CHAPITRE IV :

DISPOSITIONS DIVERSES

ARTICLE 45

Spécialisation des tribunaux en matière de litiges relatifs au droit de la concurrence

Commentaire : le présent article a pour objet d'introduire une disposition autorisant une spécialisation des tribunaux en matière de contentieux lié aux pratiques concurrentielles.

I. LES DISPOSITIONS DU PRESENT ARTICLE

Le présent article insère après l'article 26 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 un article 26-1 au terme duquel les litiges relatifs à l'application des dispositions de l'ordonnance sur les pratiques anticoncurrentielles (titre III) sont attribués, selon les cas, aux tribunaux de grande instance ou aux tribunaux de commerce, suivant une liste fixée par décret.

Ces dispositions s'appliquent nonobstant les compétences du Conseil de la concurrence définies aux articles 12 à 25 de l'ordonnance de 1986.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le Conseil de la concurrence dispose de pouvoirs importants en matière de pratiques anticoncurrentielles, mais non exclusifs.

Les juges civil ou pénal ont également à connaître des litiges relatifs aux pratiques anticoncurrentielles.

Ainsi, en application de l'article 9 de l'ordonnance, le juge civil constate la nullité de tout engagement, convention ou clause contractuelle se rapportant à une pratique prohibée par les articles 7 et 8 de l'ordonnance, à savoir les pratiques ayant pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, les actions concertées, conventions, ententes expresses ou tacites ou coalitions, et les abus de position dominante.

De même, en application de l'article 17 de l'ordonnance, est susceptible de poursuite pénale toute personne physique qui, frauduleusement, aura pris une part personnelle et déterminante dans la conception, l'organisation ou la mise en oeuvre de pratiques visées aux mêmes articles 7 et 8 de l'ordonnance.

Le présent article a pour objet de spécialiser les tribunaux, en raison de la complexité des affaires abordées.

Cette spécialisation existe déjà en matière économique et financière, puisque certains tribunaux de grande instance sont spécialisés pour " la poursuite, l'instruction et, s'il s'agit de délits, le jugement " d'un certain nombre d'infractions, dont celles figurant dans la loi de 1966 sur les sociétés commerciales ou dans la loi de 1985 relative au redressement judiciaire.

En matière civile, la spécialisation est plus rare, mais elle figure aux articles L. 615-17 et L. 623-31 du code de la propriété intellectuelle, s'agissant des actions en matière de brevets et des actions civiles en matière d'obtentions végétales.

La spécialisation a pour objet de renforcer la compétence des tribunaux dans des matières très techniques et donc les conditions de jugement des affaires visées.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 46

Coopération entre le Conseil de la concurrence et les autorités de la concurrence étrangères

Commentaire : le présent article a pour objet de permettre au Conseil de la concurrence de nouer des liens de coopération avec les autorités de la concurrence étrangère.

I. LES DISPOSITIONS DU PRESENT ARTICLE

Cet article insère un nouvel article 53-1 dans l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence.

Le premier alinéa du nouvel article 53-1 dispose que le Conseil de la concurrence peut communiquer les informations et documents qu'il détient ou recueille à la Commission des communautés européennes ou aux autorités des autres Etats exerçant des compétences analogues.

Cette communication est toutefois soumise à plusieurs contraintes :

- elle n'est faite qu'à la demande des autorités bénéficiaires et sous réserve de réciprocité ;

- l'autorité étrangère doit être soumise au secret professionnel avec les mêmes garanties qu'en France ;

- la communication doit faire l'objet d'une information préalable du ministre chargé de l'économie.

Le second alinéa du nouvel article 53-1 dispose que le Conseil de la concurrence peut conduire ou demander au ministre chargé de l'économie de conduire des enquêtes à la demande d'autorités étrangères exerçant des compétences analogues, sous réserve de réciprocité.

Ce pouvoir s'exerce dans les mêmes conditions, selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions que celles prévues pour l'exécution de la mission du Conseil de la concurrence.

Le troisième alinéa du nouvel article 53-1 écarte le secret professionnel comme obstacle à la communication des documents et informations du Conseil de la concurrence lorsque les autorités destinatrices des documents sont astreintes aux mêmes obligations de secret professionnel.

• Le quatrième alinéa du nouvel article 53-1 pose une limite absolue à l'assistance donnée aux autorités étrangères :

- lorsque la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels ou à l'ordre public français ;

- lorsqu'une procédure pénale a déjà été engagée en France sur les mêmes faits et les mêmes personnes;

- lorsque les personnes ont déjà été sanctionnées par une décision définitive sur les mêmes faits.

Le cinquième alinéa du nouvel article 53-1 prévoit la possibilité, pour les autorités de la concurrence française, d'utiliser les informations qui leur auront été transmises par des autorités étrangères.

Le dernier alinéa du nouvel article permet au Conseil de la concurrence de conclure des conventions organisant ses relations avec les autorités des autres Etats exerçant des compétences analogues.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le présent article reprend l'essentiel du dispositif prévu à l'article 5 bis de l'ordonnance du 28 septembre 1967 relative à la Commission des opérations de bourse, notamment au regard des obligations de réciprocité, d'absence de mise en oeuvre du secret professionnel, et de conditions limitatives (atteinte à la souveraineté, à la sécurité, procédure pénale en cours...).

Toutefois, à la différence de la COB, le Conseil de la concurrence ne pourra conduire des enquêtes sans condition de réciprocité si la demande émane d'une autorité d'un autre Etat membre des communautés européennes ou d'un autre Etat membre partie à l'accord sur l'Espace économique européen. D'autre part, le ministre chargé de l'économie sera informé des communications.

Article 5 bis de l'ordonnance n° 67-833 du 28 septembre 1967 instituant une Commission des opérations de bourse et relative à l'information des porteurs de valeurs mobilières et à la publicité de certaines opérations de bourse

La Commission peut, dans les mêmes conditions, selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions que celles prévues par la présente ordonnance pour l'exécution de sa mission, conduire des enquêtes à la demande d'autorités étrangères exerçant des compétences analogues , sous réserve de réciprocité, sauf s'il s'agit d'une demande émanant d'une autorité d'un autre Etat membre des communautés européennes ou d'un autre Etat membre partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

L'obligation de secret professionnel prévue à l'article 5 ne fait pas obstacle à la communication par la Commission des opérations de bourse des informations qu'elle détient ou qu'elle recueille à leur demande aux autorités des autres Etats membres des communautés européennes ou des autres Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen exerçant des compétences analogues et astreintes aux mêmes obligations de secret professionnel.

La Commission des opérations de bourse peut également communiquer les informations qu'elle détient ou qu'elle recueille à leur demande aux autorités des autres Etats exerçant des compétences analogues, sous réserve de réciprocité, et à condition que l'autorité étrangère compétente soit soumise au secret professionnel avec les mêmes garanties qu'en France.

L'assistance demandée par une autorité étrangère exerçant des compétences analogues pour la conduite d'enquêtes ou la transmission d'informations détenues ou recueillies par la commission sera refusée par celle-ci lorsque l'exécution de la demande est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, aux intérêts économiques essentiels ou à l'ordre public français ou lorsqu'une procédure pénale quelconque a déjà été engagée en France sur la base des mêmes faits et contre les mêmes personnes, ou bien lorsque celles-ci ont déjà été sanctionnées par une décision définitive pour les mêmes faits.

La Commission peut, pour la mise en oeuvre des alinéas précédents, conclure des conventions organisant ses relations avec les autorités étrangères exerçant des compétences analogues aux siennes. Ces conventions sont approuvées par la commission dans les conditions prévues à l'article 2. Elles sont publiées au Journal officiel.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 47

Pouvoirs d'enquête de l'administration en droit communautaire de la concurrence

Commentaire : le présent article a pour objet de définir les pouvoirs d'enquête de l'administration en droit communautaire de la concurrence.

I. LES DISPOSITIONS DU PRESENT ARTICLE

L'article 56 bis de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence dispose que pour l'application des articles 85 à 87 du Traité de Rome, le ministre chargé de l'économie et les fonctionnaires qu'il a désignés ou habilités, d'une part, le Conseil de la concurrence, d'autre part, disposent des pouvoirs qui leur sont reconnus par les titres III, VI et VII de l'ordonnance de 1986, pour ce qui concerne le ministre et les fonctionnaires, et par son titre III pour ce qui concerne le Conseil de la concurrence.

Les articles 85 à 87 sont relatifs aux accords entre entreprises, aux pratiques concertées, et aux abus de position dominante. Les pouvoirs de lutte contre ces pratiques sont donc partagés entre le ministre de l'économie et le Conseil de la concurrence. Il s'agit de l'application de l'article 15 du règlement CEE du 6 février 1962 qui dispose que " les agents de l'autorité compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel la vérification doit être effectuée peuvent, sur la demande de cette autorité ou sur celle de la Commission, prêter assistance aux agents de la Commission dans l'accomplissement de leurs tâches ".

Le présent article modifie l'article 56 bis :

Le 1° de l'article remplace les références aux articles 85 à 87 du traité de Rome par les références aux articles 81 à 83 du traité instituant la Communauté européenne.

Il s'agit simplement de tirer les conséquences de l'entrée en vigueur, le 1er mai 1999, du traité d'Amsterdam, qui a procédé à une renumérotation des articles du traité instituant la Communauté européenne.

Le 2° de l'article complète l'article 56 bis de l'ordonnance afin d'étendre aux articles 87 et 88 du traité de la communauté européenne les pouvoirs reconnus par le titre VI de l'ordonnance au ministre chargé de l'économie et aux fonctionnaires désignés ou habilités par lui, c'est-à-dire les pouvoirs d'enquête. L'article 87 est relatif à l'interdiction des aides d'Etat et l'article 88 décrit les procédures d'examen des régimes d'aides d'Etat.

Il s'agit encore d'appliquer la réglementation européenne. L'article 12 du règlement CEE n° 659/1999 du 22 mars 1999 dispose que " lorsqu'une entreprise s'oppose à une visite de contrôle ordonnée par une décision de la Commission (...). L'Etat membre concerné prête aux agents et aux experts mandatés par la Commission l'assistance nécessaire pour leur permettre de remplir leur mission. A cette fin, les Etats-membres prennent, après consultation de la Commission, les mesures nécessaires dans un délai de 18 mois à compter de l'entrée en vigueur du présent règlement " .

La portée générale de ces dispositions exigeait d'étendre le champ d'assistance à la Commission européenne.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Le présent article a pour objet d'améliorer la transparence des entreprises françaises à l'égard de la Commission européenne, grâce à une assistance accrue des autorités françaises lors des visites de contrôle.

Il s'agit ainsi de renforcer l'application des dispositions du traité instituant la Communauté européennes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 47 bis (nouveau)

Extension aux atteintes à la concurrence de la non-déductibilité fiscale des pénalités

Commentaire : le présent article concerne la non-déductibilité fiscale des amendes infligées aux contrevenants à la législation relative à la liberté des prix et de la concurrence.

La rédaction actuelle de l'article 39-2 du code général des impôts est issue d'une loi du 23 février 1942.

C'est ce qui explique qu'il y soit fait référence aux infractions à la législation sur le ravitaillement et la répartition des divers produits en même temps qu'à celles relatives aux dispositions légales régissant les prix et l'assiette des impôts, contributions et taxes.

Les transactions, amendes, confiscations et pénalités correspondantes de tout nature, dispose l'article 39-2 précité, " ne sont pas admises en déduction des bénéfices soumis à l'impôt " .

Il s'agit d'une exception à un principe général de notre législation fiscale selon lequel les charges de toute nature, y compris les pénalités encourues dans l'exercice d'une activité professionnelle, sont déductibles de l'impôt sur les sociétés.

Tel est bien le cas, au titre du 1° du 1 de l'article 39, des pénalités dites " de recouvrement ", sanctionnant par exemple un retard dans le paiement d'une contribution, qui constituent une charge ne rentrant pas dans le bénéfice net imposable.

En revanche, en vertu du 2, précité, de ce même article 39, les pénalités " d'assiette " ne sont pas déductibles afin de renforcer la répression d'infractions consistant en des insuffisances, des dissimulations ou des inexactitudes qui affectent la base ou les éléments d'imposition.

Etant donné l'ancienneté de ces dispositions et les circonstances particulières de leur origine, on pouvait penser qu'elles étaient d'interprétation restrictive et qu'il s'agissait donc d'une dérogation étroite au principe de déductibilité des charges supportées par les entreprises.

Au demeurant, une jurisprudence assez récente de la cour d'appel de Paris a admis la déductibilité d'une sanction infligée par une instance communautaire au titre d'un dépassement des quotas de production du secteur sidérurgique.

Or, le présent article 47 bis , inséré dans le présent projet par le biais d'un amendement dit " de précision ", sans aucune autre explication, éveille quelques craintes à ce sujet.

En effet, sous couvert de moderniser la rédaction du 2 de l'article 39 qui évoque encore " les dispositions légales régissant les prix " (alors que ceux-ci ont été libérés par l'ordonnance de 1986), le nouvel article étend la non-déductibilité des pénalités à celles encourues pour des infractions à la législation sur la concurrence.

Or, c'est dans l'exercice de son activité imposable que l'entreprise s'expose à de telles pénalités qui devraient donc rester déductibles.

Une entorse a déjà été donnée à ces principes par l'insertion, dans la loi de finances pour 2000, d'une disposition supprimant la non-déductiblité fiscale des pénalités de recouvrement infligées aux entreprises relevant de l'impôt sur le revenu.

C'était la conséquence du vote d'un amendement de notre collègue député Jean-Pierre Brard qui, dans un précédent rapport sur la fraude et l'évasion fiscale, avait estimé qu'il fallait prévoir la non-déductibilité de l'ensemble des pénalités fiscales, point de vue que ne partage pas votre commission. Les pénalités de recouvrement, qui sanctionnent de simples retards de paiement de l'impôt, ne peuvent en effet être assimilées à de la fraude fiscale que répriment les pénalités d'assiette, qui sont déjà suffisamment lourdes en elles-mêmes.

Les régimes des deux types de pénalité doivent donc rester distincts.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

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