B. DES DIFFICULTÉS PARTICULIÈREMENT INTEMPESTIVE

Ces vingt dernières années, le contexte géopolitique a profondément évolué et, à l'heure où la loi de programmation militaire pour les années 2024 à 2030 appelle à la mobilisation des leviers de l'économie de guerre, l'ensemble des acteurs doivent être pleinement mobilisés pour soutenir les entreprises de la BITD. Comme le souligne un article récent de la Revue Défense nationale, « face aux besoins d'accélération de production et de résilience vis-à-vis des nouvelles menaces et des nouveaux risques, dans un cadre de responsabilisation de l'industrie, la problématique de l'accès aux financements privés devient de plus en plus prégnante. Le développement de nouvelles sources d'approvisionnement, la constitution de stocks stratégiques, la réinternalisation ou relocalisation de certaines activités critiques, la modernisation des outils de production (passage à l'usine 4.0) en sont des exemples significatifs »15(*).

D'autant qu'il existe un précédent historique de faiblesse coupable du secteur bancaire au soutien à la défense française. L'auteure de l'article invoque en effet l'échec du réarmement français de 1935 à 1939 durant le Front populaire. L'historien Robert Frankenstein a montré que l'incapacité de l'industrie à augmenter rapidement sa production, et les résultats trop tardifs obtenus en conséquence étaient liés à la « faible propension de l'industrie à l'investissement, en particulier dans les outillages », et au « rôle des établissements de crédit, restés méfiants et peu enclins à favoriser ces investissements, malgré l'augmentation continue des commandes de l'État à partir de 1935 »16(*).

Des annonces récentes laissent à penser que les acteurs du secteur sont disposés à une telle mobilisation, mais elles restent à mettre en oeuvre. Dans sa réponse à la consultation de la Commission sur la nouvelle stratégie de l'industrie de défense européenne, la Fédération bancaire française (FBF) s'est dite favorable à un régime « d'exception stratégique » en faveur des industriels de l'armement afin de répondre à leurs enjeux d'investissements croissants. La FBF propose ainsi que les agences de notation ESG se voient interdire de baisser la note du facteur social d'une entreprise de défense du seul fait de son appartenance à ce secteur.

La FBF plaide en outre pour faire évoluer le mandat de la BEI sur le financement de la défense, estimant qu'il faut donner la faculté à la BEI d'émettre des « obligations de souveraineté » au même titre qu'elle le fait sur les « green bonds », lesquelles pourraient même devenir « une nouvelle classe d'actif ».

Nadia Calviño, la nouvelle présidente espagnole de la banque européenne d'investissement (BEI) depuis le 1er janvier 2024, s'est dite prête à réorienter la stratégie de l'établissement vers le soutien à l'industrie de défense17(*).


* 15 Jacqueline Burin des Roziers, « Quel rôle pour l'État face aux enjeux de financement de la Base industrielle et technologique de défense (BITD) ? », Revue Défense Nationale, vol. h-, no. HS13, 2023, pp. 209-224.

* 16 C'est la thèse de Robert Frankenstein, citée par Thomas Gomart. Voir article précité.

* 17 Voir Nadia Calvino: "La BEI est prête à investir davantage dans la défense", sur lecho.be, le 9 février 2024.

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