II. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE EN TRANSITION

1. Un modèle économique régional

Les performances continues de l'économie chilienne, de 1982 à la crise de 1998, ont été attribuées aux réformes structurelles mises en oeuvre dès la décennie 1970. La part du secteur public dans le produit national est passée en vingt ans de 70 à 30 %. Si les richesses naturelles du Chili (minerais au nord, agriculture au centre et sylviculture au sud) sont considérables, le cuivre ne représente plus que le tiers des exportations chiliennes ; le reste étant constitué par les produits agricoles ou dérivés de la mer (cellulose, farine de poisson).

Au programme de privatisation et de dérégulation s'est ajoutée une rénovation du système bancaire et financier chilien. Tandis que Santiago privilégiait une politique monétaire rigoureuse avec l'arrimage de la devise nationale à un panier de référence dollar-mark-yen, des mesures dissuasives ont été prises à l'encontre des capitaux de court terme, afin de conjurer la volatilité si néfaste aux autres économies de la région.

Engagé dans un cercle vertueux de croissance, le Chili a ainsi connu une élévation annuelle moyenne de 7 % de son produit intérieur brut, tout en réduisant l'inflation à près de 8 %. Avec un budget excédentaire de 1990 à 1997, un chômage de moins de 6 % et une dette extérieure représentant un tiers du PIB -et reposant davantage sur la sphère privée de l'économie-, le Chili demeure le pays le mieux géré de la région et une destination privilégiée des différents opérateurs financiers internationaux.

2. Le modèle chilien face à la crise : incertitudes et adaptations

Si l'Asie a absorbé, en 1996, un tiers des exportations chiliennes, la crise économique et financière de l'année suivante a eu de nombreuses répercussions au Chili, au risque de remettre en cause son statut de " modèle économique ".

La nécessité de défendre le taux de change du Peso chilien a contraint les autorités de Santiago à augmenter les taux d'intérêt, pesant ainsi lourdement sur les entreprises et les ménages, tandis que le chômage atteignait, en décembre 1998, près de 10 % de la population active et la dette extérieure près de la moitié du PIB.

En outre, alors que se sont creusées les inégalités sociales, les infrastructures et les services publics, dont la modernisation avait jusqu'alors été freinée par l'Etat, soucieux des grands équilibres budgétaires, ne peuvent répondre aux fortes tensions du pays. De telles difficultés ont d'ailleurs fait l'objet de nombreux débats, lors de la campagne présidentielle de décembre 1999.

Néanmoins, la récession n'a pas affecté la solidité du système financier qui repose sur un contrôle très strict de la superintendance des banques, alors que le ratio de solvabilité des principaux établissements bancaires chiliens se trouve largement au-dessus des normes de Bâle. En outre, avec une dette publique externe faible et le poids des fonds de pension dans son financement, l'économie chilienne devrait renouer, dès cette année, avec un taux de croissance de 6 %, s'affirmant ainsi comme l'un des marchés les plus porteurs d'Amérique du Sud.

En ce sens, les entreprises françaises renforcent leur position au Chili et représentent près de 3 % de parts de marché ; performance remarquable en raison de " l'agressivité " des concurrents latino-américains. Depuis l'exposition " Francia 2000 ", tenue à Santiago en 1997, nos entreprises ont remporté des marchés conséquents, tel le métro de Santiago, la moitié du réseau national des télécommunications (groupe Alcatel) tandis que Renault et PSA détiennent 10 % du marché automobile local.

L'évolution du nombre d'implantations françaises au Chili connaît actuellement une hausse de 10 % et témoigne des attraits de ce pays, auquel le FMI vient d'accorder, en août 2000, un satisfecit, estimant favorables ses perspectives économiques à moyen terme.

3. La mutation du système social chilien

Le Chili a entrepris ces vingt dernières années une profonde rénovation de son système de pensions, ainsi que de l'organisation et du financement de la prévoyance vieillesse.

L'ancien système chilien, élaboré dans les années 20, demeurait très stratifié, comprenant plusieurs dizaines d'institutions pour chaque branche. Tributaire des subventions publiques et menacé par la grave crise économique que connaissait le Chili jusqu'à la décennie 70, les tentatives d'unification des régimes ainsi que des mécanismes d'indexation échouèrent, obligeant les autorités à la refonte totale du système à partir de 1981.

La capitalisation est ainsi le principe du nouveau système auquel tous les salariés des secteurs public et privé (à l'exception des militaires) sont obligatoirement assujettis, cotisant à la caisse de leur choix, sans participation financière des employeurs.

La réforme du système de pensions s'inscrit ainsi dans la continuité des mesures de modernisation structurelle conduites par les " Chicago Boys " dont l'objectif était d'accorder une place prépondérante aux mécanismes du marché et au secteur privé dans le domaine économique et social.

L'âge de la retraite est fixé à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. A cette échéance, les cotisants peuvent se constituer une rente viagère ou encore négocier, auprès de leur société de gestion, un retrait échelonné sous certaines conditions.

Dans le nouveau système, qui a mobilisé l'épargne retraite et favorisé le développement du système financier, l'Etat demeure le garant de la cohésion financière et sociale. D'une part, les sociétés de gestion demeurent sous la surveillance d'un organisme public, la surintendance des sociétés d'administration des caisses de pensions qui peut contrôler leur réserve et dispose d'un réel pouvoir de sanctions allant jusqu'à la suppression de l'agrément. D'autre part, l'Etat garantit le paiement des prestations, en cas de défaillance, et encore le paiement au cotisant d'une pension minimale malgré une insuffisance du capital.

S'il est vrai que le nouveau système a permis des économies d'échelles et une intensification de la concurrence, le cotisant chilien a ainsi tiré profit d'une baisse générale des frais, tout en bénéficiant d'un taux de rendement réel des placements de 14 % par an en moyenne. Cependant, l'efficacité de la prévoyance vieillesse demeure compromise par l'augmentation régulière de la fraction des adhérents ne versant aucune cotisation. En outre, les artisans ne sont pas soumis au régime d'affiliation obligatoire ; seuls 4 % d'entre eux versent des cotisations, au risque d'accentuer les disparités de revenus à moyen et long terme.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page