Projet de loi de finances pour 2000 - TOME III - VILLE
BLANC (Paul)
AVIS 93-TOME III (1999-2000) - Commission des Affaires sociales
Tableau comparatif au format Acrobat ( 184 Ko )Table des matières
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
AVANT-PROPOS
-
I. L'AUGMENTATION DES ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES
TRADUIT L'EFFET DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION DES CONTRATS DE
VILLE
- A. LE BUDGET DU MINISTÈRE PREND APPUI PLUS FERMEMENT SUR LE FONDS D'INTERVENTION POUR LA VILLE
- B. L'EFFORT PUBLIC GLOBAL CONSACRÉ À LA VILLE ENREGISTRE L'EFFET DU NOUVEAU CYCLE DES CONTRATS DE VILLE
-
II. UNE POLITIQUE DE LA VILLE INDÉCISE ET ENCORE
INSUFFISANTE EN TERMES DE SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE
DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
- A. UNE POLITIQUE DE LA VILLE TOUJOURS À LA RECHERCHE D'UNE LIGNE CLAIRE
- B. EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ, LE GOUVERNEMENT APPORTE DES AMORCES DE RÉPONSE DONT L'EFFICACITÉ RESTE À PROUVER
- C. DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, LES RÉTICENCES EXPRIMÉES À L'ÉGARD DU PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE NE DÉBOUCHENT SUR AUCUNE SOLUTION ALTERNATIVE
-
I. L'AUGMENTATION DES ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES
TRADUIT L'EFFET DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION DES CONTRATS DE
VILLE
N° 93
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME III
VILLE
Par M. Paul BLANC,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Jean-Pierre Vial, Guy Vissac.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
20
)
(1999-2000).
Lois de finances.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. AUDITION DU MINISTRE
Réunie le mardi 26 octobre 1999, sous la
présidence
de
M. Jean Delaneau, président,
la commission a tout d'abord
procédé à
l'audition
de
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville, sur les crédits
consacrés à la ville
(crédits du logement social),
dans le
projet de loi de finances pour 2000.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville,
a indiqué que le budget de son ministère était
celui qui augmentait le plus en 2000, consacrant ainsi la priorité
nouvelle et durable de la politique de la ville dans la politique
gouvernementale.
Il a noté, qu'en plus d'une augmentation de près de 10 %
à structure constante, le budget regroupait plus de 300 millions de
francs de crédits auparavant dispersés dans de nombreux
ministères ; il a souligné que cette volonté de
simplification se retrouverait au plan local dans la mesure où 90 %
des crédits du fonds interministériel pour la ville (FIV)
étaient délégués en préfecture avec des
procédures allégées d'instruction des dossiers.
Il a précisé que sur un budget global de 1,4 milliard de
francs, les moyens de fonctionnement de la délégation
interministérielle à la ville (DIV) étaient stables,
tandis que les crédits d'études diminuaient et que les
crédits de communication étaient identifiés et
dotés.
Il a rappelé que l'essentiel des moyens du ministère et des
mesures nouvelles financerait les contrats de ville pour lesquels
8,6 milliards de francs avaient été prévus lors du
comité interministériel des villes du 2 septembre dernier.
Il a noté que la priorité forte donnée par le Gouvernement
à la politique de la ville ressortait également des budgets des
différents ministères, s'agissant notamment des emplois-jeunes
dans les quartiers, de la police de proximité, des réseaux
d'éducation prioritaire et des opérations de
reconstruction-démolition de logements sociaux.
Il a souligné également le rôle des prêts de la
caisse des dépôts et consignations (CDC) aux collectivités
locales et aux organismes d'habitations à loyer modéré
(HLM), dont les taux ont été récemment à nouveau
abaissés.
Il a souligné que le " changement d'échelle " de la
politique de la ville susciterait une participation financière des
collectivités locales ; il a mis l'accent sur l'augmentation
très forte de la dotation de solidarité urbaine (DSU) qui
bénéficiait d'un abondement supplémentaire de
700 millions de francs. Il a observé que les fonds structurels
européens, malgré leur diminution globale, profiteraient
davantage à la politique de la ville, notamment dans la région
d'Ile-de-France et dans le Rhône.
Il s'est félicité que les quartiers en difficulté soient
pour la première fois inscrits dans les objectifs de la prochaine
génération de fonds structurels européens.
Il a souligné que l'effort global en faveur de la politique de la ville
dépasserait, dès 2000, les 35 milliards de francs auxquels
faisait référence le rapport de M. Jean-Pierre Sueur, alors qu'il
atteignait 31 milliards de francs en 1999 et 22 milliards de francs
en 1998.
Il a indiqué que les contrats de ville bénéficieraient
d'un doublement de leurs moyens au cours des sept prochaines années,
avec 8 milliards de francs de crédits spécifiques du
ministère de la ville, qui permettraient de faire de ces contrats un
outil de développement social et d'intégration des quartiers
à la ville.
Il a déclaré que le Premier ministre avait décidé
un ambitieux programme de rénovation urbaine et de solidarité
pour les dix prochaines années qui se traduirait par le lancement d'un
grand programme de renouvellement urbain.
Il a précisé qu'il s'agissait de " réinscrire dans la
normalité " de nombreux grands ensembles devenus largement
obsolètes qui concentraient les personnes qui n'avaient plus le choix de
leur lieu d'habitation et qui constituaient un premier signe de
" ghettoïsation ". Une cinquantaine de ces opérations de
renouvellement urbain seront qualifiées de grands projets de ville (GPV).
Il a indiqué que le grand programme de renouvellement urbain
nécessiterait de nouveaux outils législatifs qui seraient
inscrits dans un titre spécifique du futur projet de loi sur
l'urbanisme, l'habitat, les transports et la politique de la ville.
Il a indiqué que le ministre de la fonction publique préparait
différentes mesures pour renforcer la présence et la
qualité des services publics afin d'améliorer le service rendu
aux populations, de motiver les agents publics et d'ouvrir le recrutement dans
les services publics aux habitants des quartiers.
S'agissant du volet relatif à l'économie et à l'emploi, il
s'est inquiété du risque important que l'embellie
économique s'arrête aux portes des quartiers en difficulté,
dont les habitants sont peu qualifiés et écartés du
marché du travail depuis longtemps.
Il a déclaré que le Gouvernement avait décidé une
mobilisation exceptionnelle de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) pour que
chaque chômeur de ces quartiers puisse se voir proposer une solution de
formation ou d'insertion professionnelle. En outre, un programme de lutte
contre les discriminations à l'embauche sera mis en oeuvre. Enfin,
à l'instar des emplois-jeunes, le Gouvernement proposera des mesures
spécifiques pour développer l'activité dans les quartiers.
Il a ajouté que le programme de renouvellement urbain comprendrait
différentes mesures en faveur de l'implantation d'entreprises et des
services et qu'un programme d'aménagement foncier et d'investissements
publics serait mis en oeuvre pour améliorer les dessertes, les services
et la sécurité. Il a souligné que des aides, notamment
fiscales, pourraient être accordées aux entreprises sur la base
" d'un véritable projet partagé ".
Il a précisé enfin que l'épargne populaire, notamment le
livret A et les fonds propres de la Caisse des dépôts et
consignations (CDC), serait mobilisée.
Indiquant que les mesures en préparation seraient annoncées au
cours du comité interministériel des villes du 2 décembre,
il a souligné que ces outils devraient être utilisés dans
le cadre d'une stratégie collective de développement solidaire.
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis,
s'est demandé en quoi les
GPV se différencieraient des grands projets urbains (GPU) lancés
en 1995 et quel montant de crédit leur serait alloué. Il s'est
interrogé sur le terme de la poursuite des exonérations
prévues au titre du pacte de relance pour la ville. Il s'est
également interrogé sur le bilan de l'application en 1999 du plan
de lutte contre l'insécurité urbaine décidé en
janvier dernier, ainsi que sur le contenu des mesures économiques qui
seraient mises en place pour assurer le développement des quartiers.
Faisant référence aux déclarations du président de
l'Association SOS Racisme, il s'est demandé si les opérations
" ville vie vacances " ne risquaient pas de développer
" un esprit d'assistanat ". Il s'est interrogé sur la mise en
oeuvre des mesures de simplification de la politique de la ville
décidées en décembre 1998.
En réponse,
M. Claude Bartolone
a précisé que les
GPV seraient plus nombreux que les GPU et qu'ils correspondaient à un
projet plus global, pensé comme une grande opération d'urbanisme
et non comme un projet de ville. En outre, le GPV prendra en compte, à
la fois, les problèmes internes aux quartiers en matière de
restructuration du bâti et des espaces extérieurs et les
mécanismes d'exclusion à l'échelle de
l'agglomération.
Il a précisé que les financements des GPV, variables selon les
sites, oscilleraient entre 10 millions de francs et 30 millions de
francs par site, ce qui, compte tenu de l'effet de levier, devrait
dégager entre 300 millions de francs et 1 milliard de francs sur le
prochain plan.
Il a souligné que le GPV aurait une dimension forte de renouvellement
urbain, mais cette transformation serait mise au service d'une reconquête
de la citoyenneté pour les habitants des quartiers en difficulté
et viserait à garantir une plus grande attractivité de ces
quartiers pour les entreprises.
Concernant le pacte de relance pour la ville, il a indiqué que les
dernières exonérations interviendraient le 31 décembre
2002 pour les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et au 31 décembre
2006 pour les zones franches urbaines (ZFU). Pour ce qui concerne les ZFU, le
Gouvernement présentera des mesures législatives de moralisation
qui pourraient être effectives dès le 1
er
janvier 2000.
S'agissant du conseil de sécurité intérieure de janvier
1999, il a précisé que, avant la fin de l'année,
700 gendarmes et 1.200 policiers seraient redéployés dans
les départements les plus sensibles, que 64 sites de police de
proximité seraient mis en place, que 8.500 fonctionnaires
assureraient l'îlotage et que neuf nouvelles maisons de la justice et du
droit (MJD) seraient ouvertes. Par ailleurs, il a fait état de la
création de huit nouvelles " sûretés
départementales " et de quinze brigades de prévention de la
délinquance juvénile, de la programmation de dix unités
éducatives renforcées et de quinze centres de placement
immédiat et du recrutement de 250 éducateurs et de 22 enseignants
en milieu pénitentiaire. Sur le plan scolaire, il a noté le
recrutement de 5.000 aides-éducateurs et le développement de 250
classes-relais.
Concernant le développement économique, il a souligné que
la priorité était d'améliorer l'accès à
l'emploi par une mobilisation exceptionnelle de l'ANPE, la lutte contre les
discriminations à l'embauche et les emplois-jeunes. Il a ajouté
que le programme de renouvellement urbain comprendrait différentes
mesures en faveur de l'implantation d'entreprises et de services dans les
quartiers en difficulté ou à proximité et
prévoirait des aides notamment fiscales qui seraient annoncées en
fin d'année.
S'agissant des opérations " ville vie vacances ", il a
indiqué que celles-ci ne s'inscrivaient pas dans une " logique de
consommation " dans la mesure où le bilan de 1999 montrait une
forte progression des projets axés sur l'insertion professionnelle ou
d'utilité collective.
Concernant les mesures de simplification, il a précisé que le
dossier unique était entré en vigueur, que les prochains contrats
de ville prévoiraient un interlocuteur unique au sein des services de
l'Etat, que le FIV était d'ores et déjà renforcé et
que beaucoup de collectivités locales envisageaient la mise en place
d'un fonds de participation des habitants dans le cadre du contrat de ville.
M. André Jourdain
a estimé que le recrutement des
emplois-jeunes devrait être complété par des mesures
spécifiques qui inciteraient les entreprises du secteur privé
à embaucher des salariés issus des quartiers difficiles.
M. Gilbert Chabroux
s'est félicité de la forte
augmentation du budget en rappelant que la politique de la ville avait besoin
de cet effort car la croissance n'avait pas atteint les quartiers sensibles
dans lesquels le taux de chômage n'avait pas baissé. Il a
estimé que la rallonge budgétaire prévue pour la dotation
de solidarité urbaine devrait être reconduite les années
suivantes. Il a souhaité que les GPV soient mis en place " sans
perdre de temps " et a souligné les difficultés du maintien
des services publics dans les quartiers. Il a indiqué qu'il
espérait un signe fort du Gouvernement sur la politique de la ville.
M. Guy Fischer
a souligné l'importance d'un renforcement de la
présence des services publics dans les zones sensibles, notamment en
matière d'aide médicale, d'éducation ou dans les services
de la poste. Se déclarant " attentif " aux mesures prises pour
la politique de la ville, il a souhaité que la mise en place des GPV
aille de pair avec une réponse aux problèmes quotidiens des
habitants des quartiers. Constatant que 5 à 15 % des jeunes dans
les quartiers posaient de véritables problèmes, il a
estimé que les outils d'insertion étaient encore insuffisants.
Mme Gisèle Printz
s'est demandée si des crédits
étaient prévus pour les communes touchées par les
effondrements miniers.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a souligné qu'il fallait
préparer les effets du passage aux 35 heures en termes de loisirs et
d'activité pour les habitants des quartiers sensibles. Elle a
souhaité que les contrats de ville incluent un volet relatif à
l'amélioration de la desserte des quartiers en transports urbains.
Mme Nelly Olin
a estimé important que le ministre précise
que les zones franches urbaines iraient à leur terme, en admettant que
des mesures correctives pouvaient être apportées aux dispositions
du pacte de relance pour la ville lorsque des abus étaient
constatés. Elle a souhaité une réforme de la
législation sur les copropriétés pour faciliter la
rénovation de certains immeubles dégradés et elle a
souligné l'utilité des opérations de
démolition-construction.
M. Louis Souvet,
évoquant l'expérience de
communauté d'agglomération engagée à
Montbéliard, a constaté que, dans l'hypothèse de la
création d'une communauté d'agglomération, les
communes-membres disposaient de ressources limitées à la taxe
d'habitation pour faire face aux problèmes des quartiers sensibles.
En réponse,
M. Claude Bartolone, ministre
délégué à la ville,
a tout d'abord
souligné, que dans un contexte de reprise de la croissance, les
entreprises privées, souvent conscientes de leur intérêt
commercial à maintenir une présence dans les quartiers
difficiles, étaient à même d'agir d'elles-mêmes pour
embaucher des personnes issues de ces quartiers. En revanche, il a
considéré qu'un dispositif analogue à celui des
emplois-jeunes mériterait d'être développé pour
recruter des " adultes médiateurs " dans les zones sensibles.
Prenant l'exemple des Yvelines, il a rappelé que le taux de
chômage moyen du département était revenu de 9 %
à 7 % au cours des deux dernières années, mais qu'il
s'était maintenu à 35 % dans les quartiers en
difficulté.
Il a souligné en outre que le retour de la croissance pouvait
entraîner l'embauche puis le départ des quartiers, de personnes
aujourd'hui très actives dans l'animation des associations qui jouent un
rôle structurant.
Il a rappelé que le développement économique passait par
une régulation sur un territoire plus vaste que celui de la commune
où se situait le quartier sensible.
S'agissant de la DSU, il a considéré que ce dossier devrait
être ouvert à nouveau afin d'assurer une plus grande
solidarité entre communes, car il était inadmissible que
certaines communes soient " assises sur des trésors " tout en
ayant peu de difficultés sociales, alors que d'autres cumulaient les
handicaps avec peu de ressources.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville,
a tenu à souligner que dans son esprit il n'était pas
question d'opposer le monde rural et le monde urbain en faisant valoir que si
les zones rurales se dépeuplaient, il en résultait un
développement désordonné de ce que l'on appelle le monde
" rurbain " porteur de nombreuses difficultés.
S'agissant de la présence des services publics, il a rappelé
qu'une convention avait été conclue avec la direction de la poste
afin de permettre que la mise en oeuvre de la réduction du temps de
travail aille de pair avec une présence et une ouverture accrues des
bureaux de poste dans les quartiers difficiles. Il a souligné la
détermination de la poste à faire avancer ce dossier
malgré les difficultés rencontrées.
Concernant le chômage des jeunes, il a considéré que ce
problème devait être abordé sous plusieurs angles :
amélioration de la formation, lutte contre la ségrégation
à l'embauche, diminution de l'échec scolaire, amélioration
de la qualification professionnelle au regard des besoins du marché.
Il a précisé que le régime des subventions aux communes
victimes d'un effondrement minier ne relevait pas du budget de son
ministère mais il a indiqué, en revanche, qu'un programme
spécifique avait été élaboré pour les
anciennes cités minières du nord classées au titre de la
politique de la ville
Concernant la réduction du temps de travail, il a
considéré qu'il était important de dégager du
" temps bénévole " pour les quartiers en soulignant que
sans l'activité militante des associations, la politique de la ville ne
pourrait pas se déployer.
S'agissant du développement économique,
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville,
a souligné
que les ZFU ne pouvaient pas être l'instrument unique de
développement des quartiers.
Il a remarqué que les zones urbaines les plus en difficulté
étaient celles qui faisaient apparaître un parc privé
très dégradé. Il a souligné que le problème
des copropriétés nécessitait à la fois de revoir le
cadre juridique actuel pour rendre compatible la politique de la ville avec le
respect des droits du propriétaire ainsi que de prévoir des
actions de réhabilitation spécifique sur les 15 à 30 sites
qui posaient le plus de problème.
En matière de démolition-reconstruction, il a souligné que
ces opérations devaient s'inscrire dans une perspective de
réaménagement urbain global de quartiers au sein des
agglomérations et qu'il fallait éviter les opérations
symboliques de destruction spectaculaires de tours sans réflexion
préalable sur le devenir du quartier.
Concernant les GPV, il a souligné que ce dispositif s'adresserait aux 50
sites " les plus dégradés ", sans autre critère
de choix pour fixer la liste. Il a insisté sur l'importance de
l'engagement des collectivités locales pour la réussite des GPV.
S'agissant de l'intercommunalité, il a rappelé que la taxe
professionnelle transférée aux communautés
d'agglomération avait pour objet de leur permettre de faire face
à certaines des obligations assumées par les communes-membres et
que la création de la communauté n'avait pas pour objet de
créer des dépenses nouvelles mais d'utiliser plus efficacement
les fonds disponibles.
Il a rappelé son souhait de pouvoir associer à la politique de la
ville des catégories de collectivités locales qui jusqu'alors n'y
participaient pas ou très peu, en se félicitant à cet
égard que les départements aient fait part de leur volonté
d'intervenir plus fortement en ce domaine.
M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
ville,
a souligné que la politique de la ville ne pouvait reposer
seulement sur la mobilisation de crédits mais qu'elle demandait aussi
une mobilisation plus importante des habitants.
II. EXAMEN DE L'AVIS
Réunie le mercredi 27 octobre, sous la
présidence
de
M. Jean Delaineau, président,
la commission a ensuite
procédé à
l'examen du rapport pour avis
de
M. Paul Blanc
, sur le
projet de loi de finances pour 2000
(
politique de la ville
).
M. Paul Blanc, rapporteur pour avis,
a tout d'abord indiqué que
le budget de la ville, d'un montant de 1,40 milliard de francs, faisait
apparaître une hausse apparente de 40 % qui devait néanmoins
être nuancée par l'existence de deux mouvements de transfert des
crédits qui expliquaient qu'à structure constante, la progression
n'était que de 10 %.
Après avoir commenté la ventilation de ces crédits, il a
présenté trois observations.
Tout d'abord, il s'est félicité de l'augmentation des
crédits regroupés au sein du fonds interministériel de la
ville (FIV), créé en 1995 pour simplifier les procédures
de délégation et d'engagement de crédits
déconcentrés.
Il s'est déclaré déçu par la stagnation des
crédits des opérations " ville vie vacances ", en
rappelant que la réussite de ces opérations supposait un
engagement des collectivités locales en dépenses de personnel
pour assurer des tâches d'encadrement, de surveillance, voire de
médiation.
Il s'est demandé si le maintien des crédits aux
collectivités locales pouvait aller de pair avec les mesures
annoncées par le Gouvernement pour ramener de 13 à 11 ans
l'âge minimum des bénéficiaires des opérations et
augmenter la dotation des départements.
Il s'est étonné de l'afflux soudain de crédits sur les
dépenses de communication, se traduisant par la création d'une
ligne spécifique ainsi que par la fusion de la ligne budgétaire
relative aux projets publics de quartier avec celle concernant les
dépenses locales d'animation.
Evoquant le jaune budgétaire récapitulant l'ensemble de l'effort
public consacré à la ville, il a précisé que
celui-ci s'élèverait à 35 milliards de francs en 2000
comprenant les dépenses de l'Etat, des collectivités
territoriales et des autres partenaires.
Il a observé que la progression de 10 % de l'effort était
largement due à la montée en puissance des nouveaux contrats de
ville (2000-2005).
Il a rappelé que les crédits inscrits au titre des
dépenses non contractualisées des ministères reposaient
parfois sur une base conventionnelle difficile à vérifier, citant
l'exemple des emplois-jeunes.
Il a souhaité un effort statistique pour mieux connaître les
dépenses des collectivités locales consacrées aux
quartiers sensibles, mais non inscrites dans les contrats de ville.
Abordant la politique de la ville, il a tout d'abord observé que depuis
deux ans cette politique, au-delà de diverses initiatives
ministérielles, semblait toujours à la recherche d'un axe fort.
Après avoir rappelé les dispositions législatives
spécifiques relatives aux agglomérations adoptées en 1999,
il a indiqué que l'action du ministère
délégué semblait focalisée sur la
préparation des contrats de ville dont on devrait connaître plus
clairement le contenu à mesure qu'ils seraient signés à la
fin de cette année.
Il a observé que l'effort annoncé au titre des grands projets de
ville (GPV) portait sur des opérations relativement lourdes et que le
dispositif ne pourrait être jugé qu'au vu de la
réalité des crédits qui seraient engagés.
En second lieu, il a souligné qu'en matière de
sécurité le Gouvernement apportait des amorces de
réponses, en termes de police de proximité, de prévention
de la délinquance et de médiation par les emplois-jeunes dont
l'efficacité restait à prouver.
Rappelant la dégradation des statistiques relatives à la
délinquance et à la criminalité en 1998, il a
évoqué le phénomène des violences urbaines, en
soulignant le développement des phénomènes de bandes,
ainsi que la prolifération d'armes dans les quartiers en
difficulté.
Il a souligné que si les mesures annoncées lors du conseil de
sécurité intérieure de janvier dernier présentaient
un effet d'annonce important, la mise en oeuvre pratique du dispositif en 1999
était encore trop partielle pour permettre d'apprécier si des
conséquences positives étaient perçues par les habitants
du quartier.
Il a souhaité que la réforme des conseils communaux et
départementaux de prévention de la délinquance
annoncée en mars dernier entre rapidement en vigueur.
Enfin, il a noté que la conclusion des contrats locaux de
sécurité ainsi que la mise en place des agents locaux de
médiation sociale et des correspondants de nuit permettaient de faire
largement appel aux efforts des collectivités locales et des organismes
d'HLM.
En matière économique,
M. Paul Blanc
a regretté que
M. Claude Bartolone ait confirmé ses réticences à
l'égard du dispositif d'exonération spécifique
prévu par le pacte de relance pour la ville, sans dessiner en
contrepartie de véritables alternatives.
Commentant le rapport d'évaluation remis au Parlement en mars dernier,
il a rappelé que les résultats des zones franches étaient
très contrastés suivant les régions et qu'en outre, les
effets en termes d'emploi devaient se renforcer dans l'avenir, de nombreuses
collectivités locales ayant réalisé des
aménagements permettant d'attendre de nouvelles activités et
emplois.
Il a observé que si le développement économique
était considéré apparemment comme " la
priorité des priorités ", le contenu concret des mesures
à prendre était reporté au conseil interministériel
des villes de décembre prochain.
Estimant que la politique de la ville était toujours à la
recherche d'une " ligne claire ", il a fait part de l'impatience des
élus sur le terrain et a donc proposé un avis défavorable
à l'adoption des crédits du budget de la ville pour 2000.
M. Claude Domeizel
a estimé que la progression des crédits
du budget de la ville ne méritait pas un avis défavorable qu'il a
estimé difficile à justifier.
M. André Jourdain
a fait part de sa déception à
l'égard de la politique de la ville en matière de
développement économique des quartiers en appelant de ses voeux
un mécanisme de soutien spécifique à l'embauche de jeunes
des quartiers pour les entreprises du secteur.
M. Guy Fischer
a fait part de son approbation du budget en rappelant la
progression très sensible des crédits. Il a estimé que les
difficultés actuelles constatées dans les grands ensembles
nécessitaient de rechercher de nouvelles mesures et de faire preuve
d'imagination. Il a estimé prioritaire d'améliorer l'accès
à l'emploi et de développer la présence des services
publics dans les quartiers. Il a considéré que les grands projets
d'aménagement devaient aller de pair avec le développement des
politiques de proximité.
M. Jean-Louis Lorrain
s'est vivement inquiété de
l'existence de zones sensibles dans lesquelles les forces de l'ordre
admettaient ne pas pouvoir intervenir durant la nuit, en soulignant que ce
point avait été évoqué lors de la
préparation de certains contrats locaux de sécurité.
M. Alain Gournac
a regretté l'absence d'évaluation
sérieuse des sommes parfois considérables engagées sur le
terrain. Il s'est inquiété de la jeunesse et du manque de
formation des policiers nouvellement déployés dans les zones
sensibles. Evoquant les instructions parfois données aux forces de
police de ne pas intervenir dans certains quartiers, il a estimé
inadmissible l'existence de " zones de non-droit ".
La commission a émis un
avis défavorable à l'adoption
des crédits relatifs à la politique de la ville.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Face au deuxième budget que présente M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville, votre commission a
été sensible à l'augmentation des crédits
annoncée : les crédits du ministre
délégué, d'un montant de 1,415 milliard de francs,
augmentent de 10,5 % à structure constante ; l'effort public
consacré au développement social urbain connaît une
progression à taux analogue et atteint le seuil symbolique des 35
milliards de francs.
Votre commission s'est félicitée que le Fonds d'intervention pour
la ville (FIV) ait été significativement renforcé
confirmant ainsi le choix fait en 1995 de doter la politique de la ville d'un
instrument plus souple. En revanche, elle s'est interrogée sur la
stagnation de la dotation relative aux opérations Ville-Vie-Vacances
alors que le Gouvernement affiche des objectifs ambitieux pour élargir
et améliorer le dispositif. Elle s'est étonnée
également de la progression des dépenses de communication et
d'animation relevant du ministère dont la rapidité n'est pas un
garant de bonne gestion.
Concernant l'effort public global, la progression des crédits enregistre
largement l'effet de la mise en place du nouveau cycle contractuel des contrats
de ville sur les sept prochaines années. La présentation du jaune
budgétaire appelle toujours quelques réserves en ce qui concerne
la fiabilité des financements annoncés au titre des
dépenses non contractualisées des ministères. On
regrettera également de ne pas disposer d'éléments plus
précis sur la réalité de l'effort des collectivités
locales.
Au-delà des crédits budgétaires, la politique de la ville
suivie depuis deux ans suscite une déception : même si le
programme
" de rénovation urbaine et de
solidarité "
annoncé le 26 septembre dernier par le
Premier ministre entretient
" l'espoir tardif d'une vraie politique de
la ville ",
pour reprendre le titre d'un journal du soir
1(
*
)
, on éprouve le sentiment que la politique
suivie tâtonne toujours à la recherche d'une " ligne
claire ".
Après les multiples colloques organisés sous l'égide de la
délégation interministérielle à la ville (DIV), la
préparation des contrats de ville semble innover avec le lancement de
cinquante " grands projets de ville " (GPV) dont le contenu et les
moyens demeurent assez flous. Ce n'est qu'après 2000 que l'on mesurera
réellement les moyens et la volonté d'entreprendre du
Gouvernement.
Pendant ce temps, l'impatience reste forte dans les quartiers sensibles
où la violence urbaine semble s'enraciner.
En matière de sécurité, votre commission a constaté
la prise de conscience que représentaient les mesures proposées,
notamment en matière de délinquance des mineurs, lors du conseil
de sécurité intérieure du 26 janvier 1999.
Néanmoins, dans un contexte d'une nouvelle hausse de la
délinquance constatée en 1998, il est encore trop tôt pour
savoir si, au-delà de l'effet d'annonce pluriannuelle, le dispositif
sera efficace.
Dans le domaine du développement économique, votre commission a
constaté que le ministre délégué avait
confirmé, au vu du rapport d'évaluation sur l'exercice 1997, ses
réticences à l'encontre du dispositif d'incitation fiscale et
sociale du pacte de relance pour la ville. Si la décision a
été prise de ne pas reconduire le dispositif, le Gouvernement n'a
pas dessiné d'alternative de nature à garantir le
développement économique des quartiers.
Dans ces conditions, votre commission a émis un avis
défavorable à l'adoption du projet de budget pour la ville pour
2000 tel que transmis par l'Assemblée nationale.
I. L'AUGMENTATION DES ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES TRADUIT L'EFFET DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION DES CONTRATS DE VILLE
A. LE BUDGET DU MINISTÈRE PREND APPUI PLUS FERMEMENT SUR LE FONDS D'INTERVENTION POUR LA VILLE
Les crédits relevant du " bleu budgétaire " du ministère délégué à la ville ne représentent qu'une partie de l'ensemble de l'effort public consacré à la politique des villes et du développement social urbain retracé dans un jaune budgétaire spécifique.
1. Les caractéristiques du budget 2000 du ministère de la ville
Le budget du ministre délégué à la ville, après avoir franchi le seuil symbolique du milliard de francs en 1999, atteindra en 2000 1,415 milliard de francs , soit une hausse apparente de près de 40 %. En réalité, cette hausse spectaculaire mérite d'être nuancée, comme le reconnaît le Gouvernement lui-même.
a) Les transferts
En
effet, le budget ville pour 2000 fait l'objet de
deux catégories de
transfert
.
• En premier lieu, deux chapitres du compte d'affectation
spéciale du
Fonds d'aménagement pour la région
d'Ile-de-France
(FARIF) seront désormais rattachés au
budget : il convient de rappeler que le FARIF est un compte spécial
du Trésor (
n° 902-22
) créé en 1990 et
alimenté, jusqu'à l'année dernière par le produit
de la
taxe sur les locaux à usage de bureau en Ile-de-France
.
L'assiette de cette taxe a été élargie par la loi de
finances pour 1999 : elle porte désormais également sur les
locaux commerciaux et les locaux de stockage. En outre, le tarif de la taxe
doit être augmenté progressivement.
Au total,
225 millions de francs
sont transférés du FARIF
vers le budget général :
En fonctionnement, 100 millions de francs de crédits, inscrits sur
le chapitre X du FARIF, sont transférés vers la section de
fonctionnement du budget de la ville (
chapitre 46-60,
article 29
). Ces sommes seront consacrées au
développement social urbain en Ile-de-France.
En investissement, les autorisations de programme du chapitre IX du FARIF,
à hauteur de 125 millions de francs, sont désormais
rattachées au budget de la ville (
chapitre 67-10,
article 50
).
• En second lieu,
160 millions de francs
sont
transférés de divers ministères -Justice, Jeunesse et
Sports, Emploi et Solidarité, Aménagement du territoire et
Environnement- vers le
Fonds d'intervention pour la ville
(FIV), sous
l'autorité du ministre délégué.
Compte tenu de ces deux mouvements de crédit,
le budget de la ville
augmente en réalité de 10,5 % à structure
constante
. Si l'on retire les mouvements liés aux transferts, on
constate que le budget fait apparaître 75 millions de francs de
mesures nouvelles nettes en fonctionnement (+ 9,74 %) et une
quasi-stabilité des autorisations de programme.
b) La structure du budget
Le
budget de la ville se décompose à 78 % de dépenses de
fonctionnement et à 22 % de dépenses d'investissement.
1,1 milliard de francs est donc consacré aux dépenses de
fonctionnement. Cette somme se décompose de la manière suivante.
La majeure partie, soit
990 millions de francs
, est
consacrée aux
dépenses d'intervention
pilotée par
la DIV : 770 millions de francs sont gérés de
manière globale dans le FIV tandis que le solde, soit 220 millions de
francs, abonde les chapitres budgétaires spécifiques pour
financer les opérations " Ville, vie, vacances " ou les
dépenses courantes liées aux grands projets de
réaménagement.
Les
dépenses de fonctionnement
de la DIV représentent
119 millions de francs
, qu'il s'agisse des moyens de fonctionnement
des services ou des dépenses de communication. Il est à noter que
cette somme n'inclut pas les dépenses de personnel qui sont prises en
charge sur les crédits du ministère de l'emploi et de la
solidarité et qui s'élèvent selon le jaune
budgétaire à 16,49 millions de francs pour 2000.
Structure du " bleu ville " pour 2000
S'agissant des dépenses d'investissement, les
autorisations
de programme passent de 414 à 537 millions de francs, soit une hausse de
30 % due au transfert de certaines dépenses d'investissement du
FARIF. Les crédits de paiement s'élèvent à
309,5 millions de francs pour 2000.
Il est à noter que le ministère de la ville a en compte
près de 4,4 milliards de francs d'autorisations de programme au
1
er
janvier 1999. Dans la mesure où le montant des
crédits de paiement en compte s'élève à
2,9 milliards de francs au 1
er
janvier 1999, il existe
donc un reliquat de 1,44 milliard de francs d'autorisations de programme
non engagées.
c) Les mesures nouvelles
En
dehors des transferts et des dépenses d'investissement, le budget
comprend les mesures nouvelles suivantes :
-
70 millions de francs
sont prévus en dépenses
d'intervention : ces crédits sont principalement consacrés
au financement des contrats de ville (+ 57,5 millions de francs) et
aux communes engagées dans un grand projet urbain et en
difficulté financière (+ 12 millions de francs) ;
-
5 millions de francs
sont destinés à
améliorer les moyens de fonctionnement, dont 4 millions de francs
consacrés à l'animation du réseau des partenaires de la
politique de la ville.
2. Les observations de votre commission
Le bleu budgétaire pour 2000 appelle trois observations de la part de votre commission.
a) Un renforcement utile du FIV
Le
ministère de la ville est dotée, à travers le FIV, d'une
enveloppe de crédits
de plus en plus consistante
.
On ne peut que s'en féliciter car la création de ce fonds
répondait à un objectif de simplification. Avant la
création du FIV en 1995, les crédits des divers ministères
concernés faisaient l'objet de délégations
séparées dans les préfectures, soit 11
délégations au total, assorties de dispositions
spécifiques sur les règles de financement, ce qui
représentait près de 7 circulaires d'application.
Aujourd'hui les crédits du FIV sont délégués en une
seule fois aux préfets de départements et ils constituent une
dotation globale et fongible qui permet de financer notamment les actions
inscrites au contrat de ville.
Le FIV, qui mobilisait 530 millions de francs l'année dernière,
passe cette année à 771 millions de francs en dépenses de
fonctionnement.
Votre rapporteur se félicite de cette dimension nouvelle ainsi
conférée à un dispositif mis en place en 1995 pour limiter
le nombre des opérations cofinancées par plusieurs
ministères, assurer une certaine fongibilité des crédits
au niveau déconcentré et accroître ainsi la
lisibilité de la politique de la ville.
b) La stagnation décevante des crédits Ville-Vie-Vacances
L'évolution des crédits relatifs aux
opérations
" Ville, vie, vacances " est décevante. Ces derniers
2(
*
)
stagnent à 50 millions de francs
Dispositif de prévention de la délinquance juvénile et
tentative d'insertion de jeunes en danger, l'opération
Ville-vie-vacances s'est étalée en 1998 sur l'ensemble des
congés scolaires.
900.000 jeunes
de moins de 18 ans ont
été concernés par 11.000 projets
départementaux et une trentaine de projets nationaux. 85 millions
de francs ont été engagés par l'Etat. Avec l'ensemble des
partenaires -notamment les collectivités locales et les caisses
d'allocations familiales- le
budget global
de l'opération se
monte à
300 millions de francs
.
Le Conseil des ministres du 17 février 1999 a fixé les
nouvelles
orientations pour 1999
avec une dépense du budget de
l'Etat de 91,95 millions de francs. M. Claude Bartolone, ministre
délégué à la ville, a retenu
" trois
orientations fortes "
pour la mise en oeuvre du dispositif pendant les
vacances de 1999 :
- recentrer les actions et développer les réponses en
direction des jeunes les plus fragilisés ou qui ne sont pas accueillis
dans les structures traditionnelles ;
- mettre en oeuvre, sur l'ensemble du territoire, un plan d'accueil des
jeunes afin de permettre une meilleure coordination entre les
départements d'origine et les départements d'accueil et faciliter
ainsi le déroulement des séjours des jeunes dans les zones
touristiques ;
- répartir les financements entre les départements sur la
base d'indicateurs sociaux et démographiques qui permettent, à la
fois, une concentration de moyens supplémentaires dans les
départements les plus en difficulté et des interventions plus
significatives de l'Etat dans les départements moins urbanisés
mais touchés par des difficultés liées au
désoeuvrement des jeunes.
La réussite des opérations d'été dans les
stations qui accueillent de nombreux touristes est souvent un défi
.
Pour que puissent cohabiter harmonieusement les familles d'estivants et les
jeunes issus des quartiers sensibles, les collectivités locales et
l'Etat engagent des moyens financiers et en personnels pour assurer un
encadrement, une surveillance, voire une médiation, en cas de conflit.
La situation est compliquée par le fait que s'ajoutent aux jeunes qui
font l'objet d'un accompagnement spécifique, ceux qui se
déplacent par leurs propres moyens, en bénéficiant souvent
des chèques-vacances subventionnés au titre de l'action sociale.
Sur ce point, il convient de regretter pour quelques opérations un
certain manque de préparation qui peut être de nature à
générer certains incidents. Une récente interview de
M. Malek Boutih, Président de SOS Racisme, traduit le sentiment de
certains gestionnaires d'association sur le terrain.
Votre rapporteur souligne que ces critiques ne concernent pas directement les
jeunes partant dans le cadre des opérations Ville-Vie-Vacances qui
bénéficient le plus souvent d'un accompagnement permettant
d'assurer un minimum d'encadrement.
Les déclarations du président de SOS Racisme, Malek Boutih 3( * )
Malek
Boutih :
Je crois qu'il y a, petit à petit, une politique
d'assistanat qui s'est mise sur pied. C'est-à-dire, on paie des vacances
de temps en temps aux jeunes, en contrepartie du fait que tout le reste de
l'année, ils sont dans leur galère, comme on dit.
Résultat : tout le monde y est perdant : eux, parce qu'on les
met dans une logique de consommation qui est gratuite, sans qu'ils fassent
d'efforts, sans qu'ils imaginent pouvoir s'en sortir par eux-mêmes et
puis le reste de la société qui, parfois, se retrouve dans des
situations conflictuelles avec eux. (...)
Olivier Mazerolle
: Pour les vacances, c'est-à-dire que vous
pensez qu'il faudrait arrêter cela ?
Malek Boutih
: J'ai mené une expérience qu'on appelle
" les chantiers d'été " ; les chantiers
d'été c'est quoi ? Les jeunes participent eux-mêmes
à des chantiers, en Afrique, où ils construisent des terrains de
sport, des centres de santé, en contrepartie de leurs vacances.
C'est-à-dire qu'ils n'ont pas un rapport de consommation, qu'ils se
rendent utiles, qu'ils ont l'impression d'avoir une richesse, eux, aussi qu'ils
amènent aux autres. Tandis que les chèques vacances, c'est
quoi ? Vous prenez un jeune qui est dans son quartier toute
l'année, qui galère -comme il le dit lui-même-, vous lui
payez des vacances sur la Côte d'Azur pendant trois semaines, il ne
comprend plus rien. Il ne comprend pas, alors, pourquoi cela ne dure pas toute
l'année, pourquoi est-ce que cela ne dure que trois semaines et puis, il
a l'impression de facilité ; il ne sait plus exactement quelle est
sa place dans la société. (...)
En revanche, il est clair que certaines interrogations peuvent peser dans le
cas de jeunes, souvent plus âgés que ceux des opérations
Ville-Vie-Vacances, qui partent de leur propre initiative en
bénéficiant d'aides diverses. Il est à noter que les
destinations choisies par ces jeunes sont souvent liées à celles
qu'ils ont précédemment connues dans le cadre des
opérations Ville-Vie-Vacances ou qu'elles peuvent être choisies en
fonction des opérations préparées pour les jeunes de la
commune d'origine.
En tout cas, s'agissant du public cible de l'opération,
c'est-à-dire les jeunes âgés de 13 à 18 ans,
les jeunes filles et les jeunes gens issus de l'immigration, les
opérations Ville-Vie-Vacances ne se résument pas seulement
à une démarche de loisirs.
Profitant de l'attrait des sports mécaniques, la police nationale met
à disposition dans les
centres de loisirs jeunesse
(CLJ), sur des
quartiers sensibles ou dans une opération " piste
itinérante ", des personnels de la police et des compagnies
républicaines de sécurité ainsi que des structures et du
matériel. Les activités développées
(activités sportives, éducatives, apprentissage de la conduite,
du comportement sur la route...) permettent également à des
jeunes, souvent en attitude de rupture, d'intégrer les règles et
de mieux comprendre la loi. D'autres stages à caractère sportif
sont également proposés par le ministère de la
défense.
Les
opérations à caractère humanitaire
sont prises
en charge par le ministère de la coopération dans un programme
intégré nationalement aux opérations
Ville-Vie-Vacances - Solidarité Internationale (VVV-SI). Ces
actions, outre leur caractère humanitaire, permettent aussi aux jeunes
en difficulté de relativiser leurs problèmes et leurs attentes en
prenant en considération la situation précaire de certaines
populations rencontrées dans les pays en développement. L'impact
de l'accueil des pays étrangers crée souvent une motivation en
faveur de la solidarité et favorise l'autonomie des jeunes.
Par ailleurs, deux actions spécifiques ont été conduits en
1999 pour responsabiliser les jeunes.
Tout d'abord, l'opération
" La violence parlons-en "
a
mobilisé deux éducateurs spécialisés
diplômés dans les centres de vacances du littoral aquitain.
Ensuite, une charte visant à favoriser l'accueil des jeunes sur les
lieux touristiques a été préparée entre le
ministère de la ville, les associations des maires des communes dont
sont issus les jeunes et celles des communes qui les accueillent. Le but est de
coordonner et d'organiser le départ des jeunes, qu'ils soient
intégrés ou non au dispositif Ville-Vie-Vacances.
Cette action devrait compléter la mise en place des
plans d'accueil
des jeunes dans les communes touristiques
(PAJECOT). Ceux-ci ont
été mis en oeuvre dans les départements de la Gironde et
des Landes et prennent le relais des plans littoraux expérimentés
de 1995 à 1998.
Votre rapporteur considère
qu'il est important que les
collectivités locales d'origine " responsabilisent " les
jeunes qu'elles envoient
, en veillant à ce qu'ils se comportent
correctement là où ils sont reçus.
Il reste que les communes d'accueil auront inévitablement
des
dépenses supplémentaires à engager
, ne serait-ce qu'en
raison du manque de formation des personnels d'encadrement souvent
souligné par les évaluations faites au niveau local.
La stagnation des crédits destinés aux opérations
Ville-Vie-Vacances, qui avaient été augmentés de
6 millions de francs en 1999, est d'autant plus paradoxale que le
Gouvernement se donne des objectifs ambitieux pour 2000 :
- ramener de 13 à 11 ans l'âge minimum des
bénéficiaires de l'opération ;
- ne plus circonscrire le programme exclusivement à des quartiers
spécifiques en dotant de moyens plus conséquents les
départements dans lesquels les problèmes sont les plus
aigus ;
- financer de manière plus importante les
42 départements qui ont intégré le dispositif en
1997, en utilisant des indicateurs identiques sur l'ensemble du territoire (ces
départements ont reçu en effet une dotation forfaitaire). En
1999, la dotation départementale minimale est de 50.000 francs, ce
qui est nettement insuffisant. Le seuil minimum préconisé dans un
rapport de l'IGAS est de 100.000 francs ;
- accroître la dotation des départements prioritaires, sur la
base des besoins de lutte contre les exclusions, de prévention de la
délinquance, etc. ;
- travailler sur un véritable plan de formation des personnels
d'encadrement, soit localement, soit nationalement. Un rapprochement avec les
ministères chargés de ces formations pourrait permettre de mettre
en place un programme, cofinancé par l'Union européenne.
Votre commission souhaite que l'Etat au-delà des objectifs qu'il se
donne, continue à assumer ses responsabilités en matière
d'encadrement et de responsabilisation des jeunes.
De ce point de vue, les
objectifs annoncés, dès lors que le financement d'Etat reste
inchangé, ne pourront être tenus sans un recours accru aux
financeurs locaux.
c) L'importance croissante des dépenses de communication
La
troisième observation de votre commission porte sur l'importance
croissante des dépenses de communication.
Déjà amorcé l'année dernière, le mouvement
se confirme avec la création d'une ligne budgétaire
spécifique dotée de
5 millions de francs
pour les
expertises et les colloques
(chapitre 37-60, ligne 50)
qui vient
s'ajouter aux 4 millions de francs déjà prévus pour la
communication.
Il est révélateur également que la ligne budgétaire
des " dépenses locales d'animation ", qui financent des
réunions locales d'évaluation et des séminaires de
réflexion, soit fusionnée avec la ligne budgétaire
destinée à l'élaboration des projets publics de quartier,
elle-même toujours dotée de 73,5 millions de francs.
L'ensemble des crédits de cette ligne pourront désormais
être mobilisés dans la plus grande souplesse au titre de
" l'animation ".
Il y a lieu de se demander si, en pratique, les dépenses d'animation ne
vont pas totalement " phagocyter " les fonds destinés au
service public de quartiers. Ces derniers, conformément au CIV du
30 juin 1998, ont pour objet de permettre la réalisation par les
préfets de diagnostics locaux sur la situation des services publics
à partir de consultation des habitants et de débats, diagnostics
qui ont dû être présentés et débattus au
début de 1999 en
commission départementale d'organisation et
de modernisation des services
publics
. La DIV a
précisé qu'elle avait reçu 66 diagnostics
" de
qualité très inégale "
qui doivent encore
être synthétisés par l'Inspection générale de
l'administration.
Enfin, il n'est pas inutile de rappeler que l'augmentation des crédits
de fonctionnement, déjà constatée en 1999, était
justifiée alors par la création de
l'Institut pour la
ville
qui tarde encore à se mettre en place. Votre commission avait
émis des réserves lors de l'examen du précédent
budget sur l'utilité réelle de cet organisme ayant, selon ses
promoteurs,
" pour vocation essentielle de capitaliser, de valoriser et
de diffuser les connaissances et les pratiques dans le domaine des savoirs
urbains ".
Le ministère indique que les premiers travaux qui
ont permis de préciser les missions et les modalités
d'intervention de cet organisme seront rassemblés dans un projet de
" charte partenariale fondatrice de l'Institut pour la ville "
qui sera très prochainement diffusé auprès du
réseau des parties prenantes.
Au total, ce sont désormais près de 97 millions de francs
qui peuvent être utilisés par le ministère pour
développer le " faire savoir " plutôt que le savoir
faire.
Il ne s'agit pas de nier l'utilité de toute communication
: ce qui
peut paraître inquiétant en revanche, c'est ce soudain afflux de
crédits, depuis deux ans sur des catégories de dépenses
dont le contenu reste relativement flou.
B. L'EFFORT PUBLIC GLOBAL CONSACRÉ À LA VILLE ENREGISTRE L'EFFET DU NOUVEAU CYCLE DES CONTRATS DE VILLE
Le " jaune budgétaire " récapitule l'ensemble de l'effort public consacré à la ville : celui-ci devrait passer de 31,5 à 35 milliards de francs en 2000, soit une hausse de 10 % comparable à celle du budget ville (hors transfert).
1. Les trois catégories de dépenses du " jaune budgétaire "
Schématiquement, trois blocs peuvent être distingués en matière de financement global de la politique de la ville : l'Etat, les collectivités territoriales et les autres partenaires.
a) Les dépenses de l'Etat
Les
dépenses du budget de l'Etat recensées au titre de la politique
de la ville s'articulent autour de quatre actions.
- Les crédits dont la gestion relève directement de la
Délégation elle-même
et qui, soit sont inscrits sur le
bleu budgétaire du ministère des affaires sociales, soit
transitent en gestion par le fonds d'intervention pour la ville (FIV).
Ces crédits s'élèvent à
1,75 milliard de
francs
en 1999.
- Les crédits des différents ministères
afférents aux contrats de plan et aux contrats de ville
représentent
2,3 milliards de francs en 2000
par rapport
à 1998.
Ils comprennent à la fois des crédits qui ont fait l'objet d'un
engagement contractualisé dans les contrats de ville
(1.856 millions de francs), tels que les investissements du
ministère du logement affectés à la réhabilitation
des logements HLM, et les dépenses ordinaires des ministères qui
viennent financer les actions inscrites aux programmes d'action des contrats de
ville sans faire l'objet d'engagements pluriannuels (993 millions de
francs).
- Les crédits des différents ministères qui
concourent indirectement à la politique de développement social
urbain mais qui ne sont pas consommés dans le cadre des contrats de
ville,
comme les crédits consacrés par le ministère du
travail aux emplois-jeunes. Ces crédits ne font pas l'objet
d'engagements pluriannuels.
Ces crédits sont assez stables et passent de 10,1 milliards de
francs en 1997 à
10,8 milliards de francs en 2000
.
- Le manque à gagner en recettes de l'Etat au titre des
dépenses fiscales et sociales et de leur compensation versée aux
collectivités locales, ou aux régimes de sécurité
sociale, s'élève en estimation à
3,3 milliards de
francs
.
Il est important de souligner que, pour 1998, alors que les estimations
initiales portaient sur 2,5 milliards de francs, le coût
définitif s'est établi à 3,08 milliards de francs.
A dessein, votre rapporteur ne reprend pas au titre des dépenses de
l'Etat, les dotations de solidarité urbaine (DSU) qui relèvent de
la solidarité entre collectivités locales.
Au total, les dépenses budgétaires fiscales et sociales de l'Etat
s'élèvent donc à
18,2 milliards de francs pour
2000
contre 15,4 milliards de francs en 1999.
b) Les engagements des collectivités territoriales
Comme
l'année dernière, le jaune budgétaire fait
apparaître la contribution budgétaire des collectivités
territoriales. Il s'agit d'une estimation dans la mesure où cette
donnée est établie à partir des annexes des contrats de
ville, lesquels sont encore en cours de préparation concernant la
période 2000-2006. Cette contribution est évaluée à
3,8 milliards de francs pour 2000, contre 31,5 en 1999.
Le jaune budgétaire présente également les données
d'exécution des contrats de plan et des contrats de ville. Pour 1998,
avant-dernière année du XIe plan, il apparaît une
progression de la participation des régions aux contrats de plan
Etat-régions (CPER), celle-ci s'établissant à
401 millions de francs contre 300 millions de francs environ
l'année précédente.
Concernant les dépenses des contrats de ville en 1998, si l'on
agrège les dépenses de fonctionnement et celles d'investissement,
la participation des communes s'élève à 1,6 milliard de
francs, celle des régions à 541 millions de francs et celle
des départements à 332 millions de francs.
Enfin,
il convient d'inclure dans l'effort des collectivités
territoriales, les fractions des dotations inscrites au budget qui
relèvent de la mise en oeuvre de la solidarité financière
entre les communes
. Celles-ci devraient représenter
4,6 milliards de francs en 2000.
Deux dotations doivent ainsi être réintégrées dans
la contribution des collectivités locales à la politique de la
ville : tout d'abord, le
Fonds de solidarité des communes de la
région d'Ile-de-France
(FSCRIF) qui représente
722 millions de francs en 2000 et qui est constitué des
contributions prélevées sur les communes de la région. A
cet égard, M. Jean-Pierre Sueur rappelle dans son rapport
4(
*
)
que la Cour des comptes considère que les
crédits du fonds en question ne font que transiter par le budget de
l'Etat et qu'il est donc abusif de les retenir au titre de l'effort financier
de l'Etat.
Concernant la DSU, M. Jean-Pierre Sueur remarque que, si cette dotation fait
l'objet d'une inscription budgétaire, il s'agit d'une fraction de la
dotation globale de fonctionnement (DGF) de toute façon à la
charge de l'Etat. La DSU, qui n'est pas uniquement versée aux communes
de la géographie prioritaire de la politique de la ville, correspond
à
un financement de solidarité des communes
entre
elles,
au sein d'une dotation que l'Etat est tenu, en tout état de
cause, de verser à celles-ci indépendamment des règles de
répartition.
La seule nuance à apporter tient à la majoration exceptionnelle
de 500 millions de francs de la DSU financée par un apport
spécial du budget de l'Etat. Sur un montant estimé de
3,8 milliards de francs de DSU en 2000, la part relevant strictement de la
solidarité entre collectivités locales s'élève donc
à 3,3 milliards de francs.
La contribution totale des collectivités locales s'élève
donc pour votre rapporteur, globalement à
7,9 milliards de
francs
.
c) Les autres partenaires de la politique de la ville
Il
s'agit en premier lieu de la
Caisse des Dépôts et
Consignations
à travers notamment les " prêts projets
urbains " (PPU) destinés à financer des investissements sur
les sites en contrat de ville. Au total, l'intervention de la CDC
représente
6,8 milliards de francs
. Il convient
néanmoins de rappeler que, même si ces prêts sont consentis
à des taux avantageux, les emprunteurs sont à 82 % des
collectivités locales et à 16 % des bailleurs sociaux et des
sociétés d'économie mixte.
Le second concours important est assuré par les
Fonds structurels
européens
qui représenteront, en principe, un apport de
1,4 milliard de francs en 2000.
Les
quatre " pôles " de l'effort public " ville "
2. Les observations de votre commission
Votre commission a émis deux observations sur le " jaune budgétaire ".
a) L'effet porteur de la mise en oeuvre des nouveaux contrats de ville
Tout
d'abord, le maintien à bon niveau de ce budget prend en compte la
montée en puissance des nouveaux contrats de ville (2000-2006) au niveau
tant des dépenses de l'Etat que de celles des collectivités
territoriales.
Si l'on globalise les engagements de l'Etat et des collectivités
locales, on constate que l'ensemble passe de 24,1 milliards de francs en
1999 à 26,6 milliards de francs en 2000, soit une progression de
2,4 milliards de francs.
Plus de la moitié de cette hausse est
due à la hausse des crédits contractualisés dans le cadre
des contrats de ville
, que ce soit pour l'Etat (+ 647 millions de
francs) ou pour les collectivités locales (740 millions de francs).
Les précédents contrats de ville conclus initialement sur la
période (1994-1998), puis prorogés jusqu'en 1999, avaient
été mis en place au second semestre de 1993 lorsque Mme Simone
Veil était ministre des affaires sociales de la santé et de la
ville. Six ans après, la signature d'une nouvelle
génération de contrats de ville donne lieu naturellement à
une revalorisation significative des engagements pour les sept prochaines
années (2000-2006).
La mise en place des nouveaux contrats de ville joue donc comme un stimulant
réel sur l'évolution de l'effort public de la ville.
b) Le caractère imprécis des dépenses non contractualisées des ministères
Les
crédits relevant de divers ministères concourant à la
politique de la ville sont évalués au total à
10,7 milliards de francs dans le jaune budgétaire et progressent de
666 millions de francs par rapport à l'année
précédente.
Comme l'avait fait remarquer la Cour des comptes dans son rapport de 1995,
il est toujours très difficile de savoir si les critères
à partir desquels certains crédits sont réputés
servir la politique de la ville sont pertinents
.
Ainsi par exemple, s'agissant de la justice, le dispositif semble
agréger diverses dépenses relatives aux conseils
départementaux d'accès au droit ou aux crédits d'aide aux
victimes. Ces dispositifs ne sont pas réservés exclusivement aux
quartiers en difficulté.
L'Education nationale, qui représente 3 milliards de francs de
crédits non contractualisés, détermine le niveau de ses
dépenses " ville " en tenant compte des majorations de
crédits pédagogiques et des indemnités de sujétion
des enseignants dans les zones d'éducation prioritaire (ZEP).
Or, la délimitation de ces dernières excède le
" territoire " des zones urbaines sensibles, et
a fortiori
les
175 établissements sensibles répartis dans vingt académies
" où les phénomènes de violence et
d'insécurité ont entraîné une dégradation des
conditions de travail et compromettent la scolarité des
élèves ainsi que l'action éducative des
étudiants "
comme le rappelle le jaune budgétaire.
Une approche méthodologique plus rigoureuse doit présider au
recensement des crédits non contractualisés des ministères
consacrés à la politique de la ville : cette dernière
notion ne doit pas être entendue de manière trop extensive faute
de quoi les crédits recensés seraient trop extensifs et
l'indicateur statistique serait faussé.
Afin de permettre une meilleure information, votre rapporteur ne verrait que
des avantages à ce que le jaune budgétaire fournisse
des
explications plus précises sur les chapitres budgétaires qui sont
utilisées pour calculer les crédits non contractualisés
ainsi que les coefficients de ventilation forfaitaire éventuellement
utilisés
.
Un autre point sujet à caution est celui de la
prise en compte des
emplois-jeunes
qui ont largement contribué à améliorer
le niveau des crédits non contractualisés depuis deux ans. Comme
les années précédentes, le Gouvernement considère
que 20 % du montant total des crédits du programme " nouveaux
services - nouveaux emplois ", qui s'élève à
21,25 milliards de francs, bénéficient aux jeunes issus des
quartiers de la politique de la ville. En réalité, le jaune
budgétaire estime qu'au 30 juin 1999 la proportion des jeunes en
question serait de 15 %.
Même si le résultat obtenu est loin d'être
négligeable il faut là encore être prudent sur l'analyse
des crédits non contractualisés.
c) L'ampleur des dépenses réelles des collectivités locales est sous-estimée
Le
montant des dépenses des collectivités locales, qui sont
destinées aux quartiers sensibles mais qui ne sont pas
individualisées dans les contrats de ville, telles que par exemple les
dépenses induites par les opérations Ville-Vie-Vacances, ne sont
pas prises en compte dans le montant de l'intervention des collectivités
locales inscrite dans le jaune budgétaire.
S'agissant des emplois-jeunes, il est important de souligner que même si
l'Etat prend en charge, pendant cinq ans, 80 % du coût de la
rémunération de l'emploi-jeune, par référence au
SMIC, le solde demeure à la charge des employeurs et notamment des
collectivités locales concernées.
Ainsi, dans le cadre des contrats locaux de sécurité, les
communes sont appelées à financer le recrutement des agents
locaux de médiation qui sont souvent appelés à intervenir
dans les quartiers sensibles.
Les dépenses réelles des collectivités locales
consacrées aux zones urbaines sensibles sont donc plus
élevées que ne le retrace le strict bilan des annexes des
contrats de ville.
Pour réaliser une parfaite symétrie avec la présentation
de l'effort du budget de l'Etat, il conviendrait, en pratique, de
faire
apparaître les dépenses des collectivités locales qui
contribuent à la politique de la ville même si elles ne sont pas
contractualisées
. Bien entendu, cette donnée ne pourrait
qu'être estimée à partir d'un échantillon
représentatif afin de ne pas alourdir les charges statistiques des
communes.
II. UNE POLITIQUE DE LA VILLE INDÉCISE ET ENCORE INSUFFISANTE EN TERMES DE SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE
Après avoir examiné l'évolution des crédits budgétaires, votre commission a souhaité présenter quelques observations plus générales sur la conduite de la politique de la ville depuis la nomination de M. Claude Bartolone en avril 1998.
A. UNE POLITIQUE DE LA VILLE TOUJOURS À LA RECHERCHE D'UNE LIGNE CLAIRE
Depuis
maintenant deux ans, la politique de la ville du Gouvernement, par delà
les actions à caractère général de
différents ministères, semble toujours à la recherche d'un
axe fort.
Paradoxalement, depuis la déclaration de politique
générale du Premier ministre qui avait mis la politique de la
ville au rang de ses priorités, il est encore difficile de discerner
quels dispositifs spécifiques vont être mis en place dans les
quartiers.
1. Une intense activité de réflexion
On se
souvient que le flou de la politique de la ville conduite sous l'égide
de Mme Martine Aubry avait suscité certaines réserves dont votre
commission s'était fait l'écho. A la fin de 1997, peu avant la
nomination de M. Bartolone en tant que ministre
délégué, la ministre de l'emploi et de la
solidarité avait renvoyé au rapport demandé à M.
Jean-Pierre Sueur, maire d'Orléans, qui
" devait proposer les
voies et moyens qui permettraient à la politique de la ville d'atteindre
ses objectifs ".
Plus d'un an après sa parution, force était de constater que le
rapport en question ne fournit pas une politique " clés en
main ".
Votre rapporteur a déjà commenté dans son avis de
l'année dernière les principaux aspects du rapport
" Sueur ". Ce dernier se situe souvent au stade des
déclarations d'intentions très générales, comme en
témoignent, pour mémoire, les quatre premières
propositions :
-
" la politique de la ville appelle aujourd'hui une mobilisation
nationale de grande ampleur sur une longue durée "
;
-
" la ville du futur sera multipolaire "
;
-
" beaucoup de quartiers relevant de la politique de la ville doivent
être profondément transformés "
;
-
" le niveau pertinent pour les décisions structurantes est
celui de l'agglomération "
.
Outre la difficulté à proposer des mesures concrètes, ce
rapport ne lève pas une ambiguïté originelle :
demandé par Mme Aubry sur les problèmes des banlieues en
difficulté touchées par les processus d'exclusion et de
ségrégation spatiale et sociale, il présente surtout une
réflexion d'ensemble sur le rôle futur des villes et des
agglomérations dans la société de demain.
Depuis mars 1998, le Gouvernement semble donc se hâter prudemment pour
définir les contours de sa nouvelle politique de la ville en faveur des
quartiers sensibles.
Signe peut-être d'un certain trouble conceptuel, on a assisté
à la multiplication des colloques et des réunions
organisés sous l'égide du ministère
délégué. Votre commission ne conteste pas l'utilité
de rencontres avec les différents acteurs de la société
civile, elle souligne néanmoins que ces rencontres auraient plus de
portée si elles permettaient d'articuler la réflexion des
participants sur un projet plus précis.
De la politique de la ville à la " politique des colloques sur la ville "
17 mars
à Montpellier : Rencontres nationales de la prévention de
la délinquance
31 mars à Tours : Rencontres nationales des acteurs de
l'éducation sur " l'éducation dans la ville : une
responsabilité partagée "
6 mai à Paris : Rencontres nationales des élus de la
politique de la ville
28 et 29 juin à Nantes : Rencontres nationales des acteurs de
l'économie et de l'emploi : " Réussir la ville
solidaire ".
Pour 1999, le bilan concret de l'action du Gouvernement est constitué
soit des mesures générales prises au sein de divers
ministères, soit de la préparation de mesures qui ne prendront
effet qu'après 2000.
2. Des initiatives dispersées
a) L'approfondissement de la notion d'agglomération
Sur le
plan législatif, le bilan du Gouvernement est constitué de
mesures prises pour renforcer institutionnellement la notion
d'agglomération :
-
la loi n° 99-586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et
à la simplification de la coopération intercommunale
qui
crée la communauté d'agglomération.
La communauté d'agglomération est un établissement public
de coopération intercommunale formant un ensemble de plus de
50.000 habitants,
" d'un seul tenant et sans enclave "
,
autour d'une ou plusieurs communes centres de plus de 15.000 habitants. La
communauté est notamment compétente en matière de
politique de la ville dans la communauté (dispositifs contractuels de
développement urbain, de développement local et d'insertion
économique et sociale d'intérêt communautaire ;
dispositifs locaux, d'intérêt communautaire, de prévention
de la délinquance) ;
-
la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire institue
le projet d'agglomération.
Ce projet détermine, notamment,
les orientations que se fixe l'agglomération en matière de
développement économique et de cohésion sociale,
d'aménagement et d'urbanisme, de transport et de logement, de politique
de la ville, de politique de l'environnement et de gestion des ressources.
Le ministère de la ville est assurément partie prenante de ces
textes mais
ces réformes institutionnelles ne constituent pas une
modification législative substantielle du dispositif de la politique de
la ville.
Pour l'avenir est annoncé l'examen d'un projet de loi " Urbanisme,
habitat, déplacements ", préparé sous l'égide
du ministre de l'équipement, des transports et du logement, qui devrait
réviser les dispositions applicables en matière de
réalisation de logements sociaux prévues par la loi d'orientation
pour la ville de 1991.
b) Le dispositif de lutte contre les discriminations
Dans le
domaine de l'intégration, le Gouvernement a mis en place des dispositifs
de lutte contre les discriminations qui pourraient être utiles aux jeunes
résidant dans les quartiers. Mais là encore ce dispositif ne
s'adresse pas spécifiquement aux zones urbaines sensibles.
Au premier trimestre 1999, le ministre de l'intérieur a mis en place,
dans chaque préfecture, une
commission départementale
d'accès à la citoyenneté
(CODAC). Ces commissions sont
chargées de recueillir les informations sur les discriminations dont
sont notamment victimes les jeunes issus de l'immigration en matière
d'embauche, de logements ou de loisirs.
Par ailleurs, le 6 avril 1999, M. Jean-Michel Belorgey, Conseiller d'Etat, a
remis à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, un
rapport intitulé
" Lutter contre les discriminations "
où il se prononce en faveur de la mise en place d'une autorité
indépendante en ce domaine.
Par arrêté du 31 mai 1999, Mme Martine Aubry a instauré
pour six ans, un
groupe d'étude sur les discriminations (GED)
constitué sous la forme d'un groupement d'intérêt public
dont la première réunion s'est tenue le 24 septembre
dernier. Le ministère de la ville participe à ce GIP.
3. Des projets pour l'après 2000
a) Les contrats de ville
L'action
du ministère délégué semble donc être
focalisée sur la préparation de la prochaine
génération des contrats de ville (2000-2006) qui doivent
être signés d'ici la fin de cette année.
Les nouveaux contrats de ville doivent dépasser l'échelle du
quartier pour être élargis aux villes et aux agglomérations
et doivent aller de pair avec une plus forte implication des conseils
généraux. La participation des habitants à la
définition et à la mise en oeuvre des contrats doit être
améliorée.
Les contrats de ville, conformément aux orientations fixées par
le Premier ministre dans sa circulaire du 31 décembre 1998, ont
été préparés au cours de 1999, dernière
année de mise en oeuvre du XIe Plan (1995-1999).
Votre rapporteur a été informé que, au cours du premier
semestre 1999, les préfets de département ont engagé avec
les collectivités locales susceptibles de s'inscrire dans le dispositif
contrats de ville
" des diagnostics partagés ".
Sur la base des premiers éléments de ces diagnostics, les
préfets de région ont arrêté, en conférence
administrative régionale, la liste des sites bénéficiaires
à terme d'un contrat de ville. Un document commun d'orientation
établi entre les partenaires au plan local a servi de base à la
préparation du contrat proprement dit ; celle-ci a dû se
dérouler au cours du deuxième semestre 1999.
Dans le même temps, en application de la circulaire
précitée du Premier ministre, les préfets de
département ont proposé aux conseils généraux la
signature d'une convention particulière sur la politique de la ville qui
pourra s'accompagner de la signature des contrats de ville. Selon la DIV, il
apparaît que les conseils généraux ont bien
été associés à la phase de préparation des
contrats de ville. Les conseils régionaux détermineront leur
participation à la politique de la ville dans le cadre des contrats de
plan Etat-région (CPER) mais, d'ores et déjà, une partie
d'entre eux sont partie prenante des travaux locaux.
Les contrats de ville 2000-2006 doivent constituer la procédure de
contractualisation unique de la politique de la ville. Ils pourront concerner
aussi bien des agglomérations que des villes petites ou moyennes, si la
gravité des problèmes rencontrés dans ces aires urbaines,
la capacité de mobilisation et de coopération des acteurs locaux
ainsi que la qualité du projet collectif d'action solidaire le
justifient ; ils reposeront dans toute la mesure du possible sur une
démarche intercommunale, s'appuyant sur les établissements
publics de coopération intercommunale ou sur une
" intercommunalité de projet ".
Il faudra attendre la signature effective des contrats de ville pour savoir
si ces engagements seront tenus.
b) Les grands projets de ville
Le
Gouvernement -semble-t-il conscient de l'importance des attentes insatisfaites
dans le domaine de la politique de la ville- a esquissé un nouveau
dispositif, dont l'effet ne pourra se faire sentir qu'après 2000.
Ainsi, lors de son intervention aux Journées parlementaires du groupe
socialiste du 27 septembre dernier, le Premier ministre, dans le cadre de ce
qu'il qualifie de
" deuxième étape "
de son
action, a déclaré vouloir engager un
programme de
rénovation urbaine et de solidarité.
Celui-ci repose sur la
future loi " urbanisme, habitat, transports " mais aussi sur la
" réalisation, sur cinq ans, de 50 " grands projets de
ville " combinant projet urbain, projet social et projet de revitalisation
économique dans les quartiers en difficulté ".
Interrogé en commission sur le contenu de ces grands projets de ville
(GPV) et leur différence par rapport aux grands projets urbains (GPU)
lancés par Mme Simone Veil en 1993, M. Claude Bartolone les a
caractérisés par l'ambition de leurs objectifs.
Les GPV doivent éviter le cloisonnement entre investissement et
fonctionnement et
" penser la globalité des
problèmes "
en prenant en compte les questions liées aux
finances communales.
L'objectif est de traiter à la fois les difficultés internes au
quartier, notamment par des interventions sur le foncier bâti, mais aussi
les mécanismes d'exclusion sociale à l'échelle de
l'agglomération.
Le GPV vise donc à assurer la synthèse entre les diverses
dimensions de la politique de la ville, urbanisme, socio-culturelle,
éducation, économique.
M. Claude Bartolone a précisé que les GPV devraient
permettre de mobiliser entre 10 et 30 millions de francs par site par an, soit,
compte tenu de l'effet de levier,
un engagement total de 300 millions de
francs à 1 milliard de francs par an
sur la période des
prochains contrats de plan.
Les GPV constituent un projet ambitieux mais ce n'est qu'au vu du nombre et
de la liste des sites retenus que l'on saura si les crédits sont
à la hauteur des objectifs affichés.
Les informations plus précises sur les GPV sont repoussées aux
journées de Vaulx-en-Velin les 9 et 10 décembre prochains.
S'agissant du budget 2000, les crédits alloués aux GPV ne
marquent pas une rupture par rapport aux anciens GPU. Les crédits de
fonctionnement passent de 45 à 57 millions de francs alors que le nombre
de grands projets devrait passer de 13 à 50 ; en investissement, le
montant des autorisations de programme reste inchangé à 95,2
millions de francs. Une enveloppe de crédits exceptionnels doit
être décidée lors d'un prochain CIV le 14 décembre
prochain.
Votre rapporteur regrette que l'information sur les
" détails " des GPV ait été repoussée au
cours du mois de décembre alors que la présente discussion
budgétaire aura été largement entamée.
Si l'on peut se féliciter que le Gouvernement tente enfin de mettre
en place un mécanisme approprié pour les quartiers sensibles qui
connaissent la situation la plus difficile, il est dommage néanmoins que
ce dispositif intervienne si tardivement et qu'il se caractérise, au
moment où l'on met en place le budget pour 2000, par une certaine
imprécision.
4. Des attentes toujours fortes
Le programme national de renouvellement urbain apparaît d'autant plus tardif que les quartiers en difficulté présentent des indicateurs économiques et sociaux très dégradés et que l'attente des populations y est toujours forte.
a) Des quartiers qui concentrent les difficultés
La DIV a
peu progressé quant à la connaissance statistique des quartiers
sensibles. Il est précisé néanmoins que les données
du recensement INSEE de 1999 sont actuellement en cours de traitement. Seul le
dénombrement provisoire de la population des communes est actuellement
disponible. Les données décrivant les caractéristiques des
habitants des quartiers et de leur logement devraient être
progressivement mises à disposition entre la fin du premier semestre
2000 et la fin du premier semestre 2001.
En 1997, la délégation interministérielle à la
ville a fait réaliser par l'Institut national des statistiques et des
études économiques (INSEE) une exploitation particulière
du recensement général de la population de 1990 pour
préciser et réactualiser la situation socio-démographique
des zones urbaines sensibles (ZUS), des zones de redynamisation urbaine (ZRU)
et zones franches urbaines (ZFU) instituées par la
loi n° 96-987
du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville.
Ces données sont toujours les plus récentes
qui soient disponibles.
Il est à noter que
quatre régions
représentent
à elles seules
plus de la moitié de la population
résidant dans un quartier prioritaire
: l'Ile-de-France
(30 % des habitants des ZUS de la métropole), le Nord-Pas-de-Calais
(9,2 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (8,6 %) et Rhône-Alpes
(8,5 %).
La population
des quartiers identifiés dans les contrats de ville
est de
6,5 millions de personnes,
pour 17 millions d'habitants dans
les communes signataires des contrats de ville.
En métropole, la population de ces quartiers est de 4.688.000 habitants
dans les ZUS (soit 8,2 % de la population française), 3.238.000
dans les ZRU (soit 5,6 % de la population française) et 724.000
dans les ZFU (soit 1,4 % de la population française).
Le taux de chômage
moyen est de 18,9 % dans les ZUS, de
20,6 % dans les ZRU et de 21,3 % dans les ZFU. Le chômage
touche particulièrement les jeunes : en mars 1990, le taux de
chômage des jeunes de 15 à 24 ans s'élevait à
28,5 % dans les ZUS, 30,2 % dans les ZRU et 31,2 % dans les ZFU
alors que ce même taux était de 21,1 % dans l'ensemble des
agglomérations où se situent ces quartiers et de 19,9 % pour
la France métropolitaine.
Taux de chômage dans les quartiers prioritaires
(en pourcentage)
|
ZUS |
ZRU |
ZFU |
Agglomérations ayant une ZUS |
Taux de chômage des 15 à 59 ans (hommes) |
15,4 |
16,6 |
17,0 |
7,9 |
Taux de chômage des 15 à 59 ans (femmes) |
23,5 |
25,8 |
27,0 |
10,4 |
Taux de chômage des 15 à 24 ans (hommes) |
24,1 |
25,4 |
26,3 |
17,2 |
Taux de chômage des 15 à 24 ans (femmes) |
33,5 |
35,6 |
36,1 |
24,7 |
Taux de chômage (ensemble) |
18,9 |
20,6 |
21,3 |
11,6 |
Source : recensement de la population de 1990, INSEE -
" INSEE- Première " n° 573 - avril 1998.
Enfin la part des ménages dont la personne de référence
est de
nationalité étrangère
est en moyenne de 16
%, soit le double du taux prévalant dans l'ensemble des
agglomérations.
Toutefois, cette moyenne recouvre une grande variabilité des situations
locales, allant d'une absence de sur-représentation par rapport à
la réalité communale (pour environ une ZUS sur 10) à des
situations où la proportion de ménages étrangers dans la
ZUS est plus de
trois fois plus élevée
que sur l'ensemble
de la commune (dans un peu plus de 10 % des cas).
Par ailleurs, en 1993-1994, l'INSEE a réalisé une étude
sur 500 quartiers dits " sensibles " qui dresse un inventaire
des handicaps économiques sociaux et culturels de ces quartiers et
montre que l'exclusion est un phénomène social avant d'être
urbain
5(
*
)
.
Tous les indicateurs sociaux ne sont pas " alarmants " dans chacun
des quartiers, mais ces derniers présentent bien, en moyenne,
un
profil dégradé
aussi bien par rapport à
l'agglomération dont ils font partie qu'en comparaison de la moyenne
nationale : ainsi, 45 % des jeunes de 16 à 25 ans
vivent-ils dans un ménage touché par le chômage contre
24 % en moyenne nationale ; l'habitat est souvent de médiocre
qualité : la mauvaise isolation acoustique concerne 59 % des
habitations dans les quartiers contre 31,6 % en moyenne nationale.
Le poids de l'aide sociale dans les revenus est particulièrement
important : pour 26,1 % des ménages, les prestations sociales
représentent plus du quart des revenus déclarés contre
13,6 % en moyenne nationale.
Enfin, il est frappant de constater que 66 % des habitants se sentent en
sécurité dans un quartier sensible contre 86,2 % en moyenne
nationale.
b) Les attentes des populations
A
l'occasion des rencontres nationales des acteurs de prévention de la
délinquance, la DIV a fait réaliser un sondage par la SOFRES
auprès des habitants dans les quartiers, sur les points à
améliorer dans les quartiers.
Ce travail présente un double intérêt.
Tout d'abord, il illustre que le discours pessimiste des experts de la
politique de la ville, eux-mêmes sondés à travers un
échantillon particulier, ne se situe pas en phase avec la
réalité des sentiments exprimés par les habitants sur le
terrain. Il arrive parfois que " le pessimisme " des experts mette en
scène une vision du quartier " complètement
décalée " par rapport à celle que renvoient les
habitants eux-mêmes.
Par ailleurs, ce sondage est intéressant en ce qu'il souligne la
réalité de la perception des besoins des habitants sur le terrain.
Question : dites-moi si vous considérez comme essentiel, important, secondaire ou inutile chacun des points suivants dans le quartier dans lequel vous habitez ?
|
Essentiel
|
Important
|
Secondaire
|
Inutile
|
NSP
(1)
|
La sécurité |
58 |
37 |
3 |
1 |
1 |
L'emploi dans le quartier ou à proximité |
57 |
35 |
4 |
2 |
2 |
La propreté |
53 |
40 |
4 |
3 |
- |
Les écoles |
44 |
37 |
7 |
5 |
7 |
Les espaces verts |
39 |
41 |
13 |
6 |
1 |
Les équipements sportifs et culturels |
39 |
41 |
12 |
5 |
3 |
La beauté des bâtiments |
38 |
39 |
16 |
6 |
1 |
Le niveau du bruit |
37 |
40 |
14 |
8 |
1 |
Les transports en commun |
36 |
35 |
14 |
12 |
3 |
La qualité de votre logement |
35 |
40 |
13 |
10 |
2 |
Les commerces |
35 |
38 |
16 |
10 |
1 |
La circulation et le stationnement |
33 |
38 |
18 |
9 |
2 |
Les relations avec votre voisinage |
31 |
37 |
17 |
14 |
1 |
La diversité des habitants |
31 |
34 |
17 |
12 |
6 |
Source : Sondage SOFRES mars 1999
(1) Ne se prononcent pas
Les habitants des quartiers considèrent d'abord comme
" essentiel "
d'améliorer les deux points
suivants : la sécurité (à 58 %), l'emploi dans
le quartier ou à proximité (à 57 %). Or, dans ces
deux domaines, le jugement sur l'action du Gouvernement ne peut que rester
nuancé.
B. EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ, LE GOUVERNEMENT APPORTE DES AMORCES DE RÉPONSE DONT L'EFFICACITÉ RESTE À PROUVER
En matière de sécurité, le Gouvernement apporte des amorces de réponses en termes de police de proximité, de prévention de la délinquance et de médiation par les emplois-jeunes, dont il est encore impossible de mesurer l'efficacité.
1. Une violence urbaine persistante
Les
statistiques de la délinquance et de la criminalité
publiées en février 1999 ont fait apparaître une tendance
à la hausse des infractions en 1998, avec une progression de +
2,78 % des crimes et délits contre les personnes, qui contraste
avec le ralentissement observé de 1994 à 1997.
Bien que l'on ne dispose pas de statistiques spécifiques sur les
quartiers sensibles, il n'est pas anormal de penser que le même
phénomène y est également observé.
Globalement les statistiques de la délinquance et de la
criminalité montre une hausse de (+ 2,06 %) avec une
augmentation forte de certaines infractions notamment celles liées au
trafic de stupéfiants (+ 3,67 %) les vols violents avec arme
à feu (+ 5,52 %) et les vols simples (+ 6,15 %).
Il existe cependant divers travaux menés par la Direction Centrale des
Renseignements généraux (DCRG) du ministère de
l'intérieur sur les phénomènes de violence urbaine. Bien
que ces études n'aient pas vocation à être rendues
publiques, la presse s'en fait régulièrement l'écho.
Ainsi, plus de 26.000 incidents auraient été recensés
en 1998 dans les zones urbaines soit 10.000 de plus qu'en 1997. 8.000 de ces
incidents concerneraient des incendies de voiture
6(
*
)
. Selon un autre rapport de la même source, le
nombre de quartiers touchés par les violences urbaines serait de 818
contre 485 en 1993
7(
*
)
. Parmi eux, 172 quartiers
seraient considérés comme " très durs ".
Ces informations sont communiquées sous les réserves d'usage car
les rapports précités n'ont pas été rendus publics.
Votre rapporteur a donc demandé à la DIV de lui communiquer les
éléments recueillis par la DCRG sur l'insécurité
dans les quartiers sensibles. Tout en restant très vague, le contenu de
la réponse reprise dans l'encadré ci-après montre bien la
multiplication de phénomènes relativement inquiétants.
Les éléments transmis par la DIV sur les travaux conduits par les Renseignements Généraux
Les
renseignements généraux ont été amenés
à forger un instrument de mesure pour recenser les
phénomènes de violence urbaine.
Leur
volonté
était de mettre en place un observatoire de la violence, analyser les
données, devenir un instrument de recherche et de prévision, et
fournir aux autres services de police des outils conceptuels qui leur soient
utiles. Cette échelle, qui comprend huit degrés, permet de
décrire les phénomènes observés sur le terrain et
de les traduire selon leur degré de gravité, selon la progression
suivante : vandalisme et délinquance en bande ; attaques
furtives, verbales ou gestuelles contre l'autorité ; agressions
physiques contre des représentants de l'autorité ;
attroupements et " caillassages " à l'encontre de la
police ; agressions physiques contre les policiers ; aggravation des
agressions physiques et " jeux " meurtrier ;
mini-émeutes ; émeutes.
Ce qu'il est convenu de nommer " émeutes " ne se produit
jamais
ex nihilo
: ces dernières sont
précédées de nombreuses prémisses et apparaissent
dans des quartiers où certaines formes de violence sont
déjà devenues des habitudes et ont fini par imposer une sorte de
climat hors norme.
Ce postulat s'inscrit au coeur de la classification par les Renseignements
généraux des violences urbaines, qui établit une
progressivité entre des événements
hétérogènes. Ces derniers sont ensuite
corrélés avec d'autres catégories
d'événements ou de phénomènes, comme la
présence d'une économie souterraine liée à un
trafic de drogue. On sait ainsi, par exemple, que la diminution des violences
dans un quartier s'explique par sa " sanctuarisation " : la
violence d'un quartier passe d'un mode ludique et spontané à une
fonction instrumentalisée lorsque l'emprise croissante des trafics en
tout genre développe une logique de profit. Les dealers qui
contrôlent les trafics évitent d'attirer l'attention de la police
sur leur quartier.
Dans le même ordre d'idées, le danger du
" communautarisme " constitue un péril pour un quartier, car
il peut, dans certains cas, servir de passerelle entre une idéologie
à base confessionnelle et des activités délinquantes. Les
violences " gratuites ", irrationnelles, qui s'ensuivent peuvent
alors être la première étape de la structuration hors des
lois de la République d'un certain nombre d'individus exerçant
peu ou prou une forme de contrôle social ou communautaire sur le
quartier. Dans ce cadre, la violence urbaine devient également, au
travers du prisme des médias, une scène de théâtre
où rivalisent les bandes de diverses cités, dans une
véritable course au spectaculaire. Il peut devenir légitime,
voire normal, aux yeux de certains jeunes délinquants, dans ce contexte,
de lancer des pierres sur les voitures de police ou les camions de pompiers.
Chacun joue son rôle, sur la scène des théâtres
urbains de la Saint-Sylvestre par exemple, où, avant le
déclenchement du moindre incident, les autres acteurs de la
pièce, les journalistes et les forces de l'ordre sont massivement
présents. La surenchère à laquelle se livrent certains
jeunes devant des caméras ou lors d'entretiens est
révélatrice de ce jeu de rôle, qui ne doit rien au virtuel,
et qui transparaît ensuite lors des auditions succédant à
leur interpellation.
Mais cette vision n'est pas générale ; les Renseignements
Généraux prennent bien garde de ne pas oublier la
diversité des habitants des banlieues, de leurs engagements, de leurs
croyances et de leurs actes. " Taguer " une boîte à
lettres et brûler une voiture ne renvoie pas forcément à un
phénomène avéré de violence urbaine ; la ligne
de partage reste en ce domaine parfois ténue. C'est donc à
dessein que la Direction Centrale de la Sécurité Publique s'est
dotée d'un logiciel d'analyse des phénomènes
constatés, qui, passés au crible de 18 critères d'analyse,
peuvent enfin être ou non qualifiés à bon escient.
Votre rapporteur souligne que la violence urbaine est aggravée par
plusieurs phénomènes particulièrement préoccupants.
Tout d'abord, la violence tend à se diffuser par un
phénomène de " tache d'huile ", dans les territoires
limitrophes, notamment
les espaces périurbains à vocation
agricole
ainsi que dans des
communes urbaines moyennes
jusqu'alors
épargnées.
Un autre aspect inquiétant est celui de
la montée de la
délinquance des mineurs
qui sont impliqués dans une affaire
sur cinq aujourd'hui, au lieu d'une sur dix en 1972 : 21 % des
infractions donnent lieu à la mise en cause de mineurs en 1998 contre
10 % en 1972. 45 % des vols avec violence sont le fait de
délinquants âgés de moins de 18 ans.
A cela, s'ajoute le développement des
phénomènes de
constitution de bande
, c'est-à-dire de regroupement plus ou moins
fluctuant formé autour de meneurs et sans véritable
hiérarchie, dont l'objectif commun est la défense du territoire
et souvent le trafic de stupéfiants. Il y a lieu de se demander si
certains quartiers ne sont pas entrés dans une dérive mafieuse
visant notamment au contrôle d'une économie parallèle de la
drogue.
De surcroît,
la prolifération non maîtrisée des
armes
, y compris en milieu scolaire, apparaît particulièrement
intolérable.
Enfin, le développement des violences et des
agressions à
l'égard des agents des services publics
dans les quartiers
difficiles et, d'une manière générale, à
l'égard de toutes les professions en contact avec le public, est
inacceptable.
Des mairies, des organismes de réinsertion sociale ou des caisses de
retraite, les Assedic, les CAF doivent aujourd'hui prévoir des stages
pour former leur personnel à la " gestion des conflits ",
voire assurer un suivi psychologique des victimes d'agression.
2. Les réponses partielles du Gouvernement
a) Les mesures annoncées par le Conseil de sécurité intérieure
Votre
rapporteur avait souligné dans son avis de l'année
dernière, combien la question d'un renforcement de la
sécurité dans les quartiers sensibles était
nécessaire. Il avait considéré que la priorité mise
en avant par le ministre délégué quasi-exclusivement sur
les mesures de prévention de la délinquance semblait insuffisante
face à l'ampleur de la tâche.
De fait, le Gouvernement a dû se saisir du dossier de la
délinquance des mineurs au cours de la réunion du Conseil de
sécurité intérieur (CSI) du 27 janvier 1999 alors que
les agressions répétées de conducteurs d'autobus dans les
zones péri-urbaines, ou les incendies de voitures à Toulouse,
Strasbourg, ou Givors, avaient remis le dossier au premier plan de
l'actualité.
Ce Conseil avait été précédé, semble-t-il,
d'un débat entre la ministre de la Justice et le ministre de
l'Intérieur sur le devenir de l'ordonnance de 1945 qui donne une
primauté au traitement social de la délinquance juvénile
sur la sanction pénale.
Au cours du conseil de sécurité intérieure, après
avoir rappelé que
" la prévention et la répression
devaient être utilisées toutes deux "
, M. Lionel
Jospin a annoncé plusieurs mesures dont on retiendra ici celles qui
peuvent avoir le plus d'effet sur l'insécurité dans les quartiers
sensibles :
- assurer une présence effective de la police dans les quartiers et les
lieux sensibles :
7.000 policiers ou gendarmes
doivent être
affectés sur trois ans dans les circonscriptions les plus difficiles des
26 départements où la délinquance est la plus forte ;
la
police de proximité
doit être développée
avec l'ouverture de commissariats territorialisés dans 30
départements ; 9 nouveaux postes de police doivent être
ouverts dans les gares d'Ile-de-France ; 30 nouvelles
maisons de
justice et du droit
(MJD) doivent être créées en 1999
en plus des 29 qui existent déjà en zone sensible ;
- sur le plan judiciaire, l'objectif est de " combattre l'impunité
par tous les moyens " : le nombre de
sûretés
départementales
doit passer de 14 à 26, soit 12 de
plus ; 50
centres de placement immédiat
strictement
contrôlés doivent être créés d'ici 2001 pour
éloigner, dans l'attente de leur jugement, les mineurs les plus
difficiles ; 100
centres éducatifs renforcés
doivent
être créés d'ici la fin 2000, soit 77 de plus que
prévu ; 1.000 emplois d'éducateurs doivent être mis en
place d'ici 2001 ainsi que 50 emplois de juges pour enfants, 25 de substituts
des mineurs et 80 de greffiers spécialisés ;
- sur le plan scolaire, le principe est de préserver l'école et
d'amplifier les actions en faveur de la jeunesse avec le recrutement de 10.000
aides éducateurs supplémentaires, et l'augmentation du nombre de
classes-relais de 130 à 250.
Lors de l'audition du ministre délégué, votre rapporteur
s'est interrogé sur l'état d'avancement du programme
annoncé le 27 janvier. En effet,
au-delà de l'effet d'annonce
indéniable, il est essentiel de savoir si la situation a
réellement changé sur le terrain
. Or, votre rapporteur ne
peut que faire part d'une certaine perplexité : à la fin de
1999, le programme est loin d'être achevé.
Trois points méritent d'être soulignés :
Une question essentielle posée par les élus locaux est celle
d'une
présence policière
renforcée : la
réponse faite portant sur le redéploiement de 700 gendarmes et
1.200 policiers correspond, certes, à l'objectif fixé par le
Gouvernement en 1999 ; il reste que ce chiffre est encore trop faible par
rapport à l'objectif de 7.000 policiers supplémentaires
annoncés d'ici 2001. Un effort d'anticipation aurait été
bienvenu.
Concernant la
police de proximité
, 5 sites pilotes et 59 sites
d'expérimentation semblent bien ouverts en 1999 dans 33
départements. Cela étant, la mission de la police de
proximité, telle que précisée au Conseil des ministres du
19 mai 1999, ne semble pas éloignée de ce qui est attendu du
fonctionnement normal d'un commissariat de police, à savoir assurer une
présence visible, rassurante et dissuasive de l'autorité
publique, une information des citoyens et le rappel à la loi, la
réception des plaintes ou témoignages, le premier niveau
d'assistance et d'aide, la verbalisation des contrevenants. Le but est de
conforter ces missions par la mise en place d'un " accueil du public
personnalisé " dans les locaux de police, un " partenariat
actif " avec tous les autres acteurs des contrats locaux de
sécurité et, enfin, une " véritable
participation " aux instances locales de concertation.
En tout état de cause, le chiffre de 64 sites de police de
proximité doit être mis en relation avec les 1.310 quartiers
recensés dans les contrats de ville et les 750 zones urbaines
sensibles : il est urgent de passer de l'expérimentation à
la généralisation.
S'agissant de la
délinquance des mineurs
, la création de
centres de placement immédiat semblait constituer une mesure novatrice
et il a été annoncé en commission que 10 unités
éducatives renforcées (sur 100 annoncées) et 15 centres de
placement immédiat (sur 50 annoncés)
" étaient
programmés pour la fin de l'année ".
Cet objectif semble
encore insuffisant, d'autant que " programmé " ne veut pas
dire " ouvert ".
Enfin, on observera que sur les 30 MJD annoncées, 9 seulement seront
ouvertes avant la fin de l'année.
Malgré la publicité qui lui a été donnée,
le plan de sécurité du 27 janvier 1999 est loin d'être
arrivé à terme.
L'avantage des programmes pluriannuels est qu'ils permettent un effet d'annonce
important : mais encore faut-il ne pas décevoir les attentes ainsi
suscitées.
b) Les mesures prévues au titre de la prévention de la délinquance
Au cours
des rencontres nationales des acteurs de la prévention de la
délinquance, le 18 mars dernier à Montpellier, M. Claude
Bartolone a annoncé une
réforme des conseils communaux et
départementaux de prévention de la délinquance
.
Les nouveaux " conseils locaux de prévention et de
sécurité " pourront couvrir un quartier, une commune ou une
agglomération selon les nécessités
déterminées localement. Ils seront l'instance unique
d'élaboration des contrats locaux de sécurité et auront
vocation à s'inscrire dans les contrats de ville.
Le niveau départemental devra assurer plus fortement la mise en
cohérence des actions et des moyens des services de l'Etat ainsi que la
mobilisation des conseils généraux.
Les conseils locaux de prévention et de sécurité devront
" impliquer réellement les habitants à tous les
stades "
: celui du diagnostic, de la mise en oeuvre de l'action,
de son évaluation.
Pour assurer la cohérence de l'action des différents partenaires,
sera institué un chef de projet,
" véritable cheville
ouvrière "
de l'animation, du suivi et de l'évaluation
des contrats locaux de sécurité et des autres programmes de
prévention de sécurité.
Une
circulaire du 7 juin 1999
a ainsi détaillé les
nouvelles orientations au titre de la prévention dans les domaines de la
participation des habitants au diagnostic et à l'élaboration des
politiques publiques de prévention et de sécurité, des
réseaux de veille éducative et préventive et du
développement de la médiation sociale.
D'autre part, des formations spécifiques des intervenants ont
été mises en place par le ministère de la ville. Il s'agit
de formations pluridisciplinaires sur le thème des mineurs
délinquants ainsi que d'un programme national de formation d'animateurs
chargés de soutenir les acteurs locaux, en particulier les agents des
services publics, confrontés aux violences urbaines.
Votre rapporteur souligne que les mesures de renforcement du dispositif de
prévention n'ont de sens que si elles vont de pair avec une
amélioration concrète de la présence policière sur
le terrain et une efficacité accrue de leurs résultats. A cet
égard, il faudra savoir si les mesures annoncées en mars 1999
sont bien de nature à rasséréner les habitants des
quartiers sensibles.
c) Le concours des collectivités locales et des organismes d'HLM
La
politique de sécurité publique du Gouvernement passe
également par une sollicitation accrue des communes et des organismes
d'HLM pour déployer des personnels assurant une présence
effective sur le terrain.
• Concernant les collectivités locales, l'instrument
essentiel de partenariat est constitué par les
contrats locaux de
sécurité
(CLS).
Mis en place il y a deux ans par une circulaire interministérielle du
28 octobre 1997, complétée par la circulaire
interministérielle du 7 juin 1999, le CLS est élaboré
et signé conjointement par le préfet, le procureur de la
République et le ou les maires concernés. D'autres partenaires
tels que le parquet, l'éducation nationale et les services
déconcentrés de l'Etat peuvent également participer aux
actions du CLS. La conclusion du contrat passe par l'élaboration d'un
diagnostic et la détermination d'un ensemble d'actions dans les domaines
de la police de proximité, la prévention de la
délinquance, l'aide aux victimes, la prévention de la
récidive, etc.
300 contrats ont été signés en novembre 1999. Sur les
289 contrats conclus au 31 août 1999, 140 concernaient des communes
situées dans 26 départements très sensibles. 89
contrats étaient intercommunaux.
Le CLS est très utilisé dans le cadre de la politique de la
ville. 79 % des CLS concernent des sites relevant de la géographie
de la politique de la ville dont 47 % en contrat de ville.
Le CLS repose sur
une démarche " partenariale "
qui
suppose un engagement des communes à contribuer au financement de la
rémunération d'agents locaux de médiation sociale
(ALMS) : ces derniers constituent des personnels, non armés,
chargés d'assurer une présence sur le terrain. Recrutés
dans le cadre des emplois-jeunes, ils sont pris en charge à 80 %
par un financement d'Etat.
En contrepartie, la police nationale s'engage à améliorer la
présence policière soit par des redéploiements, soit par
des créations, notamment d'emplois d'adjoints de sécurité
(ADS), qui relèvent également de la catégorie des
emplois-jeunes.
Contrairement aux ALMS, les ADS sont armés. Ils
bénéficient d'une formation portée à 8 semaines
depuis le 16 août 1999.
Il convient de rappeler qu'au début du mois d'août 1999, le
nombre d'ADS était évalué à 12.599. 3.450 agents
supplémentaires devraient être recrutés en 2000.
En contrepartie, ce sont 6.500 ALMS qui sont sur le terrain en juin 1999.
Leur nombre est estimé à 8.500 dans l'ensemble des CLS
signés.
• D'autre part, il faut souligner le travail positif accompli par
les " correspondants de nuit ",
recrutés par certains
offices d'HLM dans les quartiers sensibles.
Ces correspondants ont vocation à relayer au cours de la nuit,
à partir de 21 heures, les personnels des OPHLM et les gardiens qui
cessent leur activité. Les bailleurs sociaux cherchent ainsi à
apporter une certaine sécurisation nocturne et à mettre en place
une solidarité de proximité par une présence humaine. Les
correspondants de nuit servent à la fois à signaler les
dépradations, à apporter une aide exceptionnelle à des
personnes en situation de détresse (crise alcoolique,
dépression,...) et à jouer un rôle de médiation
sociale pour désamorcer des situations conflictuelles
(incivilités, difficultés de voisinage, rassemblement bruyant de
jeunes). Un colloque organisé à Rennes le 27 avril 1999 a
opportunément mis la lumière sur le rôle très utile
de ces correspondants.
Ce nouveau service a été mis en place dans le cadre de la
convention portant sur le recrutement de 2.000 emplois-jeunes conclue le 15
juillet 1999 entre l'UNFOHLM et l'Etat.
950 des emplois en question sont effectivement des emplois de
médiation sociale. 250 au demeurant sont contractualisés.
20 % de la rémunération des correspondants de nuit sont donc
à la charge des organismes d'HLM qui les emploient : ces derniers
réclament parfois une participation des locataires, ce qui
soulève des interrogations puisque cela revient à faire financer
un élément de sécurité qui devrait être
assuré par l'Etat et non par un prélèvement
supplémentaire pour des familles modestes. Des formules existent qui
permettent la prise en charge du coût par l'usager, la commune et
l'organisme bailleur.
Les réponses apportées par le Gouvernement en matière
de délinquance et d'incivilité urbaine reposent largement -sinon
quasi-exclusivement selon certains observateurs- sur la présence des
emplois-jeunes. Mais, outre que leur inexpérience et les limites
assignées à leur mission ne leur permettent pas de se substituer
à des policiers confirmés, la formule présente
également la particularité de transférer certaines charges
vers les communes ou les organismes bailleurs.
C. DANS LE DOMAINE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, LES RÉTICENCES EXPRIMÉES À L'ÉGARD DU PACTE DE RELANCE POUR LA VILLE NE DÉBOUCHENT SUR AUCUNE SOLUTION ALTERNATIVE
En matière économique, M. Claude Bartolone a confirmé ses réticences à l'égard du dispositif d'exonérations spécifiques prévu par le pacte de relance pour la ville, sans dessiner pour autant de véritable alternative.
1. Un constat critique prématuré sur l'effet du pacte de relance pour la ville
a) Le dispositif du pacte de relance pour la ville
Au sein
de la géographie prioritaire de la politique de la ville,
la loi
n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte
de relance pour la ville
a prévu un dispositif fiscal
spécifique dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les zones
franches urbaines (ZFU).
Il convient de rappeler que les 214 contrats de ville conclus dans le cadre du
XIe Plan (1994-1999), ont concerné 771 communes signataires et 1.300
quartiers, dont 930 quartiers prioritaires périphériques, 112
centres villes et 195 quartiers sensibles à traiter
préventivement.
Au sein de cet ensemble, une liste de 750 zones urbaines sensibles (ZUS)
détermine les grands ensembles et quartiers d'habitat
dégradé souffrant d'un déséquilibre accentué
entre l'habitat et l'emploi.
• Les ZRU correspondent à des zones présentant des
difficultés à partir de plusieurs critères à
savoir, la population, le taux de chômage, la proportion de jeunes de
moins de 25 ans, la proportion de jeunes sortis du système scolaire sans
diplôme et le potentiel fiscal des communes de rattachement.
416 ZRU (dont 20 dans les DOM) ont été
sélectionnées dans 343 communes et 76 départements
parmi les 750 ZUS
8(
*
)
.
Le dispositif visant à conforter ou à recréer de
l'activité économique dans ces quartiers très
défavorisés, est constitué pour l'essentiel
d'exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises.
Les mesures applicables en ZRU sont les suivantes :
- exonération, compensée par l'Etat, de taxe professionnelle,
pour les établissements nouveaux, ou déjà existants,
pendant cinq ans sur la totalité de la base imposable, plafonnée
à 1 million de francs pour la création ou l'extension, et
à 500.000 francs pour les établissements existants
(art.
1466 A I ter, du code général des impôts),
- exonération d'impôt sur les bénéfices, totale
les deux premières années puis dégressive les
troisième, quatrième et cinquième années, sans
plafonnement, pour les entreprises nouvelles
(art. 44 sexies du code
général des impôts),
- exonération de taxes foncières sur les
propriétés bâties, pendant deux ans, pour les entreprises
nouvelles ou les établissements créés ou repris à
une entreprise en difficulté
(art. 1383 du code général
des impôts),
- exonération sur douze mois des charges sociales patronales du
quatrième au cinquantième salarié pour les entreprises
nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire n'excédant pas 1,5
fois le SMIC.
• Les zones franches urbaines (ZFU) ont été
déterminées, après appel à projet, parmi les
quartiers de plus de 10.000 habitants présentant les
caractéristiques les plus dégradées en termes de
chômage des jeunes, de qualification professionnelle ou de ressources des
communes.
Les ZFU, qui bénéficient des exonérations fiscales et de
charges sociales les plus importantes, sont au nombre de 44, dont 38 en
métropole et 6 dans les départements d'outre-mer. Elles sont
déterminées par le législateur qui en a fixé la
liste en annexe à la
loi n° 96-987 du 14 novembre 1996.
La
délimitation de ces zones a été fixée par deux
décrets du 26 décembre 1996
9(
*
)
.
L'effort de l'Etat est particulièrement concentré et repose sur
des mesures d'exonération fiscale et sociale renforcées :
- exonération compensée par l'Etat de taxe professionnelle pour
les établissements nouveaux ou déjà existants ou
étendus, pendant cinq ans, sur la totalité de la base imposable,
plafonnée à 3 millions de francs
(art. 1466 A I quater du code
général des impôts),
- exonération d'impôt sur les bénéfices totale
pendant cinq ans, avec plafonnement à 400.000 francs par an, pour les
entreprises nouvelles ou existantes
(art. 44 octies du code
général des impôts),
- exonération de taxes foncières sur les
propriétés bâties pendant cinq ans
(art. 1383 A du code
général des impôts),
- exonération des charges sociales sur douze mois des charges sociales
patronales du quatrième au cinquantième salarié pour les
entreprises nouvelles ou existantes sur une fraction de salaire
n'excédant pas 1,5 fois le SMIC.
b) Un jugement critique
Le bilan
des 18 premiers mois de la loi du 14 novembre 1996 précitée a
été présenté dans un rapport au Parlement en mars
dernier
10(
*
)
. Ce rapport ne présente pas
un ensemble de données statistiques exhaustives et homogènes mais
il est établi à partir de la synthèse de missions
d'enquête confiées à trois corps d'inspection
générale, ceux de l'Inspection générale des
affaires sociales (IGAS), de l'Inspection générale des finances
(IGAF) et de l'Inspection générale de l'Administration (IGA). Il
s'agit d'une analyse qualitative plus que statistique.
Ce rapport estime que les ZRU et les ZFU n'auraient eu qu'un impact
limité sur l'emploi en 1997, première année d'application
de la loi, alors que le coût des dispositifs serait en moyenne
relativement élevé.
Concernant les 416 ZRU, le nombre d'embauches exonérées
s'élève à 2.345 en 1997, soit environ 6 embauches par ZRU.
Il est souligné néanmoins que l'absence de réserves
foncières sur la quasi-totalité des ZRU constitue un facteur
limitant l'attractivité du dispositif.
S'agissant des 44 ZFU, la progression de l'emploi serait en revanche nettement
plus marquée puisqu'elle serait de l'ordre de 9.000 embauches en 1997.
Le rapport indique qu'un certain nombre d'emplois sont transférés
tout en admettant qu'un décompte précis n'est pas toujours
aisé.
Présentant ce rapport à la presse le 4 mars dernier,
M. Claude Bartolone a indiqué que le Gouvernement respecterait ses
engagements envers les collectivités locales et les entreprises
jusqu'à expiration du dispositif mais que celui-ci ne serait pas
reconduit au-delà de 2006.
Il a été confirmé devant votre commission que les
entreprises installées en ZFU et en ZRU pourraient continuer à
disposer de mesures d'exonérations fiscales et sociales
dérogatoires jusqu'au terme prévu par la loi de novembre 1996.
Dans les ZRU, les droits seront ouverts jusqu'au 31 décembre 2001
et les dernières exonérations interviendraient donc le
31 décembre 2002. Pour ce qui concerne les ZFU la durée
d'exonération est de cinq ans. Les dernières exonérations
interviendraient le 31 décembre 2006.
Par ailleurs, le ministre a annoncé diverses mesures dites de
" moralisation " que votre rapporteur préfère qualifier
de mesures " d'amélioration " du pacte de relance pour la
ville, dans la mesure où ce dernier, voté par le Parlement sous
le contrôle du Conseil constitutionnel, n'a jamais eu pour objet de
mettre en place un dispositif " immoral ".
Les mesures annoncées porteraient sur les thèmes suivants :
- réduction de moitié des exonérations de charges sociales
pour les emplois simplement transférés et interdiction du
bénéfice des exonérations aux entreprises ayant
licencié dans l'année ayant précédé le
transfert ;
- interdiction du bénéfice des aides pour les transferts
d'entreprises et d'emploi d'une ZFU vers une autre ZFU ;
- instauration d'une durée minimum de travail hebdomadaire pour les
contrats de travail relatifs à l'embauche de résidents des
quartiers.
Sans préjuger de l'examen de ce texte par le Sénat, votre
commission n'est pas défavorable au principe de
la mise en place de
mesures d'amélioration du pacte de relance de la ville
, dès
lors que celles-ci correspondent bien au but qui leur est assigné.
S'agissant d'un dispositif nouveau, il est naturel que des modifications soient
apportées au vu des résultats d'évaluations locales.
Pour autant, la décision du Gouvernement d'abandonner la poursuite du
dispositif fiscal spécifique aux quartiers semble fondée sur un
constat prématuré.
c) Un constat prématuré
Tout
d'abord, le rapport ne reflète que l'année 1997, qui était
la première année d'application du dispositif, dans un contexte
où
une incertitude était entretenue par la nouvelle
majorité sur le sort du dispositif du pacte
.
De plus, comme le reconnaît le rapport d'évaluation, le dispositif
" n'a pu produire que des effets
limités sur l'emploi
compte tenu de
la croissance connue en France, durant cette
période, et du chômage massif auquel sont confrontés les
habitants de ces quartiers "
.
Par ailleurs, l'étude présente très largement
des
chiffres agrégés
alors que
les résultats des ZRU et
des ZFU sont contrastés
. En particulier, le dynamisme du bassin
d'emploi, mais surtout l'existence d'un projet de développement du
quartier et de la ville, piloté sous le contrôle des élus
locaux, joue pour beaucoup et explique les résultats plutôt
honorables constatés à Nantes, Garges-Sarcelle, Meaux,
Vaulx-en-Velin, Lille-Roubaix.
En fait, le rapport d'évaluation met en évidence
trois
facteurs
liés à l'environnement des zones franches qui
expliquent la diversité des résultats
:
- le dynamisme économique de l'agglomération et du bassin
d'emploi environnant ;
- l'existence d'un projet de développement du quartier et de la
ville : en particulier, la reconstruction ou le développement d'une
zone commerciale joue un rôle d'accélérateur
considérable pour le succès de la zone franche ;
- l'existence de réserves foncières dans la zone : les
possibilités ouvertes au sein des seuls locaux d'habitation pour les
implantations d'entreprise sont souvent insuffisantes.
Les collectivités locales sont souvent conscientes de ces lacunes et
tentent d'y remédier par une politique d'investissement.
Mais il
s'agit d'un effort de longue haleine qui ne portera ses fruits qu'à
échéance de quelques années
.
A cet égard, il est particulièrement regrettable de constater le
retard avec lequel le Gouvernement a effectivement mis en place
l'établissement public d'aménagement et de restructuration des
espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) qui devait justement faciliter les
interventions de remembrement des espaces commerciaux et artisanaux.
En tout état de cause,
il est beaucoup trop tôt pour porter un
jugement définitif sur le dispositif
. Il est souligné dans le
rapport lui-même que "
les effets en termes d'emploi vont se
renforcer dans l'avenir, de nombreuses collectivités locales ayant
réalisé des aménagements permettant d'atteindre de
nouvelles activités et emplois
".
S'agissant du coût, il convient de rappeler qu'il s'agit pour les emplois
nouvellement créés, non pas de subventions, mais
d'exonérations d'impôt sur des richesses qui n'auraient
peut-être pas été générées en
l'absence d'une aide spécifique.
Pour toutes ces raisons,
il apparaît nécessaire
d'apprécier le dispositif dans la durée et de ne pas porter de
jugement hâtif sur son avenir
.
Conclure d'ores et déjà à la non-reconduction du
dispositif, c'est anticiper sur une décision qui peut encore être
révisée et faire peser, en tout état de cause, une
suspicion à l'égard d'un mécanisme qui commence seulement
à entrer en régime de croisière.
2. L'absence d'une véritable alternative
Au-delà de la disparition annoncée des ZRU et
des ZFU
à l'horizon 2002, les solutions alternatives tardent à se
dessiner.
Le 5 mars 1999, une mission parlementaire a été confiée
à Mme Chantal Robin Rodrigo, députée des
Hautes-Pyrénées et M. Pierre Bourguignon, député de
Seine-Maritime afin de préparer un nouveau rapport sur le volet
économique de la politique de la ville. Celui-ci, intitulé
" le territoire de la cité au service de l'emploi ",
a
été remis au Premier ministre le 1
er
juin 1999. Selon
M. Claude Bartolone, le rapport propose
" de mettre à
disposition des acteurs locaux une boîte à outils complète
et adaptée à chaque territoire "
11(
*
)
.
A la lecture du résumé des propositions (cf ci-après),
l'inquiétude de votre rapporteur est que la " boîte à
outils " apparaisse si complète que les décideurs ne sachent
quel instrument retenir, pour faire face efficacement à leurs besoins.
Pour l'instant, le ministre délégué semble dans le domaine
économique s'en tenir à des déclarations relativement
vagues et imprécises. Il est indiqué ainsi que "
l'enjeu
n'est pas de prôner un développement économique, comme la
précédente majorité a tenté de le faire (...), il
s'agit d'intégrer les quartiers dans le flux économique des
villes et des agglomérations ".
1
Même si la formule est séduisante, on ne voit toujours pas ce que
le ministère compte faire pour la mettre en pratique.
LES
QUARANTE DEUX PROPOSITIONS DU RAPPORT
DE Mme ROBIN RODRIGO ET DE M.
BOURGUIGNON
1.
Créer un contrat de développement local urbain
2. Assurer la présence des services publics traditionnels.
3. Affirmer l'importance des diagnostics partagés.
4. Repérer les besoins et coordonner l'offre entre intervenants.
5. Identifier l'offre immobilière et définir des
stratégies d'implantation.
6. Mettre en place un nouveau système de financement de la politique de
la ville.
7. Recentrer l'usage de l'épargne populaire.
8. Définir le territoire d'intervention.
9. Identifier un lieu d'accueil des porteurs de projets au sein même des
quartiers.
10. Adopter une démarche active pour dépister les porteurs de
projets.
11. Assurer les premières dépenses nécessaires au montage
des projets.
12. Soutenir la bancarisation des projets.
13. Accompagner le démarrage de l'activité sur la durée.
14. Mettre en relation les porteurs de projets et les entreprises locales.
15. Faciliter l'accès au crédit bancaire.
16. Lutter contre la vacance.
17. Soutenir et accompagner les actions engagées dans la lutte contre
les discriminations dans le monde du travail.
18. Garantir le principe de l'égal accès de tous les citoyens
à l'emploi.
19. Construire un service public à l'image de notre pays.
20. Valoriser les réussites professionnelles.
21. S'appuyer sur les expériences existantes en Europe.
22. Coordonner les pratiques de l'ensemble des intervenants pour les adapter
aux particularités des quartiers.
23. Faciliter l'accès des habitants au service public de l'emploi.
24. Fournir au service public de l'emploi des moyens humains et financiers
adaptés.
25. Développer des actions permettant au demandeur d'emploi
d'accéder rapidement à une situation de travail.
26. Ouvrir l'accès aux stages avant seize ans.
27. Développer l'apprentissage en s'appuyant sur l'accompagnement des
jeunes et les formations intégrées en entreprise.
28. Redonner des représentations du monde du travail aux jeunes des
quartiers en difficulté.
29. Ajuster et systématiser les dispositifs d'accompagnement aux
attentes du public concerné.
30. Généraliser les structures d'accompagnement et de
médiation.
31. Cumuler les dispositifs d'insertion et le travail salarié.
32. Harmoniser le statut et le revenu durant le parcours d'insertion.
33. Articuler les actions du service public de l'emploi et des entreprises.
34. Réactiver la clause du mieux-disant social.
35. S'appuyer sur les entreprises de travail temporaire.
36. Soutenir les entreprises d'insertion.
37. Professionnaliser les métiers émergents.
38. Diversifier les partenaires pour assurer une pérennisation.
39. Dynamiser l'offre de services d'aide à la personne.
40. Elargir les modes de financement du titre emploi-service.
41. Ouvrir aux adultes les emplois-jeunes.
42. Inventer les métiers de demain.
Au cours
de son audition devant la Commission, M. Claude Bartolone a
évoqué deux pistes :
- l'amélioration de l'accès à l'emploi : il a
mentionné des mesures déjà en cours, qu'il s'agisse de la
mobilisation de l'ANPE dans la mise en oeuvre du programme TRACE, du programme
de lutte contre les discriminations à l'embauche ou des
emplois-jeunes ;
- le programme de renouvellement urbain pour recomposer les quartiers d'habitat
social et les intégrer au reste de la ville.
A cet égard, il a précisé que des aides,
" notamment fiscales ",
pourraient être accordées
aux entreprises qui accepteraient de s'implanter dans les nouveaux espaces sur
la base d'un véritable projet partagé.
En définitive, il a renvoyé à un dispositif à
venir
, " dans le cadre du projet de loi sur l'urbanisme et du programme
d'accompagnement qui sera décidé lors d'un CIV de fin
d'année ".
Les propositions nouvelles sur le plan économique sont donc
renvoyées à l'issue de cette discussion budgétaire.
*
* *
Ainsi,
il semble bien que la politique de la ville soit très largement à
la recherche d'une " ligne claire ", et des moyens d'utiliser plus
efficacement des fonds aujourd'hui à disposition qui atteignent presque
35 milliards de francs par an.
De ce point de vue, les indécisions et l'attente ne peuvent que laisser
un sentiment d'inquiétude au moment où la reprise de la
croissance est une chance mais aussi un risque d'aggravation des
inégalités.
Face à ce budget, votre commission a ressenti un
sentiment
d'impatience
: impatience de voir les résultats de certaines
mesures prises qui témoignent d'une salutaire prise de conscience ;
impatience de mieux voir définies les options retenues en matière
de développement économique et social des quartiers.
Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, votre commission a
émis un avis défavorable à l'adoption des crédits
relatifs à la ville dans le projet de budget pour 2000.
1
Le Monde - mardi 12 octobre 1999, p. 15.
2
Ces crédits s'élevaient à
51 millions de francs en 1999 en raison du vote au cours de la discussion
budgétaire d'une dotation non reconductible de 1 million de francs.
3
L'invité d'RTL - 18 mars 1999.
4
Demain, la ville - Rapport présenté au ministre de
l'emploi et de la solidarité par M. Jean-Pierre Sueur, maire
d'Orléans.
5
Les conditions de vie dans les quartiers prioritaires de la
politique de la ville, par M. Philippe Choffel, in Données
urbaines, ouvrage collectif, collection Villes, éditions Anthropos.
6
Le Figaro, samedi 23 janvier 1999
7
France-soir, vendredi 2 juillet 1999
8
Décrets n
os
96-1157 et 96-1158 du 26
décembre 1996 fixant la liste des zones de redynamisation urbaine en
métropole et dans les DOM et décret n° 96-1159 du 26
décembre 1996 définissant l'indice synthétique de
sélection des zones de redynamisation urbaine en métrople.
9
Décret n° 96-1154 du 26 décembre 1996 portant
délimitation de zones franches urbaines dans certaines communes et
décret n° 96-115 du 26 décembre 1996 portant
délimitation de zones franches urbaines dans certaines communes des
départements d'outre-mer.
10
Bilan des zones franches urbaines et des zones de redynamisation
urbaine - Rapport au Parlement en application de la loi du 24 novembre 1996
présenté au nom du Gouvernement par Claude Bartolone.
11
Espace Social Européen du 12 juillet 1999.