B. ACCIDENTS DU TRAVAIL : UNE MODÉRATION TROMPEUSE ?
1. Des cotisations ajustées aux dépenses
La branche accidents du travail se singularise par un mode de calcul des cotisations très personnalisé, qui permet de les ajuster aux dépenses effectives.
La tarification des risques accidents du travail et maladies professionnelles est déterminée par établissement, chaque établissement étant classé dans une catégorie de risque en fonction de son secteur d'activité. Le taux notifié est constitué à partir d'un taux brut et de trois majorations pour le risque accidents de trajet, la solidarité entre régimes et les charges générales.
L'article 10 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale a accentué cette personnalisation des taux de cotisation accidents du travail, afin de les rendre plus incitatifs à la prévention. Ainsi, les seuils d'effectifs déterminant le mode de tarification ont été abaissés :
- les entreprises de moins de 10 salariés, au lieu de 20 auparavant, se voient notifier un taux collectif, c'est-à-dire le taux de cotisation moyen national de leur secteur d'activité ;
- les entreprises de 10 à 199 salariés, au lieu de 20 à 299 auparavant, se voient notifier un taux mixte, qui prend en compte une part du taux collectif et une part du taux propre au prorata des effectifs ;
- les entreprises de plus de 200 salariés et plus, au lieu de 300 auparavant, se voient notifier un taux propre, c'est-à-dire calculé à partir du coût des accidents dont ont été victimes les salariés de chacun de leurs établissements.
Par ailleurs, les dérogations aux règles générales dont bénéficient un certain nombre d'établissements seront accordées de façon plus restrictive et les différents établissements d'une même entreprise ne se verront plus notifier un taux commun.
La commission des accidents du travail et des maladies professionnelles, instance paritaire siégeant auprès de la CNAMTS, détermine chaque année les taux bruts collectifs et fixe le montant des trois majorations servant au calcul des taux nets.
Le taux net moyen s'établit à 2,27 % pour 1996.
Ce mode de calcul des cotisations explique que la branche accidents du travail soit depuis 1994 régulièrement excédentaire : 1,1 milliard de francs en 1995, 0,6 milliard de francs en 1996, 1,7 milliard de francs prévu pour 1997.
2. La sous-évaluation chronique des maladies professionnelles
L'évolution du nombre des accidents du travail est sur le long terme orienté à la baisse du fait de la politique de prévention encouragée par le caractère personnalisé des cotisations. A court terme, elle reste corrélée à la conjoncture économique, une reprise de l'activité de l'industrie et du bâtiment se traduisant par un regain du nombre des accidents.
Accidents du travail : cas d'incapacité permanente et décès
En revanche, le nombre des maladies professionnelles est vraisemblablement sous-évalué, en raison de procédures de reconnaissance trop rigides.
La difficulté vient de ce que les maladies dont les causes sont multiples ne sont pas reconnues au titre des risques professionnels sans expertise individuelle ponctuelle. C'est ce qui a conduit la France, à l'instar d'autres pays européens, à adopter un système mixte : d'une part, le système des tableaux pour lequel la présomption d'origine perdure et, d'autre part, le système dit complémentaire, qui est fondé sur une expertise médicale mettant en évidence le lien de causalité entre une pathologie et des conditions de travail.
La loi n° 93-121 du 27 mars 1993 a ainsi institué un système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles, fondé sur une expertise individuelle par trois médecins réunis dans un comité régional. Ce nouveau système permet la reconnaissance du caractère professionnel de certaines affections n'entrant pas dans le champ d'application des tableaux de maladies professionnelles :
- soit parce que, bien que l'affection soit inscrite dans un tableau, toutes les conditions administratives ne sont pas remplies (durée insuffisante d'exposition, délai de prise en charge dépassé, travail non inscrit) ;
- soit parce que l'affection n'est pas inscrite dans un tableau, bien qu'elle ait entraîné la mort du salarié ou une incapacité permanente partielle des deux tiers.
Cette réforme du système complémentaire de reconnaissance des maladies professionnelles a ainsi permis de décloisonner les branches maladie et accidents du travail. Toutefois ce mécanisme reste très limité dans son application : sur les 1.273 dossiers inscrits par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles en 1994 et 1995, 636 ont été acceptés.
Cette procédure n'est sans doute pas à la mesure du phénomène des maladies professionnelles non reconnues. Le présent projet de loi de financement propose une prise en charge forfaitaire de celles-ci par la branche accidents du travail.