3. Les maisons de justice et du droit et les antennes de justice, pour une présence judiciaire dans un contexte de réforme de la carte judiciaire
Dans un contexte de réforme de la carte judiciaire, votre rapporteur juge indispensable qu'un effort particulier soit accordé au développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité.
Il existe 127 maisons de justice et du droit (MJD) réparties au sein de 27 cours d'appel (57 départements concernés) 7 ( * ) . Ces structures de proximité sont implantées prioritairement (91 % d'entre elles) dans les zones urbaines sensibles ou à proximité.
Les projets de création sont instruits par le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SADJAV) puis examinés par un comité réunissant les différentes directions du ministère de la justice et des libertés concernées. Les MJD sont créées par arrêté du Garde des Sceaux.
Leur création repose sur des conventions, signées par l'ensemble des partenaires de la structure : le préfet de département, les chefs de juridiction dans le ressort duquel est située la MJD, le président du conseil départemental de l'accès au droit (CDAD), le maire du lieu d'implantation, le bâtonnier de l'ordre des avocats, les associations oeuvrant dans le domaine judiciaire, et le cas échéant, les directions départementales de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), et de l'administration pénitentiaire.
Ces structures sont présidées par les chefs de la juridiction de rattachement.
La chancellerie assure le suivi du dispositif et l'harmonisation des pratiques, en lien avec les chefs de cour et de juridiction.
Les MJD ont reçu (personnes convoquées et visiteurs), en 2008, plus de 664 682 personnes, dont 437 499 personnes dans le domaine de l'accès au droit, 166 398 dans le cadre de leur activité judiciaire civile et pénale, 32 368 dans le domaine de l'aide aux victimes, 13 678 personnes dans le cadre de la protection judiciaire de la jeunesse et 14 739 personnes par le médiateur de la République.
L'activité judiciaire a représenté 25% de l'activité totale avec 166 398 justiciables reçus, la plupart dans le cadre d'une procédure pénale (mesures alternatives aux poursuites, application des peines...). L'aide aux victimes, avec 12 000 personnes accueillies, a représenté 10 % de l'activité, tandis que les activités du délégué du médiateur de la République et de la PJJ, avec 13 678 mineurs reçus, ont chacune constitué 2 % de l'activité globale.
S'agissant des personnels, il n'est pas toujours possible d'affecter des greffiers dans les MJD, compte tenu des contraintes existant dans certaines juridictions. Les postes sont dans certains cas pourvus grâce à la mise à disposition de contrats aidés par les CDAD et à l'affectation d'agents de catégorie C des services judiciaires.
Ainsi, 36 MJD fonctionnent sans greffier, 12 avec un personnel de catégorie C. 22 structures fonctionnent à l'heure actuelle avec des personnels mis à disposition par les collectivités territoriales.
Les 118 ETPT affectés aux MJD se répartissent comme suit :
- personnels d'encadrement : 7 ETPT ;
- greffiers et autres personnels de catégorie B : 77 ETPT ;
- personnels d'exécution : 34 ETPT.
S'agissant du financement des MJD, le ministère de la justice prend en charge les traitements des magistrats, du greffier, des agents de la protection judiciaire de la jeunesse et du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP), les frais de justice, éventuellement les frais de téléphonie et un investissement initial de 11 435 euros (financé sur le programme « accès au doit et à la justice ») pour le premier équipement informatique et divers mobiliers et matériels.
Les collectivités locales prennent en charge la mise à disposition des locaux (avec les charges afférentes) et leur équipement, ainsi que la mise à disposition de personnel d'accueil.
? Les projets de création de MJD
Dans le cadre de la réorganisation de la carte judiciaire, le garde des sceaux a annoncé la création de MJD « nouvelle génération » afin de maintenir une présence judiciaire de proximité en milieu rural.
Ainsi, tandis que les MJD étaient précédemment situées dans des zones urbaines, les maisons de justice et du droit « nouvelle génération » sont implantées dans les territoires ruraux , particulièrement dépourvus de services judiciaires, pour permettre à leurs habitants de bénéficier d'un accès au droit et à la justice.
Les trois premières MJD de nouvelle génération ont ouvert leurs portes durant le 1 er semestre 2010 à Châteaubriant (Morbihan), à Toul (Meurthe-et-Moselle) et à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir). La création de deux autres structures est prévue pour le dernier trimestre de cette année à Lodève (Hérault) et à Briançon (Hautes-Alpes).
Ce processus se poursuivra en 2011 avec la création de six nouvelles MJD « nouvelle génération » à Faulquemont (Moselle), Porto-Vecchio (Corse-du-Sud), Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher), Saint-Jean-de-Maurienne (Savoie), Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) et Loudéac (Côtes-d'Armor).
Ces MJD de nouvelle génération sont équipées de bornes de visioconférence, nommées « contacts visio-justice » (CVJ) qui doivent permettre à l'usager d'entrer en contact à distance et d'échanger des documents avec le greffier de la juridiction de rattachement.
Selon le secrétariat général du ministère de la justice, le recours à ces nouvelles technologies de l'information et des communications constitue une offre de service de qualité et concourt au maintien d'une présence judicaire de proximité permettant de suppléer l'absence ou l'éloignement d'une juridiction.
Votre rapporteur reste dubitatif quant à la pertinence de tels équipements dans les zones rurales, pour les citoyens qui ne sont pas nécessairement des utilisateurs aguerris des nouvelles technologies.
Comme l'ont relevé les magistrats rencontrés à Metz, dans un département qui compte aujourd'hui deux MJD classiques (à Woippy et à Forbach) et qui doit accueillir en 2011 une MJD de nouvelle génération, il est permis de douter que le remplacement des tribunaux d'instance et des greffes détachés par des « bornes visio » constitue la méthode la plus adaptée pour permettre aux publics concernés, souvent fragiles (affaires de tutelle, de surendettement...), de garder un contact aisé avec la justice.
Votre rapporteur considère que ce type d'évolution pose la question de la déshumanisation du rapport à la justice et devra à terme faire l'objet d'une évaluation approfondie.
? Les antennes de justice
Les antennes de justice ont vocation à accueillir des activités semblables à celles exercées au sein des maisons de justice et du droit (aide aux victimes, permanences de délégués du procureur, médiation familiale, permanences d'accès au droit, permanences du SPIP et de la PJJ).
La différence fondamentale entre les deux types de structures réside dans le fait que les antennes de justice sont dépourvues de statut légal et peuvent résulter de la seule initiative des chefs de juridiction et des élus locaux, alors que les Maisons de justice et du droit sont inscrites dans le code de l'organisation judiciaire et créées par arrêté du Garde des Sceaux.
Les antennes de justice sont au nombre de 48 (dont 26 situées sur l'île de La Réunion), réparties au sein de 9 cours d'appel (10 départements concernés). Ces structures, gérées uniquement par du personnel de collectivités territoriales, ont reçu en 2008 plus de 122 159 visiteurs.
La coexistence de ces deux types de structures aux activités analogues nuit à la cohérence du réseau judiciaire de proximité. A ce titre l'inspection générale des services judiciaires, dans son rapport sur les maisons de justice et du droit de juillet 2003 avait constaté le manque de lisibilité des différences entre ces dispositifs et préconisé d'examiner avec les chefs de cour d'appel les modalités de transformation des antennes de justice existantes en MJD, ou en simples points d'accès au droit.
Toutefois, la plupart des antennes de justice sont de petites structures implantées au sein de zones faiblement peuplées. Cette donnée démographique ne permet pas de garantir une fréquentation suffisante pouvant assurer une activité pérenne à la MJD.
En outre, il convient de ne pas sous-estimer le fait qu'une MJD nécessite un investissement de taille pour une commune, qui doit mettre à disposition un local d'au moins 150m², en assurer les charges de fonctionnement et y affecter du personnel. Il est donc nécessaire de s'assurer que les collectivités territoriales sont en mesure d'assumer ce type de projet.
? Des dispositifs de proximité plébiscités par les usagers
Dans le cadre du processus d'évaluation des moyens de fonctionnement et d'animation des maisons de justice et du droit (MJD), le ministère de la justice et des libertés réalise depuis 2006 une enquête sur la satisfaction des usagers de ces établissements judiciaires.
Les résultats de cette enquête permettent de renseigner au niveau national l'indicateur de performance associé aux MJD et concourent à l'amélioration de la gestion de ces structures.
Précédemment, cette enquête se présentait sous la forme de questionnaires d'activités remplis par les usagers, adressés à toutes les structures, puis exploités par la sous-direction de la statistique et des études relevant du Secrétariat Général du ministère.
Afin de la rendre plus performante, l'enquête de satisfaction a été modifiée par la Chancellerie, tant dans son contenu que dans le mode de collecte des informations.
Depuis 2009, l'enquête est menée sous la forme d'entretiens téléphoniques auprès d'un échantillon représentatif d'usagers s'étant rendus à la MJD et ayant donné leur accord pour répondre. Le questionnaire utilisé pour les précédentes enquêtes a été amélioré et modifié en ce qui concerne l'ordre, le nombre de questions et les items.
Ainsi, pour la première fois en 2009, cette consultation a été réalisée téléphoniquement auprès de 1 095 personnes tirées au sort parmi les 6 273 usagers s'étant rendus dans une MJD entre le 1 er et le 14 octobre 2009 et ayant accepté de répondre à l'enquête.
Il résulte de l'exploitation des données recueillies au cours de ces entretiens téléphoniques que 86% des usagers interrogés estiment que la MJD a répondu globalement à leurs attentes. Plus spécifiquement, 97 % d'entre eux plébiscitent la qualité de l'accueil reçu à leur arrivée, tandis que 84% de ceux qui se sont spontanément rendus dans la MJD sont satisfaits du délai de traitement de leur demande et 83% sont satisfaits de la réponse apportée par l'intervenant rencontré.
Ces chiffres démontrent la valeur ajoutée des MJD pour les usagers qui se voient proposer gratuitement, dans un lieu unique, une offre d'accès au droit diversifiée et adaptée aux difficultés juridiques ou sociales qu'ils peuvent rencontrer.
* 7 Depuis la loi du 18 décembre 1998, les MJD sont mentionnées dans le code de l'organisation judiciaire, aux articles R 131-1 et suivants.