EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Votre commission des lois s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à la consommation, déposé 1 ( * ) sur le bureau de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013 et transmis au Sénat le 4 juillet 2013, dans la continuité de ses travaux de la fin de l'année 2011 sur le projet de loi n° 12 (2011-2012) renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs 2 ( * ) , dont la navette parlementaire n'a pu être conduite à son terme du fait de l'achèvement de la législature précédente à l'Assemblée nationale. Aussi votre commission a-t-elle fait le choix délibéré, sur certains sujets, de reprendre la position qu'elle avait déjà exprimée en 2011.
En effet, de nombreuses dispositions figurant dans le présent projet de loi figuraient déjà dans le texte inabouti de 2011 : le renforcement des moyens d'action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), et notamment la mise en place de sanctions administratives, le renforcement du dispositif destiné à lutter contre les clauses abusives, en permettant au juge d'écarter une clause dans tous les contrats identiques d'un même professionnel au-delà du seul litige dont il est saisi, la refonte des règles encadrant les ventes à distance et par démarchage...
Votre commission se félicite en particulier de ce que le Gouvernement ait repris, sur un certain nombre de dispositions importantes du texte, la rédaction adoptée par le Sénat à son initiative, dans le précédent projet de loi. Il en est ainsi, entre autres exemples, du mécanisme de l'action de groupe créée par le présent texte, qui s'inspire largement des travaux conduits, en 2009 et 2010, par notre collègue Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille 3 ( * ) , de la mise en conformité des sanctions administratives avec les principes applicables en matière pénale, mais aussi, à titre plus ponctuel, mais néanmoins d'importance pour une bonne partie de la population, du devoir d'information des consommateurs sur l'absence de droit de rétractation pour les contrats conclus dans les foires et salons, dans le cadre fixé par le droit communautaire sur cette question 4 ( * ) , proposé par votre commission.
Longtemps attendue par les associations de consommateurs, l'action de groupe doit permettre de réparer les litiges de consommation d'un faible montant, causés par un même professionnel. Elle permet en effet de mutualiser les frais de procédure qui, en l'état, sont dissuasifs dans le cas d'une action individuelle. Elle vise à garantir la réparation effective des préjudices matériels en série subis par des consommateurs. Elle comporte également une force dissuasive à l'égard des professionnels, en les incitant à respecter les droits des consommateurs et à les indemniser de façon correcte en cas de manquement de leur part. Alors que votre commission a été à l'origine, en 2011, de la première adoption de l'action de groupe dans un projet de loi, elle se réjouit aujourd'hui de constater, pour la première fois, la présence de l'action de groupe dans le texte initial d'un projet de loi présenté par le Gouvernement. Votre commission est naturellement attentive à cette innovation procédurale ouverte devant le juge civil.
Un sujet important cependant s'écarte de cette logique de continuité par rapport au texte précédent : le présent projet de loi soumet les nouvelles sanctions administratives qu'il institue au juge administratif et non, comme le prévoyait le texte de 2011, au juge judiciaire. Votre commission des lois a été naturellement attentive à cette question de la répartition des compétences entre les ordres de juridiction, dans un domaine - les relations contractuelles entre un professionnel et un consommateur - dont le juge naturel est le juge civil.
Par ailleurs, le présent projet de loi constitue l'aboutissement d'un débat controversé, concernant la création en France d'un répertoire national des crédits aux particuliers, sur le modèle de la centrale belge des crédits aux particuliers, que votre rapporteur a eu l'occasion d'étudier, dans le cadre du groupe de travail intercommissions sur le répertoire des crédits aux particuliers, mis en place à la suite de l'examen en 2011 du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs 5 ( * ) . L'efficacité d'un tel instrument en matière de prévention du surendettement demeure controversée.
En outre, le présent projet de loi assure la transposition de la directive du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, qui a procédé à la refonte du droit des contrats de consommation conclus hors établissement ou à distance.
Si votre commission des lois a veillé à l'efficacité des dispositifs mis en place par le présent projet de loi pour renforcer la protection des consommateurs, elle a cherché également à en garantir la cohérence et la sécurité juridique.
Enfin, votre rapporteur tient à rappeler que l'efficacité de bon nombre des dispositions qui figurent dans le présent projet de loi dépendra de la capacité de la DGCCRF à les mettre en oeuvre. Or, depuis 2007, ses effectifs ont connu une réduction drastique, source de dysfonctionnements et de baisse d'activité, dans un contexte de restructuration des services déconcentrés de l'Etat du fait de la réforme de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE). Dans son avis budgétaire sur les crédits de la DGCCRF, au nom de votre commission 6 ( * ) , notre collègue Antoine Lefèvre a fait le constat d'une situation très dégradée, qu'il est urgent de redresser pour garantir aux consommateurs une protection effective, tant de son intérêt économique que de sa santé et de sa sécurité. En effet, sans une administration dotée de moyens suffisants pour accomplir sa mission de contrôle économique, les meilleures lois demeureront sans effet réel. À cet égard, la mise en place tant attendue de l'action de groupe, qui pourra s'engager à l'initiative des associations de consommateurs, ne doit pas masquer le rôle primordial des pouvoirs publics en matière de protection des consommateurs.
I. LE PÉRIMÈTRE DE L'AVIS DE VOTRE COMMISSION, DANS LE CADRE DE SA COMPÉTENCE TRADITIONNELLE EN DROIT DE LA CONSOMMATION
Votre commission des lois intervient de manière traditionnelle dans le domaine du droit de la consommation, branche du droit née du droit civil et, plus particulièrement, du droit des contrats, caractérisée par le déséquilibre structurel de la relation contractuelle entre, d'une part, un professionnel informé et, d'autre part, un consommateur qu'il appartient au législateur de protéger, sans porter néanmoins une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté contractuelle.
Compte tenu des délais particulièrement contraints dans lesquels elle a dû travailler, votre commission s'en est tenue aux dispositions essentielles de ce projet de loi très volumineux - qui aurait pu en nourrir plusieurs -, sans s'attacher aux dispositions ponctuelles qu'elle avait déjà examinées en 2011 lorsqu'elles ont été reprises sans modification significative dans le présent projet de loi.
A. LA CRÉATION D'UNE ACTION DE GROUPE « À LA FRANÇAISE »
Le texte s'ouvre sur l'action de groupe ( articles 1 er et 2 ). La procédure proposée s'inspire de celle, en deux phases, conçue par le Sénat : une première décision statuant généralement sur la responsabilité du professionnel, suivie d'une seconde phase de liquidation des préjudices.
Elle s'en distingue toutefois de deux manières : d'une part, elle confie à l'association ou au professionnel la charge de constituer le groupe des consommateurs lésés, de recueillir leurs demandes d'indemnisation et d'organiser les versements correspondant, opérant ainsi une sous-traitance de tâches dont notre assemblée avait confié le soin au juge lui-même.
D'autre part, le texte intègre, à l'initiative de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale une procédure complémentaire dite « simplifiée », qui pose un certain nombre de questions au regard du respect des droits de la défense.
* 1 La procédure accélérée n'a pas été engagée par le Gouvernement.
* 2 Le dossier législatif de ce projet de loi est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl11-012.html
* 3 Rapport d'information n° 499 (2009-2010), « L'action de groupe à la française : parachever la protection des consommateurs ». Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/notice-rapport/2009/r09-499-notice.html
* 4 La question de la possibilité d'instituer un droit de rétractation dans les foires et salons est un débat récurrent. La directive du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs indique, dans son considérant 22 : « Il convient de considérer comme établissement commercial tout établissement, de quelque type que ce soit (...), servant de siège d'activité permanent ou habituel au professionnel. Les étals dans les marchés et les stands dans les foires devraient être considérés comme des établissements commerciaux s'ils satisfont à cette condition. » Or, cette directive réserve le droit de rétractation aux contrats conclus hors établissement ou à distance.
* 5 Constitué entre la commission des affaires économiques, la commission des affaires sociales, la commission des finances et la commission des lois, ce groupe de travail a établi le rapport d'information n° 273 (2012-2013), « Répertoire national des crédits aux particuliers : une contribution à la décision ». Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-273-notice.html
* 6 Avis n° 154 (2012-2013) sur les crédits du programme « Développement des entreprises et du tourisme » du projet de loi de finances pour 2013. Cet avis est consultable à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/rap/a12-154-8/a12-154-8.html