ARTICLE 15 - Compétences élargies en matière budgétaire
Commentaire : le présent article organise, d'une part, les modalités d'application des compétences élargies, et d'autre part précise les conditions de la mise en place d'une dotation globale .
I. LA SITUATION ACTUELLE
Selon l'article L. 711-1 du code de l'éducation, les établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel que sont les universités « jouissent de la personnalité morale et de l'autonomie pédagogique et scientifique, administrative et financière ». Ce principe posé dès la loi d'orientation sur l'enseignement supérieur de 1968, a été confirmé et consacré par la loi du 26 janvier 1984.
L'autonomie financière des universités est cependant restée « une coquille vide » en raison de la dépendance financière qui subsiste entre ces établissements et l'Etat.
Cette dépendance ne vient pas seulement du fait que l'essentiel du budget d'une université provienne de l'Etat, mais également du périmètre restreint du budget de l'université géré par celle-ci . Le budget voté par le conseil d'administration ne concerne que 20 à 30 % des masses financières mobilisées pour l'activité de l'université. En effet, c'est l'Etat, qui, hors budget de l'université, gère les dépenses de personnel ou d'investissement, et fait mettre à la disposition des instances universitaires les locaux et le matériel qui leur sont attribués.
Dans ces conditions, le budget géré par une université représente une faible partie du financement public assuré par l'Etat, financement qui reste hors de tout contrôle de l'établissement
II. LE DROIT PROPOSÉ
Le présent article propose d'introduire une nouvelle section au chapitre II du titre I er du livre VII du code de l'éducation relatif aux universités .
Cette section dénommée « Responsabilités et compétences élargies » comprendrait deux articles :
- d'une part, un nouvel article L. 712-8 relatif aux modalités en oeuvre des responsabilités et des compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines ;
- d'autre part, un nouvel article L. 712-9 définissant le cadre contractuel de la mise en place de l'autonomie des universités en matière budgétaire.
A. LE BÉNÉFICE DE COMPÉTENCES ET DE RESPONSABILITÉS ÉLARGIES
1. Un bénéfice réservé aux universités
L'article L. 712-8 du code de l'éducation est un article du chapitre expressément dédié aux universités. Par conséquent le premier alinéa de la rédaction proposé ne concerne que les universités.
2. Une délibération du conseil d'administration approuvée par arrêté des ministres du budget et de l'enseignement supérieur
La mise en place de la dotation globale se fait par délibération du conseil d'administration approuvée par arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'enseignement supérieur.
3. L'application de plein droit à toutes les universités
L'article 32 du présent projet de loi prévoit que ces nouvelles responsabilités et compétences élargies s'appliqueront de plein droit à toutes les universités au plus tard dans un délai de cinq ans après la publication de la loi.
A ce titre, votre rapporteur pour avis s'interroge sur l'articulation de cet article avec la rédaction du nouvel article L. 712-8 du code de l'éducation proposée par l'article 15. En effet, ce dernier offre la possibilité aux universités d'adopter ces nouvelles responsabilités, alors que l'article 32 du même projet de loi indique que ces nouvelles responsabilités s'appliqueront de plein droit aux universités d'ici 5 ans . Que faut-il comprendre ? Que jusqu'en 2012, les universités adoptent ces nouvelles responsabilités après délibération de leur conseil d'administration et que, au-delà, une délibération ne sera plus nécessaire ? Ou que, d'ici 2012, chaque université devra avoir procédé à une délibération de son conseil d'administration approuvée par un arrêté ?
B. L'AUTONOMIE BUDGÉTAIRE PAR LA MISE EN PLACE EFFECTIVE D'UNE DOTATION GLOBALE DE L'ETAT DANS CHAQUE CONTRAT D'ETABLISSEMENT
L'article L. 712-9 du code de l'éducation proposé par le présent article confie au contrat pluriannuel d'établissement le soin de prévoir pour chaque année du contrat et sous réserve des crédits inscrits en loi de finances, le montant global de la dotation d'Etat.
Cette dotation sera répartie en trois postes budgétaires : la masse salariale, les crédits de fonctionnement, les crédits d'investissement.
Le deuxième alinéa proposé par cet article précise que les crédits afférents à la masse salariale sont limitatifs et assortis d'un plafond des emplois que l'établissement est autorisé à rémunérer.
Enfin le troisième alinéa pose le principe d'une information du ministère et l'obligation pour lesdits établissements d'avoir des instruments d'audit interne et de pilotage financier et patrimonial.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre rapporteur pour avis se félicite de la mise en place d'une dotation globale effective, qu'il appelle de ses voeux depuis plusieurs années.
Toutefois, plusieurs remarques doivent être formulées.
A. LA QUESTION DES BÉNÉFICIAIRES DES NOUVELLES COMPÉTENCES
En premier lieu, il s'étonne de la restriction de ces nouvelles responsabilités aux seules universités qui, si elles représentent une grande partie du paysage de l'enseignement supérieur, n'incarnent pas, à elles seules, l'enseignement supérieur.
Il lui semble difficile de présupposer que, seule une partie des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel puisse bénéficier de compétences élargies en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines. En particulier, il s'interroge sur la « mise à l'écart » des universités technologiques alors qu'elles sont habituellement comptées par les 85 « universités » françaises. Si l'ambition de ce projet de loi est d'améliorer de manière sensible les conditions de fonctionnement des universités, il convient également d'étudier dans quelle mesure ces dispositions peuvent améliorer qualitativement la gestion du plus grand nombre d'entre elles.
Votre rapporteur pour avis vous proposera donc un amendement portant article additionnel après l'article 32 tendant à élargir à l'ensemble des établissements publics à caractère scientifique et professionnel les responsabilités et compétences élargies accordées par le présent article aux universités.
B. LES CONDITIONS DE LA RÉUSSITE
S'agissant de la mise en place de la dotation globale, votre rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de préparer les universités et leurs équipes administratives à ces nouvelles compétences. La dotation globale ne pourra être un vecteur de réelle autonomie que si les établissements sont à même de gérer cette enveloppe conformément à d'un projet d'établissement précis et pouvant s'appuyer sur des systèmes de gestion et d'information adaptés.
Or les conditions d'un pilotage efficace ne paraissent pas, à votre rapporteur pour avis, réunies. Comme l'ont indiqué plusieurs rapports, les défaillances dans la gestion budgétaire, financière et comptable des établissements sont nombreuses. En outre, les budgets et les comptes ont, en l'état, une signification limitée : la connaissance des coûts de fonctionnement interne est réduite comme celle par exemple du périmètre exact des activités de recherche qu'elles hébergent. Dans ce contexte, l'application d'une comptabilité analytique ainsi que l'amélioration des documents budgétaires et financiers tout comme celle des systèmes d'information paraissent être à votre rapporteur pour avis autant de conditions indispensables à la gestion d'un budget global.
En outre, la mise au point d'outils de pilotage adéquats nécessite comme votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de le dire lors de son dernier rapport budgétaire un renforcement de l'encadrement administratif et une professionnalisation des équipes de direction.
Enfin, la politique contractuelle de l'Etat, via les contrats d'établissement, doit, au regard de la mise en place de l'autonomie budgétaire, s'orienter résolument vers une contractualisation d'objectifs. L'évaluation des contrats est, dans ce nouvel environnement, un point crucial. La durée actuelle de 4 ans des contrats d'établissements pourrait alors être modifiée.
C. LA QUESTION DES MOYENS CONSACRÉS AU PERSONNEL
L'article L. 712-9 du code de l'éducation proposé, prévoit la mise en place d'un budget global des universités , alors qu'aujourd'hui certains crédits tels que les rémunérations des personnels enseignants, administratifs et techniques (à l'exception des personnels contractuels rémunérés par les budgets propres des établissements), les bourses et les maîtrises d'ouvrage non déléguées aux établissements ne figurent pas dans leurs comptes financiers.
En conséquence, les deux premiers alinéas du texte proposé par le présent article pour l'article L. 712-9 du code de l'éducation reprennent, pour les universités devenues autonomes, les principes de la LOLF relatifs d'une part, aux opérateurs de l'Etat et d'autre part, à la distinction des crédits de personnel des autres crédits.
Il ressort de ces dispositions que :
- les universités devenues autonomes rémunéreront directement les personnels aujourd'hui payés par l'Etat qui leurs sont affectés, tout en étant liées, pour ce qui les concerne, par le plafond d'emplois de l'Etat ;
- ces mêmes universités seront libres d'affecter comme elles l'entendent les autres crédits dont elles disposent , qu'il s'agisse des crédits de fonctionnement, des crédits d'investissement ou des éventuelles économies qu'elles pourraient réaliser sur les crédits relevant dudit plafond d'emplois. En liaison avec le texte proposé par l'article 16 du présent projet de loi pour l'article L. 954-2 du code de l'éducation (voir infra ), ces sommes pourraient être utilisées pour attribuer des primes aux personnels affectés à l'établissement.
Votre commission des finances a donné mandat à votre rapporteur pour avis afin qu'il obtienne, en séance publique, confirmation de ces éléments. Il convient de s'assurer de la validité de cette interprétation car le contenu de cet article est l'un des plus importants de ce projet de loi destiné à faire accéder les universités à une réelle autonomie.
Décision de la commission : sous réserve de ces observations, votre commission émet un avis favorable sur cet article .