N°
136
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 décembre 2000
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE, relatif à l' archéologie préventive ,
Par M.
Jacques LEGENDRE,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar, Jean-François Picheral, Guy Poirieux, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal, Henri Weber.
Voir les
numéros :
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
Première lecture :
1575
,
2167
et T.A.
453
.
Deuxième lecture :
2303
,
2393
et T.A.
513
.
Commission mixte paritaire :
2630
.
Nouvelle lecture :
2620
,
2743
et T.A.
585
Sénat
: Première lecture
:
239
,
276
et T.A.
110
(1999-2000).
Deuxième lecture :
357
,
482
(1999-2000) et T.A.
5
(2000-2001).
Commission mixte paritaire :
15
(2000-2001).
Nouvelle lecture :
129
(2000-2001)
Patrimoine. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Après l'échec de la commission mixte paritaire, qui
s'était réunie le 10 octobre 2000 au Sénat, le projet de
loi relatif à l'archéologie préventive a été
examiné en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale le
6 décembre dernier.
A l'occasion de cette nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a
rétabli, pour l'essentiel des dispositions du projet de loi, le texte
qu'elle avait adopté en deuxième lecture.
En effet, au terme de cet examen, seuls trois des seize articles du texte ont
été adoptés dans les mêmes termes par les deux
assemblées.
Cependant, ce bilan statistique décevant ne reflète pas les
positions respectives des deux assemblées, qui sur certains points sont
en réalité très proches.
En effet, le Sénat comme l'Assemblée nationale ont reconnu la
nécessité de clarifier les règles juridiques applicables
aux opérations d'archéologie préventive,
nécessité soulignée au demeurant tant par les
aménageurs que par les archéologues.
Une réforme de la loi du 27 septembre 1941 sur les fouilles
archéologiques s'imposait. Il convenait, en effet, de mettre fin
à la fiction juridique selon laquelle les fouilles préventives se
déroulent dans le cadre du titre II de cette loi qui autorise
l'Etat à exécuter des fouilles sur des terrains qui ne lui
appartiennent pas alors même qu'il ne les réalise pas plus qu'il
ne les finance. De même, devait être revu le statut de
l'Association pour les fouilles archéologiques nationales (AFAN),
association para-administrative mise en place par le ministère de la
culture dès 1976 pour gérer les contributions versées par
les aménageurs pour financer les opérations de terrain.
Pour ces raisons, le Sénat n'a remis en cause ni la
nécessité de créer un établissement public ni le
financement par l'impôt des opérations d'archéologie
préventive.
C'est donc moins sur ces principes que sur leurs modalités de mise en
oeuvre que porte le désaccord entre les deux assemblées.
•
La principale divergence concerne le monopole reconnu à
l'établissement public, qui n'est pas apparu au Sénat comme de
nature à assurer l'efficacité du système proposé
par le projet de loi.
Plusieurs raisons justifient l'opposition du Sénat au monopole.
En premier lieu, la logique du monopole favorise une confusion des genres entre
l'Etat, dans son rôle de gardien du patrimoine archéologique, et
l'établissement public, chargé de réaliser les
opérations de terrain. Dans ce système, le
déséquilibre qui prévaut d'ores et déjà
entre les services du ministère de la culture, faiblement dotés,
et l'AFAN, qui dispose d'un personnel nombreux, ne peut qu'être
accentué.
Une telle situation risque de déboucher sur une consanguinité aux
conséquences pour le moins fâcheuses ; il y a en effet fort
à craindre que les prescriptions archéologiques soient
dictées moins par les impératifs de la protection du patrimoine
archéologique que par des considérations liées à la
nécessité pour l'établissement public d'assurer son
équilibre financier, qui dépendra exclusivement du montant des
redevances d'archéologie perçues sur les aménageurs.
C'est pour tenir compte de cette dérive -loin d'être
théorique- que dans l'énoncé des compétences de
l'Etat figurant aux articles premier (définition de l'archéologie
préventive), 1
er
bis (prescriptions des
opérations archéologiques) et 1
er
ter (carte
archéologique nationale), le Sénat a souhaité
établir une distinction très claire entre, d'une part,
l'autorité qui prescrit les fouilles et désigne leur responsable
scientifique et, d'autre part, celui qui les réalise
L'Assemblée nationale elle-même semble avoir pris conscience des
inconvénients d'un système articulé autour d'un
établissement public doté de droits exclusifs. Certains des
aménagements apportés au fil de la navette au texte
proposé par le gouvernement sont au demeurant inspirés par cette
inquiétude. Cette préoccupation a été
présente jusqu'en nouvelle lecture car si l'Assemblée nationale a
rétabli son texte de deuxième lecture à l'article
1
er
bis,
elle
l'a toutefois modifié afin de
supprimer l'avis de l'établissement public dans la procédure de
désignation du responsable de fouilles.
Cependant, force est de constater que le choix du monopole fait par
l'Assemblée nationale prive de portée ces précautions
rédactionnelles qui allaient dans le bon sens, en tenant compte, comme
le Sénat l'avait souhaité, de la nécessité de
renforcer la légitimité scientifique des prescriptions
archéologiques et de mieux prendre en compte les contraintes pesant sur
les aménageurs.
Par ailleurs, les droits exclusifs reconnus à l'établissement
public par l'Assemblée nationale ne garantissent pas que d'autres
organismes puissent réaliser des fouilles archéologiques
préventives. Si la navette a fait apparaître la
nécessité d'ouvrir cette possibilité, là encore, le
rétablissement du monopole vide de leur sens les éléments
de souplesse introduits en ce sens par l'Assemblée nationale.
C'est notamment le cas pour les services archéologiques des
collectivités territoriales.
La rédaction retenue par l'Assemblée nationale pour l'article 2
ne leur accorde qu'une compétence subsidiaire, dont l'étendue
sera définie par l'établissement public, et lui seul, ce qui
n'est guère compatible avec l'objectif de décentralisation
culturelle réaffirmé par le gouvernement ni avec le rôle
que peuvent prendre les collectivités territoriales dans l'exploitation
scientifique et culturelle des découvertes archéologiques.
Le Sénat a considéré qu'il convenait de donner à
ces services pleine compétence, sous la surveillance des services de
l'Etat, pour intervenir sur les chantiers de fouilles qui se déroulent
sur leur territoire lorsque les collectivités en font la demande. Ces
services n'ont pas vocation à marginaliser ou à intervenir
à égalité avec l'établissement public puisqu'ils
devront, dans la plupart des cas, recourir à ses moyens pour
réaliser les opérations de terrain.
Enfin, le Sénat a considéré que le caractère
aléatoire du rendement de la redevance ne garantissait pas
l'efficacité économique du monopole proposé par le projet
de loi.
Les modifications apportées au fil de la navette, et ce jusqu'en
nouvelle lecture, au dispositif de calcul des redevances d'archéologie
n'ont pu qu'accroître la perplexité du Sénat sur sa
capacité à dégager un produit fiscal permettant de
financer le coût des opérations de terrain.
Sans souscrire à des mécanismes, qui n'ont fait l'objet en
réalité d'aucune simulation fiable, le Sénat a toutefois
accepté leurs versions successives, sous réserve de
l'introduction d'un taux majoré pour les terrains les plus riches en
vestige.
Cependant, compte tenu des incertitudes pesant sur le rendement de la redevance
qui pourra rapporter trop ou pas assez, situations également
fâcheuses, le Sénat estime que la suppression du monopole
constitue le seul moyen de se prémunir contre l'asphyxie du
système.
•
Le second motif de désaccord
, de moindre
importance, s'est manifesté en deuxième lecture, à
l'occasion de l'introduction par l'Assemblée nationale d'un article
additionnel précisant les règles de propriété
applicables aux vestiges immobiliers.
Il porte sur les modalités
selon lesquelles peut être rémunéré l'inventeur
d'une découverte immobilière fortuite lorsqu'elle fait l'objet
d'une exploitation commerciale.
Là encore, le désaccord entre les deux assemblés est moins
profond qu'il y paraît au premier abord.
Sur cette question, le Sénat et l'Assemblée nationale partagent
la même préoccupation d'équité en reconnaissant
à l'inventeur du vestige un droit à rémunération
afin d'éviter que l'effet d'aubaine attaché à la
découverte bénéficie au seul propriétaire.
Cependant, la logique des dispositifs adoptés par les deux
assemblées diffère.
L'Assemblée nationale, pour des raisons qui échappent encore
à votre rapporteur, conditionne ce droit à
rémunération à un bouleversement des règles de
propriété du sol. En effet, le texte qu'elle a adopté sur
proposition du gouvernement soustrait les vestiges immobiliers du champ de
l'article 552 du code civil afin de les considérer comme des biens
vacants, de ce fait propriété de l'Etat en application de
l'article 539 du code civil.
Cette exception équivaut en réalité à un transfert
de propriété sans indemnité dont la
constitutionnalité au regard du principe de propriété est
sujette à caution.
Le Sénat a retenu pour sa part un mécanisme plus simple mais
également plus respectueux des droits du propriétaire pour
satisfaire l'objectif louable poursuivi par l'Assemblée nationale,
soucieuse notamment, et cela à juste titre, d'éviter la
réédition d'imbroglios juridiques comparables à celui qui
a entouré la découverte de la grotte Chauvet. Il n'apparaît
en effet nullement indispensable de priver les propriétaires d'un
terrain de leurs prérogatives sur le sous-sol pour reconnaître
à l'inventeur un droit sur les résultats dégagés
par la personne qui exploite la découverte.
Compte tenu de ces observations, votre commission vous propose de revenir en
nouvelle lecture au texte adopté par le Sénat lors de la
précédente lecture, sous réserve de quelques modifications
rédactionnelles.
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