EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. LA RECHERCHE D'UNE DOUBLE PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE POUR ASSURER L'AVENIR DE L'AGRICULTURE
Le constat dressé, à la demande du Gouvernement, par Marion Guillou, ancienne présidente-directrice générale de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et présidente du conseil d'administration du consortium national de recherche et de formation pour l'agriculture, l'alimentation, la santé animale et l'environnement Agreenium, est sans appel. Si notre agriculture a su s'adapter très efficacement aux demandes de la société au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, en augmentant sa productivité de façon significative, elle possède aujourd'hui de nombreuses faiblesses : sa forte dépendance aux énergies fossiles, liée aux engrais azotés de synthèse et à l'alimentation du bétail, et son impact négatif sur l'environnement, qu'il concerne le sol, l'eau, l'air ou la biodiversité. Les prix des céréales et des oléagineux très élevés sur les marchés ont en outre renforcé la tendance à la simplification des successions culturales, au raccourcissement des rotations, et à la spécialisation et à l'agrandissement des exploitations, autant de facteurs qui accroissent sa dépendance à des ressources que l'on cherche à préserver.
Or, l'accumulation, ces dernières années, de normes décidées à l'échelle nationale a conduit nombre d'agriculteurs à assimiler la dimension environnementale à une contrainte, empêchant ainsi la promotion de pratiques agricoles plus vertueuses en matière de développement durable.
Le présent projet de loi adopte une nouvelle approche, résolument innovante, en mettant fin à l'opposition présumée entre performance économique et performance environnementale. Nombre d'expériences recensées par Marion Guillou dans son rapport sur l'agro-écologie ont démontré que l'adoption de telles pratiques pouvait constituer un atout pour la compétitivité des exploitations agricoles. En diversifiant leur production et en l'adaptant au milieu pédoclimatique et agro-écologique, les agriculteurs peuvent en effet réduire la dépendance de leur exploitation en eau, énergie, engrais et produits phytosanitaires.
Pour y parvenir, les méthodes de production doivent être adaptées au milieu dans lequel elles sont réalisées. Cette démarche nécessite la mise en place d'une formation et d'un conseil suffisants aux agriculteurs, ainsi qu'un dialogue avec les acteurs des circuits économiques locaux. C'est la raison pour laquelle ce type de pratiques est souvent utilisé dans un cadre collectif, sur le modèle des Landcare Associations en Allemagne ou des coopératives environnementales créées aux Pays-Bas.
Dans ce contexte, le projet de loi prévoit donc, à son article 3, la création des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), destinés à favoriser ces pratiques. Il donne ainsi un véritable cadre au développement de l'agro-écologie, qui est promise à un avenir certain, si l'on se réfère au succès de l'appel à projets en faveur de l'agro-écologie lancé en mai 2013 par le ministre. Cet appel à projets a en effet suscité 469 candidatures en quatre mois, si bien que son budget, initialement fixé à 2,7 millions d'euros, a été porté à 6,7 millions d'euros. 103 dossiers ont finalement été retenus.
L'objectif d'une double performance économique et environnementale s'inscrit tout au long du présent texte, puisqu'il figure parmi les objectifs de la politique agricole, à l'article 1 er , mais aussi ceux du conseil supérieur d'orientation et de coordination de l'économie agricole et alimentaire, à l'article 2, et ceux du développement agricole, à l'article 4.
Votre commission se félicite de l'orientation forte de ce projet de loi en faveur de la promotion d'une agriculture durable réaliste, qui ne résulte pas de l'application d'une formule imposée uniforme sur tout le territoire, par le biais de normes, mais émane directement des acteurs du terrain et s'adapte à ses particularités.