II. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ
1. L'expérimentation contre les impayés de pensions alimentaires (article 6)
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Le dispositif initial
L'article 6 vise à mieux protéger les parents vivant seuls avec leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires en expérimentant un renforcement des mécanismes de garantie publique existants . Cette mesure s'adresse tout particulièrement aux familles monoparentales qui, pour plus d'un tiers d'entre elles, vivent sous le seuil de pauvreté. Ces familles figurent d'ailleurs parmi les publics prioritaires identifiés par le plan pluriannuel contre la pauvreté et l'inclusion sociale présenté par le Gouvernement en décembre 2012.
D'une durée de trois ans, l'expérimentation sera conduite par les caisses d'allocations familiales (Caf) d'une dizaine de départements et comprendra trois principaux volets :
- le premier améliorera la transmission des informations relatives à la situation du débiteur d'aliments (adresse, solvabilité) dans le but de faciliter la fixation de la pension par le juge aux affaires familiales . Les Caf seront ainsi autorisées à transmettre au parent créancier les renseignements dont elles disposent sur le parent débiteur afin qu'il puisse saisir le juge ; elles pourront également adresser directement ces informations au juge, ce qu'elles ne peuvent faire actuellement ;
- le deuxième volet ouvrira le droit à l'allocation de soutien familial (ASF) dite différentielle à tout parent créancier d'une « petite » pension alimentaire , même lorsque le parent débiteur s'acquitte intégralement du paiement de cette pension. Le régime actuel désavantage en effet les parents débiteurs qui font l'effort de payer intégralement la pension alimentaire puisque, dans ce cas, le parent créancier ne peut bénéficier de l'ASF différentielle. Il sera donc mis fin à cette incohérence en uniformisant l'ouverture du droit à l'ASF différentielle pour les « petites » pensions alimentaires ;
- le troisième volet renforcera les moyens juridiques dont disposent les Caf pour recouvrer les impayés de pensions auprès des débiteurs . Elles pourront désormais utiliser la procédure de paiement direct pour recouvrer jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés, contre les six derniers mois actuellement. Elles pourront également saisir sur le salaire du débiteur jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés, procédure à laquelle elles n'ont aujourd'hui pas accès.
Dans les neuf mois précédant la fin de l'expérimentation, un rapport d'évaluation sera transmis au Parlement en vue de savoir si celle-ci a vocation à être généralisée à l'ensemble du territoire.
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Les modifications adoptées par le
Sénat
En première lecture, le Sénat a apporté cinq modifications à cet article.
A l'initiative de votre rapporteure, il a tout d'abord étendu le périmètre de l'expérimentation à l'ensemble des créanciers d'une pension alimentaire, qu'ils soient ou non bénéficiaires de l'ASF . Il est en effet logique que les nouveaux dispositifs prévus s'appliquent aussi aux parents créanciers qui n'entrent pas dans le champ de l'ASF (par exemple parce que leurs enfants ont plus de vingt ans ou parce qu'ils ne vivent pas seuls), dans la mesure où les Caf sont chargées d'apporter leur aide au recouvrement à toute personne qui leur en fait la demande.
Toujours à l'initiative de votre rapporteure, le Sénat a ensuite prévu que, dans le cadre de cette expérimentation, les conditions dans lesquelles un parent peut être considéré comme « hors d'état » de faire face à son obligation d'entretien devront être définies par décret . L'appréciation de ce type de situations par les Caf s'avère aujourd'hui très difficile, faute d'outils adéquats. Il en résulte des pratiques différentes d'une Caf à l'autre, sans compter que certains parents profitent de ce « flou » juridique pour organiser leur insolvabilité.
A l'initiative de votre collègue Mme Brigitte Gonthier-Maurin, le Sénat a également réduit de trois ans à dix-huit mois la durée de l'expérimentation prévue pour le versement de l'ASF différentielle à tous les titulaires de pensions de faible montant . La mise en place de ce dispositif entraînant de facto une différence de traitement entre les départements selon qu'ils seront soumis ou non à l'expérimentation, il a décidé, dans un souci d'équité, de faire perdurer cette inégalité le moins longtemps possible.
A l'initiative de votre collègue Mme Catherine Génisson et des autres membres du groupe socialiste et apparentés, le Sénat a introduit une disposition qui prévoit la mise en place d'un suivi statistique pendant la durée de l'expérimentation permettant notamment de mesurer ses impacts sur le recouvrement des pensions alimentaires.
Enfin, à l'initiative du Gouvernement, le Sénat a précisé que, dans le cadre de l'expérimentation, le fait de se soustraire ou de se trouver hors d'état de faire face à son obligation d'entretien ou au versement d'une pension alimentaire mise à sa charge par décision de justice est constitué après constat d'un défaut de paiement de plus d'un mois .
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Les modifications adoptées par
l'Assemblée nationale
En première lecture, l'Assemblée nationale a procédé à quatre modifications.
A l'initiative du rapporteur de la commission des lois, elle a tout d'abord supprimé la possibilité de transmission directe par les Caf aux juges aux affaires familiales d'éléments relatifs à l'adresse et à la solvabilité des débiteurs , au motif que ce dispositif heurtait les droits de la défense. En matière civile, il appartient en effet aux parties d'apporter des éléments à la connaissance du juge et, dans le respect du contradictoire, d'en informer l'autre partie.
A l'initiative conjointe du rapporteur de la commission des lois et de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a ensuite réduit la durée de l'ensemble de l'expérimentation à dix-huit mois , estimant qu'il était plus cohérent d'avoir une seule et même durée d'expérimentation pour toutes les mesures prévues.
A l'initiative du Gouvernement, elle a également introduit un paragraphe IV ter qui prévoit, dans la cadre de l'expérimentation, le maintien du versement de l'ASF, pendant une durée fixée par décret (six mois ont été annoncés), pour le père ou la mère titulaire de la prestation qui se remet en couple 26 ( * ) , l'objectif étant ne pas fragiliser financièrement ce parent durant les premiers mois de la remise en couple.
Enfin, à l'initiative de Mme François Guégot et des autres membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire (UMP), l'Assemblée nationale a souhaité que soit annexé au rapport d'évaluation une évolution comparée du taux de recouvrement de l'ensemble des Caf selon qu'elles participent ou non à l'expérimentation.
2. L'accès prioritaire des bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant aux places en établissement d'accueil pour enfants de moins de six ans (article 6 quinquies)
Issu de l'adoption par le Sénat d'un amendement du Gouvernement, l'article 6 quinquies vise à ouvrir aux bénéficiaires de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (Prépare) le bénéfice du dispositif d'accès prioritaire aux places en établissement d'accueil pour enfants de moins de six ans .
En l'état actuel du droit, un dispositif d'accès prioritaire est prévu à l'article L. 214-7 du code de l'action sociale et des familles pour les enfants non scolarisés âgés de moins de six ans à la charge de personnes « engagées dans un parcours d'insertion sociale et professionnelle » et répondant à certaines conditions de ressources « pour leur permettre de prendre un emploi, de créer une activité ou de participer aux actions d'accompagnement professionnel qui leur sont proposées » .
En ouvrant cet accès prioritaire aux titulaires de la Prépare, dont les conditions d'octroi sont modifiées à l'article 2 du projet de loi, l'objectif du présent article est de faire bénéficier de ce mode de garde les femmes en situation de grande précarité , pour lesquelles il est tout particulièrement nécessaire de lever les freins à leur employabilité.
L'Assemblée nationale a simplement procédé à une coordination rédactionnelle à cet article.
3. L'expérimentation du versement en tiers-payant du complément de libre choix du mode de garde perçu par les familles modestes (article 6 septies)
Issu de l'adoption par le Sénat d'un amendement du Gouvernement, l'article 6 septies a pour objet de permettre, à titre expérimental, aux organismes débiteurs des prestations familiales (les Caf) de verser, selon le mode du tiers-payant, le complément de libre choix du mode de garde (CMG) directement à l'assistant maternel et non pas aux parents employeurs .
Cette expérimentation, d'une durée de dix-huit mois, vise à inciter les familles modestes à recourir à un mode d'accueil individuel, souvent onéreux, en les dispensant d'une avance de frais.
Une disposition quasi-analogue figurait à l'article 92 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, mais celle-ci a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu'il s'agissait d'un cavalier social.
Dans le cadre du présent projet de loi, le dispositif expérimental est ouvert aux familles modestes dont les ressources se situent dans la tranche inférieure du barème du CMG 27 ( * ) (soit 20 706 euros annuels pour un enfant à charge). Il prévoit que la Caf verse directement à l'assistant maternel la part de leur salaire correspondant au CMG que les parents employeurs sont en droit de percevoir. Ce versement en tiers-payant est d'ores et déjà expérimenté depuis 2007 par la ville de Grigny, soutenue par Caf de l'Essonne, pour accompagner les parents en parcours de réinsertion.
A l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, l'Assemblée nationale a procédé à la réécriture complète de l'article 6 septies afin de clarifier les objectifs sous-tendant l'expérimentation et de permettre aux organismes débiteurs des prestations familiales d'y associer, le cas échéant, les collectivités territoriales. La nouvelle rédaction prévoit en outre la signature une convention tripartite, incluant le parent employeur, là où le texte initial ne faisait référence qu'à l'assistant maternel et à l'organisme débiteur des prestations familiales.
Votre rapporteure salue cette expérimentation qui constitue une réelle avancée au profit des familles les plus modestes pour lesquelles l'effort financier est plus important lorsqu'il s'agit d'un mode de garde individuel.
Elle insiste toutefois sur le fait qu'elle va nécessiter, au sein des Caf participantes, un dialogue renforcé entre les services chargés respectivement de l'identification des familles éligibles au dispositif, de l'élaboration de la convention tripartite et du versement de la prestation directement à l'assistant maternel.
* 26 En application de l'article L. 523-2 du code de la sécurité sociale, le droit à l'ASF cesse dès lors que le père ou la mère titulaire de la prestation « se marie, conclut un pacte civil de solidarité ou vit en concubinage ».
* 27 Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, le champ des bénéficiaires de l'expérimentation était plus restreint ; seuls étaient concernés les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).