Projet de loi de finances pour 2000, TOME VII - DEPARTEMENTS D'OUTRE-MER
BALARELLO (José)
AVIS 94 - TOME VII (1999-2000) - commission des lois
Tableau comparatif au format Acrobat ( 146 Ko )Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
INTRODUCTION
- I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER
- II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT
- III. LES APPORTS DE L'INTÉGRATION À L'UNION EUROPÉENNE
- IV. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES OU STATUTAIRES
N° 94
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 novembre 1999.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2000 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME VII
DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER
Par M. José BALARELLO,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Mme Dinah Derycke, MM. Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Georges Othily, Michel Duffour, vice-présidents ; Patrice Gélard, Jean-Pierre Schosteck, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Nicolas About, Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, Jean-Pierre Bel, Christian Bonnet, Robert Bret, Guy-Pierre Cabanel, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Gérard Deriot, Gaston Flosse, Yves Fréville, René Garrec, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Jean-François Humbert, Pierre Jarlier, Lucien Lanier, Simon Loueckhote, François Marc, Bernard Murat, Jacques Peyrat, Jean-Claude Peyronnet, Henri de Richemont, Simon Sutour, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir
les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
1805
,
1861
à
1866
et T.A.
370
.
Sénat
:
88
et
89
(annexe n°
34
)
(1999-2000).
Lois de finances.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Après avoir procédé à l'audition
de M.
Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, le mercredi
17 novembre 1999, la commission des Lois, réunie le mercredi 1er
décembre 1999 sous la présidence de M. Jacques Larché,
président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. José
Balarello, les crédits du projet de loi de finances pour 2000
consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et
à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Au-delà de l'analyse des crédits consacrés à ces
départements et collectivités par les ministères de
l'outre-mer, de l'intérieur et de la justice, elle a concentré
ses observations sur les problèmes concernant la sécurité,
la justice, la maîtrise de l'immigration et la fonction publique, ainsi
que sur l'intégration à l'Union européenne et les
perspectives d'évolutions institutionnelles ou statutaires.
La commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des
crédits consacrés aux départements d'outre-mer, à
Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
*
* *
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Le présent avis est consacré aux crédits alloués
par le projet de loi de finances pour 2000 aux départements d'outre-mer
(Martinique, Guadeloupe, Guyane et la Réunion) et aux deux
collectivités territoriales d'outre-mer à statut particulier de
Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, les crédits alloués aux
territoires d'outre-mer (Polynésie française, Wallis-et-Futuna,
Terres australes et antarctiques françaises) et à la
Nouvelle-Calédonie faisant pour leur part l'objet d'un autre avis de
votre commission des Lois, présenté par notre collègue
Jean-Jacques Hyest.
Votre commission des Lois a accordé, cette année, une attention
toute particulière aux départements d'outre-mer.
Dans la perspective de la préparation de l'examen du projet de loi
d'orientation annoncé par le Gouvernement, une délégation
de la commission conduite par le président Jacques Larché et
comprenant, outre votre rapporteur pour avis, M. Robert Bret,
Mme Dinah Derycke, M. Pierre Jarlier,
M. Lucien Lanier et M. Georges Othily a en effet
effectué au mois de septembre dernier une mission d'information de douze
jours en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, ainsi qu'à Saint-Martin
et Saint-Barthélémy, au cours de laquelle elle a rencontré
de très nombreux interlocuteurs : parlementaires, élus
locaux, membres du corps préfectoral, représentants des chambres
consulaires et des organismes socio-professionnels, magistrats... Afin de
compléter les informations recueillies au cours de cette mission, la
commission a en outre prévu d'organiser prochainement un
déplacement à la Réunion et à Mayotte
1(
*
)
.
Après avoir présenté l'évolution des crédits
consacrés aux départements d'outre-mer, à Mayotte et
à Saint-Pierre-et-Miquelon, en analysant, au-delà des dotations
propres du secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice, votre rapporteur pour avis concentrera ses
observations sur les domaines relevant plus particulièrement de la
compétence de votre commission des Lois : sécurité,
justice, maîtrise de l'immigration, fonction publique. Le présent
avis évoquera en outre les apports de l'intégration des
départements d'outre-mer à l'Union européenne, ainsi que
les perspectives d'évolutions institutionnelles ou statutaires qui
devraient notamment être mises en oeuvre par la future loi
d'orientation.
I. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS CONSACRÉS AUX DÉPARTEMENTS ET AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES D'OUTRE-MER
Seul
l'" Etat récapitulatif de l'effort budgétaire et financier
consacré aux départements et collectivités territoriales
d'outre-mer " (" jaune " présenté en annexe du
projet de loi de finances) permet d'appréhender dans leur
globalité les moyens budgétaires consacrés d'une part, aux
départements d'outre-mer et d'autre part, aux collectivités
territoriales d'outre-mer à statut particulier de Mayotte et de
Saint-Pierre-et-Miquelon.
En effet, l'ensemble des ministères contribuent à l'effort
financier en faveur de l'outre-mer et les crédits du secrétariat
d'Etat à l'outre-mer ne représentent que 10,76 % des moyens
budgétaires alloués aux départements et
collectivités territoriales d'outre-mer pour 2000, qui atteignent un
montant total de
46,34 milliards de francs
(dépenses
ordinaires et crédits de paiement).
Au total, l'évolution de l'effort budgétaire global en faveur de
ces départements et collectivités se caractérise par une
faible progression des moyens de paiement
(dépenses ordinaires et
crédits de paiement) (+ 2,42 %) et une
légère
régression des autorisations de programme
(- 0,73 %) par
rapport à 1999.
Au-delà des dotations propres du secrétariat d'Etat à
l'outre-mer, le présent avis présenté par votre commission
des Lois s'attachera également à analyser les incidences
prévisibles des contributions des ministères de
l'intérieur et de la justice.
Les deux tableaux suivants retracent l'évolution prévisionnelle
des moyens de paiement et des autorisations de programme de ces
différents ministères destinés aux départements
d'outre-mer, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Moyens
de paiement destinés aux DOM, à Mayotte et à
Saint-Pierre-et-Miquelon
(dépenses ordinaires et crédits
de paiement)
|
1999 |
2000 |
|
||
|
Montant |
Part du total |
Montant |
Part du total |
Evolution en % |
Ensemble des ministères dont : |
45.243,839 |
(100 %) |
46.340,535 |
(100 %) |
+ 2,42 % |
- Outre-mer |
4.564,903 |
10,09 % |
4.987,459 |
10,76 % |
+ 9,26 % |
- Intérieur et Décentralisation |
9.238,751 |
20,42 % |
9.449,768 |
20,39 % |
+ 2,28 % |
- Justice |
533,676 |
1,18 % |
613,955 |
1,32 % |
+ 15,04 % |
(tableau réalisé à partir des données du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)
Autorisations de programme destinées aux DOM, à Mayotte et à Saint-Pierre-et-Miquelon
|
1999 |
2000 |
|
||
|
Montant |
Part du total |
Montant |
Part du total |
Evolution en % |
Ensemble des ministères dont : |
4.928,519 |
(100 %) |
4.892,619 |
(100 %) |
- 0,73 % |
- Outre-mer |
1.345,120 |
27,29 % |
1.353,500 |
27,66 % |
+ 0,62 % |
- Intérieur et Décentralisation |
1.102,960 |
22,38 % |
1.115,666 |
22,80 % |
+ 1,15 % |
- Justice |
17,427 |
0,35 % |
41,815 |
0,85 % |
+ 139,94 % |
(tableau réalisé à partir des
données
du " jaune " budgétaire) (en millions de francs)
On observera que la réduction globale des autorisations de programme
destinées aux départements d'outre-mer ne s'explique pas par
l'évolution des contributions des ministères de l'outre-mer, de
l'intérieur et de la justice qui sont en progression, mais par celles
d'autres ministères comme la recherche ou l'équipement qui
marquent en revanche une régression.
1. Une progression marquée des dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer
Les
dotations du secrétariat d'Etat à l'outre-mer en faveur des
départements et collectivités territoriales d'outre-mer
connaissent une progression marquée (+ 9,26 %) en ce qui
concerne les moyens de paiement qui atteignent près de
5 milliards de francs
pour 2000 ; en revanche, les autorisations de
programme stagnent (+ 0,62 %).
La part du budget de l'outre-mer dans l'ensemble des moyens de paiement
affectés aux départements d'outre-mer, qui avait
déjà été renforcée l'an dernier, continue de
s'accroître, passant de 10,09 % à 10,76 %
2(
*
)
.
Cette progression du budget de l'outre-mer consacrée aux
départements d'outre-mer est très largement destinée au
renforcement des moyens de la politique en faveur de l'emploi et du soutien au
logement social, qui constituent les deux grandes priorités du
secrétariat d'Etat à l'outre-mer.
Ainsi, les dotations du
Fonds pour l'emploi dans les départements
d'outre-mer
(
FEDOM
), qui représentent plus du tiers du budget
du secrétariat d'Etat, atteignent un montant total de 2,1 milliards
de francs, en progression de 16,24 % par rapport à 1999.
Ces dotations devraient permettre de financer 58.000 " solutions
nouvelles d'insertion " (contre 56.000 en 1999) dont
35.000 contrats emploi-solidarité, 15.000 contrats d'insertion
par l'activité et 7.500 contrats d'accès à l'emploi.
Elles sont également destinées à financer la poursuite de
la mise en oeuvre des
emplois jeunes
, la création de
3.000 nouveaux emplois jeunes étant prévue pour
l'année prochaine, ce qui portera le nombre d'emplois jeunes outre-mer
à environ 11.000 à la fin de l'an 2000, auxquels s'ajoutent
les emplois d'adjoints de sécurité et d'aides éducateurs
créés respectivement par les ministères de
l'intérieur et de l'éducation nationale.
Sur ce point, M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat
à l'outre-mer, a souligné devant votre commission des Lois que
face à la forte expansion démographique de l'outre-mer, un effort
important était fait en faveur de l'insertion professionnelle des
jeunes, alors que les départements d'outre-mer sont confrontés
-rappelons-le- à des taux de chômage très
élevés (soit au 31 décembre 1998, 21,4 % en
Guyane, 28,8 % en Guadeloupe, 30,3 % à la Martinique et
35,7 % à la Réunion).
Après avoir rappelé que même si le taux de natalité
dans les départements d'outre-mer tendait à se rapprocher de
celui de la métropole, les moins de vingt ans y représentaient
35 % de la population, le ministre a en effet précisé que
6,25 % des emplois jeunes étaient mis en oeuvre outre-mer alors que
les tranches d'âge susceptibles d'être concernées par ce
type de mesure d'insertion outre-mer ne représentaient que 3,5 % de
la population cible au niveau national.
D'autre part, les crédits de paiement consacrés à
l'
aide au logement
, après une forte augmentation en 1999,
poursuivent leur progression en 2000 (+ 2,3 % par rapport à
1999), atteignant un montant total de 918 millions de francs. Ces
crédits devraient permettre de financer la construction ou la
réhabilitation de 13.400 logements (11.000 logements neufs et
2.400 logements améliorés), ainsi que d'aider
2.200 familles dans le cadre d'opérations de résorption de
l'habitat insalubre. Ces chiffres sont à comparer au nombre de logements
sociaux existant dans les départements d'outre-mer, évalué
à 78.000 par une enquête récente du CREDOC (sur un
total d'environ 500.000 logements).
Outre les dotations du FEDOM et de la ligne budgétaire unique (LBU)
consacrée au logement, la
créance de proratisation du
RMI
3(
*
)
, fixée à
861,58 millions de francs pour 2000, en progression de 5,7 %,
permettra d'abonder, au titre de l'insertion, les crédits du logement
à hauteur des trois quarts et ceux de l'emploi à hauteur d'un
quart.
Ces actions d'insertion seront enfin complétées par les moyens
destinés au
service militaire adapté
, SMA qui,
initialement créé dans le cadre de la loi du
10 juin 1971 relative au service national afin d'adapter celui-ci
à la situation particulière de l'outre-mer, a été
réformé par la loi du 28 octobre 1997 portant
réforme du service national et fait désormais appel au
volontariat. Ces moyens atteindront au total 440 millions de francs pour
2000, soit plus de 7 % du budget du secrétaire d'Etat. Le SMA
poursuit ainsi sa professionnalisation avec 600 emplois
créés par transformation de postes d'appelés en 2000,
succédant à 500 autres déjà créés en
1999, cette transformation du SMA devant être achevée d'ici 2002.
Par ailleurs, les crédits consacrés à l'
action
culturelle
dans les départements d'outre-mer connaissent une forte
augmentation, passant de 3 à 7,2 millions de francs ; ces
crédits serviront notamment à financer le fonds d'aide aux
échanges artistiques et culturels récemment créé
afin de favoriser les échanges des collectivités d'outre-mer avec
la métropole et avec leur environnement régional. Votre
rapporteur pour avis reviendra d'ailleurs sur ce sujet dans le cadre de la
quatrième partie du présent avis.
Enfin, s'agissant des crédits d'investissement, les moyens de paiement
du
Fonds d'investissement des départements d'outre-mer (FIDOM)
(section générale), d'un montant de 217,5 millions de francs
pour 2000, en progression de 9,43 %, devraient permettre de financer une
tranche de démarrage des nouveaux
contrats de plan
qui
bénéficient aux départements d'outre-mer au cours de la
période 2000-2006.
Ainsi que l'a souligné M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, au cours de son audition devant
votre commission des Lois, les quatre régions d'outre-mer figurent parmi
les régions les mieux dotées dans la première
répartition des enveloppes financières relatives à ces
nouveaux contrats de plan, avec une enveloppe de 4,527 milliards de francs
(sur un total de 95 milliards de francs), la Guyane se situant au
1
er
rang avec 5.607 F par habitant, la Guadeloupe au
3
ème
rang avec 2.687 F par habitant, la Martinique
au 4
ème
rang avec 2.545 F par habitant et La
Réunion au 6
ème
rang avec 2.185 F par
habitant.
Le ministre a précisé au cours de son audition qu'à
l'issue de la répartition complémentaire devant intervenir
prochainement, l'
enveloppe financière consacrée aux contrats
de plan bénéficiant aux départements d'outre-mer
devrait atteindre
5 à 6 milliards de francs pour la
période 2000-2006
, auxquels viendraient s'adjoindre
21 milliards de francs au titre des fonds structurels
européens
, ce qui représenterait
au total, avec les
concours locaux
, une
masse de 30 milliards de francs
disponible
pour le développement économique de ces départements.
Rappelant que d'importants efforts de développement des infrastructures
de transport avaient déjà été effectués au
cours de la période récente, il a estimé que ces nouveaux
crédits devraient être prioritairement destinés à
des infrastructures consacrées à la protection de
l'environnement, ainsi qu'à des actions de soutien à
l'économie.
Regrettant le retard des investissements consacrés aux infrastructures
touristiques
4(
*
)
eu égard aux
potentialités considérables du développement touristique
des départements d'outre-mer, votre rapporteur pour avis souhaite pour
sa part que les investissements destinés au tourisme puissent y
être renforcés et que cette action s'accompagne d'une incitation
à l'implantation des grands groupes touristiques privés dans ces
départements.
2. Une stabilité de la contribution du ministère de l'intérieur et une progression des crédits du ministère de la justice
•
Les crédits de paiement provenant des
ministères de
l'intérieur et de la décentralisation
, qui
représentent environ un cinquième de l'effort financier global de
l'Etat en faveur des départements d'outre-mer, soit une masse globale de
9,45 milliards de francs pour 2000, sont en légère
progression (+ 2,28 %).
Ces crédits correspondent à des dépenses de personnel, de
fonctionnement et d'équipement des services déconcentrés,
et surtout à des subventions de fonctionnement et d'investissement aux
collectivités locales.
Ces
dotations aux collectivités locales
sont de deux natures.
D'une part, sont financés par prélèvements sur recettes,
pour un montant total de plus de 4,5 milliards de francs, la dotation
globale de fonctionnement (DGF), la dotation de développement rural
(DDR), le fonds national de péréquation (FNP), le fonds de
compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), la dotation
spéciale instituteurs (DSI).
Les autres dotations aux collectivités locales sont financées par
des crédits figurant au budget du ministère de
l'intérieur ; il s'agit des dotations suivantes : dotation
générale de décentralisation (DGD), dotation
régionale d'équipement scolaire (DRES), dotation
départementale d'équipement des collèges (DDEC), dotation
globale d'équipement (DGE), ainsi que de crédits de mise en
sécurité des écoles.
• En ce qui concerne la contribution du
ministère de la
justice
, on constate une progression sensible des moyens de paiement
(+ 15 %), d'un montant de 614 millions de francs pour
1999 ; les autorisations de programme, qui avaient connu un important
recul au cours des deux dernières années, sont pour leur part en
forte augmentation (+ 140 %), s'élevant à
42 millions de francs, ce qui est cependant encore faible au regard de
l'importance des besoins des juridictions des départements d'outre-mer
que votre rapporteur pour avis a pu constater au cours de sa récente
mission en Guyane et aux Antilles.
Les crédits consacrés à la justice dans les
départements d'outre-mer devraient notamment permettre la poursuite du
renforcement des effectifs
des juridictions et des services de la
protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Ainsi, deux créations
d'emplois (un emploi de magistrat et un emploi de greffier) accompagneront la
mise en place de la commission de révision des actes d'état civil
à Mayotte, tandis que les directions départementales de la PJJ
seront dotées de 10 emplois supplémentaires à l'issue
du concours exceptionnel d'éducateurs.
S'agissant des
investissements immobiliers
, sont inscrits sur l'exercice
2000 le financement des études et le lancement du marché de
maîtrise d'oeuvre du palais de justice de Basse-Terre ainsi que les
travaux de modernisation du service de l'état civil à Mayotte. La
construction du nouveau palais de justice de Fort-de-France sera par ailleurs
poursuivie. En outre, il apparaît urgent à votre rapporteur pour
avis que le palais de justice de Cayenne soit réhabilité.
II. DES EFFORTS ENCORE NÉCESSAIRES POUR EXERCER EFFICACEMENT LES MISSIONS RÉGALIENNES DE L'ÉTAT
Dans les
départements d'outre-mer, peut-être plus encore qu'en
métropole, une priorité doit être donnée au
renforcement des moyens destinés à l'exercice des missions
régaliennes de l'Etat.
En effet, les résultats constatés en matière de
sécurité, de justice ou encore de contrôle de l'immigration
sont loin d'être satisfaisants.
1. L'aggravation de la délinquance
Si on a
pu enregistrer au cours des cinq dernières années
(1994-1998
5(
*
)
) une baisse de près de
19 % de l'ensemble des crimes et délits constatés par la
police et la gendarmerie dans les quatre départements d'outre-mer, cette
tendance correspond peu à la réalité car elle
résulte essentiellement d'une diminution de 67 % des délits
à la police des étrangers en Guyane et de la comptabilisation en
1994 de 8.554 faits concernant une seule affaire de guérisseur en
Martinique. Hors ces postes, la hausse moyenne est de 7 % contre
9,91 % en métropole.
En particulier,
la délinquance de voie publique
(vols à
main armée, vols avec violences, cambriolages, vols de véhicules,
vols à la roulotte et destructions et dégradations)
s'est
globalement accrue de 15,17 % dans les départements d'outre-mer au
cours de cette période.
Les vols à main armée et vols
avec violence ont pour leur part augmenté de 30 % alors que les
crimes et délits contre les personnes s'accroissaient de 54 %
(contre respectivement + 8 % et + 26 % en métropole).
L'évolution de la délinquance présente cependant des
spécificités marquées dans chacun des départements
d'outre-mer.
• La
Guadeloupe
connaît un niveau élevé
d'insécurité qui continue de s'accroître. Le nombre global
des crimes et délits constatés y a augmenté de 1,38 %
en 1998, le taux de criminalité pour 1.000 habitants
s'établissant à 62,85
0
/
00
, soit un
taux supérieur de 1,89
0
/
00
à celui de
la métropole et de 10,73
0
/
00
au taux moyen
des départements d'outre-mer.
A l'exception de l'année 1996, la délinquance a
été en augmentation constante en Guadeloupe au cours des cinq
dernières années, progressant de plus de 10 % sur cette
période.
Les vols à main armée et avec violence sans arme à feu ont
progressé de 23,5 % pour la seule année 1998. Les
crimes et délits contre les personnes ont presque doublé depuis
1994. Après une hausse de 11,87 % en 1997, la délinquance de
voie publique baisse de 6,50 % en 1998 du fait d'une diminution du nombre
des cambriolages et des vols de véhicules ; elle a cependant
progressé de 2,87 % au cours des cinq dernières
années.
• En
Martinique
, après un recul enregistré les
trois années précédentes, le nombre de crimes et
délits constatés a fortement progressé en 1998, avec une
augmentation de 17 %.
Le taux de criminalité, plus faible qu'en Guadeloupe, s'est
établi à 53,9
0
/
00
contre
60,96
0
/
00
en métropole et
52,12
0
/
00
en moyenne dans les départements
d'outre-mer.
Les crimes et délits contre les personnes ont progressé de
près de 29 % depuis 1994, en dépit de la baisse de
9,55 % enregistrée en 1998. La délinquance de voie publique,
en augmentation de 31,12 % sur les cinq dernières années,
s'est accrue de 22,97 % en 1998 du fait de la hausse notable des vols et
des faits de destruction et de dégradation de biens.
• En
Guyane
, le nombre total des crimes et délits
constatés a en revanche baissé de 21,51 % en 1998, cette
baisse prolongeant le mouvement décroissant déjà
observé au cours des deux années précédentes.
Toutefois, l'évolution enregistrée en 1998 découle dans
une large mesure d'une importante diminution des délits à la
police des étrangers, qui se situaient auparavant à un niveau
très élevé et représentent encore 35,69 % des
faits constatés en 1998. Le taux de criminalité y reste
très élevé, s'établissant à
88
0
/
00
contre 60,96
0
/
00
en métropole.
Si la délinquance de voie publique s'est au total stabilisée
depuis 1994 (- 0, 36 %) et a baissé de 9,9 % en
1998, les crimes et délits contre les personnes sont en revanche en
très forte augmentation, de près de 74 % au cours des cinq
dernières années et de 29 % pour la seule année 1998.
• Enfin, à la
Réunion
, le nombre total des
faits et délits constatés s'est accru de 0,81 % en 1998 et
de 2,29 % au cours des cinq dernières années.
Le taux de criminalité, de 36,7
0
/
00
contre
60,96
0
/
00
en métropole, y est le plus faible
enregistré dans les départements d'outre-mer.
Les crimes et délits contre les personnes connaissent une progression
sensible, de 12,37 % en 1998 et de 32,46 % sur les cinq
dernières années. La délinquance de voie publique s'est
stabilisée en 1998 (- 0,57 %) mais a progressé de plus
de 22 % depuis 1994.
Malgré une progression limitée de la délinquance globale
et un taux de criminalité inférieur de plus d'un tiers au taux
moyen métropolitain, on constate à la Réunion un
renforcement du sentiment d'insécurité résultant
notamment du développement de la délinquance juvénile et
des violences urbaines
. Afin de lutter contre ces phénomènes,
un contrat local de sécurité a été signé
avec la commune de Saint-Denis, où a été mise en place une
cellule de veille ; en outre, la gendarmerie a mis en place une brigade de
prévention de la délinquance juvénile.
Au total, malgré des évolutions contrastées de la
criminalité globale, ce bref tableau de la délinquance dans les
départements d'outre-mer fait donc ressortir une progression sensible
des crimes et des délits contre les personnes et de la
délinquance de voie publique.
Au demeurant, il n'est pas inutile de rappeler que les statistiques doivent
être interprétées avec prudence, compte tenu du
découragement croissant des victimes dissuadées de porter plainte
par le taux réduit d'élucidation et le nombre élevé
des classements sans suite, même lorsque l'auteur de l'infraction est
identifié, phénomène que l'on trouve d'ailleurs en
métropole, comme l'a souligné une enquête récente de
l'Institut des hautes études de sécurité
intérieure.
2. Une activité soutenue des juridictions
Les
juridictions des départements d'outre-mer doivent faire face à
une importante augmentation des flux de contentieux, supérieure à
la moyenne nationale
, en particulier en matière civile.
En
Guadeloupe
, le nombre d'affaires civiles nouvelles a progressé
entre 1994 et 1998
6(
*
)
de 12,2 % à la
cour d'appel de Basse-Terre et de 19,9 % au tribunal de grande instance de
Pointe à Pitre.
Sur la même période, ce nombre a légèrement
diminué à la cour d'appel de
Fort-de-France
(- 5,6 %) mais s'est accru de 8,6 % au tribunal de grande
instance de Fort-de-France. Il a en outre faiblement décru
(- 2,0 %) au tribunal de grande instance de Cayenne qui dépend
du ressort de la cour d'appel de Fort-de-France.
A la
Réunion
, l'augmentation du flux d'affaires civiles nouvelles
sur cette même période a été particulièrement
forte : + 17,9 % à la cour d'appel, + 13,9 % au
tribunal de grande instance de Saint-Denis et + 41,7 % au tribunal de
grande instance de Saint-Pierre.
Au cours de ces cinq années, le
stock d'affaires civiles en
cours
s'est accru de 6 % à la cour d'appel de Basse-Terre, de
26,8 % à la cour d'appel de Fort de France et de 38,2 %
à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion.
Les
délais moyens de traitement des affaires civiles
restent
néanmoins légèrement inférieurs à la moyenne
nationale pour les cours d'appel qui s'établit à 17,4 mois
en 1998 : 13,6 mois à la cour d'appel de Fort-de-France,
10,3 mois à la cour d'appel de Basse-Terre et 13,1 mois
à la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion. En revanche, ces
délais dépassent nettement la moyenne nationale dans certains
tribunaux de grande instance : 10,7 mois au tribunal de grande
instance de Fort-de-France et 14,6 mois au tribunal de grande instance de
Pointe-à-Pitre, contre une moyenne nationale de 8,6 mois.
Certaines juridictions doivent également faire face à une
augmentation importante de l'
activité pénale
; ainsi
le nombre d'affaires correctionnelles nouvelles s'est-il accru, entre 1994 et
1998, de 9,6 % au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, de
38,3 % au tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion
et de 33 % au tribunal de grande instance de Saint-Pierre.
Au cours de la mission d'information de la commission des Lois effectuée
en septembre dernier, sous la présidence de M. Jacques
Larché, dans les départements français d'Amérique,
votre rapporteur pour avis a pu constater les difficultés
particulières auxquelles sont confrontées certaines juridictions
de ces départements, du fait de l'insuffisance des effectifs et de
l'exiguïté, voire de la vétusté de leurs locaux. A
cet égard, la situation du tribunal de grande instance de Cayenne,
nécessitant des investissements urgents, lui est apparue
particulièrement préoccupante.
3. La persistance d'une surpopulation carcérale
En
dépit de la mise en service récente de nouveaux
établissements pénitentiaires, on constate encore la persistance
d'une surpopulation carcérale dans les départements
d'outre-mer : au 1
er
janvier 1999, le nombre de
détenus dans les établissements pénitentiaires
s'élevait à 2.682 personnes pour une capacité de
2.144 places, soit un
taux d'occupation de 125,1 %,
supérieur au taux moyen constaté en métropole qui est
d'environ 118 %.
• Aux
Antilles
, malgré la mise en service fin 1996 de deux
nouveaux établissements (Ducos et Baie Mahault), les taux d'occupation
sont encore de 115,1 % en Martinique et 117,9 % en Guadeloupe.
• En
Guyane
, l'ouverture du nouvel établissement de
Remiré-Montjoly a permis de ramener le taux d'occupation à
85,7 % et a donc mis fin à une surpopulation carcérale qui
atteignait le niveau record de 279 % en 1997.
Toutefois, ce nouveau centre pénitencier a fait l'objet, depuis son
ouverture en avril 1998, de plusieurs tentatives d'évasion qui ont
mis en évidence certaines imperfections des structures de
sécurité ; un crédit de 3 millions de francs lui
a donc été affecté fin 1998 afin d'améliorer
la sécurisation des installations. En outre, les dégâts
consécutifs à une mutinerie survenue en juin 1999 au quartier
maison d'arrêt ont entraîné la fermeture de ce quartier et
le ministère de la justice a dû demander l'inscription d'un
crédit de 10 millions de francs en loi de finances rectificative
pour 1999 pour effectuer les travaux de réparation nécessaires
à sa réouverture.
• Enfin, à
la Réunion
, la situation reste
très préoccupante dans les trois établissements
pénitentiaires où les taux d'occupation atteignaient
respectivement, au 1
er
janvier 1999, 152,1 % (Le
Port), 196,7 % (Saint-Denis) et 212,5 % (Saint-Pierre). Cette
situation tend à s'aggraver, la population pénale y étant
en constante augmentation ; ainsi, au
1
er
juillet 1999, on dénombrait 1.128
détenus pour 610 places de détention seulement, soit un taux
moyen d'occupation atteignant 185 % au lieu de 169 % un an plus
tôt, le nombre de détenus s'étant accru de près de
10 %.
L'état de vétusté de la maison d'arrêt de
Saint-Denis, construite en 1876, est fréquemment dénoncé
par les parlementaires de la Réunion. La construction d'un nouvel
établissement destiné à remplacer cette maison
d'arrêt apparaît indispensable et est considérée
comme prioritaire par l'administration pénitentiaire dans le cadre de la
poursuite de la modernisation de son parc immobilier. Mme Elisabeth
Guigou, garde des Sceaux, a récemment annoncé que les
autorisations de programme nécessaires au lancement de cette
opération devraient être inscrites dans le prochain projet de loi
de finances rectificative, pour un montant de 200 millions de francs, le
coût total du projet avoisinant les 450 millions de francs pour un
établissement de 600 places. Cependant, aucune décision
définitive n'a encore été prise quant à
l'implantation géographique de ce nouvel établissement.
En attendant sa mise en service qui ne devrait pas intervenir avant quelques
années, des travaux de rénovation sont actuellement en cours dans
le centre de détention du Port. La réhabilitation d'un quartier
de la maison d'arrêt de Saint-Pierre est en outre envisagée.
4. Le problème aigu du contrôle de l'immigration
Les
départements d'outre-mer sont dans leur ensemble confrontés
à une importante immigration irrégulière, qui s'explique
largement par l'effet d'attraction suscité par des niveaux de vie et de
protection sociale considérablement plus élevés que dans
les Etats environnants.
A titre d'exemple, d'après le rapport établi par
Mme Eliane Mossé, le PIB par habitant atteignait, en 1996
13.121 $ en Martinique et 10.531 $ en Guadeloupe, mais seulement
3.642 $ à Cuba, 3.908 $ à la Dominique, 4.540 $ en
République dominicaine, 664 $ à Haïti, 4.322 $
à la Jamaïque et 5.164 $ à Sainte-Lucie. En Guyane
française, il s'élevait à 15.882 $, mais
n'était que de 6.571 $ au Brésil, 2.422 $ au Guyana et
4.809 $ au Surinam
7(
*
)
.
• Les Antilles françaises subissent donc une forte
immigration clandestine en provenance des îles voisines de l'arc
caraïbe qui connaissent de graves difficultés économiques et
parfois des tensions politiques (Haïti, Sainte-Lucie, La Dominique,
Saint-Domingue...).
En
Martinique
, la population étrangère est
évaluée à 6.500 personnes dont 500 seraient en
situation irrégulière ; 192 mesures de reconduite
à la frontière y ont été exécutées en
1998, ainsi que 24 mesures d'expulsion.
En
Guadeloupe
, la population étrangère est de
21.819 personnes en situation régulière, contre
10.596 en 1996 ; en effet, les mesures de régularisation
intervenues récemment ont permis de réduire la population
clandestine qui serait passée de 20.000 à
10.000 personnes ; 753 mesures de reconduite à la
frontière et 102 expulsions y ont été
exécutées en 1998, dont 365 reconduites à la
frontière pour la seule commune de
Saint-Martin
.
Celle-ci compte, pour une population totale d'environ 35.000 habitants, un
tiers d'étrangers en situation régulière, auxquels
s'ajouteraient environ 5.000 étrangers en situation
irrégulière.
Comme a pu le constater à nouveau la délégation de la
commission des Lois qui s'est rendue sur place en septembre 1999, le
contrôle de l'immigration irrégulière est
particulièrement difficile à Saint-Martin, voire impossible, en
raison de l'absence de frontière matérialisée entre la
partie française et la partie néerlandaise, et de la localisation
de l'aéroport international dans cette dernière zone.
L'accord franco-néerlandais du 17 mai 1994 relatif au
contrôle des personnes dans les aéroports de Saint-Martin,
ratifié par la France le 20 juillet 1995, aurait certes
dû faciliter l'éloignement des étrangers en situation
irrégulière. Cependant, faute de ratification par le Royaume des
Pays-Bas, cet accord n'est toujours pas appliqué à ce jour.
Cette absence de maîtrise de l'immigration est à l'origine de
sérieuses difficultés économiques et sociales pour la
commune de Saint-Martin car les infrastructures de santé, de
scolarité et de logement sont confrontées à une demande
qui dépasse leur capacité.
Votre rapporteur pour avis souhaite donc qu'une concertation plus approfondie
soit menée avec les Pays-Bas sur ce sujet, en liaison avec l'Union
européenne, afin de parvenir à un contrôle réel de
l'immigration à Saint-Martin.
• La
Guyane
est également confrontée à
une forte poussée migratoire en provenance des pays voisins beaucoup
plus pauvres (Surinam, Brésil, Guyana, Haïti).
Pour une population estimée à 157.000 habitants, on
dénombre environ 20.000 étrangers en situation
régulière, auxquels s'ajouteraient environ 30.000 personnes
en situation irrégulière.
Même si le poids de l'immigration doit être relativisé en
Guyane, compte tenu de l'immensité du territoire et de la faible
densité démographique (moins de 200.000 habitants sur
environ 90.000 km
2
), le phénomène de
l'immigration clandestine pèse sur les dépenses publiques et
contribue à la saturation des infrastructures scolaires, sanitaires et
sociales, ainsi que l'a observé la délégation de la
commission des Lois lors de sa mission d'information du mois de septembre
dernier, notamment à l'occasion de son passage à
Saint-Laurent-du-Maroni, à la frontière avec le Surinam.
L'attention de la délégation de la commission a en particulier
été attirée sur la situation préoccupante de
l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni qui doit notamment assurer un grand
nombre d'accouchements de femmes venues du Surinam.
Or, dans la forêt amazonienne, les longues frontières fluviales
avec le Surinam et le Brésil, sont à la fois facilement
franchissables par les candidats à l'immigration et difficilement
contrôlables par les forces de police ou de gendarmerie.
Des dispositions ont cependant été prises pour tenter de parvenir
à un contrôle plus efficace des flux migratoires :
- l'effectif total de la DICCILEC a été porté
à 119 agents dont 35 à Saint-Laurent-du-Maroni et un
troisième escadron de gendarmerie a été
déployé à Saint-Laurent-du-Maroni ;
- un centre de rétention a été construit en 1996
près de l'aéroport de Rochambeau ;
- un dispositif de surveillance et de contrôle spécifique
(plans " Alizé bis " et " Galerne ") a
été mis en place sur les fleuves Maroni et Oyapock, comportant
des patrouilles fluviales et une surveillance des rives.
Ce dispositif de contrôle a permis une progression constante des mesures
de refoulement à la frontière ; en revanche, le nombre de
mesures de reconduites à la frontière tend à diminuer
d'une année sur l'autre, passant de 10.057 en 1996 à 8.366
en 1997 et 6.582 en 1998.
Par ailleurs, il est à noter que le Gouvernement cherche à
développer une politique de coopération régionale sur le
problème de l'immigration clandestine, notamment avec l'Etat d'Amapa au
Brésil ; mais celle-ci semble encore bien timide.
• Enfin, si la Réunion reste aujourd'hui relativement
à l'abri des grands flux migratoires, il n'en est pas de même de
Mayotte
, confrontée à une forte pression migratoire en
provenance des îles composant la République fédérale
islamique des Comores et plus particulièrement d'Anjouan. En effet,
là encore, le niveau de vie est sensiblement plus élevé
que dans les îles voisines. Les dirigeants de l'île d'Anjouan, qui
a récemment fait sécession, ont d'ailleurs exprimé le
souhait d'un rattachement à la France.
Sur une population totale d'environ 130.000 habitants, le nombre
d'étrangers recensés à Mayotte est de
28.300 personnes dont 26.100 Comoriens, auxquels s'ajouteraient 15
à 20.000 étrangers en situation irrégulière
d'origine comorienne séjournant à Mayotte. Au total, les
Comoriens représentent plus du quart de la population de Mayotte.
L'immigration a représenté le tiers de la croissance
démographique de Mayotte au cours de la période 1991-1997,
croissance qui est la plus forte de France avec celle de la Guyane
(+ 5,7 % par an) ; le solde migratoire recensé est de
2.000 personnes par an.
La maîtrise de l'immigration est donc un enjeu majeur à Mayotte
pour le développement économique, mais aussi pour la
préservation de l'ordre public et des équilibres sociaux.
Face à cette situation, une politique active de contrôle de
l'immigration a été mise en place à Mayotte. L'obligation
de visa préalable pour les ressortissants comoriens se rendant à
Mayotte a été rétablie depuis 1995 et les moyens de
surveillance des côtes ont été renforcés. Ces
mesures ont permis de faire passer le nombre de reconduites à la
frontière de 565 en 1995 à 6.619 en 1997 et 5.664 en 1998 ;
en outre, on enregistre depuis deux ans environ 8.000 départs
volontaires de Comoriens vers les trois îles de la République
fédérale islamique des Comores.
5. La question récurrente des surrémunérations des fonctionnaires
Par
ailleurs, un autre problème reste toujours pendant s'agissant du
fonctionnement des services de l'Etat, à savoir celui du régime
de surrémunérations des fonctionnaires, dont le coût est
particulièrement élevé alors que sa justification
n'apparaît plus aussi évidente aujourd'hui qu'à l'origine
de sa mise en place.
Les fonctionnaires de l'Etat en service dans les départements
d'outre-mer bénéficient en effet d'une
rémunération majorée
instituée par un
ensemble de dispositions législatives et réglementaires
anciennes, dont l'application a été étendue à la
fonction publique territoriale ou hospitalière et même
fréquemment aux personnels des organismes parapublics.
En application de la loi du 3 avril 1950, le traitement servi aux
fonctionnaires en poste dans les départements d'outre-mer est ainsi
affecté d'un coefficient multiplicateur qui, fixé à
40 % en Guadeloupe, en Martinique et en Guyane, atteint 53 % à
la Réunion (et 65 % à Saint-Pierre-et-Miquelon). Vient en
outre s'ajouter à cette majoration, le cas échéant, le
versement d'une indemnité d'éloignement lorsqu'un
déplacement réel du fonctionnaire a été
occasionné.
Dans certaines collectivités d'outre-mer, les retraites publiques sont
également bonifiées, à un taux fixé à
35 % à la Réunion et à Mayotte et à 40 %
à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Sur la base des travaux menés en 1996 par M. Bernard Pêcheur,
le coût global des surrémunérations peut être
évalué à près de
8 milliards de francs par
an
, dont plus de 4 milliards de francs pour les seuls fonctionnaires
de l'Etat.
Votre commission des Lois souligne déjà depuis plusieurs
années le coût exorbitant de ce régime de
surrémunérations des fonctionnaires dans les départements
d'outre-mer et tout particulièrement à La Réunion, ainsi
que les effets pervers qu'il peut induire sur le développement
économique de ces départements.
La question des surrémunérations a par ailleurs été
fréquemment abordée par les nombreux interlocuteurs
rencontrés par la délégation de la commission des Lois au
cours de sa mission d'information dans les départements français
d'Amérique au mois de septembre 1999. En particulier, nombreux ont
été les représentants des collectivités locales
à appeler l'attention de votre rapporteur pour avis sur le coût
élevé des surrémunérations.
Les différents rapports élaborés à la demande du
Gouvernement dans la perspective de la préparation du projet de loi
d'orientation abordent tous cette importante question et formulent
différentes
propositions de réforme
.
Considérant que le différentiel de prix effectivement
constaté entre les départements d'outre-mer et la
métropole, de l'ordre de 10 %, ne justifie pas le maintien des
surrémunérations à leur niveau actuel, le rapport
établi par Mme Eliane Mossé
8(
*
)
, propose plusieurs pistes de réforme
envisageables : blocage de la partie des
surrémunérations supérieure au différentiel de prix
dans un compte d'épargne, non ou faiblement
rémunéré, récupérable lors du retour en
métropole ou du passage à la retraite ; limitation des
surrémunérations au double du différentiel de prix ;
suppression de la seule indemnité d'éloignement ; ou encore
suppression ou réduction de l'avantage fiscal relatif à
l'impôt sur le revenu
9(
*
)
.
Ce rapport insiste cependant sur la nécessité de procéder
au préalable à une large concertation et de maintenir en tout
état de cause le flux global de prestations publiques
bénéficiant aux départements d'outre-mer.
Le rapport élaboré par M. Bertrand Fragonard
10(
*
)
propose pour sa part de retenir un scénario
basé sur une réduction progressive du taux de majoration qui
serait applicable à la fois aux agents actuellement en fonction et aux
nouvelles embauches.
A l'issue de cette réduction progressive, le coefficient
" cible " atteint en 2007 serait fixé à 1,35 pour la
Réunion et à 1,33 pour les Antilles et la Guyane. L'effort de
réduction ainsi demandé serait de 1,67 % par an à la
Réunion et de 0,7 % aux Antilles et en Guyane mais serait
partiellement compensé par trois mesures d'alignement concernant
différentes prestations applicables en métropole :
alignement des prestations familiales, extension des allocations de logement,
extension de l'indemnité de résidence sur la base du taux
applicable en région parisienne.
Les sommes dégagées par cette réduction des
surrémunérations seraient affectées à des actions
en faveur de l'emploi dans les départements d'outre-mer et seraient
réparties par un comité départemental paritaire comprenant
des représentants de l'Etat et des représentants des
organisations syndicales.
Enfin, le rapport
11(
*
)
établi par
M. Claude Lise, sénateur de la Martinique, que votre
rapporteur pour avis a d'ailleurs rencontré au cours de la mission de
septembre dernier, et M. Michel Tamaya, député de la
Réunion, propose une réforme plus limitée.
Considérant en effet que le règlement du problème des
primes de vie chère "
dépasse les seules questions
d'organisation de la fonction publique et nécessite une réflexion
macro-économique d'ensemble
", il se borne dans
l'immédiat à proposer le plafonnement, pour les mutations
à venir, de l'indemnité d'éloignement attribuée aux
agents de catégorie A en service en métropole et recevant
une affectation dans les départements d'outre-mer. Les sommes ainsi
économisées pourraient être affectées à un
fonds spécifique d'aide à la création et au fonctionnement
des PME, notamment pour servir de " relais " dans l'attente des
versements en provenance des fonds structurels communautaires.
Cependant, M. Lionel Jospin, Premier ministre, a
déclaré au cours de son récent voyage aux Antilles que
cette question ne constituait pas une priorité pour le Gouvernement.
Lors de son audition devant votre commission des Lois,
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a confirmé ces propos, tout en ajoutant que la question
serait néanmoins évoquée dans le cadre des
négociations générales concernant la fonction publique,
par exemple celles portant sur la réduction du temps de
travail.
III. LES APPORTS DE L'INTÉGRATION À L'UNION EUROPÉENNE
A la différence des territoires d'outre-mer et des collectivités territoriales à statut particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon qui ont un statut d'association à l'Union européenne, les départements d'outre-mer sont intégrés à l'Union européenne dans un cadre juridique spécifique qui a été récemment précisé par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Cette intégration leur permet de bénéficier largement des crédits des fonds structurels européens, dont le montant sera substantiellement accru pour la période 2000-2006.
1. Un cadre juridique spécifique précisé par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam
L'intégration des départements d'outre-mer au
sein de
la Communauté européenne avait été consacrée
par l'article 227-2 du traité de Rome, sur le fondement duquel ont
été mis en place des programmes communautaires spécifiques
à ces départements.
Cependant, dans le souci de mettre fin à certaines incertitudes
résultant d'une interprétation restrictive des dispositions de
cet article par la Cour de justice des communautés européennes,
le Gouvernement français a cherché à consolider le
" statut " communautaire des départements d'outre-mer à
l'occasion des négociations préalables au traité
d'Amsterdam. Celles-ci ont abouti à la rédaction de
l'article 299-2 du traité d'Amsterdam qui se substitue à
l'ancien article 227-2 du traité de Rome .
Ce nouveau texte reconnaît désormais les handicaps structurels des
régions ultrapériphériques
que constituent les
départements d'outre-mer français, ainsi que les Açores,
Madère et les Iles Canaries. Compte tenu de ces handicaps, il autorise
expressément le Conseil des ministres européens à adopter,
à la majorité qualifiée, des "
mesures
spécifiques
" en faveur de ces régions.
Ces mesures spécifiques, le cas échéant
dérogatoires au reste du traité, pourront intervenir dans
l'ensemble des matières couvertes par celui-ci, ce qui donne un
fondement juridique à la mise en oeuvre de politiques spécifiques
en faveur des départements d'outre-mer dans tous les domaines.
Une limite à cette faculté d'adaptation aux particularités
des régions ultrapériphériques a toutefois
été posée par le dernier alinéa de l'article qui
prévoit que les mesures spécifiques ne devront pas
"
nuire à l'intégrité et à la
cohérence de l'ordre juridique communautaire, y compris le marché
intérieur et les politiques communes
" et dont
l'interprétation devra être précisée par la
jurisprudence.
Par ailleurs, le statut de région ultrapériphérique
défini par l'article 299-2 du Traité d'Amsterdam ne
s'étend pas aux collectivités territoriales à statut
particulier de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon qui, de même que
les territoires d'outre-mer, font partie des
PTOM
(pays et territoires
d'outre-mer)
associés à l'Union européenne,
dont le
statut fait actuellement l'objet d'une procédure de révision. Au
cours de son audition devant votre commission des Lois,
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a précisé à ce sujet que la Commission
européenne mettait actuellement en forme un statut novateur pour ces
territoires associés à l'Union européenne, l'objectif
fixé étant d'aboutir à l'adoption d'un nouveau texte avant
le mois de mars 2000.
2. Les crédits européens bénéficiant aux départements d'outre-mer
Les
départements d'outre-mer français bénéficient
largement de leur intégration au sein de l'Union européenne. En
effet, des régimes d'aides spécifiques ont été mis
en place en leur faveur, essentiellement dans le cadre du programme POSEIDOM
(programme d'options spécifiques à l'éloignement et
à l'insularité des DOM). Ils reçoivent en outre
d'importantes dotations au titre des
fonds structurels
européens.
Eligibles à l'"
objectif 1
" qui s'adresse aux
régions dans lesquelles le PIB par habitant est inférieur
à 75 % de la moyenne communautaire, les départements
d'outre-mer bénéficient dans ce cadre de financements
communautaires regroupés dans le document unique de programmation
(DOCUP) qui rassemble les crédits émanant des différents
fonds (Fonds européen de développement régional - FEDER,
Fonds social européen - FSE, Fonds européen d'orientation et de
garantie agricole - FEOGA, Instrument financier d'orientation pour la
pêche - IFOP), auxquels s'ajoute le programme d'initiative communautaire
Régis II destiné aux régions isolées.
Le montant global des fonds ainsi alloués aux départements
d'outre-mer s'est élevé à près de
12 milliards de francs
pour la période
1994-1999
,
dont 44 % pour la Réunion, 23 % pour la Guadeloupe, 22 %
pour la Martinique et 11 % pour la Guyane.
Pour la période
2000-2006
, l'enveloppe accordée aux
départements d'outre-mer sera considérablement accrue puisqu'elle
atteindra plus de
21 milliards de francs
.
Ces fonds européens représentent donc des sommes
considérables disponibles pour l'investissement dans les
départements d'outre-mer. Cependant, on constate des difficultés
à programmer les opérations d'investissement et à
mobiliser les crédits correspondants, ce qui aboutit à une
sous-consommation des crédits communautaires. En effet, à l'heure
actuelle, les crédits prévus pour la période 1994-1999 ne
sont en moyenne engagés qu'à hauteur de 86 % et ne sont
payés qu'à hauteur de 52 %, ces taux variant selon les
départements concernés.
Il conviendra donc de veiller dans l'avenir à l'efficience des
mécanismes d'engagement de ces crédits, comme d'ailleurs de ceux
relatifs aux contrats de plan.
Interrogé par votre rapporteur pour avis sur ce problème,
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à
l'outre-mer, a précisé que la mise en place d'un correspondant de
la Commission européenne dans chaque département d'outre-mer
était envisagée en vue de réduire les délais
résultant des procédures communautaires.
Votre rapporteur pour avis s'étonne des carences constatées dans
l'engagement des crédits communautaires et souhaite que les
préfets établissent des rapports périodiques sur la
consommation de ces crédits en expliquant les raisons des
sous-consommations constatées.
Par ailleurs, il est à souligner que les collectivités
territoriales de
Mayotte
et de
Saint-Pierre-et-Miquelon
, qui
n'ont pas le statut de département d'outre-mer, ne peuvent donc
bénéficier des fonds structurels européens. Leur statut de
PTOM associé à l'Union européenne leur permet toutefois de
bénéficier des aides du
Fonds européen de
développement
(FED), mais les montants de ces aides sont sans
comparaison avec ceux des fonds structurels. Ainsi, au titre du VIIème
FED (1991-1995), Mayotte a reçu 47 millions de francs et
Saint-Pierre-et-Miquelon 22 millions de francs. Pour le VIIIème FED
(1996-2000), ces enveloppes s'élèvent respectivement à 65
et 26 millions de francs.
IV. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTIONS INSTITUTIONNELLES OU STATUTAIRES
La
modernisation du droit applicable dans les départements et
collectivités territoriales d'outre-mer s'est poursuivie en 1999, le
Gouvernement ayant choisi de procéder à cette modernisation par
ordonnances
, suivant la procédure prévue à
l'article 38 de la Constitution.
Ainsi les projets de loi de ratification d'une première série
d'ordonnances, prises en application de la loi d'habilitation
n° 98-145 du 6 mars 1998, viennent-ils d'être
examinés en première lecture par le Sénat, le
24 novembre dernier.
En outre, une nouvelle loi d'habilitation, promulguée le 25 octobre
dernier
12(
*
)
, a autorisé le Gouvernement
à prendre une deuxième série d'ordonnances pour poursuivre
l'actualisation et l'adaptation du droit applicable outre-mer. Ces ordonnances
concerneront notamment, d'une part, s'agissant des départements
d'outre-mer, le statut des agences d'insertion, le statut de l'Institut
d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) et l'adaptation
de la législation relative aux transports intérieurs, ainsi que
d'autre part, s'agissant de Mayotte, le régime de l'état-civil et
l'organisation du système de santé.
Cependant, au-delà de cette actualisation du droit applicable outre-mer,
le Gouvernement envisage des réformes législatives de plus grande
ampleur. En effet, un
projet de loi d'orientation
relatif aux
départements d'outre-mer est en cours d'élaboration ; ce
texte annoncé pour l'année 2000 devrait comprendre un volet
institutionnel et un volet consacré au développement
économique, social et culturel
13(
*
)
. Par
ailleurs, une réforme du statut de la collectivité territoriale
de Mayotte est actuellement à l'étude.
Le présent avis budgétaire n'évoquera que
brièvement ces perspectives d'évolutions institutionnelles, car
votre commission des Lois aura l'occasion d'y revenir de manière plus
approfondie dans le cadre du rapport d'information qui sera établi
à la suite de la mission effectuée au mois de septembre dernier
en Guyane, Martinique et Guadeloupe, et de celle prévue pour le mois de
janvier prochain à la Réunion et à Mayotte, ainsi que lors
de l'examen du futur projet de loi d'orientation.
1. La préparation du volet institutionnel du projet de loi d'orientation relatif aux départements d'outre-mer : la nécessaire prise en compte de situations contrastées
Interrogé par votre rapporteur pour avis sur
l'élaboration du projet de loi d'orientation, M. Jean-Jack
Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a annoncé
à votre commission des Lois que les grandes lignes du projet
seraient prochainement communiquées aux élus locaux pour
effectuer une concertation d'ici la fin décembre, puis que
l'avant-projet de loi serait soumis aux assemblées territoriales en
janvier dans la perspective d'un passage en Conseil des ministres au mois de
février, ce qui laisserait quatre à cinq mois avant la fin de la
session pour les débats parlementaires.
Il a en outre précisé qu'en matière institutionnelle le
projet de loi d'orientation s'inspirerait des propositions du rapport
élaboré par MM. Claude Lise, sénateur de la
Martinique et Michel Tamaya, député de la Réunion.
Ces deux parlementaires avaient été chargés par
M. Lionel Jospin, Premier ministre, en décembre 1998, d'une
mission de réflexion en vue de formuler des propositions permettant un
approfondissement de la décentralisation dans les départements
d'outre-mer, tout en restant dans le cadre juridique défini en droit
interne par
l'article 73 de la Constitution
et en droit communautaire
par l'article 299-2 du traité d'Amsterdam. Ces deux textes
-rappelons-le- retiennent le principe de l'application dans ces
départements du droit métropolitain et du droit communautaire,
sous réserve des adaptations nécessitées par leur
situation particulière, pour le droit interne ou par leurs handicaps
structurels, pour le droit communautaire.
Les
propositions présentées par MM. Claude Lise et Michel
Tamaya
à l'issue de leur mission, dans un rapport
intitulé : "
Les départements d'outre-mer
aujourd'hui : la voie de la responsabilité
", s'articulent
autour des grandes orientations suivantes :
- le maintien de deux assemblées distinctes (conseil
général et conseil régional), en instituant
néanmoins la possibilité de les réunir sous forme de
Congrès pour gérer certaines compétences partagées
ou pour faire des propositions en vue d'une évolution statutaire ;
- l'accroissement des responsabilités locales grâce au transfert
d'un certain nombre de compétences de l'Etat ;
- la clarification des compétences respectives de la région et du
département ;
- et le développement de la coopération régionale pour
permettre un dialogue plus facile avec les régions environnantes.
Pour sa part, au cours de la
mission d'information
qu'elle a
effectuée au mois de septembre dernier en
Guyane, Martinique et
Guadeloupe
, la délégation de votre commission des Lois
conduite par le président Jacques Larché, dont faisait
partie votre rapporteur pour avis, a interrogé les très nombreux
interlocuteurs qu'elle a rencontrés, dont bien entendu
M. Claude Lise, sur leurs souhaits en matière
d'évolution institutionnelle.
Sans entrer dans le détail des propositions qui lui ont
été faites et qui seront analysées dans le rapport
d'information relatif à cette mission, votre rapporteur pour avis
souhaite évoquer ici quelques préoccupations essentielles se
dégageant de l'ensemble de ces entretiens.
Tout d'abord, la délégation a pu constater que, compte tenu de la
situation économique particulièrement préoccupante de ces
départements où le chômage frappe 20 à 30 % de
la population active
14(
*
)
, les questions
liées au développement économique et social prenaient le
plus souvent le pas sur les demandes d'évolution institutionnelle.
En matière institutionnelle, la délégation a
constaté le plus souvent le souhait du maintien de deux
assemblées distinctes, notamment dans le souci d'éviter une
concentration excessive des pouvoirs au sein d'un seul exécutif, une
clarification des compétences respectives de la région et du
département apparaissant toutefois opportune.
Elle a par ailleurs enregistré la demande unanime d'une
amélioration de la coopération régionale avec les pays
voisins -sans pour autant que celle-ci passe nécessairement par Paris-
et d'un renforcement des responsabilités des élus locaux en la
matière. Les collectivités territoriales (région ou
département) souhaitent en effet légitimement pouvoir
coopérer directement avec les Etats voisins.
Cependant, la délégation a surtout pris conscience que
l'application d'un régime identique dans l'ensemble des
départements d'outre-mer n'était pas forcément
adapté à des situations locales très diverses.
La nécessité d'une meilleure
prise en compte des
spécificités locales
est en effet apparue en permanence au
cours de la mission. Au cours de l'audition de M. Jean-Jack Queyranne,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer, devant votre commission des
Lois, votre rapporteur pour avis a à cet égard estimé
qu'il fallait faire du " cousu main " pour les départements
d'outre-mer et qu'une approche globale ne pouvait être retenue sans
risque d'erreur, recevant sur ce point l'approbation du ministre.
En effet, la situation de tel département d'outre-mer est souvent fort
différente de celle de tel autre. En particulier, la Guyane, pourvue
d'un immense territoire très peu peuplé, se caractérise
par sa situation géographique au coeur du continent
sud-américain, alors que la Martinique et la Guadeloupe, rassemblant des
populations nombreuses sur de petits territoires, sont marquées par le
contexte insulaire de la Caraïbe.
A l'intérieur même de chaque département, de nouvelles
spécificités apparaissent.
Ainsi, en Guyane, la situation de la commune de Kourou, qui
bénéficie des importantes retombées économiques de
l'activité du centre spatial, est fort différente de celle des
communes isolées de l'intérieur parfois seulement accessibles par
le fleuve dont la population pratique une agriculture de subsistance.
La situation particulière des îles de
Saint-Martin
et de
Saint-Barthélémy
, qui ont le statut de communes
rattachées au département de la Guadeloupe bien qu'elles en
soient éloignées de 250 km, constitue un autre exemple de
ces spécificités locales.
Les élus de ces îles souhaitent une adaptation des règles
juridiques qui leur sont applicables et une plus grande autonomie de gestion.
Les élus de Saint-Martin ont notamment fait part à la mission des
difficultés économiques liées aux distorsions de
concurrence avec Sint-Marteen, la partie néerlandaise de l'île, en
raison de législations fiscales et sociales différentes, ainsi
que des problèmes posés par leur dépendance vis à
vis de la Guadeloupe pour l'attribution des crédits disponibles au titre
du contrat de plan Etat-région ou des fonds structurels européens.
La commune de Saint-Barthélémy, qui ne connaît pas les
difficultés économiques et sociales de Saint-Martin, souhaite
pour sa part évoluer vers un statut de collectivité territoriale
"
sui generis
" ou de territoire d'outre mer.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a
néanmoins précisé, au cours de son audition devant votre
commission des Lois, que le Gouvernement s'orientait vers la mise en place d'un
système de relations conventionnelles bénéficiant à
ces deux communes, plutôt que vers des statuts particuliers.
Le futur projet de loi d'orientation pourrait par ailleurs comprendre certaines
dispositions relatives à la collectivité territoriale de
Saint-Pierre et Miquelon
. Selon les informations communiquées
à votre rapporteur pour avis, ces dispositions pourraient notamment
permettre de préciser sur certains points le texte de la loi statutaire
du 11 juin 1985, sans toutefois en modifier l'équilibre, ainsi
que d'étendre à Saint-Pierre-et-Miquelon les acquis de la loi du
2 février 1992 relative à l'administration territoriale
de la République en matière de démocratie locale.
Afin de compléter la préparation de l'examen du projet de loi
d'orientation, votre commission des Lois organisera prochainement un
déplacement à la Réunion, où diverses propositions
ont notamment été formulées en vue d'une division de
l'île en deux départements, ainsi qu'à Mayotte où
une réforme statutaire est actuellement à l'étude.
2. Les réflexions menées en vue de l'élaboration d'un nouveau statut pour Mayotte
A
Mayotte, qui contrairement aux autres îles des Comores a souhaité
en 1974 rester au sein de la République française, le statut
actuel de la collectivité territoriale, issu de la loi du 24
décembre 1976, avait été conçu comme provisoire.
Dans la perspective de l'organisation d'une consultation de la population
mahoraise sur son avenir statutaire avant la fin du siècle,
conformément aux engagements qui avaient été pris par le
Président de la République et le Premier ministre, deux groupes
de travail complémentaires ont été mis en place en 1996,
l'un à Paris sous la présidence de M. le Préfet Bonnelle
et l'autre à Mayotte, coordonné par M. le Préfet Boisadam.
Le rapport de synthèse élaboré par ces deux groupes de
travail a présenté plusieurs pistes de réflexion en vue
d'une évolution progressive du statut tendant à le rapprocher de
celui d'un département d'outre-mer, conformément aux souhaits des
élus locaux, tout en prenant en compte les particularismes
économiques, sociaux et culturels d'une île fortement
marquée par l'Islam dont la grande majorité de la population ne
relève pas du statut civil de droit commun, mais d'un statut civil de
droit local.
A la suite de ce rapport, le Gouvernement a envoyé à Mayotte, en
décembre 1998 et juillet 1999, une mission interministérielle qui
a mené des discussions sur l'évolution du statut avec les
principales formations politiques, les élus et les représentants
de la société civile.
Ces discussions ont abouti à l'élaboration d'un " document
d'orientation " qui a été signé au mois d'août
dernier par les représentants de l'ensemble des formations politiques
mahoraises, mais non par le député et le sénateur
représentant la collectivité territoriale de Mayotte.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, a
précisé au cours de son audition devant votre commission des Lois
qu'un consensus était actuellement recherché afin de mieux
assurer la présence de Mayotte au sein de la République
française tout en tenant compte de ses spécificités.
La population mahoraise devrait ensuite être consultée sur les
grandes orientations de la réforme statutaire, selon des
modalités qui seront déterminées par le Parlement.
*
* *
Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, votre commission des Lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux départements d'outre-mer et aux collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le projet de budget du secrétariat à l'outre-mer pour 2000.
1
Un rapport d'information commun aux deux
missions sera établi après ce deuxième déplacement.
2
Notamment en raison du transfert de crédits relatifs aux
contrats emplois consolidés (CEC) en provenance du ministère de
l'emploi et de la solidarité, pour un montant de 291,70 millions de
francs pour les DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon et de 44,75 millions de
francs pour Mayotte (cette dernière dotation concernant également
les contrats emplois solidarité).
3
Il s'agit d'une enveloppe globale versée par l'Etat,
correspondant à la compensation de la différence de 20 % du
montant du RMI entre les DOM et la métropole et destinée à
financer des actions d'insertion (on dénombre actuellement plus de
115.000 bénéficiaires du RMI dans les DOM, dont près
de la moitié à la Réunion).
4
Par exemple, à Saint-Martin, il apparaît regrettable
que le seul port en eau profonde susceptible d'accueillir les paquebots de
croisière soit situé en zone néerlandaise.
5
1998 constituant la dernière année pour laquelle les
statistiques sont connues.
6
Dernières statistiques connues.
7
Source : Quel développement économique pour les
départements d'outre-mer ? E. Mossé, mars 1999,
p. 24.
8
Quel développement économique pour les
départements d'outre-mer ?
9
Les habitants des DOM bénéficient d'un abattement de
30 % de l'impôt sur le revenu, cet abattement étant
porté à 40 % en Guyane.
10
Les départements d'outre-mer : un pacte pour l'emploi.
11
Les départements d'outre-mer aujourd'hui : la voie de
la responsabilité.
12
Loi n° 99-899 du 25 octobre 1999.
13
Ce deuxième volet est appelé à se substituer
à la " loi Perben " du 25 juillet 1994 ; en attendant,
l'article 72 du projet de loi de finances pour 2000 tend à proroger
le dispositif d'exonération de charges patronales prévu par cette
loi jusqu'au 31 décembre 2000.
14
Au 31 décembre 1998, le taux de chômage atteignait
21,4 % en Guyane, 28,8 % en Guadeloupe, 30,3 % en Martinique (et
35,7 % à la Réunion).