c) La rigueur du code de justice militaire de 1857
Le premier code de justice militaire pour l'armée de terre du 9 juin 1857, qui fut élaboré dans le contexte du coup d'Etat du 2 décembre de Napoléon III, relève de cette logique d'une justice militaire et d'un droit pénal militaire entièrement dérogatoires au droit commun. Il mit en place un conseil de guerre , constitué de militaires de carrière, et compétent pour juger toutes les infractions commises par les militaires, y compris les infractions de droit commun. Ce code fut assorti d'un code de justice maritime le 4 juin 1858.
L'inadaptation de cette organisation, conçue dans le cadre d'un régime autoritaire, apparut clairement à l'époque de la IIIe République. La démocratisation du régime et l'évolution de la société firent, en effet, apparaître la justice militaire comme incompatible avec l'importance croissante de la conscription, qui faisait dans le même temps de l'armée française une armée de citoyens.
L'affaire Dreyfus , qui fut condamné par le Conseil de guerre de Paris à la dégradation, avant d'être gracié, révéla la partialité et la sévérité de la justice militaire. On recense, entre 1894 et 1926 , une trentaine de propositions de loi ayant pour objet la suppression ou la réorganisation de la justice militaire, dont une proposée par Jean Jaurès.
C'est dans ce contexte que Georges Clemenceau aurait prononcé la célèbre formule : « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique ».
La sévérité et l'impopularité des conseils de guerre spéciaux instaurés dès 1914 inspirèrent la loi du 9 mars 1928 , qui réforma le code de justice militaire (étendue en 1934 à l'armée de l'Air, puis en 1938 à la Marine), qui substitua aux conseils de guerre des tribunaux militaires . Ceux-ci étaient, en temps de paix, présidés par un magistrat civil, ce qui permettait un certain rapprochement par rapport à la justice pénale de droit commun, tout en maintenant d'importantes dérogations.
La loi du 9 mars 1928 résulte de la volonté du législateur de l'époque « d'accorder les exigences de la discipline sans laquelle il n'y a pas d'Armée avec les exigences du droit sans lequel il n'y a pas de justice ».