B. LA MULTIPLICATION DES FONDS PARCELLISE LE FINANCEMENT DE LA PROTECTION SOCIALE
Votre commission des Affaires sociales a pu critiquer, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, la " multiplication des fonds spéciaux " .
D'importantes missions de protection sociale sont aujourd'hui assumées par différents " fonds ", dont le nombre s'est considérablement accru depuis 1993.
La volonté d'individualiser une gestion explique leur création. Par ailleurs, la prise en charge des missions de solidarité ne relève pas du principe " assurantiel " sur lequel s'est construit le système français de protection sociale. Ainsi, le fonds de solidarité vieillesse avait jusqu'à présent pour objectif de prendre en charge les avantages non contributifs des régimes vieillesse de base. Ces fonds sont dirigés par des conseils d'administration, composés de fonctionnaires de l'Etat, et non de partenaires sociaux.
Présenté souvent comme une marque de transparence, le bilan est beaucoup moins flatteur.
Au-delà, l'appellation de " fonds " 20 ( * ) ne doit pas abuser ; elle recouvre des réalités très différentes. Certains fonds sont des organismes dotés de la personnalité morale (établissements publics administratifs) et d'une fiscalité affectée. D'autres ne sont que des entités de caisses nationales... ou encore de fonds déjà existants (exemple du fonds de réserve).
Certains de ces fonds font partie du " champ " de la loi de financement de la sécurité sociale : leurs comptes sont d'ailleurs plus ou moins " lisibles " ; d'autres en sont exclus.
1. Les fonds faisant partie du " champ " de la loi de financement de la sécurité sociale
Il est nécessaire de distinguer :
- les fonds dotés de la personnalité morale et d'une fiscalité affectée ;
- les fonds dotés de la personnalité morale, mais ne bénéficiant pas d'une fiscalité affectée ;
- les fonds dépourvus de la personnalité morale.
a) Les fonds dotés de la personnalité morale et d'une fiscalité affectée
Le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) , créé par la loi du 22 juillet 1993, est un établissement public administratif, doté d'un conseil d'administration et d'un comité de surveillance.
Il bénéficie, selon le droit en vigueur, de cinq types de ressources fiscales différentes :
- 1,3 % de contribution sociale généralisée ;
- 8 % des droits de consommation sur les alcools (droits 403) ;
- d'autres droits sur les alcools : droits de circulation sur les vins, cidres, poirés et hydromels ; droits de consommation sur les produits intermédiaires ; droits sur les bières et les boissons non alcoolisées ;
- la taxe sur les contrats de prévoyance, instituée en 1996 et dont le taux a été relevé de 6 à 8 % par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;
- l'excédent éventuel de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S).
Le FSV est un " organisme concourant au financement des régimes obligatoires de base " . A ce titre, ses recettes sont incluses dans les " prévisions de recettes par catégorie " votées chaque année, dans la loi de financement de la sécurité sociale. L'objectif de dépenses " vieillesse " inclut les dépenses des régimes vieillesse remboursées par le FSV (minimum vieillesse, validation des périodes de chômage, ...).
L'annexe f) au projet de loi est consacrée, pour partie, au FSV.
Le Fonds de réserve pour les retraites (F2R) est, pour l'instant, une section comptable, organisée selon la formule d'un " budget annexe ", du FSV. Il ne constitue pas un établissement public administratif distinct.
Il dispose des ressources suivantes :
- 49 % du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ;
- une fraction de l'excédent éventuel de la première section du FSV ;
- une affectation du capital des caisses d'épargne.
Grâce à l'annexe f) , les comptes de la deuxième section du FSV sont présentés au Parlement.
Le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) , prévu par l'article 5 de la loi 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la sécurité sociale pour 2000, sera (quand le Gouvernement voudra bien publier le décret nécessaire) un établissement public administratif, doté d'un conseil d'administration et d'un conseil de surveillance.
Il a pour mission de verser à l'ACOSS les manques à gagner résultant de certaines exonérations de cotisations (ristourne Juppé et allégements de charges trente-cinq heures).
Les recettes de ce fonds apparaissent dans les prévisions de recettes par catégorie (catégorie " impôts et taxes "). Les dépenses du fonds constituent des recettes pour les différentes branches, compensant elles-mêmes les pertes de recettes liées aux exonérations de cotisations de sécurité sociale.
Le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante a été créé par l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il est alimenté par le budget de l'Etat, la branche accidents du travail et une fraction des droits sur les tabacs. Il rembourse aux caisses d'assurance maladie le versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité. Il dispose d'un conseil de surveillance (sans parlementaires).
Ce fonds apparaît en loi de financement de la manière suivante :
- le versement de la branche accidents du travail est inclus dans l'objectif de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles ;
- le versement de l'Etat est inclus dans la catégorie de recettes " contributions publiques " ;
- la recette " tabacs " est incluse dans la catégorie de recettes " impôts et taxes affectés ".
* 20 Pour mémoire, un régime de protection sociale porte le nom de " fonds ". Il s'agit du " fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat " (FSPOIE), régime spécial de retraite géré par la Caisse des dépôts.