B. LA NÉCESSITÉ DE REPENSER L'AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES LITTORAUX
Face à l'aggravation de ces phénomènes naturels, une stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte a été élaborée en 2012 et doit aujourd'hui être déclinée à l'échelle locale.
Certaines collectivités territoriales privilégient un recul stratégique de leurs activités consistant à organiser le repli des constructions menacées en direction de l'arrière-pays .
Le recul stratégique des activités
Source : «
Propositions pour une
stratégie nationale de gestion du trait de côte, du recul
stratégique
et de la défense contre la mer, partagée
entre l'État et les collectivités
territoriales
»
,
rapport
de
M. Alain Cousin, remis au ministre de l'environnement, de
l'énergie et de la mer en novembre 2011
8
(
*
)
.
Considérée comme l'un des sept secteurs les plus vulnérables du littoral aquitain, la commune de Lacanau (Gironde) a par exemple engagé une réflexion pour replier ses activités vers l'arrière-pays d'ici 2040. Cette stratégie concerne 1 200 logements et une centaine de commerces répartis sur 26 hectares, pour un coût compris entre 250 et 600 millions d'euros.
Surtout, la loi « littoral » de 1986 9 ( * ) rend beaucoup plus difficile la construction de nouveaux bâtiments en direction de l'arrière-pays . Comme l'a souligné notre collègue Michel Vaspart, « vieille de plus de trente ans, (cette loi) a été rédigée à une époque où les risques liés au changement climatique n'étaient pas pris en compte. Elle constitue aujourd'hui un frein à la relocalisation des activités menacées par le recul du trait de côte . On se retrouve dans la situation paradoxale où des collectivités ayant élaboré des stratégies locales pour faire face à l'érosion côtière sont actuellement bloquées pour les mettre en oeuvre ! » 10 ( * ) .
Plus largement, les élus des territoires littoraux sont dans l'impossibilité d'organiser l'aménagement de leurs communes face à des jurisprudences instables et parfois contradictoires . Pour reprendre les mots de notre ancienne collègue Odette Herviaux et de notre collègue Jean Bizet, les élus « ont perdu le pouvoir d'impulser une vision sur le bord de mer : au lieu d'être une zone d'aménagement du territoire, le littoral est devenu le terrain d'une confrontation juridictionnelle entre des intérêts divergents » 11 ( * ) .
Il ne s'agit pas de remettre en cause la loi « littoral », qui a contribué à la préservation de nos côtes face à un risque d'urbanisation incontrôlée, mais de constater qu'elle n'est plus adaptée aux nouveaux enjeux d'aménagement de ces territoires.
Alors ministre du logement et de l'habitat durable, Mme Emmanuelle Cosse partageait ce constat en déclarant devant le Sénat que les auteurs de la loi « littoral » de 1986 « ont laissé une forte place à l'interprétation pour que le cadre juridique puisse être adapté avec souplesse aux évolutions dans le temps des territoires. Or, il faut très honnêtement le reconnaître, l'administration française (a) beaucoup de mal à agir dans un cadre basé sur l'interprétation et la jurisprudence, d'où les difficultés concrètes d'application que nous rencontrons » 12 ( * ) .
* 8 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/114000656.pdf.
* 9 Loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée, dont la plupart des dispositions sont aujourd'hui codifiées aux articles L. 121-1 à L. 121-51 du code de l'urbanisme et sont présentées en annexe au présent rapport.
* 10 Rapport n° 266 (2016-207) fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur la proposition de loi portant adaptation des territoires littoraux au changement climatique, p. 26.
Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l16-266/l16-2661.pdf.
* 11 « Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines » , op.cit. , p. 9.
* 12 Compte rendu intégral de la séance du Sénat du 11 janvier 2017, consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/seances/s201701/s20170111/s20170111010.html.