B. LA SÉCURISATION DU DISPOSITIF EXPÉRIMENTAL DE TARIFICATION SOCIALE ET PROGRESSIVE DE L'EAU

Le volet de la présente proposition de loi relatif à l'eau a fait l'objet de nombreux amendements du Gouvernement à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. L'objectif général de ces amendements est de garantir la sécurité juridique du dispositif d'expérimentation d'une tarification progressive et sociale de l'eau.

L'article 14 de la proposition de loi a ainsi été amendé afin de préciser les contours de l'expérimentation, tant sur la question des modalités d'attribution du tarif social que sur celle du rôle précis des différents acteurs de l'expérimentation. Le double objectif de l'expérimentation a toutefois été conservé : il s'agit à la fois de mettre en oeuvre une tarification incitative, pour assurer une meilleure gestion de la ressource en eau, et de créer un volet de tarification sociale, pour garantir un meilleur accès à l'eau aux ménages les plus démunis.

Au sujet de ces deux articles, le Gouvernement parle désormais de tarification sociale éco-solidaire .

1. Article 13 : tarification sociale de l'eau

Les deux premiers alinéas de cet article ont été maintenus par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Le dispositif complète l'article L. 2224-12-1 du code général des collectivités territoriales, et prévoit que les « ménages, occupants d'immeubles à usage principal d'habitation » peuvent constituer une catégorie d'usagers, et ainsi faire l'objet d'une tarification spécifique.

En revanche, un amendement du Gouvernement a supprimé le troisième alinéa qui précisait, au même article du code général des collectivités territoriales, qu'un tarif spécifique pour les abonnements d'immeubles à usage principal d'habitation pouvait inclure une première tranche de consommation gratuite ou à prix réduit, le tarif tenant compte des revenus ou du nombre de personnes du foyer. L'objectif était de favoriser la mise en oeuvre du droit à l'eau prévu à l'article L. 210-1 du code de l'environnement, et de sécuriser le dispositif de tarification progressive et sociale déjà mis en place dans certaines collectivités, comme par exemple à Dunkerque.

La justification apportée par le Gouvernement est qu'il convient de ne pas modifier le droit existant sur ce point et de mieux encadrer l'expérimentation prévue à l'article 14. Le droit existant reste de cette manière précis, et les modalités expérimentales de mise en place d'une tarification progressive et sociale de l'eau sont laissées hors du code général des collectivités territoriales. Cet amendement de suppression répond ainsi à la crainte d'une fragilisation du dispositif sur le plan juridique. L'article L. 2224-12-1 pourra être complété à l'avenir, en fonction des conclusions tirées des résultats de l'expérimentation.

2. Article 14 : expérimentation en matière de tarification sociale de l'eau

A l'article 14 de la proposition de loi, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements rédactionnels, à l'initiative de son rapporteur. L'essentiel des modifications apportées à cet article est venu du Gouvernement, par le dépôt de cinq amendements dans le but de préciser les contours de l'expérimentation ouverte en matière de tarification progressive et sociale de l'eau, en application de l'article 72 de la Constitution.

L'expérimentation doit permettre de mettre en place des systèmes de tarification dérogatoires aux articles actuels du code général des collectivités territoriales relatifs à la tarification de l'eau. Les amendements du Gouvernement précisent l'articulation de cette tarification avec les dispositifs des Fonds Solidarité Logement (FSL) et d'aides aux foyers les plus démunis.

Au total, les modifications apportées par l'Assemblée nationale portent sur quatre points principaux : l'entrée en vigueur de l'expérimentation et l'association d'autres acteurs au dispositif expérimental, les modalités de calcul du tarif social, l'articulation de l'expérimentation avec les autres dispositifs d'aides existants, enfin, la question sensible de l'accès aux données personnelles des abonnés.

a) Entrée en vigueur du dispositif et participation des acteurs de la politique de l'eau à l'expérimentation

Un amendement du Gouvernement a prévu le report de la date de début de l'expérimentation. Celle-ci interviendra à compter de la promulgation de la loi, et non plus, comme il était initialement prévu, au 1 er janvier 2013. Ce report apparaît logique. L'amendement précise également que l'expérimentation ne porte plus uniquement sur la tarification sociale de l'eau, mais également et plus largement sur les moyens de favoriser l'accès à l'eau . L'expérimentation servira à favoriser l'accès à l'eau des publics en difficulté, et non seulement des abonnés actuels du service.

Un autre amendement du Gouvernement a permis de préciser que l'association à l'expérimentation des gestionnaires d'eau, des départements, des agences de l'eau ou encore des associations de locataires devient une possibilité, et non plus une obligation. Cela est plus conforme au caractère d'expérimentation volontaire. Le dispositif est souple, sans obligation normative de participation pour l'ensemble des acteurs cités.

b) Modalités de calcul et de répercussion du tarif progressif et social

Il est désormais précisé à l'article 14 que la modulation du tarif de l'eau est possible en fonction des revenus ou du nombre de personnes composant le foyer. Cette tarification peut être non seulement progressive mais aussi sociale. Le tarif progressif, pour tenir compte du caractère indispensable de l'eau potable pour les abonnés en situation particulière de vulnérabilité, peut inclure une première tranche de consommation gratuite .

Les tarifs moins élevés appliqués aux ménages les plus démunis seront compensés par une majoration du tarif pour les tranches supérieures de consommation et pour les foyers aux revenus plus élevés. Toutefois, le dispositif précise que le tarif le plus élevé par mètre cube dans le cadre de la tarification sociale et progressive ne peut excéder le double du prix moyen du mètre cube pour une consommation de référence fixée par arrêté. Ce plafond a été fixé afin de ne pas faire supporter la totalité du surcoût induit par la tarification sociale aux ménages à revenus médians ou supérieurs.

Il est en outre prévu que les communes s'engageant dans l'expérimentation pourront contribuer au financement de l'aide à l'accès à l'eau pour les foyers les plus démunis à partir des dépenses d'aides sociales du budget général. Le budget de l'eau est un budget annexe qui doit être voté à l'équilibre. En prévoyant la possibilité de financer en partie la mise en place de la tarification progressive et sociale par le budget général, l'expérimentation garantit que les abonnés ne seront pas les seuls à en porter le coût. Une mise en place à recettes constantes aurait eu pour conséquence un renchérissement très élevé pour certaines catégories d'usagers.

c) Articulation avec les dispositifs d'aides existants

La subvention attribuée par les communes au FSL peut désormais être majorée et dépasser le plafond légal de 2 % des montants hors taxes des redevances d'eau ou d'assainissement perçues. L'objectif est de permettre de globaliser la gestion des aides aux impayés et des aides aux foyers à faible revenu entre le département et le service, s'ils le souhaitent, avec un versement unique apporté par le FSL.

En l'absence d'intervention du FSL, la subvention peut être versée au centre communal d'action sociale (CCAS), qui reversera les aides pendant la durée de l'expérimentation. Cette disposition permet de toucher les départements dans lesquels le FSL n'a pas de volet « eau ». L'absence d'un volet eau résulte généralement des choix retenus par le fonds en matière de priorités d'intervention, ou des situations constatées localement et des capacités de financement du fonds.

Enfin, le service assurant la facturation de l'eau peut procéder au versement d'aides pour l'accès à l'eau, s'il signe une convention avec les gestionnaires de services et les collectivités territoriales dont il perçoit les redevances.

Plusieurs modalités d'articulation avec le versement d'aides par les FSL, les CCAS, et les services de facturation de l'eau ont ainsi été intégrées à l'expérimentation, permettant de couvrir la diversité des situations en matière de gestion du service public de l'eau sur le territoire, et offrant un large choix aux collectivités territoriales entrant dans l'expérimentation.

d) Accès aux données personnelles des abonnés

La question de l'accès aux données personnelles des abonnés, accès nécessaire pour déterminer les bénéficiaires du tarif social de l'eau, avait fait l'objet de nombreux débats en première lecture. Un amendement du Gouvernement a permis de sécuriser cet aspect du dispositif.

Les organismes devant fournir les données nécessaires pour mettre en place une tarification sociale de l'eau ou attribuer l'aide sont désormais clairement identifiés dans la loi. Il s'agit des organismes de sécurité sociale, de gestion de l'aide au logement, ou de l'aide sociale.

Par ailleurs, la Commission nationale de l'informatique et des libertés sera consultée avant l'application de la loi. L'expérimentation prévoyant l'accès et le traitement de données confidentielles, la consultation de la CNIL est en effet nécessaire pour veiller à la protection de ces données.

Les amendements du Gouvernement ont ainsi essentiellement visé à préciser les différentes modalités de mise en oeuvre des aides au paiement des charges d'eau des foyers à faible revenu, que ce soit par le biais de la tarification sociale ou par des aides directes aux ménages les plus démunis. Les précisions intégrées à l'article 14 ont sécurisé le dispositif d'expérimentation, et ont largement tenu compte de certaines objections soulevées en première lecture, par les députés comme par les sénateurs.

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