblent toutefois pas intégrer la totalité des crédits de fonctionnement du laboratoire de police scientifique et du laboratoire de toxicologie de Paris.

* 15 Auxquels il faut ajouter une participation de 900.000 euros du ministère de la justice à valoir sur les prestations réalisées en 2006 au bénéfice des autorités judiciaires. Mme Muriel Renard, adjointe du chef du bureau de la police judiciaire au ministère de la justice, a indiqué qu'étaient imputées sur les frais de justice les demandes d'analyses génétiques émanant d'un magistrat. Les requêtes provenant d'un officier de police judiciaire sont en revanche imputées sur le budget de l'intérieur ou de la défense, sauf si l'analyse est effectuée par un laboratoire privé. Dans ce cas, les dépenses afférentes relèvent des frais de justice.

* 16 Environ 2,6 M€.

* 17 Mission d'audit de modernisation sur le coût des empreintes génétiques : maîtriser la dépense budgétaire induite par les analyses génétiques sur personnes dénommées. Décembre 2005. Mission conduite par l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection général des services judiciaires, l'Inspection générale des affaires sociales.

* 18 Cette unité de génotypage de masse a une capacité d'analyse de 125.000 profils d'individus par an. Toutefois, les locaux et la robotique ont été configurés pour pouvoir évoluer si nécessaire vers le génotypage de 250.000 individus par an. Cette chaîne d'analyse représente environ 2,6 M€ d'investissement global. Selon les informations recueillies par votre rapporteur à Ecully, le coût de fonctionnement à plein régime a été évalué à 4,3 M€ par an.

* 19 Sa capacité d'analyse des « traces » devrait passer à 17.000 à la fin de 2006 au lieu de 7.400 en 2004. En outre, dans le courant du premier semestre 2007, l'unité de génotypage de masse de la gendarmerie sera opérationnelle et portera à 60.000 sa capacité d'analyses d'individus dénommés (coût direct de l'investissement d'environ 2 M€.

* 20 Système d'analyse des liens de la violence associée aux crimes : l'article 30 de la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales autorise la création de fichiers d'analyse criminelle de type SALVAC permettant de répertorier, de détecter et de rapprocher des crimes pouvant présenter un caractère sériel.

* 21 La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure a donné une base légale à ces fichiers. Tout en élargissant leur champ d'application à de nouvelles infractions (des contraventions en particulier), elle a précisé les modalités de leur alimentation et de leur mise à jour ainsi que les règles de contrôle et d'accès. Elle a également étendu les possibilités de consultation de ces fichiers de police judiciaire à des fins administratives.

* 22 Loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, loi du 9 mars 2004 dite loi Perben II, loi du 24 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme.

* 23 Le STIC et le JUDEX sont des systèmes traitant toutes les informations relatives aux crimes et délits qui fournissent à tout gendarme ou policier habilité une aide à l'enquête. Ils contiennent notamment des informations relatives aux antécédents des personnes mises en cause, aux objets volés, aux circonstances des infractions.

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