B. LES ÉVOLUTIONS RÉCENTES DE LA DÉLINQUANCE : DES RÉSULTATS ENCOURAGEANTS
1. Une présentation plus pertinente des statistiques
De nombreuses critiques ont été émises à l'encontre de la présentation statistique de l'activité de la police et de la gendarmerie. Ces critiques portent notamment sur les données qui tiennent lieu de « tableaux de bord » aux services et qui figurent en tant qu'indicateurs associés aux projets annuels de performance des lois de finances initiales. Ainsi, l'indicateur du « nombre de crimes et délits constatés en zone police » est-il apparu comme bien trop hétéroclite dans la mesure où il additionne des infractions n'ayant aucun rapport entre elles, des violences commises à l'encontre des personnes aux malversations financières. De même, le taux général d'élucidation des crimes et délits représente une moyenne entre des réalités radicalement différentes, la quasi-totalité des homicides étant élucidés contre à peine 15% des vols.
Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, ayant annoncé en février 2010 un nouveau « tableau de bord », le projet annuel de performance 2010 en tient compte et présente une série de nouveaux indicateurs .
Ainsi, deux indicateurs de l'évolution du nombre de crimes et délits en zone police et en zone gendarmerie figuraient jusqu'à présent dans le document budgétaire : l'évolution du nombre global des crimes et délits et l'évolution du nombre de crimes et délits en délinquance de proximité. Celle-ci regroupe des infractions diverses (en particulier cambriolages, vols d'automobiles, vols aÌ la roulotte, destructions et dégradations de biens) censées affecter le plus directement les citoyens dans leur vie quotidienne.
Ces indicateurs globaux sont remplacés par les indicateurs thématiques, qui distinguent entre trois formes de délinquance : les atteintes aux biens, les atteintes volontaires à l'intégrité physique des personnes et les escroqueries et infractions économiques et financières.
Votre rapporteur estime que l'évolution de la présentation des statistiques de la police et de la gendarmerie représente un progrès indéniable : les données présentées ont indiscutablement plus de sens que celles qui étaient annexées aux budgets des années précédentes.
Toutefois, il convient de souligner que la modification n'est que de présentation, puisque les données sur lesquelles cette présentation se fonde sont les mêmes : il s'agit toujours des statistiques des faits constatés de la police et de la gendarmerie. Or, ces données ne reflètent pas plus l'état réel de la délinquance qu'auparavant : il ne s'agit que des faits constatés et ces faits dépendent toujours de l'orientation de l'activité des forces de police et de gendarmerie. C'est pourquoi il convient de souligner l'apport précieux des analyses fournies par l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales .
En effet, afin d'élargir les sources de connaissances de la statistique criminelle (données des autres administrations, des fédérations professionnelles, etc.) et à la suite des préconisations du rapport sur les statistiques de la délinquance de MM. Christophe Caresche et Robert Pandraud de 2002, le décret n° 2004-750 du 27 juillet 2004 a créé, au sein de l'institut national des hautes études de la sécurité intérieure (INHES), un département appelé observatoire national de la délinquance (OND), dont la mission est de collecter les données statistiques, de les analyser, et de faciliter les échanges avec d'autres observatoires. L'OND a été rebaptisé ONDRP (observatoire national de la délinquance et des réponses pénales) par le décret n° 2009-1321 du 28 octobre 2009 relatif à l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.
L'OND doit notamment contribuer à une approche plus nuancée de la délinquance, grâce à des études pluridisciplinaires et à des enquêtes de « victimation ».
La communication publique mensuelle nationale des chiffres de la délinquance constatée relève désormais de l'O.N.D. qui publie un bulletin mensuel, publié depuis février 2006.
En outre, depuis 2007, l'INSEE, en partenariat avec l'OND, conduit en France métropolitaine une enquête annuelle dite de victimation intitulée « cadre de vie et sécurité ». Cette enquête a été conçue avec comme référence internationale l'enquête du Home Office britannique, appelée British Crime Survey (BCS), conduite en Angleterre et au Pays de Galles tous les ans. Elle a notamment permis d'interroger en 2006 et 2007 plus de 17.000 ménages sur les vols et tentatives de vols dont ils ont pu être victimes en 2006 et en 2007. En outre, au sein de chaque ménage, une personne âgée de 14 ans ou plus est interrogée sur les atteintes qu'elle a pu subir l'année précédente. L'OND dispose ainsi d'indicateurs statistiques sur la délinquance telle qu'elle peut être mesurée à travers les réponses fournies par un échantillon représentatif de la population française.
Votre rapporteur souligne à nouveau l'intérêt de ce type d'enquête qui permet de mettre en perspective les statistiques de la police et de la gendarmerie . Ainsi, il est possible grâce à l'enquête de victimation de savoir si une hausse ou une diminution du nombre de faits enregistrés correspond réellement à, respectivement, une hausse ou à une diminution de la délinquance réelle, ou seulement à une variation du taux de plainte ou des faits constatés à l'initiative des forces de sécurité.
Ainsi, pour les statistiques de 2007/2006, d'après les résultats de l'enquête « cadre de vie et sécurité », ce ne sont pas uniquement les vols suivis de plainte mais l'ensemble des vols déclarés, y compris ceux, majoritaires, qui n'ont pas fait l'objet d'une plainte, qui voient leur nombre diminuer sur un an. La tendance à la baisse suggérée en janvier 2008 par les statistiques sur les faits constatés de vols est ainsi confirmée par les données extraites de l'enquête de victimation.
Poursuivant l'exploitation des statistiques enregistrées par la police et la gendarmerie nationales, l'OND a notamment travaillé sur les violences intra-relationnelles, les violences dans le cadre professionnel, les violences au sein du couple enregistrées par la police et la gendarmerie nationales entre 2004 et 2007 ou encore les phénomènes de délinquance dans les transports ferroviaires d'Île-de-France.
Par ailleurs, plusieurs études statistiques portant sur une analyse qualitative de certains phénomènes criminels ont débuté en 2008 : les violences sexuelles enregistrées au tribunal de Grande Instance de Paris ; les liens entre violences et alcool ; l'analyse des signalements d'usagers dans la main-courante informatisée de Sarcelles et de Saint-Denis.
2. L'évolution des atteintes aux biens : des données globalement orientées à la baisse
Les atteintes aux biens regroupent 36 index de l'état 4001 des statistiques de la police et de la gendarmerie, dont les vols aÌ main armée (armes aÌ feu), les autres vols avec violences sans armes aÌ feu, les vols avec entrée par ruse, les cambriolages, les vols liés aÌ l'automobile et aux deux-roues aÌ moteur, les autres vols simples au préjudice de particuliers, les autres vols simples (aÌ l'étalage, chantiers..), ou encore les destructions et les dégradations de biens.
Le projet annuel de performance prévoit dans ce domaine, en zone police, une diminution du nombre de crimes et délits de 0,5 % en 2010, avec environ 1,6 million de faits . Aucun objectif n'était renseigné au projet annuel de performance 2010 puisque cet indicateur n'existait pas encore. En zone gendarmerie, la prévision de diminution pour 2010 est identique (- 0,5% avec environ 640 000 faits, le taux de délinquance pour 1000 habitants tournant autour de 21 pour 1000).
Les analyses pluriannuelles de l'ONDRP permettent d'obtenir une vue plus précise de l'évolution de ce type de délinquance . En ce qui concerne les atteintes aux biens par habitant, en 2009, moins de 36 atteintes aux biens ont été enregistrées par la police et la gendarmerie pour 1000 habitants . Ce taux se situe aÌ son niveau le plus bas depuis 1996. Entre 1996 et 2000, il avait été compris entre 46%o et 48%o. Il a atteint ses niveaux les plus élevés, avec plus de 51%o, en 2001 et 2002. Depuis, il diminue de façon continue, variant notamment de -10 points entre 2002 et 2006, année ouÌ il s'établit aÌ 41,3%o faits constatés de vols et de destructions et dégradations pour 1000 habitants. Au cours des trois dernières années, le taux d'atteintes a varieì de -5,6 points mais la différence annuelle la plus récente, -0,4 point entre 2008 et 2009, est bien plus modérée que celles des deux années précédentes, -3,1 points entre 2006 et 2007 et -2,1 points entre 2007 et 2008.
Parmi les catégories détaillées de vols qui connaissent les augmentations les plus fortes sur un an figurent les cambriolages de locaux d'habitations principales dont le nombre est passeì de 1517 737 en 2008 aÌ 164 150 en 2009, soit +8,2%. Comme le note l'ONDRP, cette variation ne signifie pas que le nombre de cambriolages enregistrés se situe aÌ un niveau intrinsèquement élevé : sur cinq ans, il est en baisse de 9% (soit -16 229 faits constatés). Néanmoins, cela met un terme aÌ une séquence de baisse qui avait été entamée en 2002, année au cours de laquelle 3,3 cambriolages de locaux d'habitations principales avaient été enregistrés pour 1000 habitants. En 2007 et 2008, ce taux se situait aÌ 2,4%o, en recul de près de 1 point. En 2009, il revient aÌ son niveau de 2006, soit 2,6 faits constatés pour 1000 habitants.
L'indicateur des atteintes aux biens présente une certaine importance dans la mesure où il reflète en partie une délinquance quotidienne particulièrement ressentie par les citoyens. Il serait cependant incomplet sans l'indicateur du taux d'élucidation, que la nouvelle présentation du projet annuel de performance permet justement de constater.
En effet, l'indicateur d'élucidation est désormais également décliné selon les trois types de délinquances (atteintes aux biens, aux personnes, financières), ce qui permet d'en finir avec un taux global d'élucidation particulièrement peu représentatif . Ainsi, ce taux d'élucidation est-il, pour la zone police et pour les atteintes aux biens, de seulement 14,25% en 2009 contre 13,87% en 2008, avec une prévision à 14,5% en 2010 et 15% en 2011 (en zone gendarmerie, le taux est légèrement plus élevé : 17 %). Ceci signifie que, dans ce domaine, plus de 85% des faits restent non élucidés. Il convient certes de noter qu'un fait inscrit au cours d'une année pourra être élucidé l'année suivante, et que certains faits ayant les mêmes auteurs peuvent attendre ainsi plusieurs années avant d'être élucidés en totalité.
Ce taux très faible est structurel et provient de la difficulté qui existe à élucider les faits de vols. En effet, cette élucidation, en dehors des flagrants délits et des rares cas où l'enquête aboutit rapidement, exige des dépenses considérables en moyens humains et matériels, souvent disproportionnés avec la valeur du bien volé. En outre, contrairement aux faits de violence, pour lesquels les auteurs et les victimes ont, dans la grande majorité des cas, des liens de parenté ou de voisinage, ces liens sont beaucoup moins fréquents dans le domaine des atteintes aux biens, ce qui rend l'enquête plus difficile.
Des progrès récents, tels que l'utilisation des fichiers d'empreintes digitales et ADN (fichiers nationaux des empreintes digitales et génétiques), permettent d'améliorer le taux d'élucidation de certains vols . Toutefois, le coût des opérations de prélèvement et d'analyse des empreintes ne permet pas, pour le moment, leur utilisation systématique. C'est pourquoi votre rapporteur a proposé, par le biais d'un amendement à la LOPPSI, adopté en première lecture au Sénat, la création d'un fonds destiné à apporter des financements supplémentaires à la police technique et scientifique, qui serait cofinancé par une contribution des assureurs sur la valeur des biens retrouvés par les services de police et de gendarmerie. Un financement par le biais d'une taxe sur les polices d'assurance comportant une garantie contre le vol avait été d'abord envisagé ; toutefois, dans la mesure où il n'existe pas de lien direct entre l'élucidation d'un fait de vol et la récupération par l'assureur du bien volé ou de sa valeur - les biens ne sont pas nécessairement retrouvés en même temps que le coupable, et de nombreux biens sont retrouvés sans qu'il soit possible de retrouver leur propriétaire-, il est apparu préférable de n'effectuer un prélèvement que dans le cas où la découverte des biens bénéficie effectivement à l'assureur. A la fin de 2010, des discussions étaient en cours entre le ministre de l'Intérieur et les assureurs pour établir les modalités concrètes de leur participation dans le cas où ce dispositif serait définitivement adopté par le Parlement.
3. Les atteintes aux personnes : un ralentissement de la hausse des faits de violences non crapuleuses constatés au cours de la période récente
Le second grand indicateur figurant au projet annuel de performance est celui des atteintes aux personnes . Les « atteintes volontaires aÌ l'intégrité physique des personnes », regroupent 31 index de l'état 4001, dont les violences physiques non crapuleuses, les violences physiques crapuleuses, les violences sexuelles et les menaces de violences. Dans ce domaine, votre rapporteur avait relevé en 2009 que le nombre d'atteintes volontaires à l'intégrité physique s'élevait à 443.671 en 2008 contre 433.284 en 2007, soit une hausse de 2,40 % (zone police et zone gendarmerie). Selon le projet annuel de performance 2011 , le chiffre consolidé pour 2009 est de 455 911, soit une hausse de 2,8 % environ . Une légère baisse est envisagée pour 2010 puis 2011.
En ce qui concerne le nombre de faits constatés d'atteintes volontaires aÌ l'intégrité physique en 2009 rapporté à l'estimation de population au 1 er janvier 2009 de l'INSEE, 7,3 atteintes ont été enregistrées pour 1000 habitants, c'est-à-dire le taux d'atteintes le plus élevé depuis 1996. A cette date, moins de 4 atteintes de type violences ou menaces avaient été constatées pour 1000 habitants. Ce taux a augmenté de plus de 3,4 points depuis 1996 avec de fortes hausses annuelles en 2000 et 2001 (+0,6 point puis +0,7 point). Entre 2001 et 2006, il est passeì de 6,1%o aÌ 7,1%o, avec des hausses annuelles plus modérées (de +0,3 point ou moins). Au cours des dernières années, le nombre de faits constatés d'atteintes volontaires aÌ l'intégrité physique pour 1000 habitants a été relativement stable: il s'est situeì aÌ un peu plus de 7%o de 2006 aÌ 2008, avant de connaître une hausse de 0,2 point entre 2008 et 2009.
Comme le souligne l'ONDRP, une analyse plus précise des infractions aÌ l'origine de ces évolutions permet de noter une différence importante entre les deux années 2009 et 2008. Sur les 455 911 faits constatés d'atteintes volontaires aÌ l'intégrité physique en 2009, plus des trois quarts sont des violences physiques.
En 2009, près de 240 000 faits constatés de violences physiques non crapuleuses ont été enregistrées, soit 2,7% de plus qu'en 2008 (+6343 faits constatés).
Dans le même temps, le nombre de violences physiques crapuleuses enregistrées a augmenteì de 5,7% (+6040 faits constatés).
En 2008 au contraire, la variation de ces deux types de violence étaient opposées : les faits de violences physiques non crapuleuses étaient en augmentation annuelle de 6,4%, soit +14078 faits constatées, tandis que celles des violences physiques crapuleuses diminuaient de 5,5%, soit -6191 faits constatés.
Entre 2004 et 2009, les faits constatés de violences physiques non crapuleuses ont connu la variation la plus forte tant en pourcentage qu'en volume: en cinq ans, leur nombre s'est accru de 37,2% (soit +65025 faits constatés).
La principale infraction qui compose les faits constatés de violences physiques non crapuleuses sont les coups et violences non mortels : en 2009, plus de 193 000 ont été enregistrés. Sur un an, ce nombre s'est accru de 2,9 % (soit +5468 faits constatés).
Entre 2004 et 2008, aucune hausse annuelle en volume n'avait été inférieure aÌ +10 000 faits constatés. On observe ainsi en 2009 une augmentation plus faible que les années précédentes pour ce type de faits de violences et, plus généralement, pour l'ensemble des faits constatés de violences physiques non crapuleuses.
De 2004 aÌ 2008, les taux d'accroissement des faits de violences physiques non crapuleuses avaient ainsi étéì compris entre +6% et +10% par an, contre « seulement » +2,7% entre 2009. Ce ralentissement de la hausse des faits constatés concerne aussi les violences aÌ dépositaire de l'autorité , dont le taux de variation annuelle de 2009 est de +2,1% contre 4,2% en 2008.
Mission « Immigration Asiles et Intégration »
4. Des résultats favorables en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières
Le troisième indicateur est celui du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières. Les escroqueries et infractions économiques et financières regroupent 19 index de l'état 4001 dont les faux en écritures, les contrefaçons, les falsifications, le travail clandestin et l'emploi d'étrangers sans titre de travail, les fraudes fiscales et les autres délits économiques et financiers.
Après trois années de hausse, le nombre de faits constatés d'escroqueries et d'infractions économiques et financières est en diminution en 2009, baissant de 2,7 % sur un an alors qu'en 2008, il s'était accru de plus de 10% . En 2006 puis en 2007, les hausses annuelles s'étaient élevées respectivement aÌ +4,8% et aÌ +3,4%. Au total, on observe toutefois une augmentation de 12,4% sur cinq ans, soit près de 41 000 faits constatés en plus. En 2003, moins de 330 000 escroqueries et infractions économiques et financières avaient ainsi été enregistrées. Ce nombre a dépassé les 380 000 faits constatés en 2008 avant de revenir aÌ environ 370 000 en 2009. La prévision pour 2010 est de -2% et de -2,5% pour 2011.