N° 516

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 mai 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relatif à l' organisation et à la transformation du système de santé ,

Par M. Laurent LAFON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

1681 , 1762 , 1767 et T.A. 245

Sénat :

404 et 515 (2018-2019)


SYNTHÈSE DES TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le 21 mai 2019, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné, sur le rapport de Laurent Lafon, le projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé (n° 404, 2019-2019) sur lequel elle s'était saisie pour avis.

À l'article 1 er relatif à la réforme de l'entrée dans les études de santé, elle a adopté trois amendements qui visent :

- à donner aux formations de santé un objectif de répartition équilibrée des futurs professionnels sur le territoire ;

- à donner la possibilité aux étudiants de changer d'université entre leur premier et leur deuxième cycle d'études de santé ;

- et enfin à repousser l'entrée en vigueur de la réforme à la rentrée universitaire 2021 afin de laisser le temps aux universités de préparer de maquettes de formation profondément rénovées et offrant des voies diversifiées d'accès aux études de santé.

À l'article 2 relatif à la réforme de l'accès au 3 ème cycle des études médicales, elle a adopté deux amendements qui visent à prévoir que ce 3 ème cycle propose aux étudiants de médecine des stages dans les zones sous-denses ainsi que la participation à des échanges internationaux.

À l'article 2 bis relatif aux études médicales, elle a adopté trois amendements , l'un rédactionnel et les deux autres prévoyant que tant le 2 ème que le 3 ème cycles des études médicales proposent des stages dans les zones sous-denses ainsi que la participation à des échanges internationaux.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La réforme des études de santé a été annoncée par le Président de la République dans son discours du 18 septembre 2018 intitulé « Prendre soin de chacun ». Il y déclarait que « le numerus clausus sera donc supprimé pour cesser d'entretenir une rareté artificielle » et que « dès la rentrée 2020, il n'y aura plus de concours à la fin de la première année, c'est-à-dire plus de PACES, cet acronyme, synonyme d'échec pour tant de jeunes ».

Cette annonce de la suppression de la première année commune à l'entrée dans les études de santé (PACES) et du numerus clausus ont été confirmées dans le plan « Ma Santé 2022 » présenté par les ministres Frédérique Vidal et Agnès Buzyn le 19 septembre 2018. Elle se traduit dans le chapitre 1 er du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation du système de santé, intitulé « Réformer les études en santé et renforcer la formation tout au long de la vie ».

Ce projet de loi a été examiné en Conseil des ministres le 13 février 2019. Il fait l'objet d'une procédure accélérée. Doté initialement de 23 articles, il a été transmis au Sénat après adoption par l'Assemblée nationale avec 73 articles.

Outre la réforme de l'entrée dans les études de santé qui fait l'objet de son article 1 er , le projet de loi prévoit également, à l'article 2, la réforme de l'entrée dans le 3 ème cycle des études médicales.

I. ARTICLE PREMIER - L'ENTRÉE DANS LES ÉTUDES DE SANTÉ

L'article 1 er du présent projet de loi réforme l'entrée dans les études de santé en supprimant la PACES et en réformant les modalités actuelles de fixation du numerus clausus .

A. LA SUPPRESSION DE LA PACES

Depuis la rentrée universitaire 2010-2011 1 ( * ) , l'accès aux études médicales, maïeutiques, odontologiques et pharmaceutiques est conditionné à la réussite d'un concours en fin de PACES. Les étudiants qui se destinent aux professions de médecin, pharmacien, sage-femme ou dentiste suivent ainsi un tronc commun d'enseignements identiques durant leur première année à l'université. Ils choisissent au début du deuxième semestre la ou les unités d'enseignement spécifiques qui correspondent à la ou les filières de leur choix 2 ( * ) . À l'issue des épreuves du deuxième semestre, quatre classements sont établis en prenant en compte les résultats obtenus à l'ensemble des unités d'enseignement communes et à la ou les unités d'enseignement spécifiques.

Le nombre de places offertes dans chaque filière est appelé numerus clausus . C'est le décalage entre le nombre de postulants et le nombre de lauréats qui rend ce concours particulièrement difficile. Ainsi, pour 57 791 étudiants inscrits en PACES en 2017-2018, 13 523 places 3 ( * ) étaient proposées, soit un taux de réussite à peine supérieur à 23 % .

1. Des critiques virulentes contre la PACES

Bien qu'aujourd'hui largement décriée, la PACES présente un certain nombre d'avantages qui ne doivent pas être oubliés, voire, pour certains, qui devront être préservés dans la nouvelle organisation :

- elle est tout d'abord d'une grande lisibilité pour tous les candidats aux métiers de médecin, dentiste, pharmacien ou sage-femme et elle facilite le travail d'orientation ;

- elle a permis d'organiser un véritable tronc commun pour le recrutement des futurs étudiants dans ces disciplines ;

- les modalités du concours garantissent l'anonymat et l' équité de traitement des candidats et sont très peu discutables ;

- elle constitue une voie d'excellence attractive au sein des universités, capable de faire concurrence aux classes préparatoires aux grandes écoles portées par les lycées ;

- les formules de tutorat entre étudiants primants et redoublants y sont remarquables ;

- enfin, l'organisation même de ses enseignements (cours magistraux en amphithéâtre et peu de travaux dirigés) en fait l'une des formations de premier cycle les moins onéreuses (de l'ordre de 2 000 euros par an et par étudiant).

Malheureusement, ces quelques avantages sont largement contrebalancés par de lourds et nombreux inconvénients.

Avec un taux de réussite inférieur à 30 %, la PACES met en situation d'échec plus de deux étudiants sur trois, souvent d'excellents bacheliers qui se trouvent fragilisés, parfois en perte de confiance en soi voire en risque psycho-social.

Un récent rapport du Dr. Donata Marra 4 ( * ) l'a souligné : « y a-t-il un problème de mal-être des étudiants en santé ? OUI », dénonçant notamment « la massification de l'enseignement en PACES, avec perte des repères humains et introduction massive du numérique sans réel encadrement autre que technique ».

Par ailleurs, les reprises d'études après un ou deux échecs au concours de la PACES se font souvent sur des filières très différentes du secteur santé (droit, économie ...) et l'ensemble des compétences accumulées au cours des années de préparation est parfois perdu, alimentant l'idée d'un immense gâchis.

Le devenir de 1 000 primo-entrants en PACES

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les données de l'étude d'impact

La PACES est aujourd'hui plus une année de sélection qu'une véritable année de formation. Par ailleurs, les conditions d'études, caractérisées par des amphithéâtres surchargés, des cours sur polycopiés et une quasi-absence de travaux dirigés, y sont peu satisfaisantes.

Au-delà de ce coût humain , le système pèse lourdement sur les familles au travers de l'inscription à des préparations privées (pour un coût moyen annuel situé entre 2 000 et 6 000 euros), de l'allongement de la durée des études en cas d'échec au concours voire de l'inscription dans des universités étrangères pour contourner le numerus clausus 5 ( * ) .

C'est aussi un coût budgétaire et social que supportent l'État et la Nation : certes la PACES n'est pas très onéreuse mais elle est inefficace en termes de diplômation et elle conduit à de coûteux redoublements et prolongations d'études 6 ( * ) .

Enfin, les modalités de sélection du concours conduisent à recruter les futurs professionnels de santé (et tout particulièrement les futurs médecins) sur un profil-type très stéréotypé :

- celui du bachelier scientifique (90 % des étudiants de PACES ont un bac « S » et les chances de réussite des autres bacheliers sont inférieures à 3 % même avec redoublement),

- titulaire d'une « mention très bien » (3/4 des bacheliers « S » « mention très bien » passent en 2 ème année des études de médecine dont la moitié sans redoubler, alors que les bacheliers « S » « mention assez bien » ne sont que 3,7 % à accéder en 2 ème année en un an, 26 % en deux ans),

- et issu des classes sociales les plus favorisées (un enfant de cadre a 2,5 fois plus de chances d'intégrer les études de médecine qu'un enfant d'ouvrier).

2. Les différentes tentatives d'amélioration

La création d'antennes PACES au sein d'universités non dotées d'une composante santé a permis à des étudiants d'envisager une année de préparation aux concours de santé plus près de chez eux. On compte aujourd'hui 70 antennes PACES, en plus des 34 PACES.

La loi dite « ESR » 7 ( * ) de 2013 et celle dite « ORE » 8 ( * ) de 2018 ont instauré des mécanismes expérimentaux afin de diversifier les profils recrutés et construire des parcours de formation de réussite. Aujourd'hui, 24 universités sont expérimentatrices.

L'AlterPACES est actuellement expérimentée dans 16 universités. Elle permet à des étudiants ayant entre une et trois années de licence dans un autre domaine d'être admis directement en 2 ème ou 3 ème année des études de santé selon un quota défini par l'université et qui s'impute sur son numerus clausus .

Ce dispositif n'a pas rencontré un très grand succès (à peine 15 % des places offertes ont été pourvues en 2016-2017) faute probablement d'un manque de communication auprès des étudiants, mais l'expérimentation a prouvé que les étudiants ainsi recrutés « font ensuite partie des étudiants qui obtiennent les meilleurs résultats de leur promotion dans la suite de leurs études de santé ».

Le PluriPASS a été mis en place depuis 2015 à l'Université d'Angers. Il permet aux étudiants d'accéder aux études de santé mais aussi à une quinzaine de licences ou à des écoles d'ingénieurs et donc d'inscrire tous les étudiants dans un parcours de réussite.

Ce dispositif a permis d'inverser le ratio réussite-échec : 72 % de réussite et 28 % d'échec sur les deux premières promotions de PluriPASS, contre moins 30 % de réussite et plus de 70 % d'échec en PACES. D'autres universités ont développé des organisations comparables.

La PACES adaptée est expérimentée depuis la rentrée 2018 par trois universités parisiennes ainsi que l'université de Brest. Elle permet de donner deux chances d'admission dans les études de santé sans redoublement ainsi qu'une poursuite d'études dans une diversité de parcours de licence. Ces PACES adaptées ont été mises en place trop récemment pour que des résultats puissent déjà en être tirés.

3. La nouvelle organisation de l'entrée dans les études de santé prévue par le Gouvernement

Prenant acte des critiques adressées à la PACES et des résultats plutôt encourageants des expérimentations, le Gouvernement a lancé une première phase de concertation sur l'entrée dans les études de santé en mars 2018. Celle-ci a abouti en décembre 2018 à la publication du rapport du Professeur Jean-Paul Saint-André 9 ( * ) dont les conclusions ont inspiré la rédaction de l'article 1 er du présent projet de loi.

Une seconde phase de concertation est ouverte depuis le 12 février, qui devrait permettre au Gouvernement de rédiger les textes réglementaires d'application de cet article 1 er .

Le Gouvernement propose aujourd'hui de remplacer la PACES par des licences comportant soit une « majeure santé », soit une « mineure santé » afin de conduire, même en cas d'échec au concours, à une poursuite organisée d'études.

Le nouveau schéma d'accès aux études de santé

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Par ailleurs, le Gouvernement envisage de revoir les épreuves permettant d'entrer dans les études de santé pour sortir du « tout QCM 10 ( * ) » aujourd'hui tant décrié. Trois stades seraient distingués : la recevabilité des candidatures, les épreuves d'admissibilité et les épreuves d'admission. Des épreuves orales ou rédactionnelles pourraient ainsi faire leur apparition, notamment au stade de l'admission.

Conformément aux annonces du Président de la République, l'entrée en vigueur du nouveau dispositif est prévu à la rentrée universitaire 2020 .

Toutefois, afin de garantir l'égalité des chances entre les candidats qui se présenteront au dernier concours organisé en fin d'année universitaire 2019-2020 et ceux qui s'inscriront pour la première fois dans le cursus rénové lors de l'année universitaire 2020-2021, un quota de places spécifique équivalent au nombre de redoublants constaté sera prévu au prochain numerus clausus soit environ 20 % d'une promotion représentant un coût supplémentaire de 270 millions d'euros dont l'impact est échelonné sur la période 2023-2032 11 ( * ) .


* 1 Arrêté du 28 octobre 2009 relatif à la première année commune aux études de santé.

* 2 Ils ont la possibilité de concourir en vue d'une ou plusieurs filières.

* 3 8 205 pour la filière médicale, 3 124 pour la pharmacie, 1 203 pour l'odontologie et 991 pour la maïeutique.

* 4 Rapport sur la qualité de vie des étudiants en santé, Dr Donata Marra, avril 2018.

* 5 L'étude d'impact estime ainsi à 2 000 le nombre de Français actuellement étudiants en médecine en Roumanie.

* 6 C'est ainsi que l'étude d'impact estime à 55 millions d'euros le coût des redoublements en PACES.

* 7 Loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche.

* 8 Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants.

* 9 Suppression du numerus clausus et de la PACES - refonte du premier cycle des études de santé pour les métiers médicaux, Jean-Paul Saint-André, décembre 2018.

* 10 Questionnaire à choix multiples.

* 11 Étude d'impact.

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