III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Outre des amendements de précision rédactionnelle, votre commission des affaires culturelles proposera d'enrichir le projet de loi sur trois principaux points :

- affirmer le principe d'une gestion autonome de leurs archives par les assemblées parlementaires ;

- valoriser la politique des archives, en instituant un Conseil supérieur des archives ;

- inciter les propriétaires d'archives classées à procéder à des travaux de restauration de leurs fonds.

Votre commission insistera, enfin, sur des mesures d'accompagnement qu'elle juge nécessaire de mettre en place afin de donner sa pleine portée au présent projet de loi et de sensibiliser l'ensemble des « producteurs » à l'importance de conserver leurs archives.

A. CONFIRMER LES PRÉROGATIVES DES ASSEMBLÉES PARLEMENTAIRES À L'ÉGARD DE LEURS ARCHIVES : UN ÉLÉMENT INHÉRENT AUX PRINCIPES DE SÉPARATION DES POUVOIRS ET D'AUTONOMIE DU PARLEMENT


• Les archives de l'Assemblée nationale et du Sénat sont régies par des dispositions de l'Instruction générale du Bureau (IGB) des règlements de chacune de ces deux assemblées. Ces dispositions prévoient notamment, conformément au délai de droit commun, une libre consultation des documents de plus de trente ans.

S'agissant du Sénat, la collecte, la conservation, le classement et la communication des archives de tous les services et de la Présidence sont assurées par la division des archives du service de la bibliothèque, des archives et de la documentation étrangère, qui bénéficie du concours de deux archivistes professionnels, gage de crédibilité des pratiques mises en place. Ces deux archivistes contractuels ont notamment contribué à instaurer des méthodes de classement et réalisent l'inventaire des fonds, transposé dans un logiciel documentaire interrogeable pour les recherches sur le contenu des archives. Ces fonds représentent près de trois kilomètres linéaires.

Cette gestion « de proximité » répond aux besoins spécifiques des services d'une assemblée parlementaire : d'une part, les fonds sont gérés par des personnes connaissant la « mécanique parlementaire » ; d'autre part, les archives du Sénat, conservées jusqu'en 2006 à Versailles, sont à présent conservées dans trois locaux parisiens : elles peuvent ainsi être rapatriées, à la demande des parlementaires, des services ou des chercheurs, soit dans l'heure, soit dans la journée.

Alors que le fonctionnement d'une assemblée s'appuie dans bien des domaines sur la culture du « précédent », cette souplesse est un élément important. Cela facilite également la consultation des archives par les chercheurs : le Sénat en accueille une quarantaine environ chaque année.

Par ailleurs, cette situation n'a rien de spécifique : comme le relevait, en 2005, le rapport précité de la mission présidée par M. Bernard Stirn, la majorité des assemblées parlementaires des pays de l'Union européenne (13 pays membres sur 25) disposent de leurs propres services d'archives.

En outre, les ministères de la défense et des affaires étrangères disposent, depuis l'Ancien Régime, d'une complète indépendance pour la gestion de leurs archives . D'autres administrations ou organismes publics ont fait le choix de conserver eux-mêmes leurs archives : c'est notamment le cas du ministère de la justice (depuis 1790), du ministère de l'économie et des finances (qui a créé en 1972 un service devenu le Centre des archives économiques et financières, chargé de collecter les archives des administrations centrales et des établissements publics rattachés), ou d'une trentaine d'établissements publics, entreprises ou organismes chargés d'une mission de service public (le CNRS, le Commissariat à l'énergie atomique 17 ( * ) , ou encore des entreprises telles qu'EDF ou la SNCF...). Cette possibilité est reconnue par l'article L. 212-2 du code du patrimoine et confirmée par le projet de loi, dans le cadre d'une coopération avec l'administration des archives ( article 3 , I du nouvel article L. 212-4). Néanmoins, à la différence du Sénat, ces institutions sont soumises au contrôle scientifique et technique de la direction des archives de France et ce sont dans certains cas des conservateurs du patrimoine qui y sont affectés.


• En explicitant, dans l'exposé des motifs, que les archives des « pouvoirs publics constitutionnels » comprennent notamment les archives législatives, le projet de loi tend à appliquer aux archives des assemblées parlementaires le régime de droit commun des archives publiques.

Il ne s'en écarterait que sur un point : les demandes de dérogation aux délais de communicabilité seraient instruites par les assemblées, et non par l'administration des archives.

Toutefois, cela méconnaît le principe d'autonomie du Parlement , qui est le corollaire du principe de séparation des pouvoirs . En effet, l'application du régime de droit commun aurait notamment pour conséquence de soumettre la gestion des archives par le Sénat au contrôle scientifique et technique de l'administration des archives, relevant du ministère en charge de la culture : un tel contrôle de l'exécutif sur le législatif n'est pas compatible avec ces principes constitutionnels.

Si les archives des assemblées sont des archives publiques , au contraire de celles des parlementaires, de nature privée, il convient néanmoins de préciser qu'elles relèvent des règles définies par chacune des assemblées .

Or, si le projet de loi reconnaît le caractère politique et donc spécifique des archives des autorités de l'exécutif, en consacrant la pratique des « protocoles de remise », il est regrettable qu'il n'y ait pas une même attention accordée aux archives des autorités législatives.

Comme le démontre la situation actuelle, ce régime autonome n'en est pas pour autant plus restrictif que le régime de droit commun .

Il est tout à fait souhaitable qu'il en soit ainsi, compte tenu du formidable vivier que représentent les archives des assemblées pour les chercheurs, et notamment les historiens. Par ailleurs, aux termes de l'article 33 de la Constitution, « les séances des deux assemblées sont publiques » : leur compte-rendu intégral est publié au Journal Officiel et accessible très rapidement sur Internet. Il est également donné une publicité aux travaux des commissions, à travers la publication des dossiers législatifs et des comptes-rendus des réunions ou auditions, publiés chaque semaine dans le « Bulletin des commissions », accessible en ligne.

Cette démarche d'ouverture et de transparence peut encore être amplifiée, en développant la communication sur l'existence et la richesse de ces archives . La poursuite de la numérisation, qui rend possible la mise en ligne des archives librement communicables, serait ainsi un progrès dans le sens d'une plus grande accessibilité de ces fonds pour les chercheurs, étudiants ou tous les autres citoyens. Cela participe à la valorisation des travaux du Parlement.

Afin de traduire ces orientations, votre commission proposera d'adopter un amendement visant à inscrire, dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, un article prévoyant que les assemblées parlementaires sont responsables de la conservation et de la mise en valeur de leurs archives, et qu'elles déterminent les conditions dans lesquelles celles-ci sont collectées, conservées, classées et communiquées. Cela n'exclut en rien le maintien d'une coopération avec la direction des archives de France : il pourrait notamment être envisagé de verser aux Archives nationales une partie des fonds historiques, qui seraient une source d'enrichissement des collections publiques.

* 17 Etablissement public à caractère industriel et commercial, le CEA produit des archives publiques. Il en assure la gestion de façon autonome : cela a été officialisé par une convention passée avec la direction des Archives de France le 18 novembre 1985 et un arrêté daté du 25 novembre de la même année. En contrepartie, le CEA s'engage d'une part à respecter la réglementation sur les archives publiques et, d'autre part, à assurer à son service d'archives les moyens en personnel, locaux et équipements lui permettant d'effectuer ses missions. En 2007, ce service est composé de six personnes.

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