N° 101
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 2008 |
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2009 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I
AGRICULTURE, PÊCHE, ALIMENTATION,
FORÊT
ET AFFAIRES RURALES
(Compte spécial : développement agricole et rural)
Par MM. Gérard CÉSAR, Daniel
SOULAGE,
Jean-Marc PASTOR et François FORTASSIN,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Dominati, Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, François Fortassin, Alain Fouché, Adrien Giraud, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Robert Navarro, Louis Nègre, Mme Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Philippe Paul, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall. |
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 1127 , 1198 à 1203 et T.A. 204
Sénat : 98 et 99 (annexe n° 3 ) (2008-2009)
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Après une année 2007 qui a globalement souri à l'agriculture, du fait du cours élevé de nombre de ses productions, le monde agricole retient son souffle en cette fin d'année 2008. Si les « émeutes de la faim » du printemps, puis la crise financière de l'automne, ont remis les problématiques agricoles au premier plan des préoccupations politiques et économiques, l'avenir du secteur primaire est aujourd'hui l'objet des plus grandes incertitudes.
Les négociations menées au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), censées ouvrir les échanges internationaux en la matière et rééquilibrer les relations entre ses acteurs, peinent à aboutir. Après l'échec de la conférence de Genève, en juillet de cette année, et l'absence d'engagement sur l'agriculture lors du sommet du G20 qui s'est tenu à Washington à la mi-novembre, il est peu probable que le « cycle de Doha » pour le développement, dont l'agriculture est l'une des composantes essentielles, puisse être bouclé avant la fin de l'année.
A l'échelle européenne, c'est bien sûr le « bilan de santé » de la politique agricole commune (PAC) qui a préoccupé les Etats membres, au premier rang desquels la France, qui préside actuellement l'Union, mais aussi votre commission, qui y a activement pris part. Après des mois de négociations entre Commission européenne, Etats membres et Parlement européen, qui ont mis en évidence la « ligne de fracture » séparant des visions divergentes de la politique agricole européenne, le Conseil « agriculture et développement rural » des 19 et 20 novembre a accouché d'un compromis qui, s'il satisfait bien davantage notre pays que le projet initial, n'en est pas moins lourd d'interrogations sur l'avenir de la PAC.
Par ailleurs, la conjoncture agricole pour l'année 2008 a été marquée par un retournement de tendance . Du fait du reflux des cours, après deux années d'augmentation de 17,5 % en moyenne, le revenu par actif agricole devrait chuter de 8 à 15 % en 2008, plaçant de nombreuses filières -notamment celle des productions animales- dans une situation si difficile qu'elle a contraint les pouvoirs publics à intervenir en lançant un plan de soutien à l'agriculture.
En France, le Grenelle de l'environnement , dont le projet de loi cadre a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture et dont le projet de loi portant les mesures d'application a été transmis au Conseil d'Etat, a retenu l'attention du monde agricole. Ayant permis, pour la première fois, de faire se rencontrer la société civile, l'administration et les professionnels, ce processus comporte d'importantes mesures pour le secteur primaire suscitant de profonds questionnements et soulevant de nombreux défis qui sont autant de chances pour son avenir.
C'est dans ce contexte d'incertitude et d'attentisme que s'inscrit le projet de budget pour 2009 du ministère de l'agriculture et de la pêche (MAP). Dans un environnement économique précaire, marqué par une contraction de la croissance nationale et un aggravement des déficits publics, l' augmentation formelle des crédits du MAP de 2,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2008 est en soi une donnée appréciable. Et ce même si la programmation triennale du ministère laisse présager d'une contraction des dotations pour la période 2009-2011.
Fait marquant de cet exercice budgétaire, la révision générale des politiques publiques (RGPP) imprime à ce projet de budget la marque d'une certaine rationalisation. Recentré autour de quelques axes forts constituant le « coeur de métier » du ministère, il devrait permettre de poursuivre les politiques publiques mises en oeuvre pour soutenir une agriculture durable et conforter l'avenir du monde paysan. Aussi, deux de vos rapporteurs pour avis , MM. Gérard César et Daniel Soulage , vous proposent-ils de donner un avis favorable à l'adoption tant des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » (MAPAFAR) pour l'année 2009 que des huit articles de la seconde partie du projet de loi de finances qui lui sont rattachés (articles 59 A à 59 quater ), MM. Jean-Marc Pastor et François Fortassin recommandant pour leur part une position de sagesse sur cette mission qui, selon eux, alterne le positif et le négatif.
I. UN EXERCICE 2007-2008 MARQUÉ PAR L'INCERTITUDE
L'attentisme qui a marqué l'année 2008 en matière agricole s'est exprimé aux niveaux tant international qu'européen et français.
A. L'ENLISEMENT DES NÉGOCIATIONS DU CYCLE DE DOHA
1. L'état des négociations avant le sommet de Genève
La déclaration de novembre 2001 de la quatrième conférence ministérielle qui s'est tenue à Doha , au Qatar, a établi le mandat des négociations au sein de l'OMC sur divers thèmes. Parmi ces derniers figuraient ceux ayant trait à l'agriculture et aux services, dont les négociations avaient commencé au début de 2000. L'agriculture fait désormais partie, depuis cette date, de l' engagement unique auquel la quasi-totalité des négociations se rapporte et constitue une composante essentielle du Programme de Doha pour le développement (PDD), qui devait aboutir au plus tard le 1 er janvier 2005.
Or, les conférences ministérielles successives qui ont eu lieu depuis à Cancún (2003), Genève (2004), Hong-Kong (2005) et Genève (2006) n'ont pas permis de parvenir à un accord . S'y sont affrontées quatre blocs de pays : d'abord, les Etats-Unis et le Japon ; ensuite, l'Union européenne ; en troisième lieu, les grands pays agricoles du groupe de Cairns 1 ( * ) ; et enfin, les pays en voie de développement (PVD) et les pays les moins avancés (PMA). Trois volets des politiques agricoles ont concentré les débats : l'accès au marché, c'est-à-dire le niveau des droits de douane et les contingents d'importation 2 ( * ) , le soutien interne, à travers les diverses formes d'aides et de soutien 3 ( * ) , et la concurrence à l'exportation 4 ( * ) .
Les négociations, officiellement suspendues depuis 2006, ont toutefois continué lors de rendez-vous plus ou moins informels entre les Etats membres. En vue de les relancer activement, et si possible de conclure le cycle de Doha d'ici la fin de l'année 2008, une série de réunions se sont ainsi tenues à Genève à la fin du mois de juillet dernier. Elles avaient pour objet d'avancer sur tous les dossiers agricoles restant en suspens, à savoir les problématiques des soutiens internes, de l'accès au marché, des subventions à l'exportation, des indications géographiques et du coton.
2. L'échec du sommet de Genève
Les négociations pour la relance et la conclusion du cycle de Doha, qui avaient débuté le 21 juillet dernier à Genève , se sont achevées le 29 juillet sur un constat d'échec .
La confrontation entre les Etats-Unis et l'Inde a été présentée comme la cause officielle de cet insuccès. L'Inde, rejointe par la Chine et nombre de pays africains, demandait en effet une clause de sauvegarde si ses importations de produits agricoles dépassaient un certain seuil, que les Etats-Unis ont estimé trop faible et masquant un outil protectionniste.
En réalité, d'autres causes de rupture étaient sous-jacentes. Ainsi, l'Europe s'est divisée entre les Etats membres qui, à l'instar de la France et de l'Italie, estimaient l'accord inacceptable au nom de la protection de leurs marchés, et ceux qui étaient prêts à le ratifier en l'état.
De façon plus générale, se sont opposées deux conceptions de l'agriculture : l'une, celle des Etats-Unis comme des grands pays exportateurs, considérant les produits agricoles comme des biens faisant partie intégrante du commerce international, pour lesquels chaque pays est en droit de tirer parti de ses avantages concurrentiels ; l'autre, défendue par la France et par les pays les plus pauvres, l'appréhendant comme une activité spécifique devant apporter des revenus aux paysans et des aliments de qualité accessibles au plus grand nombre.
3. Des perspectives relancées au lendemain du sommet du G20
Au lendemain de l'échec de Genève, les perspectives d'accord à court terme paraissaient très précaires , avec l'arrivée prochaine d'un président et d'une administration américains nouveaux, le renouvellement à venir de l'exécutif européen ou encore la tenue de probables élections en Inde prochainement.
Cependant, la crise économique et financière qui a éclaté au début de l'automne, si elle a assombri les perspectives, a également fait sentir combien un repli protectionniste généralisé serait catastrophique pour une relance de l'économie mondiale. Des appels à la conclusion d'un accord d'ici la fin de l'année ont ainsi été entendus ces dernières semaines.
Cette position, appuyée par une coalition regroupant des pays comme le Royaume-Uni, le Brésil ou l'Australie, et recevant le soutien tacite de l'Allemagne et des Etats-Unis, s'est cependant heurtée la présidence française de l'Union européenne , qui a jugé « ni réaliste, ni souhaitable » d'établir un accord avant la fin de l'année, de peur qu'il ne soit rejeté par un Congrès américain à dominante démocrate.
Pourtant, le sommet du G20 , qui s'est tenu à Washington le 15 novembre dernier, a débouché sur un appel à la conclusion d'ici la fin de l'année d'un accord mettant un terme au cycle de Doha. Les détails d'une entente finale pourraient être trouvés « dans les prochaines semaines », a même estimé la nouvelle commissaire européenne au commerce, Mme Catherine Ashton.
* 1 18 pays, dont le Brésil, l'Argentine, l'Australie et l'Inde, réunissant le quart de la production agricole mondiale.
* 2 C'est-à-dire, pour l'Union européenne, les conditions de la préférence communautaire.
* 3 C'est-à-dire, pour l'Union européenne, le régime des prix d'intervention et des aides directes.
* 4 C'est-à-dire, pour l'Union européenne, les restitutions à l'exportation.