DEUXIÈME
PARTIE :
OBSERVATIONS DES COMMISSIONS PERMANENTES
Comme
chaque année, les six commissions permanentes du Sénat ont
établi un bilan de l'application, en fin d'année parlementaire
(30 septembre), des lois relevant de leur champ respectif de
compétences. Ces bilans, fort complets, donnent lieu à une
communication du président de chaque commission, dont on trouvera le
compte rendu en annexe au présent rapport.
Notons à titre liminaire que le contexte de l'application des lois a
été marqué, cette année, par trois
événements majeurs.
1) Les déclarations du Président du Sénat à
l'ouverture des premières Rencontres sénatoriales de la Justice,
le 24 septembre 2003.
Le Président Christian Poncelet a déclaré :
« Je suis très favorable... à ce que le Parlement, et
tout particulièrement le Sénat, s'empare d'une mission
systématique d'évaluation des textes tous les 4 ou 5
ans ». Faisant valoir que de nombreux textes votés n'avaient
pas encore reçu, depuis plusieurs années, leurs décrets
d'application, il s'est interrogé : « A quoi sert-il de
légiférer si l'on n'évalue pas les effets des textes
votés ? ».
Un tel souci coïncide avec les efforts déployés, au
même moment, par le gouvernement, pour améliorer les conditions du
suivi réglementaire.
Dans le même ordre d'idées, la proposition de résolution de
M. Jean-Luc Warsmann, déposée sur le Bureau de
l'Assemblée nationale, le 15 juillet 2003 (n° 1023, XIIe
législature), en vue d'instituer une information des commissions sur
l'application d'une loi, ne manque pas d'intérêt : elle
prévoit la publication d'un rapport, à l'issue d'un délai
de six mois après la promulgation d'une loi, par le rapporteur initial
du projet de loi, faisant le bilan de la mise en application de ladite loi.
La commission des finances note que la mission sénatoriale de
contrôle, réaffirmée par le Président Christian
Poncelet, et particulièrement efficiente à la commission des
finances, notamment grâce à la mise en oeuvre progressive de la
loi organique relative aux lois de finances, pourrait intégrer un suivi
plus solennel de l'entrée en vigueur des décisions
législatives votées.
2) Une attention accrue, portée par le Premier Ministre, à
l'application des lois.
Une importante circulaire, du 30 septembre 2003, «
relative
à la qualité de la réglementation
», a
été publiée au Journal Officiel du 2 octobre 2003. Ce
texte vise notamment à améliorer la qualité de la
communication sur l'application des lois.
Cette circulaire dispose notamment, en son point 3.2 :
« En ce qui concerne les décrets, il conviendra de
respecter les prescriptions suivantes :
a) A l'occasion des réunions tenues chaque semestre pour l'organisation
du travail du Gouvernement, vous dresserez un état de l'ensemble des
projets de décret dont votre département envisage la mise en
chantier dans les six mois à venir.
Pour chaque projet, une fiche fera apparaître :
- la teneur des principales dispositions ;
- l'échéance de publication souhaitée ;
- si la consultation du Conseil d'Etat est nécessaire, la date
envisagée pour sa saisine.
La fiche précisera également si le projet de texte
présente un caractère d'urgence ou doit aboutir dans un
délai déterminé. Dans l'affirmative, elle en indiquera les
raisons.
Ce recensement permettra d'identifier les projets de décret devant
être soumis à étude d'impact.
Par ailleurs, au vu de ces résultats, le secrétariat
général du Gouvernement dressera un tableau prévisionnel
pour l'élaboration des décrets en Conseil d'Etat durant les six
mois à venir. Ce tableau, qui fera apparaître les priorités
du Gouvernement, sera transmis au Conseil d'Etat.
b) Les décrets d'application des lois nouvelles feront l'objet d'une
procédure particulière.
Une réunion interministérielle sera organisée dans les
jours suivant la promulgation de la loi. Elle permettra d'effectuer le
recensement des décrets nécessaires à l'application de la
loi, d'apprécier quels sont ceux d'entre eux qui doivent faire l'objet
d'une étude d'impact et d'arrêter un échéancier
prévisionnel. Cet échéancier sera communiqué aux
deux assemblées afin d'assurer l'information des
parlementaires ».
On note, avec intérêt, la prescription de l'élaboration,
pour chaque loi promulguée, d'un échéancier
prévisionnel des décrets nécessaires à
l'application de la loi et surtout, la communication aux deux assemblées
de cet échéancier, afin d'assurer l'information des
parlementaires.
Une telle initiative est louable. Toutefois, les enseignements
d'expériences équivalentes livrent des résultats
contrastés : la
commission des affaires sociales
rappelle
que le gouvernement avait fixé un calendrier prévisionnel pour la
publication des décrets d'application de la loi
du 2 janvier 2002
rénovant l'action sociale et médico-sociale (circulaire du 10
janvier 2002) ; ce calendrier a été largement
bouleversé par les échéances électorales, si bien
que 41 articles attendent toujours leur suivi réglementaire.
Et il
faut souhaiter que cette nouvelle procédure complète, sans y
porter une quelconque atteinte, les traditionnelles instructions à
caractère permanent, qui prescrivent que les textes d'application des
lois doivent intervenir dans un délai maximum de six mois à
compter de la publication de ces lois
.
3) Une meilleure appréhension des conditions de l'application des
lois promulguées antérieurement à une alternance
politique.
Jusqu'à l'an dernier, les changements de gouvernement, au terme des
dernières élections, étaient suivis d'une inertie du
pouvoir réglementaire pour appliquer des lois antérieures
à ces scrutins. Une telle carence politiquement compréhensible,
était pourtant juridiquement inadmissible : l'embourbement, pendant
5 ans, du suivi de la loi Thomas du 25 mars 1997, sur les plans
d'épargne-retraite, après plusieurs valses-hésitations, au
cours de la procédure parlementaire, pour en obtenir l'abrogation, ne
plaide assurément pas en faveur de la dignité du Parlement.
De tels errements semblent désormais révolus, puisque la loi du
3 janvier 2003 (relance de la négociation sur les licenciements) a
délibérément choisi de suspendre, temporairement, pour 18
à 30 mois, l'application de 11 articles de la loi du 17 janvier 2002
(modernisation sociale). Cette opération-vérité
mérite considération.
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Les
observations formulées par les commissions permanentes confirment les
évolutions suggérées par les statistiques et ne marquent
pas de rupture avec les tendances antérieures :
- on identifie quelques exemples, occasionnels, de bonnes pratiques ;
- on assiste, attristé, à la sortie, après de trop longs
délais, de textes d'application, sous l'effet de facteurs traditionnels,
constituant autant de blocages ;
- on regrette toute la lenteur de la résorption de l'application du
stock de lois en souffrance depuis 1981 ;
- on ne perçoit pas de réelle amélioration sur le suivi
réglementaire des lois votées après déclaration
d'urgence, et, comme à l'accoutumée, la procédure
censée accentuer la célérité de la publication des
textes ne produit pas les effets escomptés ;
- on désapprouve l'indolence à prendre les mesures
nécessaires à l'application des dispositions législatives
d'origine sénatoriale ;
- on déplore les carences de publication, par le gouvernement, des
rapports demandés par le Parlement ;
- on souligne les vertus de l'opiniâtreté des sénateurs
à contrôler les conditions de l'application des lois.