EXAMEN DES ARTICLES

Article premier -

Régime juridique du schéma départemental d'accueil des gens du voyage

Cet article détermine les modalités d'élaboration et le contenu des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage dans chacun des départements français. Il impose, tout d'abord, aux communes de participer à l'accueil des " gens du voyage " dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles, avant de définir la procédure d'élaboration du schéma départemental.

Il est souhaitable de préciser que les gens du voyage sont ceux qui occupent des résidences mobiles à titre principal. En effet, les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur ont montré que certaines aires de stationnement étaient d'ores et déjà, en partie, utilisées par des personnes victimes de l'exclusion -qui ne se déplacent nullement-. Elles sont aussi parfois occupées par des vacanciers à l'occasion d'activités de tourisme ou de loisir. Une telle situation est inacceptable. Les gens du voyage ne sauraient subir les conséquences de l'incapacité des pouvoirs publics à loger des populations sédentaires dont la situation s'est précarisée.

C'est pourquoi, le Commission des Affaires économiques vous proposera d'adopter un amendement faisant référence au concept de " résidence principale mobile " à cet article.

Autorités compétentes pour établir le schéma

Le schéma départemental relève de la compétence partagée du préfet , représentant de l'Etat, et du président du Conseil général qui doivent parvenir à s'entendre sur un projet dans les dix-huit mois suivant la publication de la loi.

Une commission départementale consultative , co-présidée par le représentant de l'Etat et le président du conseil général, composée de représentants des communes et des gens du voyage, est " associée " à l'élaboration du schéma.

Faute d'accord dans ce délai, le schéma est approuvé par le seul représentant de l'Etat . Ce document est un acte administratif susceptible de créer des obligations aux tiers à compter de sa publication. Il est révisé, dans des conditions analogues à celles prévues pour son élaboration, tous les six ans.

Eléments servant de base à la préparation du schéma et contenu de celui-ci

Aux termes du II de cet article, le schéma départemental repose sur : " les données existantes et les besoins constatés " en matière d'accueil des gens du voyage et notamment sur la fréquence et la durée de leurs séjours.

Il tient également compte des possibilités :

- de scolarisation des enfants ;

- d'accès aux soins ;

- d'exercice des activités économiques.

S'agissant du contenu du schéma , le projet de loi précise que celui-ci prévoit :

- les secteurs géographiques d'implantation des aires permanentes d'accueil ;

- les communes où ces aires doivent être réalisées.

En outre, le schéma :

- précise la destination de ces aires et leur capacité ;

- définit la nature des interventions sociales en direction des gens du voyage qui les fréquentent ;

- détermine, les emplacements susceptibles d'être occupés temporairement à l'occasion de " rassemblements traditionnels ou occasionnels ". Cette dernière formule vise les regroupements plus connus sous le nom " grands rassemblements " qui réunissent plusieurs milliers de personnes chaque année.

Sur ce sujet, le projet de loi est peu explicite puisqu'il dispose que le schéma départemental " définit les conditions dans lesquelles l'Etat intervient pour assurer le bon déroulement de ces rassemblements ".

Cette formulation ne précise pas clairement que les grands rassemblements relèvent de la compétence exclusive de l'Etat. Un doute subsiste donc sur ce point.

Coordination régionale des schémas départementaux

Le projet de loi initial disposait qu'en Île-de-France, le représentant de l'Etat dans la région est chargé de coordonner l'élaboration des schémas départementaux afin de s'assurer de la cohérence de leur contenu et de leur date de publication. En outre, le même représentant de l'Etat réunit, dans un but identique, une commission composée :

- des représentants de l'Etat dans les départements ;

- du président du conseil régional ;

- des présidents de conseils généraux.

En première lecture, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements de précision afin d'indiquer que :

- le conseil municipal de chacune des communes concernées donne un avis lors de la préparation du schéma (le projet de loi initial ne visait qu'une " consultation " des communes, sans en définir les modalités) ;

- le délai de dix-huit mois à l'issue duquel le préfet approuve seul le schéma court à compter de la publication de la loi (le texte initial visait l'entrée en vigueur de la loi) ;

- le schéma est " opposable ", ce qui, aux dires du ministre, était implicite dans le texte initial.

L'Assemblée national a également étoffé le statut de la commission consultative en prévoyant que cette instance :

- comprendrait notamment des représentants des communes " concernées " ;

- établirait chaque année un bilan d'application du schéma départemental ;

- pourrait désigner un médiateur chargé d'examiner les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du schéma, formuler des propositions de solutions et rendre compte de ses activités à la commission.

Elle a enfin étendu le dispositif de coordination au niveau régional des schémas départementaux, qui ne s'appliquait qu'à l'Île-de-France dans le projet de loi initial, à toutes les régions françaises , sans distinction.

Sous réserve de ces observations et de l'adoption de l'amendement qu'elle vous propose, la Commission des Affaires économiques vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 2 -

Obligations des communes

Cet article détermine la taille des communes tenues de participer à la mise en oeuvre du schéma départemental et le délai qui s'impose à elles .

Il fixe à 5.000 habitants la population des communes au-delà de laquelle ces collectivités ont l'obligation de participer à l'application du schéma précité. Ce seuil est identique à celui fixé par l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement. Cette " participation " des communes peut revêtir trois modalités :

- la mise à disposition d'une ou plusieurs aires d'accueil aménagées et entretenues ;

- le transfert de cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale ;

- le versement de contributions financières pour l'aménagement et l'entretien d'aires d'accueil, dans le cadre de conventions intercommunales.

Aux termes d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale, les communes sont tenues de mettre en oeuvre le schéma départemental dans les deux ans qui suivent sa publication (le texte initial visait " l'approbation " du schéma comme point de départ du délai de deux ans).

L'Assemblée nationale a également précisé, par un autre amendement, que le choix par une commune de l'une des trois possibilités ouvertes par la loi ne saurait avoir pour effet de l'exonérer de l'obligation de créer une aire de stationnement en application du schéma départemental. Cette idée sous tendait, d'ailleurs, aux dires même du ministre, de façon implicite le texte même du projet de loi initial.

On notera, en outre, que l'existence du schéma départemental ne saurait exonérer les communes de moins de 5.000 habitants de l'obligation de recevoir les gens du voyage. Aussi, pour les raisons développées dans l'exposé général du présent rapport pour avis, votre Commission des Affaires économiques vous proposera-t-elle d'étendre aux communautés de communes dotées d'une population de plus de 5.000 habitants et dont la population d'aucune des communes membres ne dépasse ce seuil, l'obligation de participer au schéma départemental et de créer des aires de stationnement.

Sous réserve de ces observations et de l'adoption de l'amendement qu'elle vous propose, la Commission des Affaires économiques vous demande d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 8 -

Dispositions modifiant le code de l'urbanisme

Cet article tend à modifier deux articles du code de l'urbanisme (L.111-1-2 et L.121-10) et à insérer un nouvel article (L.443-3) au même code, afin, d'une part de viser le cas des communes dotées ou non de documents d'urbanisme et, d'autre part, de permettre la délivrance d'autorisations d'aménager des terrains sur le territoire d'une commune pour y installer des caravanes destinées aux gens du voyage.

Modification de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme

L'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme traduit le principe de constructibilité limitée applicable, de façon générale, au territoire des communes qui ne sont pas dotées d'un plan d'occupation des sols opposable aux tiers, ou d'un document en tenant lieu. Il prévoit que dans ces communes il n'est pas possible de construire en dehors des parties actuellement urbanisées sauf pour :

- l'adaptation, la réfection ou l'extension des constructions existantes ;

- les constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l'exploitation agricole, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d'opérations d'intérêt national ;

- les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l'extension mesurée des constructions et installations existantes ;

- les constructions ou installations justifiées par l'intérêt de la commune, sur délibération motivée du conseil municipal.

L'article 8 du projet de loi tend à inclure la réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage des gens du voyage au nombre des constructions susceptibles d'être réalisées en dehors des parties urbanisées des communes ne disposant pas d'un POS. Il introduit, en conséquence, une nouvelle dérogation à l'article L.111-1-2 du code précité.

Modification de l'article L.121-10 du code de l'urbanisme

L'article L.121-10 du code de l'urbanisme appartient au chapitre 1 er intitulé " Dispositions générales communes aux schémas directeurs et aux plans d'occupation des sols " du titre II " Précisions et règles d'urbanisme " du premier livre du code précité, consacré aux " Règles générales d'utilisation du sol ".

Ses dispositions ont valeur de lois d'aménagement et d'urbanisme qui fixent, aux termes de l'article L.111-1-1 du même code, des dispositions nationales ou particulières à certaines parties du territoire. Figurent notamment parmi les lois d'aménagement et d'urbanisme, certaines dispositions des lois " montagne " et " littoral ".

En pratique, le 2° du projet de loi tend à ranger les besoins présents et futurs en matière et d'habitat des gens du voyage au nombre des principes qui président à l'élaboration des documents d'urbanisme, au même titre que :

- la limitation de l'utilisation de l'espace ;

- la maîtrise des besoins de déplacement ;

- la préservation des activités agricoles ;

- la protection des espaces forestiers, sites, paysages naturels ou urbains ;

- la prévention des risques naturels prévisibles et les risques technologiques ;

- les pollutions et nuisances de toute nature ;

- la définition d'espaces constructibles pour les activités économiques et d'intérêt général ;

- et enfin la satisfaction des besoins présents et futurs en matière d'habitat.

Les dispositions de l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 relatives à la mise en oeuvre du droit au logement n'ont pas le caractère de loi d'aménagement et d'urbanisme. En conséquence, le juge administratif considère, en application du principe d'indépendance des législations, que si les communes sont bien obligées de respecter l'article 28 précité, les plans d'occupation des sols ne sont pas tenus de prévoir des terrains destinés au stationnement des gens du voyage. En revanche, ils ne doivent pas non plus avoir pour effet d'interdire leur stationnement. C'est cette règle, d'ores et déjà posée par la jurisprudence administrative, que codifie cet amendement qui n'astreint nullement toutes les communes dotées d'un POS à prévoir a priori dans celui-ci des espaces destinés aux gens du voyage.

Le nouvel article L.443-3 du code de l'urbanisme

Le 3° de l'article 8 tend à insérer un nouvel article L.443-3 au code de l'urbanisme, dans le chapitre III consacré au " camping et au stationnement des caravanes " du titre IV de ce code. Ce chapitre est actuellement composé de l'article L.443-1 qui détermine le régime général de délivrance des autorisations d'aménagement des terrains de camping et de stationnement des caravanes et de l'article L.443-2 qui vise le cas particulier de la délivrance d'autorisations d'aménagement de tels terrains dans les zones soumises à risque naturel ou technologique prévisible. S'y ajoutera, si le projet de loi est adopté, le nouvel article L.443-3.

Celui dispose que : " des terrains bâtis ou non bâtis peuvent être aménagés afin de permettre l'installation de caravanes constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs ".

Les terrains visés à cet article sont des terrains familiaux, possédés par des gens du voyage qui les utilisent notamment pour passer l'hiver. Ils peuvent être situés sur tout le territoire de la commune, sous réserve de l'application des dispositions du plan d'occupation des sols et non pas seulement dans les zones urbanisées.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, les aménagements qui leur seront apportés consisteront en :

- un raccordement à la voirie permettant l'évacuation des terrains ;

- un branchement sur les réseaux d'eau, d'électricité et d'assainissement ;

- un minimum d'intégration paysagère.

Quant à la définition des " caravanes ", elle résulte de l'article R.443-2 du code précité selon lequel relève de cette catégorie " le véhicule ou l'élément de véhicule qui, équipé pour le séjour ou l'exercice d'une activité, conserve en permanence des moyens de mobilité lui permettant de se déplacer par lui même ou être déplacé par simple traction ".

Il s'ensuit que tout type de construction déroge à la définition de la caravane au sens de cet article et que les " mobil-home " qui ne disposent pas, en permanence de moyens de mobilité n'entrent pas non plus dans la catégorie des " caravanes ".

Les terrains acquis, puis aménagés par des gens du voyage pour s'y installer seront donc, selon les informations communiquées à votre rapporteur qui se propose d'interroger le ministre publiquement sur ce point, exemptés de la réglementation qui résulte de l'article R.443-4 du code de l'urbanisme aux termes de laquelle tout stationnement pour une durée de trois mois par an d'une caravane occupée à titre d'habitat permanent est soumis à l'obtention d'une autorisation. Le Gouvernement entend d'ailleurs, selon les informations communiquées à votre rapporteur, modifier l'article R.443-4 précité dans les mois prochains.

Ainsi, à l'avenir, les caravanes installées sur des terrains autorisés dans les conditions prévues par l'article L.443-3 pourront-elles y stationner plus de trois mois par an.

Sous réserve de ces observations, votre Commission des Affaires économiques vous demande d'adopter cet article.

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Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, la Commission des Affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption du présent projet de loi soumis à l'examen du Sénat.

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