Projet de loi de finances pour 2000, adopté par l'Assemblée nationale, TOME IV - JUSTICE : Services généraux

DERYCKE (Dinah)

AVIS 94 - TOME IV (1999-2000) - commission des lois

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Table des matières




N° 94

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IV

JUSTICE :

SERVICES GÉNÉRAUX


Par Mme Dinah DERYCKE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1805 , 1861 à 1866 et T.A. 370 .

Sénat : 88 et 89 (annexe n° 33 ) (1999-2000).

Lois de finances.

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, ministre de la justice, le mardi 23 novembre 1999, la commission des Lois, réunie le mardi  7 décembre 1999 sous la présidence de M. Charles Jolibois, vice-président, a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Dinah Derycke, les crédits consacrés aux services généraux du ministère de la justice (administration centrale - services judiciaires - juridictions administratives) inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a souligné la progression marquée des crédits du ministère de la justice, trois fois supérieure à celle de l'ensemble du budget de l'Etat, et l'achèvement de l'exécution de la loi de programme du 6 janvier 1995. Elle a néanmoins précisé que les crédits de paiement destinés aux services judiciaires n'augmentaient globalement que de 0,64 %, en raison d'une diminution de près de 40 % des crédits d'équipement s'expliquant par la prise en compte d'un retard dans la consommation des crédits d'investissement, ce qui ne devait pas dissimuler la progression substantielle (+ 5,15 %) des dépenses ordinaires.

Après avoir relevé l'encombrement persistant des juridictions marquées notamment par l'allongement des délais en appel et par l'accroissement des stocks en instance, Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, a mis l'accent sur les importants efforts de recrutement de magistrats, de fonctionnaires, d'assistants de justice, d'assistants spécialisés et d'emplois jeunes, ainsi que sur les actions menées en faveur de l'amélioration des équipements, de la rationalisation de la gestion des juridictions et de la maîtrise des frais de justice. Elle a toutefois constaté que les nombreuses créations de postes seraient pour une large part absorbées par la mise en oeuvre des nouvelles réformes, relevant que seules 34 créations de postes de magistrats judiciaires sur un total de 212 seraient spécifiquement affectées au renforcement des effectifs en vue de contribuer à la résorption des stocks.

En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits.

Après un échange de vues auquel ont pris part MM. Robert Badinter, Jean-Jacques Hyest, Jacques Peyrat, Charles Jolibois, vice-président et Mme Dinah Derycke, rapporteur pour avis, la commission des Lois s'en est remise à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits consacrés aux services généraux dans le projet de budget du ministère de la justice pour 2000.

Mesdames, Messieurs,

La progression des crédits du ministère de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000, trois fois supérieure à celle de l'ensemble du budget de l'Etat, traduit la priorité maintenue en faveur du renforcement des moyens des juridictions, dont la situation reste, cette année encore, marquée par des délais de jugement excessifs et un gonflement des stocks en instance.

Comme les années précédentes, votre commission des Lois, particulièrement soucieuse d'une amélioration du fonctionnement de la justice au quotidien, a souhaité analyser l'évolution de ces crédits à la lumière de la réalité des difficultés constatées sur le terrain et en prenant en compte les réformes envisagées, qui ne sauraient être menées à bien sans les moyens correspondants.

Après avoir présenté l'évolution générale des crédits affectés au services généraux du ministère de la justice et rappelé quelques données relatives à l'activité des juridictions, le présent avis s'attachera plus particulièrement aux incidences des efforts de recrutement, ainsi qu'à la poursuite de l'amélioration de l'équipement et de la gestion des juridictions.

Seront en outre évoqués le renforcement des moyens destinés à l'accès au droit, le début de la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire et la participation du ministère de la justice à l'élaboration des contrats de plan Etat-régions.

*

Dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, votre rapporteur pour avis a entendu, comme chaque année, les représentants des principales organisations professionnelles de magistrats et de fonctionnaires de justice 1( * ) .

Elle tient à souligner que deux organisations syndicales de magistrats, après avoir accepté le principe de cette audition, ont finalement décidé de ne pas s'y rendre. L'Union syndicale des magistrats (USM) a motivé cette décision par un rappel au règlement effectué par notre collègue Michel Charasse notamment à la suite des propos tenus à l'encontre des sénateurs par M. Valéry Turcey, président de l'USM, dans les colonnes du journal Les Echos daté du 29 novembre 1999, propos au sujet desquels votre commission des Lois a d'ailleurs décidé, à l'unanimité, de saisir M. le Président du Sénat. Pour sa part, le Syndicat de la magistrature, sans excuses préalables, a fait valoir a posteriori un emploi du temps surchargé.

I. UN BUDGET PRIORITAIRE ET EN NETTE PROGRESSION

Après le vote de la loi de programme en 1995, le budget en forte hausse de 1996, la limitation de cette progression comme de celle de l'ensemble du budget en 1997 et l'augmentation significative des crédits pour 1998 (+ 4,03 %) et pour 1999 (+ 5,59 %), le budget de la justice demeure, cette année encore, une priorité nationale.

En effet, les crédits de paiement pour 2000, qui atteignent un montant total de 27.291,15 millions de francs, enregistrent une hausse d'un milliard de francs, soit une progression de 3,91 % par rapport à 1999, trois fois supérieure à la moyenne des autres budgets civils (+ 1,2 %), les autorisations de programme marquant toutefois une régression de 9,27 %, avec un montant total de 1.571,50 millions de francs.

En outre, la progression des effectifs du ministère de la justice est, avec au total 1.237 créations de postes, la plus importante de tous les ministères.

Cependant, la part du budget de la justice dans le budget général de l'Etat ne s'accroît que lentement, passant de 1,56 % en 1998 à 1,61 % en 1999 et 1,62 % en 2000.

A. UNE PROGRESSION MARQUÉE DES CRÉDITS POUR 2000

Le tableau suivant récapitule l'évolution des crédits des trois agrégats qui font l'objet du présent avis présenté par votre commission des Lois ; l'administration générale, les services judiciaires et les juridictions administratives.

Les crédits consacrés d'une part, aux services pénitentiaires et, d'autre part, aux services de la protection judiciaire de la jeunesse, sont quant à eux examinés dans le cadre de deux autres avis présentés au nom de votre commission des Lois, respectivement par nos collègues Georges Othily et Patrice Gélard.

Evolution des crédits de paiement

 

Dotations 1999

Crédits demandés pour 2000

Evolution

 

Montant

% du total

Montant

% du total

1999-2000 en %

Ensemble du ministère de la justice dont :

26 264,85

(100 %)

27 291,15

(100 %)

+ 3,91

- administration générale

3 594,08

13,68

3 671,77

13,45

+ 2,16

- services judiciaires

11 667,91

44,42

11 742,19

43,03

+ 0,64

- juridictions administratives

810,00

3,08

841,66

3,08

+ 3,91

(en millions de francs)

S'agissant des services judiciaires , qui représentent à eux seuls près de la moitié des crédits du ministère de la justice, la stagnation observée des moyens de paiement (+ 0,64 %) s'explique par une diminution de près de 40 % des crédits d'équipement, qui ne doit pas dissimuler la progression substantielle (+ 5,15 %) des dépenses ordinaires destinées à financer les rémunérations et recrutements, les moyens de fonctionnement, notamment les frais de justice, et les dépenses d'intervention, en particulier l'aide juridique.

La forte diminution des crédits de paiement concernant les dépenses d'équipement des services judiciaires, qui passent de 961,6 millions de francs en 1999 à 585,5 millions de francs en 2000, doit elle-même être relativisée, car elle devrait être pour une large part compensée par d'importants reports de crédits de 1999 sur l'exercice 2000, en raison d'un retard pris dans la consommation des crédits d'équipement sur lequel on reviendra dans la quatrième partie du présent avis. D'autre part, les autorisations de programme allouées aux services judiciaires sont en progression de 19,61 %, passant de 673 à 805 millions de francs.

B. L'ACHÈVEMENT DE L'EXÉCUTION DE LA LOI DE PROGRAMME DE 1995

L'examen des crédits du ministère de la justice prévus par le projet de loi de finances pour 2000 constitue l'occasion de dresser le bilan de l'exécution de la loi de programme quinquennale n° 95-9 du 6 janvier 1995 relative à la justice.

S'agissant tout d'abord des créations d'emplois budgétaires , ce bilan s'établit comme suit pour la période 1995-1999 :


 

Nombre de créations d'emplois prévues

Nombre de créations d'emplois inscrites en lois de finances

Taux de réalisation de la loi de programme

Total pour le ministère dont :

5 760

3 903

67,76 %

- Services judiciaires (et magistrats de l'administration centrale)


1 135


1 329


117,09 %

- Juridictions administratives

305

290

95,08 %

En ce qui concerne les autorisations de programme inscrites pour la réalisation des équipements , le bilan pour la période 1995-1999 est le suivant :

 

Enveloppe totale prévue par la loi de programme

Total des autorisations de programme

Taux d'exécution
de la loi de programme

Total pour le ministère dont :

8 100,00

7 574,09

93,51 %

- Services judiciaires (et administration centrale)


4 500,00


4 227,85


93,95 %

- Juridictions administratives

200,00

214,52

107,26 %

(en millions de francs)

L'exécution de la loi de programme est donc presque complète pour les services judiciaires et les juridictions administratives, même si elle est un peu moins satisfaisante pour l'ensemble du ministère de la justice, essentiellement en raison d'un retard pris dans les créations d'emplois concernant l'administration pénitentiaire. Les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2000 permettront de parachever l'exécution de la loi de programme dans les services judiciaires et les juridictions administratives.

C. UNE PROGRESSION QUI DOIT NÉANMOINS ÊTRE RELATIVISÉE DANS LE CADRE D'UNE ÉVOLUTION SUR LONGUE PÉRIODE

Si l'on retrace l'évolution réelle du budget du ministère de la justice au cours des vingt-cinq dernières années, la forte progression constatée dans le projet de loi de finances pour cette année se trouve relativisée, ainsi que le montre le graphique ci-dessous.



En effet, si en francs courants elle atteint 3,91 % pour 2000, en francs constants, la progression du budget de la justice, calculée par référence à une base 100 en 1974, n'est plus que de 3,00 %, les crédits des services judiciaires enregistrant pour leur part une stagnation de - 0,27 % en francs constants.

II. LA SITUATION DES JURIDICTIONS : DES BESOINS QUI DEMEURENT IMPORTANTS

Devant l'asphyxie des juridictions, qui avait été soulignée, en 1996, par la mission d'information constituée par votre commission des Lois pour évaluer les moyens de la justice 2( * ) , le renforcement des moyens qui leur sont affectés constitue depuis plusieurs années une priorité nationale.

Cependant, les dernières statistiques connues sur l'activité des juridictions confirment que les besoins nécessaires au traitement des flux de contentieux demeurent importants.

A. L'ACTIVITÉ CIVILE : DES DÉLAIS TOUJOURS EXCESSIFS ET DES STOCKS EN AUGMENTATION

En matière civile, on constate en 1998 3( * ) une stabilisation des flux d'affaires nouvelles par rapport à 1997 (-2,1 % devant les cours d'appel,- 1,9 % devant les tribunaux de grande instance et -1,2 % devant les tribunaux d'instance). Cette évolution est particulièrement sensible en ce qui concerne les tribunaux de grande instance pour lesquels la baisse enregistrée en 1997 et 1998 succède à une hausse ininterrompue au cours des dix années précédentes. Toutefois, le nombre d'affaires nouvelles s'est accru de 11,2 % en 1998 devant les conseils de prud'hommes, tandis qu'il progressait de 9,7 % devant la Cour de cassation.

Nonobstant la stabilisation globale des flux d'affaires nouvelles, la durée moyenne de traitement des affaires reste fort éloignée des objectifs qui avaient été définis par la loi de programme de 1995.

Elle continue de s'accroître de manière particulièrement préoccupante devant les cours d'appel, même si elle tend à se stabiliser devant les autres juridictions, comme le montre le graphique ci-après.



En 1998, la durée moyenne de traitement des affaires s'est établie à :

- 17,4 mois pour les cours d'appel au lieu de 16,6 mois en 1996, alors que l'objectif fixé par la loi de programme était de douze mois ;

- 9,3 mois pour les tribunaux de grande instance , en légère progression par rapport à 1997 (9,1 mois), à comparer à l'objectif de six mois fixé par la loi de programme ;

- 5,1 mois pour les tribunaux d'instance , soit, là encore, une légère progression par rapport à 1997 (5 mois) et une durée largement supérieure aux trois mois envisagés par la loi de programme ;

- 9,7 mois pour les conseils de prud'hommes (contre 9,6 mois en 1997) ;

- et 5,6 mois pour les tribunaux de commerce (contre 5,8 mois en 1997) 4( * ) .

Les tribunaux de commerce constituent donc la seule catégorie de juridictions devant laquelle les délais moyens de jugement ont pu être réduits en 1998.

Après avoir précisé qu'en ce qui concernait le premier degré de juridiction on assistait à une stabilisation des délais moyens, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a d'ailleurs reconnu au cours de son audition devant votre commission des Lois que la situation des cours d'appel s'était en revanche dégradée très rapidement avec des délais moyens passés de 13,5 mois en 1993 à 17,4 mois en 1998, soulignant qu'elle avait mis en place un véritable plan d'urgence pour faire face à cette situation en augmentant de 10 % les effectifs, soit une création de 90 postes et en concentrant les renforts sur la dizaine de cours les plus surchargées. La situation devrait donc commencer à s'améliorer dès que les recrutements correspondants auront eu lieu et que les postes ainsi créés seront effectivement occupés sur le terrain. De plus, dans certaines de ces cours d'appel, des " contrats de juridiction " sont en cours d'élaboration avec la Chancellerie afin de parvenir à une réduction des délais et une résorption des stocks, ainsi qu'on le verra dans la quatrième partie du présent avis.

Les stocks d'affaires en cours continuent actuellement à s'accroître dans toutes les catégories de juridictions. L'évolution des délais qui seraient nécessaires à la résorption de ces stocks est illustrée par le graphique ci-après.



Compte tenu de la capacité actuelle de traitement des juridictions évaluée à partir du nombre d'affaires terminées dans l'année, ces stocks, exprimés en nombre de mois nécessaires à leur traitement, atteignent en 1998 :

- 18,62 mois pour les cours d'appel ;

- 11,01 mois pour les tribunaux de grande instance ;

- 9,38 mois pour les tribunaux d'instance ;

- et 12,49 mois pour les conseils de prud'hommes 5( * ) .

Votre rapporteur pour avis tient à évoquer la situation particulière des conseils de prud'hommes car ces juridictions qui jouent un rôle important dans la justice au quotidien ne doivent pas être oubliées dans le cadre des réflexions en cours en vue d'une amélioration de son fonctionnement.

Or, la situation de ces juridictions apparaît préoccupante à un double titre, d'une part, parce qu'elles connaissent, en première instance, des délais moyens de jugement atteignant près de 10 mois, et d'autre part, parce qu'une proportion très élevée de leurs décisions sont traditionnellement frappées d'appel. Ainsi, en 1998, plus de 60 % des décisions susceptibles d'appel ont été effectivement portées en appel ; en matière de contentieux du licenciement, plus de deux affaires sur trois sont frappées d'appel.

Cette situation est à l'origine d'un encombrement des cours d'appel, entraînant donc le plus souvent de longs délais supplémentaires, sur lesquels les parties semblent d'ailleurs parfois jouer. Elle devrait conduire à une réflexion sur une amélioration de l'organisation de la première instance et sur des mesures susceptibles de dissuader les appels abusifs. Le rapport sur la procédure civile établi par M. Jean-Marie Coulon en 1996 prévoyait d'instaurer le principe de l'exécution provisoire des jugements de première instance.

En outre, en matière prud'homale, les recours en cassation sont également très nombreux et entraînent un encombrement préoccupant de la chambre sociale de la Cour de cassation devant laquelle le délai moyen de jugement atteignait deux ans et cinq mois en 1997, ce qui amène les magistrats à s'interroger sur l'opportunité de l'institution d'une représentation obligatoire par avocat pour les recours en cassation dans ce domaine.

B. L'ACTIVITÉ PÉNALE : UNE RÉGULATION ASSURÉE PAR LES CLASSEMENTS SANS SUITE

En matière pénale, le nombre global des infractions signalées en 1998 s'est établi à 4.961.315 plaintes, dénonciations et procès-verbaux, soit pratiquement le même volume qu'en 1997 (- 0,1 %).

La régulation du flux continue néanmoins à être assurée par des classements sans suite encore trop nombreux .

Même si le nombre de procédures alternatives aux poursuites s'accroît notablement, passant de 140.000 en 1997 à 163.819 en 1998, soit une progression de 17 %, les classements sans suite (hors procédures alternatives) concernent encore 83 % du nombre total des affaires traitées et surtout près de la moitié (48,1 %) des procédures dans lesquelles l'auteur de l'infraction a été identifié.

Ce dernier taux, le plus significatif, marque cependant une baisse sensible par rapport à 1997 où il s'établissait à 52,2 %. De plus, si l'on écarte, outre les procédures dans lesquelles l'auteur de l'infraction est inconnu, les affaires classées sans suite pour motif juridique ou absence d'infraction, seules 35,1 % des affaires susceptibles d'être effectivement poursuivies sont classées sans suite pour poursuite jugée inopportune, le plus souvent en raison du peu d'importance du trouble ou préjudice créé par l'infraction (51,2 % donnent lieu à une poursuite et 13 ,7 % donnent lieu à une procédure alternative).

Après une légère réduction constatée depuis 1993 où il atteignait 11,5 mois, le délai moyen de réponse pénale 6( * ) s'est un peu allongé en 1997, passant de 9,7 mois en 1996 à 10,1 mois en 1997. La durée moyenne des procédures s'est ainsi établie, en 1997, à 49,1 mois pour les crimes (contre 45 mois en 1996), 10,2 mois pour les délits (contre 9,9 mois en 1996) et 8,5 mois pour les contraventions de cinquième classe (contre 7,1 mois en 1996).

C. L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES : UN ENGORGEMENT PRÉOCCUPANT

Si les transferts de compétences aux cours administratives d'appel ont permis de réduire progressivement le stock d'affaires en instance au Conseil d'Etat, qui en 1998 correspond à un délai théorique d'élimination d'environ onze mois en données nettes 7( * ) , ils ont en revanche entraîné un accroissement massif du nombre d'affaires pendantes devant ces cours.

En effet, le nombre annuel d'affaires enregistrées par les cours administratives d'appel a triplé en données brutes entre 1991 et 1996 et le stock d'affaires en instance a été multiplié par quatre entre 1992 et 1998 ; le délai théorique d'élimination de ce stock, qui dépassait à peine un an en 1991, était de trois ans et deux mois en 1998 (en données nettes).

La situation devrait néanmoins s'améliorer progressivement compte tenu de la mise en service récente des deux nouvelles cours administratives d'appel de Marseille (en septembre 1997) et de Douai (en septembre 1999).

En ce qui concerne les tribunaux administratifs , le nombre annuel d'affaires enregistrées a augmenté de 77 % de 1990 à 1998 en données nettes corrigées des séries, soit une moyenne de près de 10 % par an, atteignant même 22 % de 1997 à 1998 8( * ) .

Les stocks ont augmenté continuellement entre 1990 et 1998 ; leur rythme d'augmentation, qui avait pu être réduit à 2 ou 3 % par an, s'établit à 10 % en 1998. Le délai moyen de jugement, qui était de deux ans et demi en 1991, s'est réduit progressivement à un peu moins de deux ans , ce qui reste cependant très éloigné de l'objectif de réduction à un an des délais moyens devant les juridictions administratives qui avait été fixé par la loi de programme.

Par ailleurs, le délai moyen de jugement est encore de 18 mois au Conseil d'Etat.

III. UN EFFORT DE RECRUTEMENT SOUTENU

Le budget de la justice pour 2000 est marqué par la poursuite de l'effort entrepris en vue du renforcement des effectifs des juridictions judiciaires comme des juridictions administratives : il prévoit en effet la création de 382 emplois pour les services judiciaires et de 85 emplois au Conseil d'Etat et dans les juridictions administratives. Cependant, l'effort de recrutement sera en large part absorbé par la mise en oeuvre des nouvelles réformes prévues.

A. LES RECRUTEMENTS DE MAGISTRATS JUDICIAIRES

1. Un effort exceptionnel de recrutement

Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit la création de 212 emplois de magistrats , succédant aux 70 créations d'emplois intervenues en 1998 et aux 140 autres réalisées en 1999.

S'y ajoute la création de quatre emplois de magistrats inspecteurs destinée à renforcer les effectifs de l'Inspection générale des services judiciaires qui assure désormais non seulement des missions traditionnelles de contrôle de l'activité des juridictions, mais également des missions thématiques d'évaluation en vue d'une amélioration qualitative de l'utilisation des moyens affectés à la justice.

Par ailleurs, il est à noter qu'après une première provision de 18 millions de francs en loi de finances pour 1999, une nouvelle dotation de 20 millions de francs est inscrite au projet de loi de finances pour 2000 en vue de la réforme du statut de la magistrature . Cette réforme très attendue par les magistrats est destinée à procéder à un repyramidage du corps afin de remédier aux actuels blocages de carrière résultant notamment des déséquilibres démographiques du corps. Elle devrait être mise en oeuvre par le projet de loi organique relatif au statut de la magistrature dont Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a annoncé le dépôt pour le début de l'année prochaine, après la réunion du Congrès appelé à se prononcer sur la révision constitutionnelle relative au Conseil supérieur de la magistrature le 24 janvier 2000.

Au total, 422 postes de magistrats auront été créés en l'espace de trois ans dans les juridictions judiciaires.

Compte tenu de ces créations de postes, le nombre de postes ouverts aux concours d'accès à l'Ecole nationale de la magistrature a été porté à 185 pour 1998 et 1999 (contre 145 pour 1996 et 1997).

En outre, afin d'accélérer les recrutements, la loi organique n° 98-105 du 24 février 1998 a autorisé l'organisation de deux concours exceptionnels permettant le recrutement de 100 magistrats en 1998 et de 100 autres en 1999. Les magistrats recrutés en 1998 par cette voie ont pris leurs fonctions en juridiction dès l'été 1999 à l'issue d'une formation de six mois ; de même les lauréats du concours 1999 prendront leurs fonctions en juillet 2000.

Selon les informations communiquées par la Chancellerie, les recrutements effectués en 1998 et 1999 et prévus pour 2000 se répartissent comme suit 9( * ) :

 

Nomination de magistrats issus de l'ENM

Concours exceptionnels

Conseillers de cour d'appel en service extraordinaire

Détachement judiciaire

Recrutement latéral
Intégration directe


Total

1998

147

 

2

1

25

175

1999

154

100

14*

6*

25*

299*

2000

165 *

100*

 

10*

30*

305*

(*) prévisions

2. Le renfort appréciable des magistrats maintenus en activité en surnombre mais encore très insuffisant des conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et des magistrats à titre temporaire

En application d'une loi organique du 7 janvier 1988, dont les dispositions ont récemment été prorogées jusqu'au 31 décembre 2002 par la loi organique n° 99-583 du 12 juillet 1999 relative au statut de la magistrature, les magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance qui atteignent la limite d'âge (fixée en principe à 65 ans) peuvent être maintenus en activité sur leur demande pour une période non renouvelable de trois ans ; ils sont alors affectés en surnombre dans une juridiction au sein de laquelle ils exercent des fonctions de magistrat " de base " 10( * ) . Un dispositif analogue existe également à la Cour de cassation, en vertu d'une loi organique du 23 décembre 1986.

Au total, bénéficient actuellement de ces dispositions 82 magistrats répartis comme suit : 23 à la Cour de cassation, 27 dans les cours d'appel, 28 dans les tribunaux de grande instance (dont 19 à Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil) et 4 dans les juridictions d'outre-mer (2 dans les départements d'outre-mer et 2 dans les territoires d'outre-mer).

Les magistrats maintenus en surnombre constituent un renfort particulièrement appréciable pour les juridictions connaissant les taux d'activité les plus élevés ; en effet le maintien en activité permet de rentabiliser l'expérience acquise par les intéressés et de faire l'économie d'une formation aux fonctions concernées.

Aussi, votre commission des Lois a-t-elle approuvé la prorogation du dispositif autorisant le maintien temporaire en activité au-delà de la limite d'âge des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance.

Elle regrette en revanche que soit jusqu'ici resté très limité le recrutement de conseillers de cours d'appel en service extraordinaire et de magistrats à titre temporaire , qui avait été prévu par la loi organique n° 95-64 du 19 janvier 1995 afin de compléter les renforts des effectifs des juridictions tout en diversifiant le corps judiciaire.

D'une part, les nominations de conseillers de cours d'appel en service extraordinaire sont restées jusqu'ici peu nombreuses : 3 en 1997 et 2 en 1998 ; 14 sont cependant prévues pour 1999.

D'autre part, bien qu'aient été inscrits en loi de finances des crédits de vacations permettant le recrutement de 64 magistrats à titre temporaire 11( * ) en équivalent temps plein (sur les 80 prévus par la loi de programme), la mise en oeuvre pratique de ce recrutement est restée bien timide. Elle ne concerne actuellement, à titre expérimental, que les cours d'appel d'Aix-en-Provence, Angers, Colmar et Versailles. 9 magistrats à titre temporaire ont été nommés en 1999, 14 candidatures étant actuellement en cours d'instruction.

3. Des vacances de postes qui restent encore trop nombreuses sur le terrain

Les difficultés liées à l'existence d'un nombre élevé de vacances de postes sont souvent dénoncées par les organisations syndicales de magistrats.

Les chiffres communiqués par la Chancellerie, calculés en faisant la différence entre les effectifs budgétaires et le nombre de magistrats en activité, sous réserve des ajustements liés aux emplois à temps partiel, font apparaître une augmentation du nombre des vacances de poste entre 1995 et 1998 (133 en 1995, 187 en 1996, 195 en 1997, 215 en 1998), suivie d'une réduction en 1999 où le nombre de vacances de poste serait de 147, soit un taux de vacance de 2,2 % seulement. L'augmentation constatée entre 1995 et 1998 s'explique par le nombre important de créations d'emplois intervenues, le recrutement par la voie de l'ENM ne permettant de pourvoir les emplois créés qu'un peu moins de quatre ans après leur création. Toutefois, l'entrée en fonction, en juillet 1999, des 100 magistrats issus du premier concours exceptionnel de recrutement a permis de réduire sensiblement le nombre des vacances budgétaires comptabilisées par la Chancellerie en 1999.

Cependant, selon d'autres informations communiquées à votre rapporteur pour avis par la Chancellerie, il y aurait actuellement 298 emplois budgétaires vacants . En y ajoutant les 57 emplois de magistrats mis à disposition (notamment dans les cabinets ministériels) et les 18 emplois de magistrats bénéficiant de décharges syndicales, on obtiendrait un total de 373 emplois de magistrats non occupés sur 6.503, soit 5,7 % d'emplois non occupés.

En outre, compte tenu des absences pour congés divers, les effectifs réels des juridictions sur le terrain sont souvent inférieurs à ceux calculés en fonction de l'occupation des postes budgétaires.

L'accroissement du nombre des magistrats placés qui peuvent être temporairement affectés dans une juridiction pour pallier une vacance de poste ou remplacer un magistrat en congé, permet de répondre en partie à ce problème.

En 1999, la création de 9 emplois de juges placés et de 6 emplois de substituts placés a permis de porter le nombre des magistrats placés à 154, soit 3,34 % des emplois, ce qui reste néanmoins très en deçà du maximum fixé par la loi organique 12( * ) qui permettrait de porter l'effectif des magistrats placés à 312 emplois.

4. Des créations de postes qui seront pour une large part absorbées par la mise en oeuvre des nouvelles réformes

Déjà, en 1999, sur les 140 créations d'emplois de magistrats décidées en loi de finances, 60 avaient été destinées à la mise en place du juge de la détention provisoire prévue par le projet de loi relatif à la présomption d'innocence.

Ce phénomène s'accentuera en 2000 puisque parmi les 212 créations de postes de magistrats prévues, 48 postes seront à nouveau affectés à la mise en place du juge de la détention, tandis que 100 autres seront destinés à la réforme des tribunaux de commerce afin de pouvoir assurer la mixité prévue au sein de ces tribunaux. En outre, 25 autres postes sont prévus pour renforcer les effectifs de magistrats s'occupant des mineurs, en application des mesures arrêtées par le Conseil de sécurité intérieure du 27 janvier 1999 qui a notamment décidé la création de 75 emplois de magistrats étalée sur trois années.

Au total, quatre emplois de magistrats étant par ailleurs créés en vue de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et un emploi supplémentaire créé à Mayotte pour assurer la présidence de la Commission de révision des actes de l'état-civil mise en place dans cette collectivité, seules 34 créations de postes seront spécifiquement affectées au renforcement des effectifs des cours d'appel en vue de contribuer à la résorption des stocks, contre une soixantaine l'an dernier.

Même si Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a précisé au cours de son audition devant votre commission des Lois que les 178 autres créations d'emplois prévues ne mobiliseraient pas entièrement les magistrats concernés et seraient donc pour partie affectées au renforcement des moyens de travail courant dans les tribunaux de grande instance, il n'en demeure pas moins que les très nombreuses créations d'emplois de magistrats prévues par le projet de loi de finances pour 2000 ne permettront pas toutes de soulager le juridictions surchargées. Il en sera d'ailleurs de même des créations d'emplois de greffiers puisqu'une bonne part de ces nouveaux emplois sont notamment destinés à la réforme du contentieux de la liberté.

Au cours de l'examen des crédits en commission, MM. Jean-Jacques Hyest et Jacques Peyrat ont estimé que, compte tenu des importants besoins liés à la mise en oeuvre des réformes, les créations de postes seraient insuffisantes pour améliorer le fonctionnement de la justice au quotidien.

B. LES RECRUTEMENTS DE FONCTIONNAIRES DES SERVICES JUDICIAIRES

Parallèlement aux créations d'emplois de magistrats, la Chancellerie poursuit le renforcement des effectifs des greffes qui en constitue le complément indispensable.

En 1999, les 230 emplois créés (10 greffiers en chef, 112 greffiers, 72 personnels de bureau, 36 contractuels) ont été localisés dans les juridictions selon les priorités suivantes :

- accompagnement des créations d'emplois de conseillers dans les cours d'appel, de juge de la détention provisoire et de juge des enfants dans les tribunaux du premier degré ;

- renforcement des services administratifs régionaux ;

- développement de la présence de greffiers dans les maisons de la justice et du droit.

Pour 2000, le nombre de créations d'emplois de fonctionnaires sera, contrairement aux années précédentes, inférieur à celui des créations d'emplois de magistrats, mais cette évolution s'explique, ainsi que l'a souligné Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, au cours de son audition devant votre commission des Lois, par l'impact de la réforme des tribunaux de commerce qui nécessite de nombreuses créations d'emplois de magistrats mais pas de création d'emplois de greffiers.

Les 170 créations d'emplois prévues par le projet de loi de finances pour 2000 (15 postes de greffiers en chef, 140 emplois de greffiers et 15 contractuels) devraient être réparties comme suit :

- 48 greffiers pour la réforme du contentieux de la liberté ;

- 25 greffiers dans les juridictions pour mineurs, en application des mesures arrêtées par le Conseil de sécurité intérieure ;

- 57 greffiers pour le renforcement des juridictions en vue de la résorption des stocks ;

- 5 greffiers en chef et 4 greffiers pour les conseils départementaux de l'accès au droit ;

- 10 greffiers en chef, 5 greffiers, 6 contractuels ingénieurs de l'équipement et 9 contractuels informaticiens pour le renforcement des services administratifs régionaux ;

- et 1 greffier pour la réforme de l'état-civil à Mayotte.

Il est à souligner qu'aucun poste de greffier n'est expressément prévu pour l'application de la loi relative au pacte civil de solidarité, alors que celle-ci devrait entraîner un surcroît de travail substantiel pour les greffes.

Les représentants des organisations syndicales de fonctionnaires de justice entendus par votre rapporteur pour avis ont estimé que les créations d'emplois prévues seraient insuffisantes pour faire face à la mise en place de l'ensemble des nouvelles réformes, soulignant notamment la faiblesse des recrutements de greffiers en chef et l'absence de recrutements de fonctionnaires de catégorie C.

Ils ont par ailleurs déploré l'insuffisance des mesures de revalorisation indemnitaire inscrites au projet de loi de finances pour 2000, limitées à une enveloppe globale de 17 millions de francs pour l'ensemble des catégories.

C. LE RENFORCEMENT DES EFFECTIFS DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Afin de faire face à l'augmentation des flux de contentieux devant les juridictions administratives, le renforcement des effectifs de magistrats et de fonctionnaires se poursuit également dans ces juridictions.

• S'agissant des magistrats des cours administratives d'appel et des tribunaux administratifs , la loi de programme prévoyait, d'une part, la création de 105 emplois budgétaires et, d'autre part, le recrutement à titre temporaire 13( * ) de 75 magistrats.

100 emplois budgétaires ont été créés de 1995 à 1999, tandis que des crédits étaient progressivement ouverts pour la rémunération de 71 magistrats recrutés à titre temporaire.

Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit la création de 40 emplois supplémentaires (dont les cinq derniers de l'exécution de la loi de programme) ; en revanche, il tend à supprimer les crédits correspondant aux 25 magistrats recrutés à titre temporaire en 1995.

Constatant que ces créations d'emplois correspondaient donc en fait pour partie à la transformation d'emplois en surnombre déjà occupés, les représentants des organisations syndicales de magistrats administratifs entendus par votre rapporteur pour avis ont regretté que n'aient pas été pris en compte les moyens nécessaires à l'application de la réforme des procédures d'urgence actuellement en cours d'examen par le Parlement, qui nécessiterait selon eux la création d'une quarantaine d'emplois.

Ils ont par ailleurs souligné l'insuffisance des créations d'emplois de président de formation de jugement pour assurer de façon satisfaisante les fonctions d'encadrement.

•  En ce qui concerne les effectifs des greffes , la loi de programme prévoyait la création de 200 emplois de fonctionnaires, dont 190 ont été créés de 1995 à 1999. Le projet de loi de finances pour 2000 achève sur ce point l'exécution de la loi de programme, avec la création de 45 emplois de fonctionnaires, soit 40 dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel et 5 au Conseil d'Etat (dont un emploi d'ingénieur informaticien).

D. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ASSISTANCE AUX MAGISTRATS

1. Le bilan très positif du recours aux assistants de justice

A l'initiative de la commission des Lois du Sénat, l'article 20 de la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions a prévu la possibilité de recruter des assistants auprès des magistrats des tribunaux d'instance, des tribunaux de grande instance et des cours d'appel.

Ces assistants de justice sont recrutés pour une durée de deux ans renouvelable une fois parmi les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant quatre années d'études supérieures en matière juridique. Indemnisés par l'allocation de vacations horaires, ils travaillent le plus souvent à mi-temps. Ils sont notamment chargés d'effectuer des recherches documentaires ou des analyses juridiques et de rédiger des notes de jurisprudence ou de synthèse des dossiers ainsi que des projets de décisions suivant les indications des magistrats.

On dénombre actuellement 950 assistants de justice, 400 autorisations de recrutements supplémentaires, ouvertes en loi de finances pour 1999, s'étant ajoutées à celles déjà accordées en lois de finances depuis 1995. La mesure nouvelle de 4 millions de francs prévue au projet de loi de finances pour 2000 pour le recrutement de 100 assistants supplémentaires permettra de porter leur nombre à 1.050 , soit un doublement en deux ans .

Un premier bilan réalisé pour l'année 1998 traduit une totale satisfaction des magistrats qui sont secondés par ces assistants de justice. Ainsi, grâce au concours des assistants, certains magistrats ont pu obtenir une progression substantielle du nombre des affaires traitées.

Au cours de son audition par votre rapporteur pour vais, M. Dominique Matagrin, président de l'APM, a pour sa part jugé cette formule intéressante mais insuffisante, souhaitant la création d'un corps d'assistants-rédacteurs permanents qui seraient chargés d'apporter aux magistrats une aide à la décision, plutôt qu'un accroissement continuel du nombre des magistrats.

2. La mise en place du recrutement d'assistants spécialisés au sein des nouveaux pôles financiers

Afin d'améliorer les conditions de lutte contre la délinquance économique et financière, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a décidé la création de pôles économiques et financiers permettant de renforcer les moyens de certaines juridictions qui sont spécialisées en matière de traitement des infractions économiques et financières en application des articles 704 et 705 du code de procédure pénale.

Les moyens matériels des pôles financiers sont renforcés par des opérations immobilières permettant, comme par exemple à Paris, l'installation des services du parquet et de l'instruction dans de nouveaux locaux plus vastes et plus adaptés, ou encore par le perfectionnement des outils informatiques, notamment grâce à la diffusion du logiciel d'instruction assistée par ordinateur (IAO).

En ce qui concerne le renforcement des moyens humains, il est réalisé par l'affectation au sein des pôles financiers d'assistants de justice (25 en 1998 et 35 supplémentaires en 1999) et surtout d'assistants spécialisés .

La possibilité de recruter ces assistants spécialisés a été instituée par l'article 91 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier qui permet de mettre à la disposition des juridictions spécialisées en matière économique et financière soit des fonctionnaires de catégorie A ou B, soit des personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation économique, financière, juridique ou sociale d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieures et justifiant d'une expérience professionnelle minimale de quatre années.

Les assistants spécialisés sont chargés d'apporter une assistance technique aux magistrats dans des matières complexes, mais ne peuvent accomplir par eux-mêmes aucun acte de procédure. Les modalités de leur recrutement et de l'exercice de leurs fonctions ont été précisées par le décret n° 99-95 du 5 février 1999.

19 assistants spécialisés ont déjà été recrutés en application de ces dispositions et ont pris leurs fonctions en juin 1999. Il s'agit pour le moment de fonctionnaires du ministère des finances (inspecteurs des impôts, des douanes et des droits indirects, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ainsi que d'agents de la Banque de France. 9 ont été affectés à Paris, 2 à Marseille, 3 à Bastia, 2 à Lyon, 1 à Bordeaux, 1 à Fort-de-France et 1 à Nanterre.

Ainsi qu'elle l'a précisé au cours de son audition devant votre commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, envisage de compléter la mise en place déjà réalisée des pôles financiers de Paris, Bastia, Lyon et Marseille en constituant au total 10 à 12 pôles financiers sur l'ensemble du pays, 45 agents du ministère des finances devant à terme être mis à la disposition de ces pôles. Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit une mesure nouvelle de 5 millions de francs pour la création de nouveaux pôles financiers.

E. LE DÉVELOPPEMENT DU RECOURS AUX EMPLOIS-JEUNES : LE RECRUTEMENT DE NOMBREUX " AGENTS DE JUSTICE "

Votre commission des Lois s'était interrogée, à l'origine, sur l'opportunité de la mise en place d'emplois-jeunes par le ministère de la justice. Elle avait alors souligné les difficultés d'adaptation de la procédure retenue au cas particulier du ministère de la justice, les incertitudes pesant sur le mode de financement et le problème de la définition d'emplois pertinents dans ce domaine.

Il avait été initialement prévu de faire reposer cette mise en place sur les associations exerçant des activités liées aux missions du ministère de la justice. Ainsi, cinq accords cadres avaient été conclus le 3 décembre 1997 avec l'Association française pour la sauvegarde de l'enfance et de l'adolescence (1.000 emplois prévus), le Comité de liaison des associations socio-éducatives de contrôle judiciaire (300 emplois prévus), l'Institut national d'aide aux victimes et de médiation (250 emplois prévus), le 10 juin 1998 avec l'Union nationale des associations familiales (500 emplois prévus), le 28 juillet 1998 avec le Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles (100 emplois prévus), soit un total de 2.150 emplois à recruter dans un délai de trois ans, à compter de la signature des accords.

Les statistiques disponibles sur les recrutements effectués dans le cadre de ces accords font apparaître, fin juillet 1999 , 335 conventions signées et 475 jeunes recrutés . Dans le secteur des services judiciaires, les conventions signées ont porté essentiellement sur les activités de médiation et d'aide aux victimes, ainsi que sur l'accès au droit et l'accompagnement du public dans les palais de justice.

Cependant, le nombre des recrutements n'a pas progressé au rythme escompté, des difficultés ayant notamment été rencontrées par les associations porteuses des projets pour trouver des partenaires assurant le complément de financement des rémunérations des jeunes recrutés.

Aussi, le Gouvernement a-t-il été conduit à imaginer un dispositif spécifique permettant au ministère de la justice de recruter et d'employer directement des emplois-jeunes financés à 100 % par l'Etat, à l'instar des dispositions adoptées pour le recrutement d'adjoints de sécurité par le ministère de l'Intérieur. Ce dispositif a fait l'objet de l'article 29 de la loi n° 99-515 du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, qui prévoit le recrutement, " pour développer des activités correspondant à des besoins non satisfaits ", d' " agents de justice " âgés de 18 à 26 ans, en qualité de contractuels de droit public pour une période maximale de cinq ans non renouvelable.

Les modalités du recrutement et de l'exercice des fonctions de cette nouvelle catégorie d'emplois-jeunes ont ensuite été précisées par le décret n° 99-916 du 27 octobre 1999 relatif aux agents de justice.

Le dispositif emplois-jeunes du ministère de la justice comporte donc désormais deux volets :

- un volet associatif, comprenant notamment la poursuite de la mise en oeuvre des accords cadres, avec des objectifs toutefois revus à la baisse, dont le financement est assuré en dehors du budget du ministère ;

- et un volet public reposant sur le recrutement direct d'agents de justice par le ministère de la justice.

L'objectif demeure, comme initialement, la création de 3.500 emplois-jeunes au total.

Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit le recrutement de 2.000 agents de justice en tout, dont 1.050 pour les services judiciaires . Une mesure nouvelle de 45,43 millions de francs (dont 27,78 millions pour les services judiciaires) a été inscrite à cette fin au budget du ministère de la justice, correspondant à 20 % du total des rémunérations et charges sociales, les 80 % restants devant faire l'objet, en cours de gestion, d'un transfert de crédits du ministère de l'emploi et de la solidarité.

Selon les dispositions de l'article 1 er du décret du 27 octobre 1999 précité, pour ce qui concerne les services judiciaires, les agents de justice devraient assurer, à l'exclusion de toute autre fonction, des activités répondant à des besoins non satisfaits en matière d'accueil et d'assistance auprès des justiciables et du public dans les juridictions et les maisons de justice et du droit.

Au cours de son audition devant votre commission des Lois, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a indiqué que des fiches de postes très précises étaient élaborées en concertation avec les organisations syndicales de fonctionnaires et présentées aux comités techniques paritaires.

IV. LA POURSUITE DE LA RÉNOVATION DE L'ÉQUIPEMENT ET DE LA GESTION DES JURIDICTIONS

A. LE PROGRAMME D'INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS

1. Une sous-consommation des crédits d'équipement

Depuis quelques années, on constate au ministère de la justice un retard croissant dans la consommation des crédits de paiement destinés aux dépenses d'équipement des services judiciaires, entraînant des reports de crédits très importants d'une année sur l'autre. Les reports de 1998 sur l'exercice 1999 ont atteint 367 millions de francs (soit 44 % de la ressource disponible) ; de même, en fin de gestion 1999, 420 millions de francs (soit 31 % de la dotation utilisable) pourraient être reportés sur l'exercice 2000.

Selon les services de la Chancellerie, cette situation s'explique pour trois raisons. Tout d'abord, depuis 1997, la baisse du niveau des autorisations de programme destinées aux services judiciaires, dues à l'effort particulier consenti sur l'équipement pénitentiaire, a conduit le ministère de la justice soit à fractionner la mise en place de financements programmés, soit à différer le lancement d'opérations prêtes à entrer dans leur phase de travaux. Ensuite, en raison de la reprise d'activité dans le secteur du bâtiment, un certain nombre d'appels d'offres ont été infructueux. Enfin, le ministère de la justice n'ayant pas de services techniques propres, il subit une forte dépendance à l'égard des moyens disponibles dans les DDE.

L'évolution des crédits d'équipement dans le projet de loi de finances pour 2000 doit donc être analysée au regard de cette situation de sous-consommation à laquelle la diminution de près de 40 % des crédits de paiement, amputés de 376 millions de francs, devrait permettre de remédier. Les autorisations de programme sont pour leur part en progression de près de 20%. Il conviendra toutefois de veiller à ce qu'un déséquilibre dans l'autre sens ne se produise pas au cours des années suivantes.

2. Les opérations en cours

S'agissant des juridictions judiciaires , les crédits d'investissement inscrits au projet de loi de finances pour 2000 permettront la poursuite des grandes opérations de construction en cours à Nantes, Grenoble, Avignon, Fort-de-France, Toulouse et Besançon, ainsi que le lancement d'opérations nouvelles à Pontoise, Versailles et Narbonne. Ils permettront en outre de financer à un niveau équivalent à celui de 1999 des opérations déconcentrées de rénovation et de mise en sécurité des juridictions.

S'agissant des juridictions administratives , les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2000 permettront notamment de financer la création d'un nouveau tribunal administratif à Cergy-Pontoise ainsi que des travaux de modernisation du Conseil d'Etat.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis souhaite évoquer les problèmes posés par la mise en service récente du nouveau tribunal de grande instance de Bordeaux . En effet, celle-ci a fait apparaître des erreurs de conception liées à un pari architectural futuriste, telles que la mise " en vitrine " des juges d'instruction, ainsi que des défaillances techniques de la construction qui ont donné lieu à l'engagement d'un contentieux par la Chancellerie.

Votre rapporteur pour avis souhaite que des enseignements puissent être tirés de cette expérience malheureuse afin que de tels problèmes ne se reproduisent pas à l'occasion de la construction du nouveau tribunal de grande instance à Paris.

3. Le projet de construction d'un nouveau tribunal de grande instance à Paris

Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a récemment annoncé la décision de la construction à Paris d'un nouveau bâtiment destiné à abriter le tribunal de grande instance. Au cours de son audition devant votre commission des Lois, elle a apporté un certain nombre de précisions sur ce projet de déménagement du tribunal de grande instance de Paris.

Elle a fait observer que les locaux actuels du palais de justice étaient très insuffisants depuis déjà plusieurs décennies, tant en superficie, car 90.000 m 2 seulement étaient disponibles pour trois juridictions alors qu'il en faudrait 150.000 m 2 , qu'en termes qualitatifs, car ces locaux ne comportaient pas de bureaux pour les magistrats, ni de salle d'audience permettant d'accueillir des procès exceptionnels réunissant un grand nombre de prévenus et n'offraient pas de conditions de travail satisfaisantes ni de garanties suffisantes de sécurité. Elle a ajouté que cette insuffisance rendait nécessaire la location de locaux complémentaires, d'un coût élevé pour les finances publiques (60 millions de francs par an de loyers).

Après avoir rappelé que la réflexion engagée par ses prédécesseurs avait fait ressortir des désaccords entre les différents acteurs concernés quant au choix de la juridiction appelée à déménager, elle a indiqué qu'elle avait engagé une concertation qui avait abouti à la proposition d'un déménagement du tribunal de grande instance. Elle a fait valoir que cette opération, loin de disperser les implantations des juridictions parisiennes, permettrait de les concentrer en passant de cinq sites actuels à deux sites seulement.

S'agissant du financement, elle a précisé qu'elle avait obtenu l'inscription de 350 millions de francs d'autorisations de programme en loi de finances rectificative pour 1999 en vue du lancement de la première tranche de cette opération particulièrement coûteuse en termes d'acquisitions foncières. Le montant des investissements nécessaires pourrait en effet atteindre 1 milliard de francs pour l'acquisition du terrain et 1,2 milliard de francs pour la construction qui pourrait débuter en 2006.

B. UNE GÉNÉRALISATION DE L'INFORMATISATION ACCOMPAGNÉE D'UNE AMÉLIORATION DE L'OUTIL STATISTIQUE

La généralisation de l'informatisation des juridictions en cours s'accompagne d'une réforme du système de production de statistiques qui permet d'améliorer les " outils de pilotage " disponibles en vue d'une meilleure répartition des moyens et d'une gestion plus rationnelle des juridictions.

En matière civile , l'implantation des nouveaux logiciels acquis par la Chancellerie en 1998 et destinés à se substituer aux logiciels d'initiative locale se poursuit dans les cours d'appel, les tribunaux de grande instance et les conseils de prud'hommes : 26 cours d'appel, 97 tribunaux de grande instance et 124 conseils de prud'hommes devraient ainsi être équipés fin 1999. Cette implantation s'accompagne d'une expérimentation de modules de production automatique de " tableaux de bord " permettant un suivi du traitement des affaires civiles. En outre, les tribunaux d'instance sont progressivement informatisés grâce au déploiement d'applications gérées par la Chancellerie, là encore avec un module de production de " tableau de bord " permettant un suivi de l'activité : 394 tribunaux devraient être équipés fin 1999.

En matière pénale , les statistiques relatives aux classements sans suite ont pu être affinées. En effet, l'ensemble des parquets utilisent désormais une table unique composée de sept motifs principaux de classement et chaque parquet peut éditer au rythme de ses besoins les classements sans suite selon le motif et les entrées au parquet selon la nature des affaires. En outre, un logiciel du suivi de l'exécution des peines est actuellement en cours de déploiement dans les tribunaux de grande instance.

Par ailleurs, s'agissant des juridictions administratives , le déploiement de l'application " Skipper " de gestion des dossiers du contentieux administratif sera achevé fin 1999 au Conseil d'Etat, dans les cours administratives d'appel et dans l'ensemble des tribunaux administratifs métropolitains. Les magistrats administratifs entendus par votre rapporteur pour avis ont cependant souligné l'insuffisance des équipements informatiques. A ce sujet, ils ont notamment déploré l'absence d'ordinateurs portables pour les magistrats, ainsi que les déficiences de l'accès aux bases de données juridiques, soulignant sur ce dernier point que les avocats étaient parfois paradoxalement mieux informés qu'eux de l'évolution de la jurisprudence administrative.

C. LA MISE EN PLACE EXPÉRIMENTALE DE CONTRATS DE JURIDICTIONS OU DE CONTRATS DE PROCÉDURES

Tout en poursuivant les actions déjà entreprises en vue d'une déconcentration de la gestion au niveau des cours d'appel, notamment avec la mise en place des services administratifs régionaux (SAR), la Chancellerie travaille actuellement à l'élaboration de contrats de juridiction avec chacune des cours d'appel. Ces contrats ont pour objet de déterminer les tâches prioritaires et les efforts de productivité à mener en vue de parvenir à réduire les délais et à résorber les stocks. Un contrat a déjà été conclu avec la cour d'appel de Caen ; il prévoit une résorption des stocks en trois ans. Un autre a été proposé par la cour d'appel de Bordeaux.

Par ailleurs, dans certaines juridictions, des contrats de procédure sont mis au point avec le Barreau afin d'améliorer les conditions de la mise en état des dossiers, là encore en vue de parvenir à une réduction des délais. M. Robert Badinter a d'ailleurs fait observer que cette pratique avait déjà été expérimentée entre 1983 et 1985 et avait alors donné des résultats très positifs.

D. UN EFFORT SIGNIFICATIF DE MAÎTRISE DES FRAIS DE JUSTICE

Au cours des dernières années, les dépenses de frais de justice , qui ont atteint 1,62 milliard de francs en 1998 , se sont accrues à un rythme extrêmement rapide, progressant d'environ 8 % par an, soit une centaine de millions de francs de plus chaque année.

Face à cette augmentation, un ensemble de mesures ont été récemment prises pour maîtriser l'évolution des frais de justice.

Ainsi, le décret n° 99-203 du 18 mars 1999 a procédé à une refonte globale des dispositions réglementaires du code de procédure pénale relatives aux frais de justice criminelle, qui tendait notamment à une meilleure maîtrise des coûts par le contrôle des conditions dans lesquelles les tarifications sont élaborées et appliquées, et par la vérification de la régularité des dépenses prises en charge. En particulier, le champ de la tarification a été étendu à de nouvelles catégories de frais (frais de recherches de documents et de délivrance de copies, prestations de cryptologie), une tarification spécifique a été créée pour la garde des véhicules placés sous main de justice et la procédure de contrôle de la facturation des expertises non tarifées par le parquet a été améliorée.

Ces dispositions réglementaires ont fait l'objet d'une circulaire du 5 juillet 1999 adressée aux magistrats et aux fonctionnaires de justice.

En outre, la loi n° 99-515 du 3 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale a réformé le régime de conservation des objets placés sous main de justice, ce qui devrait permettre d'obtenir une réduction de la durée de gardiennage de ces objets et des frais correspondants. Elle a également facilité l'utilisation de la télécopie pour les notifications en matière pénale.

D'autre part, en dehors de ces mesures législatives et réglementaires, des contrats de gestion avec les cours d'appel ont été mis en place depuis 1998, prévoyant l'attribution d'une enveloppe complémentaire de crédits de fonctionnement au profit des cours ayant réalisé des économies sur les frais de justice.

Ces actions en faveur d'une meilleure maîtrise des frais de justice semblent commencer à porter leurs fruits, puisqu'on a constaté en 1999 une stabilisation des dépenses, ainsi que l'a souligné Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, au cours de son audition devant votre commission des Lois. Une économie de 100 millions de francs devrait donc être réalisée cette année par rapport aux crédits votés.

Compte tenu de cette évolution, l'accroissement de 109,2 millions de francs de la dotation prévue par le projet de loi de finances pour 2000, qui atteint 1,88 milliard de francs, est essentiellement destiné à financer différentes mesures nouvelles , à savoir :

- l'affiliation au régime général de sécurité sociale des collaborateurs occasionnels du service public de la justice 14( * ) , prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (41,03 millions de francs) ;

- le développement des missions confiées aux délégués du procureur (10 millions de francs) ;

- l'indemnisation des personnes relaxées, acquittées ou bénéficiant d'un non-lieu, prévue par le projet de loi relatif à la présomption d'innocence (30 millions de francs) ;

- enfin, le dépistage de l'usage de stupéfiants dans les accidents mortels de la circulation, prévu par la loi du 18 juin 1999 relative à la sécurité routière (19 millions de francs).

Dans le souci de renforcer les moyens d'une maîtrise efficace des frais de justice, un amendement présenté par notre collègue Hubert Haenel , rapporteur spécial du budget de la justice, au nom de la commission des Finances , tend à introduire un article additionnel après l'article 71 du projet de loi de finances afin de prévoir l'obligation, à compter du 1 er janvier 2000, d'établir dans chaque juridiction une comptabilité retraçant le détail des dépenses de frais de justice engagées par dossier d'instruction. Cet amendement a donc pour objet de mettre en place un outil de suivi des dépenses engagées pour chaque dossier d'instruction, ce qui permettrait d'évaluer le coût d'une instruction et de permettre certaines comparaisons entre affaires de nature similaire.

A titre personnel, votre rapporteur pour avis considère cette idée intéressante mais se demande si sa mise en oeuvre pratique ne risque pas de susciter des difficultés. En tout état de cause, l'application effective d'un tel dispositif dès le 1 er janvier 2000 lui semble peu réaliste.

V. LA MISE EN oeUVRE DE QUELQUES RÉFORMES EN COURS INTÉRESSANT L'ORGANISATION DE LA JUSTICE AU QUOTIDIEN

Les moyens destinés à l'aide juridictionnelle et à l'accès au droit sont renforcés, notamment dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit.

Par ailleurs, une première étape de la réforme de la carte judiciaire a été engagée pour ce qui concerne les tribunaux de commerce.

A. LE RENFORCEMENT DES MOYENS DESTINÉS À L'ACCÈS AU DROIT

La dotation prévue pour l'aide juridictionnelle , qui atteint 1,544 milliard de francs pour 2000 , connaît une forte augmentation, de près de 100 millions de francs (+ 6,9 %), qui est essentiellement destinée à financer un certain nombre de mesures nouvelles résultant notamment de réformes législatives déjà votées ou en cours d'examen. Ainsi, des enveloppes d'un montant respectif de 12,075 millions de francs et de 4,130 millions de francs sont prévues pour le financement de la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et de celle du 23 juin 1999 renforçant l'efficacité de la procédure pénale, tandis qu'une dotation de 40 millions de francs est inscrite pour financer l'intervention de l'avocat dès la première heure de la garde à vue, prévue par le projet de loi relatif à la présomption d'innocence. En outre, la rétribution des avocats en matière d'aide juridictionnelle est revalorisée en conséquence de la majoration de 2 F de l'unité de valeur de référence prévue par l'article 71 du projet de loi de finances , qui représente un coût de 17 millions de francs.

D'autre part, les crédits d'intervention destinés à alimenter la contribution de l'Etat aux conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD) sont en progression de 47 %, atteignant un montant de 12,5 millions de francs auxquels s'ajoutent par ailleurs 6 millions de francs de crédits de fonctionnement. Ces crédits devraient permettre d'accompagner la poursuite de la mise en place de ces conseils dans l'ensemble des départements, dont l'achèvement est envisagé d'ici la fin 2001. 4 nouveaux conseils ont été créés au premier semestre 1999, s'ajoutant aux 27 qui existaient déjà en décembre 1998 ; de plus, 7 conseils sont en cours de constitution et une dizaine d'autres en projet.

Enfin, le renforcement des moyens destinés aux maisons de la justice et du droit (MJD) qui bénéficient d'une aide à l'installation de 50.000 F ainsi que de la prise en charge de leur frais de fonctionnement, devrait permettre la création de nouvelles maisons de justice. Au 20 septembre 1999, il en existait 38, dont 12 ouvertes depuis le 1 er janvier 1999. 7 autres devraient ouvrir d'ici la fin de l'année et 55 sont en projet. Les maisons de justice, qui permettent de rapprocher l'institution judiciaire du justiciable, notamment dans les quartiers " difficiles ", et jouent un rôle important dans l'amélioration de la justice au quotidien, connaissent donc un développement rapide.

Votre commission des Lois regrette toutefois que près d'un an après le vote définitif de la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit, aucun décret d'application n'ait encore été publié.

B. LE DÉBUT DE LA MISE EN oeUVRE DE LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

L'année 1999 a été marquée par la mise en oeuvre de la première étape de la réforme de la carte judiciaire, engagée dans un premier temps par la rationalisation de l'implantation des tribunaux de commerce.

En effet, le décret n° 99-659 du 30 juillet 1999 a supprimé 36 tribunaux de commerce à compter du 1 er janvier 2000, faisant passer le nombre total de ces tribunaux de 227 à 191.

Cette suppression a fait suite aux travaux de concertation menés par la mission pour la réforme de la carte judiciaire constituée en mars 1998 au sein de la direction des services judiciaires, dans les ressorts de six cours d'appel où l'on dénombrait 81 tribunaux de commerce, soit plus du tiers du total des juridictions commerciales, à savoir les cours d'appel de Caen, Dijon, Montpellier, Poitiers, Riom et Rouen.

La mission poursuit actuellement ses travaux dans les autres cours d'appel, ce qui devrait permettre d'achever la réforme de la carte des tribunaux de commerce au début de l'année prochaine, avec la publication d'un nouveau décret concernant les juridictions commerciales implantées dans le ressort de ces cours.

Cette première phase de la réforme de la carte judiciaire s'inscrit dans le cadre plus vaste d'une réforme des juridictions commerciales qui devrait prochainement faire l'objet du dépôt d'un projet de loi prévoyant notamment d'assurer la mixité des formations de jugements grâce à la présence de juges professionnels au sein des tribunaux de commerce et, inversement, de juges consulaires au sein des chambres commerciales des cours d'appel. A ce sujet, MM. Jean-Jacques Hyest et Jacques Peyrat ont cependant fait observer que le fonctionnement de la justice commerciale risquait de se trouver affecté, l'année prochaine, par les nombreuses démissions de juges consulaires suscitées par l'annonce de la réforme des tribunaux de commerce.

Pour ce qui concerne la réforme de la carte des autres juridictions, Mme Elisabeth Guigou, garde des Sceaux, a indiqué au cours de son audition devant votre commission des Lois, qu'il conviendrait d'y réfléchir par la suite en fonction des spécificités locales, ainsi que des contraintes de la mise en place du juge de la détention provisoire. Elle a précisé que cette réforme ne passerait pas seulement par la suppression de juridictions, mais aussi par la mise en place de greffes détachés et d'audiences foraines.

M. Robert Badinter a pour sa part souligné l'urgence de cette réforme et a souhaité que le rapporteur pour avis appelle l'attention du garde des Sceaux sur ce problème au cours du débat en séance publique.

Le projet de loi de finances pour 2000 prévoit, comme l'an dernier, une enveloppe de 5 millions de francs destinée à l'accompagnement des réformes de la carte judiciaire.

VI. LA PARTICIPATION DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE AUX CONTRATS DE PLAN ETAT-RÉGIONS

Votre rapporteur pour avis souhaite enfin évoquer la participation du ministère de la justice aux contrats de plan Etat-régions , qui est restée très limitée pour la période 1994-1999 mais qui devrait être généralisée pour la période 2000-2006.

S'agissant de la période 1994-1999, seules deux régions ont contractualisé avec l'Etat au titre de la justice, à savoir la région Bourgogne et la région Nord-Pas-de-Calais, pour des montants respectivement limités à 2 millions de francs et 1,45 million de francs. Les actions contractualisées concernaient essentiellement la participation au financement des conseils départementaux de l'aide juridique, ainsi que de diverses associations de contrôle judiciaire.

Pour les années 2000-2006, le ministère de la justice entend désormais s'investir dans la politique de l'aménagement du territoire en s'appuyant sur les outils de partenariat financier avec les collectivités territoriales que sont les contrats de plan Etat-régions et les contrats de ville.

A cette fin, plusieurs thèmes prioritaires de contractualisation ont été retenus, parmi lesquels figurent notamment le développement de la justice de proximité, à travers les conseils départementaux de l'accès au droit, les maisons de justice et du droit et le réseau associatif d'aide aux victimes, l'amélioration de la formation des personnes intervenant dans le domaine de la justice et une meilleure prise en charge des détenus, des jeunes délinquants et des mineurs en danger.

Le Comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire (CIAT) du 23 juillet 1999 a fixé à 264 millions de francs la part du ministère de la justice dans la première enveloppe de 5 milliards de francs que le Gouvernement a décidé d'affecter au financement des contrats de plan Etat-régions pour la période 2000-2006. 41,48 millions de francs (15,7 %) sont destinés à des actions relevant de la justice de proximité, le reste concernant pour 13,9 % des actions relatives à l'administration pénitentiaire (36,65 millions de francs) et pour 70,4 % des actions relatives à la protection judiciaire de la jeunesse (185,87 millions de francs).

Toutes les régions sont concernées par la participation du ministère de la justice à l'élaboration des nouveaux contrats de plan Etat-régions. Les chefs des cours d'appels des chefs-lieux de région ont coordonné la préparation de la définition des quote-parts du ministère de la justice dans chaque enveloppe régionale ; ils constituent également les interlocuteurs des préfets de région dans le cadre de la négociation des contrats de plan avec les exécutifs régionaux.

*

* *

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois s'en est remise à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits du ministère de la justice consacrés aux services généraux inscrits dans le projet de loi de finances pour 2000.

ANNEXE

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR MME DINAH DERYCKE,
RAPPORTEUR POUR AVIS DU BUDGET
DES SERVICES GÉNÉRAUX DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Représentants du ministère de la justice

M. Dahan, conseiller technique au cabinet du garde des Sceaux

M. Paulot, directeur de l'administration générale et de l'équipement

M. de Gouttes, directeur des services judiciaires



Organisations syndicales des magistrats judiciaires

M. Matagrin, président de l'Association professionnelle de magistrats (APM)

(L'union syndicale des magistrats (USM) et le Syndicat de la magistrature (SM) ont annulé leur participation à cette audition).

Organisations syndicales des magistrats administratifs

M. Benel, président, et M. Levasseur, secrétaire général du Syndicat de la juridiction administrative (SJA)

M. Allal, président de l'Union syndicale des magistrats administratifs (USMA)



Syndicats des fonctionnaires des services judiciaires

M.  Lebrun, secrétaire général, et Mme Raoult, secrétaire générale adjointe de l'Union syndicale autonome justice (USAJ)

M. Copin (services judiciaires) et Mme Mourier (administration centrale), membres du Syndicat CFDT Fédération justice

M. Lautecaze, secrétaire général adjoint du Syndicat des greffiers de France

M. Huleux, trésorier général du Syndicat CGT des chancelleries et services judiciaires

Mme Quirié, secrétaire générale du Syndicat national C Justice et Mme Bailleul, secrétaire générale de la section de Paris



1 Cf. liste des personnes entendues en annexe.

2 Cf. rapport Sénat n° 49 (1996-1997) - M. Charles Jolibois, président - M. Pierre Fauchon, rapporteur.

3 Dernières statistiques complètes connues

4 Par ailleurs, la durée moyenne des procédures atteignait en 1997 deux ans et deux mois devant les chambres civiles de la Cour de cassation.

5 Les données relatives aux stocks d'affaires en cours ne sont pas disponibles pour les tribunaux de commerce.

6 Calculé par différence entre la date de la condamnation définitive et celle des faits. 1997 constitue la dernière année pour laquelle les statistiques relatives aux condamnations, issues de Casier judiciaire national, sont connues.

7 A la différence des données brutes, les données nettes sont corrigées des " séries ".

8 Toutefois, la forte augmentation enregistrée en 1998 s'explique en partie par des facteurs conjoncturels (accroissement du nombre des recours relatifs à la police des étrangers consécutifs à l'opération de régularisation des immigrés clandestins).

9 Les magistrats à titre temporaire ne sont pas comptabilisés dans ce tableau car, rémunérés sur la base de vacations, ils n'occupent pas de postes budgétaires.

10 C'est-à-dire des fonctions de conseiller, de substitut général, de juge ou de substitut.

11 Les magistrats à titre temporaire, rémunérés sur la base de vacations, sont appelés à exercer des fonctions de juge d'instance ou d'assesseur dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance.

12 Soit un quinzième des emplois de magistrats des tribunaux de première instance de chaque ressort de cour d'appel.

13 C'est-à-dire pour une durée de cinq ans.

14 Il s'agit de personnes rémunérées par l'Etat pour des activités exercées à titre accessoire (expertises, missions de médiation...).



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