EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 3 - Renforcement du dispositif pénal applicable à la fraude fiscale
Cet article élargit substantiellement les circonstances aggravantes du délit de fraude fiscale . Ces circonstances sont les suivantes : la bande organisée, l'usage de faux, une domiciliation ou un acte fictif et, enfin, le recours à des entités ou comptes détenus à l'étranger.
Dans ce dernier cas, à l'initiative de notre collègue Jacques Mézard, le Sénat avait restreint le champ des circonstances aggravantes aux seuls cas où les comptes n'auraient pas été déclarés. L'Assemblée nationale a supprimé cette restriction , sur proposition de la rapporteure pour avis au nom de la commission des finances.
En première lecture, votre rapporteur pour avis s'était déclaré favorable à l'élargissement des circonstances aggravantes telles que prévues par le projet initial.
En première lecture, l'Assemblée nationale avait par ailleurs ajouté à cet article un statut de « repenti fiscal », permettant une réduction de moitié de la peine de prison encourue, qui est maintenu en nouvelle lecture.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 3 bis B - Institution d'un registre des trusts
Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Eric Alauzet, cet article instaure un registre public des trusts . Le trust est une structure de droit anglo-saxon permettant au « constituant » de placer des biens sous le contrôle d'un « administrateur » (ou « trustee »), qui peut être utilisée pour dissimuler des avoirs et échapper à l'impôt.
Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale précisait les informations que devait contenir le registre ainsi que ses modalités de constitution. Sur proposition de notre collègue Alain Anziani, rapporteur, le Sénat avait préféré confier l'édiction de ces dispositions au pouvoir réglementaire. L'Assemblée nationale est revenue à son texte de première lecture , à la seule exception des modalités de consultation qui continuent de relever de la compétence réglementaire. La position de l'Assemblée nationale est pertinente car si certaines de ces dispositions relèvent en effet du niveau réglementaire, leur inscription dans la loi permet de préciser et de sécuriser l'ensemble du dispositif.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 10 - Autorisation pour l'administration fiscale d'exploiter les informations qu'elle reçoit, quelle qu'en soit l'origine
Destiné à répondre à des situations semblables à celles de la « liste HSBC », cet article ouvrait à l'administration fiscale la possibilité d'utiliser des preuves d'origine douteuse ou illicite à l'appui d'une procédure de contrôle fiscal, sous réserve d'une transmission régulière par l'autorité judiciaire ou dans le cadre de l'assistance administrative internationale .
En première lecture, à l'initiative de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, l'Assemblée nationale avait élargi la possibilité de transmission à l'ensemble des droits de communication dont dispose l'administration fiscale - soit près d'une quarantaine de procédures.
Craignant les possibles dérives d'un tel système, le Sénat avait supprimé cet élargissement et restauré le texte d'origine, sur proposition de notre collègue Alain Anziani, rapporteur. A l'inverse, suivant votre rapporteur pour avis, la commission des finances s'était déclarée favorable à la possibilité d'avoir recours à « tout mode de preuve » , sans condition de transmission régulière. Elle avait considéré que seul un tel élargissement permettait l'exploitation d'une liste telle que la « liste HSBC », qui serait remise directement aux services fiscaux.
En nouvelle lecture, sur proposition de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, l'Assemblée nationale a rétabli le texte qu'elle avait voté en première lecture , considérant comme régulière une transmission par un droit de communication de l'administration, quel qu'il soit.
Si votre rapporteur pour avis considère que le retour au texte de l'Assemblée nationale va dans le bon sens, il demeure toutefois convaincu que le dispositif n'atteindra sa pleine efficacité que lorsque la condition de transmission régulière des preuves sera levée .
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 10 bis - Autorisation pour l'administration fiscale d'exploiter les informations qu'elle reçoit, quelle qu'en soit l'origine, le cas échéant à l'appui des visites domiciliaires fiscales ou douanières
Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, cet article étendait la possibilité d'avoir recours, à titre exceptionnel, à des preuves d'origine douteuse ou litigieuse au cas des visites domiciliaires (ou « perquisitions fiscales »), sous réserve que leur utilisation soit proportionnée à l'objectif recherché.
Sur proposition de notre collègue Alain Anziani, rapporteur, le Sénat avait supprimé la mention « à titre exceptionnel », jugée inutile . En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a cependant rétabli cette mention , ce que votre rapporteur pour avis juge prudent, compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 10 ter - Autorisation pour l'administration des douanes d'exploiter les informations qu'elle reçoit, quelle qu'en soit l'origine
Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, cet article étend aux douanes la possibilité d'utiliser des preuves d'origine douteuse, dans les mêmes conditions et avec les mêmes limites que pour l'administration fiscale (cf. supra ).
A l'initiative de sa commission des lois, le Sénat avait apporté les mêmes restrictions que pour l'administration fiscale, qui ont elles aussi été levées par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. En cohérence avec sa position antérieure, votre rapporteur pour avis estime que l'élargissement du dispositif voté par l'Assemblée nationale va dans la bonne direction, même s'il ne lui donne pas sa pleine efficacité face à une fraude fiscale de plus en plus difficile à déceler.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 10 quater - Autorisation pour l'administration des douanes d'exploiter les informations qu'elle reçoit, quelle qu'en soit l'origine, le cas échéant à l'appui des visites domiciliaires fiscales ou douanières
Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, cet article étend aux visites domiciliaires la possibilité pour les douanes d'utiliser des preuves d'origine douteuse, dans les mêmes conditions et avec les mêmes limites que pour l'administration fiscale (cf. supra ).
Comme pour l'administration fiscale, le Sénat avait, à l'initiative de sa commission des lois, supprimé la mention « à titre exceptionnel » et prévu la présence du bâtonnier dans le cas d'une visite domiciliaire effectuée chez un avocat. En toute cohérence, l'Assemblée nationale a rétabli la mention « à titre exceptionnel » et supprimé la disposition relative aux avocats.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 10 quinquies A (supprimé) - Possibilité pour les douanes d'avoir recours à des « aviseurs » rémunérés
Introduit par le Sénat à l'initiative de notre collègue Eric Bocquet, cet article, dont la commission des lois a délégué l'examen au fond à votre commission des finances, vise à élever au niveau législatif la possibilité, pour l'administration des douanes, d'avoir recours à des « aviseurs » et de les rémunérer .
Cet article a été supprimé par l'Assemblée nationale , à l'initiative de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances. En effet, la possibilité de leur rémunération existe déjà, en vertu d'un arrêté du 18 avril 1957.
Votre rapporteur pour avis avait déjà fait part de ses doutes au sujet d'une élévation de cette possibilité au niveau législatif, le conduisant à s'en remettre à l'avis du Gouvernement en séance publique. Aussi est-il favorable à la suppression votée par l'Assemblée nationale.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.
ARTICLE 11 bis AA (supprimé) - Obligation pour les grandes entreprises de fournir leur comptabilité analytique
Introduit par le Sénat à l'initiative de notre collègue Eric Bocquet, cet article, dont la commission des lois a délégué l'examen au fond à votre commission des finances, vise à obliger les grandes entreprises à fournir à l'administration leur comptabilité analytique, pays par pays , afin de permettre un meilleur suivi de leur politique de prix de transfert - vecteur majeur de l'évasion fiscale.
Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, qui considérait que la rédaction de l'article n'était pas assez précise pour le rendre efficace, l'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif.
Dans la mesure où les prix de transfert feront l'objet d'un traitement approfondi dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 2 ( * ) , votre rapporteur pour avis est favorable à la suppression votée par l'Assemblée nationale.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.
ARTICLE 11 bis DA (supprimé) - Extension de la qualification d'abus de droit en matière fiscale
Introduit au Sénat par un amendement de notre collègue Eric Bocquet, reprenant une initiative de notre collègue Philippe Marini 3 ( * ) , cet article, dont la commission des lois a délégué l'examen au fond à votre commission des finances, vise à adapter la définition de l'abus de droit en matière fiscale .
Très dissuasif du fait des pénalités qu'il emporte (une majoration de 80 %), l'abus de droit permet de sanctionner les montages fiscaux qui, tout en s'appuyant sur une application littérale des textes, en détournent l'intention première. L'abus de droit souffre cependant d'une lacune : l'administration doit en démontrer le but exclusivement fiscal . Le Sénat avait souhaité élargir son champ d'application aux cas où les actes mis en cause répondraient à un motif essentiellement fiscal , et non plus exclusivement.
L'Assemblée nationale a toutefois supprimé cet article, à la demande du Gouvernement , dans l'attente d'un dispositif plus abouti qui pourrait être proposé prochainement.
Votre rapporteur pour avis s'associe pleinement à ses collègues dans leur volonté de lutter contre les effets délétères des montages abusifs, mais il relève qu' une telle extension de l'abus de droit justifie une analyse préalable approfondie . En conséquence, il est favorable à la suppression votée par l'Assemblée nationale, dans l'attente des conclusions du groupe de travail proposé par le Gouvernement 4 ( * ) .
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.
ARTICLE 11 bis C - Prise de copie des documents consultés lors d'un contrôle fiscal
Cet article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue députée Sandrine Mazetier, rapporteure pour avis au nom de la commission des finances, et dont la commission des lois a délégué l'examen au fond à votre commission des finances, vise à sécuriser la possibilité, pour les agents vérificateurs, de prendre copie des documents qu'ils consultent lors d'un contrôle fiscal. En cas d'opposition, une amende de 1 500 euros par document est prévue.
Le Sénat a précisé que le total de ces amendes ne pourrait excéder 10 000 euros . En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a permis un dépassement de ce plafond, à condition que le total ne dépasse pas 1 % du chiffre d'affaires ou du montant des recettes brutes. Votre rapporteur pour avis estime en effet qu'une telle mesure est la bienvenue dans le cas d'une grande entreprise pour laquelle le montant de 10 000 euros pourrait s'avérer insuffisamment dissuasif.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 11 quinquies - Droit de communication de l'administration fiscale
à l'égard
de l'Autorité de contrôle prudentiel et
de résolution et de l'Autorité des marchés financiers
Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Christian Eckert, le présent article, dont la commission des lois a délégué l'examen au fond à votre commission des finances, instaurait une obligation pour l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) de communiquer à l'administration fiscale tout document que celle-ci pourrait détenir dans le cadre de ses missions. Le Gouvernement avait obtenu que cette obligation soit restreinte aux seules informations déjà communiquées à TRACFIN ou au procureur de la République.
A l'initiative de votre rapporteur pour avis, le Sénat a introduit une disposition similaire pour l'Autorité des marchés financiers (AMF), mais sans y apporter les mêmes restrictions . En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a confirmé ces deux dispositifs - pour l'ACPR et l'AMF - en maintenant une rédaction différente pour chacun d'entre eux, les deux autorités n'étant pas soumises au même régime juridique.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a précisé que le secret professionnel qui s'impose aux agents de l'ACPR n'était pas opposable aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat - de même qu'il n'est pas opposable au juge judiciaire ou administratif, aux commissions d'enquêtes parlementaires ou à la Cour des comptes. Si cette disposition ne constitue pas une nouveauté par rapport à l'article 57 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), elle constitue une précision bienvenue dans la perspective d'un meilleur contrôle parlementaire des activités de l'ACPR.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 11 sexies - Allongement du délai de prescription des infractions pénales en matière fiscale
Introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Eric Alauzet, cet article porte de trois à six ans le délai de prescription des infractions pénales en matière fiscale , c'est-à-dire le délai pendant lequel l'administration peut porter plainte.
Cet article avait été supprimé par le Sénat, à l'initiative de notre collègue Alain Anziani, rapporteur, qui avait estimé qu'un tel allongement remettait en cause la cohérence des délais de prescription de notre droit pénal.
En commission, l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur cette suppression. Cependant , l'article a été rétabli en séance publique par un amendement présenté par notre collègue député Eric Alauzet, avec avis favorable du Gouvernement.
Votre rapporteur pour avis est favorable au rétablissement de cet article , qui est cohérent avec la position défendue en première lecture par votre commission des finances. Compte tenu de la complexité du délit de fraude fiscale et du temps nécessaire à l'analyse par les services fiscaux puis à l'instruction par l'autorité judiciaire, un régime spécifique de prescription apparaît en effet justifié.
Décision de la commission : votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.
ARTICLE 11 decies A (supprimé) - Fiscalisation des marges arriere des distributeurs
Introduit par le Sénat à l'initiative de notre collègue Jean Arthuis, cet article, dont la commission des lois a délégué l'examen au fond à votre commission des finances, vise à combattre la pratique de certaines entreprises du secteur de la grande distribution consistant à percevoir des redevances de la part de leurs fournisseurs grâce à des entités situées à l'étranger. Ces « marges arrière » échappent alors à l'impôt sur les sociétés, alors même qu'elles atteignent des montants considérables.
Bien que les commissions des finances et des lois de l'Assemblée nationale aient émis un avis favorable à cet article afin d'attirer l'attention du Gouvernement, celui-ci a été supprimé en séance publique . Il pose en effet un problème d'égalité de traitement au regard du droit communautaire .
De même, si votre rapporteur pour avis s'était déclaré favorable à cet amendement compte tenu de l'importance du sujet, il s'était interrogé sur le caractère opérationnel du dispositif ainsi rédigé. Aussi salue-t-il la proposition du ministre délégué chargé du budget de traiter ce sujet en loi de finances ou en loi de finances rectificative 5 ( * ) .
Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission a émis un avis favorable au maintien de la suppression de cet article.
* 2 Lors de la séance publique du 18 juillet 2013 au Sénat, le ministre délégué chargé du budget a déclaré : « il s'agit là de matières [les prix de transfert] sur lesquelles de nombreuses réflexions sont en cours, en vue de la préparation du projet de loi de finances pour 2014 ». L'article 15 du PLF pour 2014 prévoit en effet que, lorsque l'excédent brut d'exploitation de l'entreprise est réduit d'au moins 20 % suite à un transfert de risque ou d'activité (« business restructuring »), celle-ci sera désormais tenue de démontrer qu'elle a bénéficié d'une juste contrepartie financière.
* 3 Proposition de loi n° 726 (2012-2013) de M. Philippe Marini , déposée au Sénat le 4 juillet 2013.
* 4 Lors de la séance publique du 17 septembre 2013 à l'Assemblée nationale, le ministre délégué chargé du budget a déclaré : « Je propose donc, en lien avec les parlementaires qui se sont saisis de cette question (...), de continuer à travailler ensemble pour être sûrs que les dispositions que nous arrêterons soient totalement efficaces. (...) Il est donc important de poursuivre le travail d'analyse juridique, notamment pour préciser la portée concrète des évolutions proposées. Le Gouvernement est ouvert à l'éventualité d'une réforme sur cette question dans une prochaine loi de finances, mais avec une exigence de précision ».
* 5 Lors de la séance publique du 18 juillet 2013 au Sénat, le ministre délégué chargé du budget a déclaré en réponse à M. Jean Arthuis : « Je vous propose de nous revoir avec M. le rapporteur général de la commission des finances pour envisager la mise en place, puisque la question mérite une analyse plus approfondie, d'une mission parlementaire au terme de laquelle nous pourrions légiférer avec une garantie d'efficacité », puis lors de la séance publique du le 17 septembre 2013 à l'Assemblée nationale : « Je propose donc, conformément à ce dont M. le sénateur Arthuis et moi sommes convenus, de consolider cette disposition au moment de l'examen de la loi de finances ou de la loi de finances rectificative ».