3. Une situation totalement imputable au Gouvernement
La situation catastrophique de la France en matière d'application du droit communautaire incombe intégralement aux gouvernements successifs, qui n'ont pas fait du respect par la France de ses obligations communautaires une priorité.
A cet égard, la situation s'est aggravée au cours des dernières années. De plus en plus souvent, le Gouvernement attend que les délais de transposition des directives les plus importantes soient écoulés, que des procédures contentieuses soient engagées par la Commission européenne. Il demande alors au Parlement de se prononcer dans la plus grande précipitation sur des textes de grande portée. Tel fut le cas pour la transposition de la directive sur le marché intérieur de l'électricité. Le Gouvernement a même procédé à la transposition d'une partie de la directive sur les services postaux par amendement au projet de loi d'orientation sur l'aménagement du territoire. D'ores et déjà, cette situation est appelée à se reproduire prochainement puisque le délai de transposition de la directive sur le marché intérieur du gaz est déjà dépassé...
Parfois, l'absence de transposition peut être expliquée de manière très prosaïque. Ainsi, le quotidien Le Monde dressait le constat suivant dans un article publié en octobre 1999 : " La transposition d'un texte européen peut être, sur le plan français, un véritable enjeu de pouvoir. Une trentaine de directives sur l'alimentation des animaux n'ont ainsi pas été transcrites, car deux administrations s'en disputent la responsabilité. Il s'agit d'une part de la direction générale de l'alimentation, qui relève du ministère de l'agriculture, et d'autre part de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui relève du ministère de l'économie. Sachant que l'administration qui transpose un texte est celle qui le fera appliquer, chacune a rédigé un projet prévoyant que ses propres fonctionnaires procéderont aux contrôles nécessaires. Elles attendent depuis plusieurs années un arbitrage de Matignon " 1 ( * ) .
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, le Gouvernement invoque comme seule raison de la nécessité de transposer par ordonnances de nombreuses directives " la charge de travail qui pèse sur le Parlement " alors que celle-ci dépend de l'ordre du jour prioritaire fixé par le Gouvernement.
En effet, le Parlement et notamment le Sénat, est prêt à examiner les projets de loi de transposition des directives communautaires. La transposition de directives techniques ne risque aucunement d'encombrer l'ordre du jour, dans la mesure où les assemblées parviennent rapidement à un accord. Ainsi, en 1998, l'Assemblée nationale a adopté définitivement un projet de loi de transposition d'une directive sur la protection juridique des bases de données après seulement une lecture dans chaque assemblée.
En 1998, le Sénat, conscient de l'importance du respect par la France de ses engagements communautaires, a même pris l'initiative d'inscrire, dans le cadre d'une journée d'initiative parlementaire , une proposition de loi de M. Jean-François Le Grand tendant à transposer la directive de 1992 dite " Natura 2000 ". Or, cette proposition de loi adoptée par le Sénat et qualifiée d'initiative prématurée par la ministre de l'environnement n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Le Gouvernement souhaite aujourd'hui transposer cette directive par ordonnance.
Ainsi, les gouvernements qui, en application de l'article 48 de la Constitution, imposent par priorité et dans l'ordre qu'ils fixent l'essentiel de l'ordre du jour du Parlement, portent l'entière responsabilité d'une situation qui s'est encore aggravée au cours des dernières années puisque la France, qui occupait le onzième rang au sein des Etats membres en matière de transposition à la fin de 1998 n'occupait plus que le douzième à la fin de 1999. La France est également l'Etat qui a fait l'objet du plus grand nombre de plaintes en 1999 pour manquement au droit communautaire.
La situation actuelle démontre à l'évidence qu'il existe des dysfonctionnements importants dans les procédures, notamment administratives, devant permettre à la France de respecter ses engagements communautaires. Votre commission se félicite que M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes, se soit déclaré prêt à conduire une réflexion, en lien avec le Parlement, sur ce sujet. Il est hautement souhaitable qu'une initiative en ce sens soit prise dans les plus brefs délais.
* 1 Le Monde, 15 octobre 1999.