EXAMEN DES ARTICLES
Article additionnel avant le titre
premier
Mise en place d'une politique d'éducation
à la sexualité
et d'information sur la
contraception.
Lors de l'exposé général, votre rapporteur a exprimé le regret que ce projet de loi " relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception" traite en premier lieu -c'est l'objet du titre premier- de l'IVG et qu'il relègue en fin de texte, dans le titre II, le volet contraception.
Votre commission considère, en toute logique, que l'accent devait d'abord porter sur la contraception, dont l'échec éventuel conduit à l'IVG.
Elle juge, pour sa part, que la persistance d'un nombre élevé d'IVG révèle les carences des politiques menées depuis trente ans en faveur de l'éducation à la sexualité et de l'information sur la contraception. Si la contraception est aujourd'hui largement répandue dans notre pays, elle n'est pas suffisamment maîtrisée. La méconnaissance des mécanismes élémentaires de la transmission de la vie reste encore grande, particulièrement chez les jeunes.
Votre commission estime dans ces conditions qu'il est de la responsabilité du Gouvernement de définir une politique ambitieuse d'éducation responsable à la sexualité et d'information sur la contraception, qui mobilise autant le corps enseignant que le corps médical et ouvre le dialogue au sein des familles.
Votre commission vous propose par conséquent d'adopter, avant le titre premier du projet de loi, un amendement de principe tendant à insérer un article additionnel qui prévoit que la réduction du nombre des interruptions volontaires de grossesse est une priorité de santé publique et que le Gouvernement mettra en oeuvre à cette fin les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception.
Elle vous propose d'adopter cet article additionnel ainsi rédigé.
TITRE PREMIER
-
INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE
Article premier
Modification de
l'intitulé du chapitre sur l'interruption de grossesse
Cet article modifie l'intitulé du chapitre II du titre premier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique afin d'intégrer l'allongement à douze semaines de grossesse du délai légal pour une IVG.
I - Le dispositif proposé
Cet article modifie l'intitulé du chapitre II du titre premier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique, relatif à l' " interruption pratiquée avant la fin de la dixième semaine en cas de situation de détresse " , tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2000-548 du 15 juin 2000 relative à la partie Législative du code de la santé publique.
Cette ordonnance a en effet modifié la structure du corps de dispositions relatives à l'IVG.
Dans l'ancien code de la santé publique, ces dispositions faisaient l'objet d'un chapitre III bis du titre premier (Protection maternelle et infantile) du livre II (Action sanitaire et médico-sociale en faveur de la famille, de l'enfance et de la jeunesse).
Désormais, l'IVG est traitée dans un livre spécifique -le livre II- de la deuxième partie (Santé de la famille, de la mère et de l'enfant). Ce livre comporte deux titres : le titre premier qui comprend les dispositions générales et le titre II relatif aux dispositions pénales.
Le titre premier est composé de quatre chapitres :
- chapitre premier : principe général ;
- chapitre II : interruption pratiquée avant la fin de la dixième semaine en cas de situation de détresse ;
- chapitre III : interruption pratiquée pour motif thérapeutique ;
- chapitre IV : dispositions communes.
Le titre II regroupe trois chapitres :
- chapitre premier : provocation à l'interruption de grossesse ;
- chapitre II : interruption illégale de grossesse ;
- chapitre III : entrave à l'interruption légale de grossesse.
La modification de l'intitulé du chapitre II du titre premier proposée par le présent article :
- intègre l'allongement du délai légal de dix à douze semaines de grossesse, qui fait l'objet de l'article 2 du projet de loi ;
- supprime les mots : " en cas de situation de détresse " , introduits par l'ordonnance du 15 juin 2000 et qui ne figuraient pas dans la section 1 du chapitre III bis de l'ancien code de la santé publique, à laquelle le chapitre II s'est substitué.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Par coordination avec la position qu'elle exprime à l'article 2, c'est-à-dire le rejet de l'allongement de dix à douze semaines du délai légal pour pratiquer une IVG, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Art. 2
(art. L. 2212-1 du code de la santé
publique)
Allongement du délai légal
Cet article fixe à douze semaines de grossesse le délai autorisé pour pratiquer une IVG.
I - Le dispositif proposé
Cet article, qui modifie l'article L. 2212-1 du code de la santé publique, allonge de deux semaines le délai légal pour une IVG.
L'article L. 2212-1 prévoit aujourd'hui que " la femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l'interruption de sa grossesse. Cette interruption ne peut être pratiquée qu'avant la fin de la dixième semaine de grossesse ".
Le présent article porte ce terme à douze semaines de grossesse, soit quatorze semaines d'aménorrhée.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Cette disposition, qui constitue véritablement le " coeur " du projet de loi, a été longuement analysée dans l'exposé général du présent rapport 13 ( * ) .
Votre rapporteur a souligné à cette occasion que l'allongement du délai légal ne constituait pas une réponse adaptée au problème posé par la situation des quelque 5.000 femmes qui, chaque année, sont contraintes de se rendre à l'étranger pour obtenir une IVG dans des pays où le terme légal est plus éloigné.
En effet, cette disposition n'apporte aucune solution pour les 2.000 à 3.000 femmes qui dépassent le délai de douze semaines de grossesse. En outre, l'allongement du délai conduira inévitablement un certain nombre de femmes, de manière bien compréhensible s'agissant d'une décision aussi douloureuse, à attendre davantage qu'elles ne font aujourd'hui. Il y a fort à craindre que, demain, ce soit 5.000 femmes et non plus 2.000 ou 3.000 qui se trouvent au-delà du délai de douze semaines de grossesse. Faudra-t-il alors changer encore la loi pour passer à quatorze semaines, puis à seize semaines de grossesse ?
Il y a enfin des situations particulières de détresse extrême qui conduisent à un dépassement des délais. Il s'agit souvent de femmes isolées, en situation de précarité, parfois victimes de viols, voire d'incestes. Un allongement de deux semaines du délai ne résoudra en rien ces situations dramatiques.
L'allongement du délai légal comporte en revanche des risques graves. L'intervention devient plus difficile tant d'un point de vue technique que psychologique entre la dixième et la douzième semaine de grossesse. Deux semaines supplémentaires changent la nature de l'acte médical : elles impliquent un effort considérable de formation et la mise en place de moyens techniques garantissant la sécurité des interventions.
L'allongement du délai risque ainsi de dégrader encore le fonctionnement quotidien du service public. Il est probable que l'accès à l'IVG restera toujours aussi difficile pour certaines femmes et il est à craindre que ces difficultés soient encore accrues. A la lassitude d'une génération " militante " qui s'est mobilisée en 1975, viendront s'ajouter les réticences croissantes de nombreux médecins à pratiquer des IVG au-delà des dix semaines de grossesse.
Enfin, si l'on ne peut pas parler d'eugénisme, le risque existe de pratiques individuelles de sélection du foetus au vu des éléments du diagnostic prénatal.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Art. 3
(art. L. 2212-2 du code de la santé
publique)
Interruption volontaire de grossesse en
médecine ambulatoire
Cet article autorise la pratique d'une IVG dans le cadre de la médecine ambulatoire.
I - Le dispositif proposé
Cet article complète le second alinéa de l'article L. 2212-2 du code de la santé publique qui prévoit qu'une IVG ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé, satisfaisant aux dispositions de l'article L. 2322-1, c'est-à-dire ayant obtenu l'autorisation préalable du représentant de l'Etat dans le département. Les IVG ne peuvent donc être pratiquées aujourd'hui que dans un établissement public de santé ou dans un établissement privé ayant reçu autorisation pour recevoir des femmes enceintes.
L'article 3 du projet de loi complète cette disposition en prévoyant la possibilité d'une IVG en médecine ambulatoire, " dans le cadre d'une convention conclue entre le praticien et un tel établissement, des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. "
Cette disposition répond au développement de l'IVG par mode médicamenteux, qui ne nécessite pas toujours d'hospitalisation.
L'IVG peut en effet être pratiquée selon deux méthodes :
- la méthode chirurgicale, qui comporte une dilatation du col et une aspiration ;
- la méthode médicale, qui correspond à la prise d'un anti-progestérone, le RU 486 ou Mifépristone, puis 36 ou 48 heures après, par l'administration d'une prostaglandine particulière, essentiellement du Misoprostol.
Selon le rapport du professeur Nisand 14 ( * ) , l'IVG médicamenteuse est réalisable jusqu'à sept semaines d'aménorrhée (cinq semaines de grossesse) avec une bonne efficacité.
Au-delà, cette méthode est encore utilisable mais donne lieu à des échecs plus fréquents nécessitant alors un geste chirurgical d'aspiration. Les avantages de la méthode médicamenteuse sont l'innocuité plus grande et l'absence de geste chirurgical.
Ses inconvénients tiennent à la nécessité d'un suivi plus délicat pour vérifier l'efficacité de la méthode et à des douleurs parfois importantes jusqu'à l'expulsion de l'oeuf nécessitant presque toujours un traitement antalgique.
L'utilisation de l'IVG par mode médicamenteux se développe progressivement 15 ( * ) : 14 % des IVG en 1990, 20 % en 1998. Cette technique est plus souvent utilisée au sein des établissements du secteur public (23 % des IVG en 1998) contre 16 % pour les cliniques soumises à l'objectif quantifié national (OQN) et 13 % pour les établissements privés sous budget global. 17 % des établissements publics et 60 % des établissements privés ne pratiquent pas d'IVG médicamenteuses.
La méthode médicale a fait l'objet d'un certain nombre de recommandations par l'ANAES. Comme l'a indiqué, lors de son audition par votre commission le 20 décembre 2000, le professeur Michel Tournaire, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul, président du groupe de travail de l'ANAES sur l'IVG, " l'ANAES considère, et c'est une option assez nette et nouvelle, que jusqu'à cinq semaines de grossesse, donc au tout début de la grossesse, l'hospitalisation qui était jusque-là systématique et même obligatoire, n'appara»t pas indispensable. Cependant, pour que cette technique soit employée à domicile, il faut impérativement des précautions qui sont : le choix laissé à l'intéressée entre l'hospitalisation ou le domicile, qu'il y ait une distance limitée entre l'h™pital et le domicile, qu'il y ait la possibilité de contacter cet h™pital ou de s'y rendre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il faut une évaluation sur le plan médico-psychosocial pour savoir quelles patientes sont éligibles pour cette méthode. Je rappellerai que, dans le cadre actuel, il y a une obligation d'hospitalisation.
" Comment se passent les choses en réalité ? L'anti-progestérone, le RU, est donné et il y a quarante-huit heures plus tard une hospitalisation de quelques heures. On donne à l'arrivée un deuxième médicament, les prostaglandines, qui aboutissent dans un certain nombre de cas à la fausse couche en hospitalisation et, dans un grand nombre de cas, il ne se passe rien, si l'on peut dire, et la fausse couche a lieu à domicile. Cette hospitalisation ne para»t pas très justifiée, du moins au tout début de la grossesse . En revanche, pour la période suivante, c'est-à-dire pour la sixième et la septième semaines de grossesse, on laisse le choix entre méthode médicamenteuse et méthode chirurgicale. L'ANAES considère que, pour des raisons entre autres de complications un peu plus fréquentes, de douleurs plus intenses, d'hémorragies plus fréquentes, il est nécessaire qu'il y ait, comme jusqu'à maintenant pour cette période-là, une hospitalisation. "
En première lecture, l'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
L'IVG par voie médicamenteuse apporte désormais la possibilité de recourir à une technique moins invasive et moins traumatisante qu'un acte chirurgical.
Compte tenu de l'avis émis par l'ANAES, votre commission est favorable au développement de cette technique dans le cadre de la médecine ambulatoire, qui permet d'éviter l'hospitalisation. Une telle mesure est de nature à faciliter l'accès à l'IVG et à favoriser la pratique d'IVG plus précoces.
Toutefois, la pratique des IVG hors du cadre hospitalier suppose le respect d'un certain nombre de précautions -définies par l'ANAES- qui devront impérativement être reprises dans le décret en Conseil d'Etat prévu par le présent article.
Il conviendra notamment de préciser que, pendant la durée du suivi, la femme doit rester proche du centre référent et doit pouvoir contacter à tout moment un médecin compétent. La possibilité d'effectuer une aspiration endo-utérine en urgence en cas de métrorragies 16 ( * ) trop abondantes après prise de Misoprostol doit être prévue.
Sous réserve de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 3 bis (nouveau)
(art. L. 2212-3 du code de la
santé publique)
Informations délivrées
à la femme
lors de la première consultation
médicale
Cet article supprime, dans le contenu du dossier-guide qui doit être remis à la femme lors de la première consultation médicale pré-IVG, l'énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l'adoption d'un enfant à naître, et la liste des organismes susceptibles de lui apporter une aide morale ou matérielle.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, résulte d'un amendement présenté par Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales.
Il modifie l'article L. 2212-3 du code de la santé publique relatif à la première consultation médicale préalable à l'IVG.
L'article L. 2212-3 précise que :
Le médecin sollicité par une femme en vue de l'interruption de sa grossesse doit, dès la première visite :
1° informer celle-ci des risques médicaux qu'elle encourt pour elle-même et pour ses maternités futures, et de la gravité biologique de l'intervention qu'elle sollicite ;
2° lui remettre un dossier-guide, mis à jour au moins une fois par an, comportant notamment :
a) le rappel des dispositions de l'article L. 2211-1, qui reprend les termes de l'article premier de la loi n° 75-17 du 17 janvier 1975 figurant désormais à l'article 16 du code civil ( " la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie "), ainsi que des dispositions de l'article L. 2212-1 qui limite l'interruption de la grossesse au cas où la femme enceinte se trouve placée par son état dans une situation de détresse ;
b) l'énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères, célibataires ou non, et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l'adoption d'un enfant à naître ;
c) la liste et les adresses des organismes mentionnés à l'article L. 2212-4, c'est-à-dire les établissements d'information, de consultation ou de conseil familial, les centres de planification ou d'éducation familiale, les services sociaux ou autres organismes agréés qui doivent délivrer à la femme l'attestation de consultation, ainsi que des associations et organismes susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux intéressés ;
d) la liste et les adresses des établissements où sont effectuées des interruptions volontaires de la grossesse.
Dans la nouvelle rédaction de l'article L. 2212-3 proposée par l'article 3 bis du projet de loi, le médecin devrait, dès la première consultation médicale, informer la femme des méthodes médicales et chirurgicales d'interruption de grossesse et des risques et des effets secondaires potentiels.
Il lui remettrait un dossier-guide dont le contenu serait profondément modifié :
- il n'est plus fait référence à l'article premier de la loi de 1975 ;
- il est désormais fait mention des dispositions de l'article L. 2212-2, lequel prévoit que l'interruption volontaire de grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin et dans un établissement de santé, ou en médecine ambulatoire, dans les conditions introduites par l'article 3 du projet de loi ;
- enfin, et il s'agit là de la modification la plus importante, le dossier-guide ne comporte plus :
• l'énumération des droits, aides et avantages garantis par la loi aux familles, aux mères et à leurs enfants, ainsi que des possibilités offertes par l'adoption d'un enfant à naître ;
• la liste et les adresses des associations et organismes susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux femmes concernées.
Défendant cet article additionnel, Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure, a indiqué à l'Assemblée nationale 17 ( * ) que la commission avait " reformulé le contenu du dossier-guide afin de lui donner un caractère impartial . Nous avons souhaité qu'il ne comporte des informations que sur l'IVG, le cadre législatif, les établissements ainsi que la liste des organismes qui sont susceptibles d'accompagner et d'aider les femmes si elles en sentent la nécessité ".
II - La position de votre commission
Votre commission considère que cet article remet en question une disposition extrêmement équilibrée de la loi de 1975, modifiée par la loi de 1979.
Le texte aujourd'hui en vigueur comporte le rappel des droits de la mère, si elle décide de garder l'enfant, et la liste des associations et organismes susceptibles de l'aider.
Votre commission regrette que l'Assemblée nationale ait supprimé ces éléments du dossier-guide " au motif -pour reprendre les mots de la rapporteure- que la femme a déjà effectué son choix au moment où elle entame sa démarche ".
Elle note que le rapport du Professeur Nisand proposait une modification du dossier-guide pour y inclure un chapitre éthique dont la rédaction serait proposée au Comité consultatif national d'éthique. Ce rapport suggérait en outre de prévoir une ligne budgétaire pour l'édition annuelle de 250.000 dossiers-guides pour que les DDAS puissent disposer d'une réserve prévisionnelle. Il recommandait également la mise en oeuvre d'une information correcte à l'égard des médecins (généralistes et spécialistes) sur l'importance qu'il y avait à remettre ce dossier dès la première consultation et soulignait que ce dossier-guide devrait être accessible chez tous les médecins généralistes.
Votre commission observe de surcroît qu'aucune des personnes auditionnées n'a jugé nécessaire de remettre fondamentalement en question le contenu de ce dossier-guide et qu'aucune n'a estimé que ce contenu était devenu inadapté.
Elle s'interroge, dans ces conditions, sur les motivations exactes de cet article.
Elle estime pour sa part que les éléments du dossier-guide que l'Assemblée nationale a souhaité supprimer peuvent s'avérer extrêmement utiles pour certaines femmes, notamment pour celles qui sont encore indécises.
Contrairement à ce que semble croire l'Assemblée nationale, ces éléments n'ont pas pour vocation de dissuader la femme de recourir à l'IVG mais simplement de s'assurer qu'elle prend sa décision en toute connaissance de cause et en disposant de l'information la plus complète possible.
Pour ces raisons, votre commission vous propose de revenir au texte de la loi de 1975 et d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Art. 4
(art. L. 2212-4 du code de la santé
publique)
Suppression du caractère obligatoire de la
consultation sociale
Cet article supprime le caractère obligatoire de la consultation sociale préalable à l'IVG.
I - Le dispositif proposé
Cet article modifie l'article L. 2212-4 du code de la santé publique relatif à la consultation sociale préalable à l'IVG.
L'article L. 2212-4 prévoit qu'une femme désirant obtenir une IVG doit, après la première consultation médicale, consulter un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé qui doit lui délivrer une attestation de consultation.
Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance et des conseils appropriés à la situation de l'intéressée lui sont apportés, ainsi que les moyens nécessaires pour résoudre les problèmes sociaux posés, en vue notamment de permettre à celle-ci de garder son enfant.
A cette occasion, lui sont communiqués les noms et adresses des personnes qui, soit à titre individuel, soit au nom d'un organisme, d'un service ou d'une association, seraient susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux femmes et aux couples confrontés aux problèmes de l'accueil de l'enfant.
Dans sa rédaction initiale, cet article complétait le deuxième alinéa de l'article L. 2212-4 afin de préciser que, si une femme est mineure non émancipée, et si elle exprime le désir de garder le secret à l'égard des titulaires de l'autorité parentale, ou de son représentant légal, elle doit être conseillée, lors de cet entretien, sur le choix de la personne majeure susceptible de l'accompagner dans sa démarche, c'est-à-dire de l'adulte référent prévu à l'article 6.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, modifié par un sous-amendement présenté par M. Bertrand Charles et les membres du groupe socialiste.
L'article 4 ainsi modifié comporte une nouvelle rédaction des deux premiers alinéas de l'article L. 2212-4.
Le premier alinéa de cet article prévoit qu'il est systématiquement proposé, avant et après l'interruption volontaire de grossesse, à la femme majeure une consultation avec une personne ayant satisfait à une formation qualifiante en conseil conjugal ou toute autre personne qualifiée dans un établissement d'information, de consultation ou de conseil familial, un centre de planification ou d'éducation familiale, un service social ou un autre organisme agréé. Cette consultation comporte un entretien particulier au cours duquel une assistance ou des conseils appropriés à la situation de l'intéressée lui sont apportés.
Le deuxième alinéa de cet article maintient le caractère obligatoire de la consultation pour les mineures.
Cette nouvelle rédaction a deux conséquences :
- la consultation sociale n'est plus obligatoire pour les femmes majeures : elle est simplement " proposée " ;
- une nouvelle consultation est désormais proposée après l'interruption de grossesse.
II - La position de votre commission
A l'évidence, cette disposition, au caractère très idéologique, est inspirée par le même état d'esprit que celui qui a conduit à l'adoption de l'article 3 bis : il s'agit de tout faire pour supprimer les procédures d'information et de dialogue qui auraient pu conduire certaines femmes à changer d'avis et à renoncer à une IVG.
On notera d'ailleurs que cette disposition, comme celle prévue à l'article 3 bis modifiant le contenu du dossier-guide, ne figurait pas dans le texte du Gouvernement, c'est-à-dire dans le projet de loi initial.
Pour votre commission, cet entretien social est fondamentalement utile : il est un temps de dialogue indispensable. Il est aujourd'hui l'occasion pour la femme d'exposer ses difficultés personnelles, conjugales, familiales, d'être informée des aides et soutiens dont elle peut bénéficier, de parler de la contraception, de préparer ainsi l'avenir et d'éviter notamment des IVG ultérieures.
Contrairement à ce que semblent croire les députés, ce n'est pas parce qu'un entretien est " obligatoire " qu'il est nécessairement dissuasif ou culpabilisant pour la femme. Votre commission se demande en quoi cet entretien serait préjudiciable : la femme serait-elle moins libre parce que mieux informée ? L'Assemblée nationale craint-elle que certaines femmes renoncent à leur décision d'IVG à la suite de cet entretien ?
Rendre cet entretien facultatif aboutira à ce qu'un bon nombre de femmes n'en bénéficient pas, surtout celles pour lesquelles il pourrait être le plus utile.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission souhaite maintenir le caractère obligatoire de l'entretien social préalable à l'IVG. Elle approuve par ailleurs l'idée de proposer systématiquement une consultation après l'IVG.
Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement tendant à :
- maintenir, pour toutes les femmes, le caractère obligatoire de l'entretien social préalable à l'IVG ;
- prévoir qu'une deuxième consultation, ayant notamment pour but l'information sur la contraception, est systématiquement proposée après l'interruption de grossesse.
Elle vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 5
(art. L. 2212-5 du code de la santé
publique)
Mesure de coordination avec l'allongement du
délai à douze semaines
Par coordination avec la disposition prévue à l'article 2, cet article modifie, dans l'article L. 2212-5 du code de la santé publique, le terme du délai légal.
I - Le dispositif proposé
L'article L. 2212-5 du code de la santé publique prévoit que, si la femme renouvelle sa demande d'interruption de grossesse après les consultations médicale et sociale, le médecin doit lui demander une confirmation écrite ; il ne peut accepter cette confirmation qu'après l'expiration d'un délai d'une semaine suivant la première demande de la femme, " sauf au cas où le terme de dix semaines risquerait d'être dépassé, le médecin étant seul juge de l'opportunité de sa décision ".
L'article 5 du projet de loi :
- porte le terme du délai légal à douze semaines, par coordination avec la modification proposée à l'article 2 ;
- supprime les mots : " le médecin étant seul juge de l'opportunité de sa décision ".
L'exposé des motifs du projet de loi estime que " cette précision va de soi (...). Il apparaît donc inutile de la conserver ".
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Votre commission n'est pas convaincue de la nécessité de supprimer le membre de phrase rappelant que le médecin est seul juge de l'opportunité de sa décision. Une telle suppression pourrait en effet signifier que ce n'est plus le cas. Elle vous propose donc de maintenir cette disposition dans l'article L. 2212-5 du code de la santé publique.
Par coordination avec la position qu'elle exprime à l'article 2, elle vous propose de rejeter l'allongement à douze semaines du délai légal.
Votre commission vous propose par conséquent d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Art. 6
(art. L. 2212-7 du code de la santé
publique)
Aménagement de l'obligation d'autorisation
parentale pour les mineures
Cet article prévoit une possibilité de déroger à l'obligation d'une autorisation parentale pour pratiquer une IVG sur une mineure.
I - Le dispositif proposé
L'autorité parentale est une règle générale en matière de soins, qui découle de l'article 371-2 du code civil et de l'incapacité juridique du mineur. L'article 371-2 du code civil prévoit ainsi que ;
" L'autorité appartient aux père et mère pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité.
" Ils ont à son égard droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation. "
Comme le rappelle Domitille Duval-Arnould 18 ( * ) , l'enfant a des droits sur son corps, comme toute personne, mais, en principe, il ne les exerce pas lui-même, durant sa minorité, en raison de son incapacité juridique ; ce sont ses parents ou son représentant légal, considérés comme ses premiers protecteurs, qui consentent aux atteintes qui lui sont portées le plus souvent dans un but thérapeutique.
Mais des nuances ont été progressivement apportées à cette incapacité et l'autorité parentale ne constitue plus un pouvoir absolu. Il est maintenant acquis, d'une part, que différents professionnels ont le devoir d'intervenir auprès de mineurs en danger et, d'autre part, que l'enfant doit pouvoir faire entendre sa volonté lors de décisions relatives à son corps, en fonction de son discernement, de son âge ou de son développement.
S'agissant de l'IVG, l'article L. 2212-7 prévoit, dans sa rédaction actuelle, que si la femme est mineure célibataire, le consentement de l'une des personnes qui exercent l'autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est requis. Ce consentement devra être accompagné de celui de la mineure célibataire enceinte, ce dernier étant donné en dehors de la présence des parents ou du représentant légal.
La loi requiert donc un double consentement :
- le consentement de la mineure donné en dehors de la présence des parents ou du représentant légal, afin qu'elle puisse, dans la mesure du possible, exprimer sa volonté en toute liberté ;
- le consentement de l'une des personnes qui exerce l'autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal. Le consentement d'un seul titulaire de l'exercice de l'autorité parentale est suffisant. Ainsi, lorsque les parents exercent tous les deux cette autorité, la mineure peut aviser seulement l'un d'eux qui pourra lui-même choisir de garder le secret à l'égard de l'autre. Il s'agit d'une dérogation notable aux règles relatives à l'autorité parentale conjointe prévoyant le consentement des deux parents dans le cas d'actes graves concernant l'enfant.
Le fait d'avoir visé expressément le titulaire de l'autorité parentale et non pas seulement le père ou la mère de l'enfant devrait impliquer que le médecin vérifie la qualité du parent ayant fourni son consentement. Dans la pratique, les hôpitaux se contentent souvent de celle de père ou de mère, d'autant que le décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux 19 ( * ) , régissant notamment l'admission du mineur et l'autorisation d'opérer, prévoit le consentement des père et mère, sans faire allusion à l'exercice de l'autorité parentale.
Le représentant légal est celui qui exerce l'autorité parentale à la place des parents, en vertu d'une décision de justice faisant suite à l'ouverture d'une tutelle, à une délégation ou à une déchéance d'autorité parentale et non pas la personne chez laquelle la mineure vit, ce qui est donc très restrictif et implique également un minimum de vérifications.
Mais, en pratique, ces distinctions échappent fréquemment aux professionnels que la mineure est amenée à rencontrer lorsqu'elle sollicite une IVG.
L'intervention de l'un des parents a été prévue par le législateur afin que la jeune fille demande conseil et ne décide pas seule, compte tenu des risques médicaux et psychologiques pouvant survenir ultérieurement, d'un acte, dont elle pourrait ne pas mesurer toute la portée.
Si le consentement de la mineure et l'autorisation de l'un des parents exerçant l'autorité parentale ou du représentant légal concordent pour ou contre la poursuite de la grossesse, il n'y a juridiquement aucune difficulté. Il apparaît d'ailleurs que, dans la majorité des cas, un dialogue peut s'instaurer aboutissant à une prise de décision commune.
Il en va différemment lorsque la mineure veut interrompre sa grossesse, sans pouvoir obtenir d'autorisation parentale. La loi du 17 janvier 1975 ne prévoit pas la possibilité de pallier l'absence de consentement parental, faisant ainsi du droit parental une sorte de droit absolu.
Or l'absence de consentement parental résulte de situations différentes et relativement fréquentes parmi lesquelles des distinctions s'imposent : elle peut être liée à une opposition parentale à la pratique de l'IVG ou à un refus de la mineure d'aviser ses parents.
Les contextes varient également : il peut s'agir de jeunes filles issues de familles dans lesquelles une IVG n'est pas envisageable en raison de leurs cultures ou de leurs religions, de situations de mésentente grave avec les parents, de cas dans lesquels c'est la personne avec laquelle la mineure a eu des relations sexuelles qui empêche tout dialogue (il peut s'agir par exemple d'un membre de la famille ou d'une communauté différente) ou encore d'absence de contacts entre la mineure et ses parents. Cette dernière situation se rencontre souvent dans le cas de mineures confiées à l'Aide sociale à l'enfance ou à des tiers sans qu'une délégation d'autorité parentale ait été prononcée ou encore de mineures d'origine étrangère accueillies chez des membres de la famille sans aucun cadre légal. Enfin, il peut arriver que le parent exerçant l'autorité parentale ne soit même pas en mesure de manifester sa volonté étant, par exemple, hospitalisé en psychiatrie.
Comme le relève Domitille Duval-Arnould, ces silences et incertitudes légales posent en pratique de nombreux problèmes, qui sont actuellement traités de manières différentes et parfois anarchiques selon les cas et les professionnels auxquels les mineures s'adressent : soit le juge des enfants est sollicité, soit des solutions " extra-légales " sont envisagées.
• L'intervention du juge des enfants
Aucun texte ne donne de compétence expresse au juge des enfants en matière d'IVG, mais en pratique ce magistrat est très fréquemment saisi du cas de mineures souhaitant interrompre leur grossesse, par le procureur de la République auquel les services sociaux ou toute autre personne ont signalé la situation, par le gardien ou même directement par la mineure elle-même qui a la faculté de saisir ce magistrat par simple lettre.
Le juge des enfants est compétent lorsque, selon l'article 375 du code civil, il existe un danger pour la santé, la sécurité et la moralité d'un mineur ou lorsque ses conditions d'éducation sont gravement compromises. Il doit entendre avant toute décision, sauf urgence particulière, les parents et l'enfant qui peuvent être assistés d'un avocat. Il a la possibilité d'ordonner des mesures de suivi éducatif, de subordonner le maintien de l'enfant dans sa famille à des obligations particulières, de suspendre certains droits des titulaires de l'autorité parentale tels que celui de consentir à un acte médical ou chirurgical nécessaire à sa santé ou encore de confier l'enfant à l'autre parent, à un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance, à une association habilitée, un établissement ou encore à l'aide sociale à l'enfance.
Mais son intervention en matière d'IVG est très contestée : elle l'est plus particulièrement lorsqu'il existe une opposition parentale, à la différence des cas dans lesquels il est impossible de joindre les parents. Dans ce dernier as, il semble en effet particulièrement injuste de refuser à une mineure, dont les parents se désintéressent de pouvoir subir une IVG si elle le souhaite fermement.
Certains auteurs remarquent ainsi qu'une IVG ne constitue pas une mesure éducative et ne relève donc pas des attributions du juge des enfants, qu'une grossesse ne compromet pas la santé ou l'intégrité corporelle de la mère (ou alors il s'agit d'une IVG à caractère thérapeutique), que le consentement à l'avortement constitue une prérogative liée à l'autorité parentale dont les parents ne peuvent pas être privés et que le juge des enfants doit donc refuser d'intervenir.
D'autres admettent au contraire que le juge des enfants prenne le relais des parents si la poursuite de la grossesse est de nature à entraîner, avec suffisamment de certitude, un danger pour la santé physique ou mentale de la mineure.
Dans la pratique, les juges des enfants sont partagés, chacun expliquant sa position en fonction de son propre système de valeur et utilisant l'article 375 du code civil soit comme un paravent, soit comme un support. De nombreuses décisions sont rendues chaque année qui ne sont pas publiées et font très rarement l'objet d'un appel, compte tenu des délais limités prévus par la loi pour la pratique des IVG.
Certains juges se déclarent incompétents. D'autres apprécient si le conflit existant entre la mineure et ses parents ou son représentant légal crée un danger pour cette dernière. Pour autoriser une IVG, ils estiment alors le plus souvent que la mineure n'est pas en état de mener à terme sa grossesse sans compromettre son équilibre psychologique ou encore par exemple que la mineure sans ressources, ni domicile, ni famille, ne pouvait envisager de faire naître l'enfant qu'elle serait incapable d'élever. La Cour d'appel de Colmar a récemment relevé l'existence d'un état de détresse profond chez une mineure dont la santé et la sécurité étaient compromises.
Certains juges des enfants ont recours à la notion d'abus de droit dans des espèces où le refus parental est motivé, par exemple, par le désir de punir l'enfant ou lorsque l'autorisation fait l'objet d'un chantage au silence de la mineure quant à l'identité du père. La Cour d'appel de Bordeaux, le 4 décembre 1991, a, par exemple, considéré que " lorsque le refus des parents de consentir à une IVG dans le cadre des droits de l'autorité parentale n'était pas dicté par le seul intérêt de l'enfant, les parents commettaient un détournement constitutif d'un abus de droit ".
Mais il est clair qu'actuellement le juge des enfants est dans une situation difficile en raison des situations humaines auxquelles il est confronté et du silence des textes. De plus, la Cour de cassation ne s'est jamais prononcée sur sa compétence en matière d'IVG ; l'exécution provisoire ayant toujours été ordonnée par les juges des enfants ou les cours d'appel, limités par les délais légaux s'imposant à l'IVG.
Dans la pratique, soit le juge autorise directement l'IVG, soit il ordonne une mesure de placement de la mineure dans un établissement ou un service et retire expressément aux parents le droit de consentir à une IVG et délègue à l'établissement ou au service la faculté de consentir à cet acte. Il est certain qu'il ne peut pas, en raison notamment de l'obligation légale d'entendre les parents de l'enfant et de leur notifier toute décision à son sujet, autoriser une mineure à pratiquer une IVG à leur insu. Enfin, il est parfois saisi du cas de mineures subissant des contraintes pour pratiquer une IVG. Il doit alors tenter de leur donner la possibilité de réfléchir et de prendre leur décision librement et, si elles souhaitent garder leur enfant, envisager avec elles, le cas échéant, des mesures éducatives et parfois un placement dans une structure telle qu'un foyer maternel.
• Le recours à " des solutions extra-légales "
Dans la pratique, certaines mineures dépourvues de consentement parental et ayant parfois aussi dépassé le délai légal de dix semaines sont orientées, par les professionnels qui les reçoivent, vers d'autres solutions. Le dépassement du délai légal est lié souvent à une prise de conscience tardive de la grossesse, parfois associée à la crainte de solliciter un consentement parental.
Certains médecins acceptent de pratiquer des IVG en ayant seulement le consentement d'un membre de l'entourage familial chez lequel la mineure se trouve, sans que les parents n'aient été consultés. De même, des IVG dites thérapeutiques sont pratiquées au motif que la poursuite de la grossesse chez une mineure compromet gravement sa santé et son équilibre. C'est parfois le cas lorsque cette dernière déclare avoir subi des relations sexuelles sans y avoir consenti.
Pourtant, il apparaît que le seul fait d'être jeune et souvent démunie ne peut suffire à justifier un avortement thérapeutique et que la notion de santé psychique ne doit pas permettre de satisfaire toutes les demandes d'IVG après dépassement du délai de dix semaines.
Enfin, des mineures partent, avec l'aide de professionnels qui les ont reçues, pour des pays voisins dont les législations sont plus souples quant aux délais et n'exigent ni consentement parental ni résidence sur le territoire. Toutefois, les conditions dans lesquelles ces actes sont parfois pratiqués et insuffisamment surveillés, du fait notamment des courts délais passés dans ces pays, peuvent avoir des conséquences sur la santé des jeunes filles. De plus, il est certain que les travailleurs sociaux, les médecins et plus généralement les professionnels auxquels les mineures se confient engagent leur responsabilité lorsqu'ils les incitent à ce type de solution ou acceptent de pratiquer des IVG hors du cadre légal et notamment sans consentement parental.
Dans ce contexte, l'article 6 du projet de loi procède à une réécriture complète de l'article L. 2212-7 du code de la santé publique, relatif au cas particulier des IVG pratiquées sur des mineures. Il prévoit une dérogation au principe de l'autorisation parentale : lorsque le dialogue avec la famille s'avère impossible, l'interruption de grossesse pourra être réalisée sur la seule demande de la mineure.
Le premier alinéa de l'article L. 2212-7 nouvellement rédigé stipule que, lorsque le consentement parental est recueilli, il est joint à la demande d'interruption de grossesse que la mineure présente au médecin en dehors de la présence de toute autre personne, c'est-à-dire la confirmation écrite.
Les deuxième et troisième alinéas aménagent l'obligation d'autorisation parentale.
Dans un premier temps -c'est l'objet du deuxième alinéa-, si la mineure désire garder le secret à l'égard de ses parents, le médecin doit s'efforcer, dans l'intérêt de celle-ci, d'obtenir son consentement pour que le ou les titulaires de l'autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés.
Dans un deuxième temps -c'est l'objet du troisième alinéa-, si la jeune fille persiste dans son souhait de garder le secret ou si elle ne peut obtenir le consentement de ses parents, son seul consentement exprimé librement en tête à tête avec le médecin emporte la décision. Le médecin peut alors pratiquer l'interruption de grossesse à la demande de l'intéressée. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix.
Après l'intervention -c'est l'objet du quatrième et dernier alinéa-, il sera proposé à la mineure une deuxième consultation médicale, ayant notamment pour but une nouvelle information sur la contraception.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté trois amendements à cet article.
A l'initiative de Mme Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, elle a ajouté que le médecin, qui doit s'efforcer de convaincre la mineure d'obtenir le consentement parental, peut se contenter de vérifier que cette démarche a été faite lors de la consultation sociale préalable. L'objectif de cette disposition est de faire en sorte que la mineure ait le choix entre le médecin et la conseillère conjugale pour discuter de la possibilité d'obtenir ou non le consentement parental.
Toujours à l'initiative de Mme Lignières-Cassou, rapporteure, l'Assemblée nationale a précisé qu'outre l'interruption de grossesse, les soins qui lui sont liés sont également pratiqués à la demande de l'intéressé. L'objet de cet amendement est d'apporter une protection juridique aux personnels de santé qui pratiqueraient des soins sur une mineure dans le cadre d'une IVG.
Enfin, elle a adopté un amendement présenté par Mme Marie-Thérèse Boisseau précisant qu'une deuxième consultation serait obligatoirement proposée après l'IVG.
III - La position de votre commission
Chacun comprendra que cette disposition législative est symboliquement lourde et que ses conséquences juridiques sont graves. Après avoir longuement réfléchi, votre commission vous propose cependant d'en accepter le principe.
En effet, si, dans la très grande majorité des cas, la mineure obtient l'accord de l'un de ses deux parents, il est des situations où le consentement parental paraît impossible à obtenir, soit pour des raisons culturelles, soit pour des raisons simplement matérielles. Il est des cas où la simple annonce d'une grossesse mettrait en danger la vie de la jeune fille. Le recours au juge des enfants paraît alors inadapté.
Il est apparu dans ces conditions à votre commission qu'une modification du cadre légal régissant la situation particulière des mineures était souhaitable. Il est important que ces dernières ne soient plus, comme c'est le cas actuellement, dépendantes de la position des professionnels de santé auxquels elles s'adressent et de l'interprétation que font ces derniers des dispositions légales. De même il est nécessaire que ces professionnels, confrontés à des situations humaines difficiles, puissent répondre aux besoins de ces mineures tout en ayant une connaissance précise des conditions de leur intervention et des cas dans lesquels ils peuvent engager leur responsabilité.
Si la commission propose d'accepter la dérogation au principe de l'autorité parentale, elle souhaite néanmoins entourer cette possibilité d'un certain nombre de garanties : il n'est pas envisageable, en effet, que la mineure puisse être livrée à elle-même ou qu'elle soit, comme le propose le projet de loi, simplement " accompagnée " par une personne de son choix qui pourrait être n'importe qui.
Elle propose par conséquent que cette personne ne se limite pas à accompagner cette mineure, concept qui n'a aucune signification juridique, mais l'assiste, par référence aux dispositions du code civil qui prévoient, dans certaines situations, l'assistance d'un mineur par une personne adulte 20 ( * ) . Cette modification terminologique a naturellement des conséquences juridiques puisqu'elle suppose l'exercice d'une responsabilité à l'égard de la mineure. La responsabilité de la personne référente ne pourrait cependant pas être mise en cause par les parents de la mineure puisque la loi lui confie cette mission.
Votre rapporteur avait en outre envisagé de proposer que l'adulte référent soit une personne qualifiée , c'est-à-dire une personne compétente et formée à ce type de mission (conseillère conjugale, assistante sociale, psychologue...) que la mineure choisirait dans des conditions fixées par décret.
A l'issue d'un large débat, la commission a finalement décidé de maintenir la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale qui fait référence à " une personne majeure de son choix " . Sans pour autant se résoudre à considérer que la personne majeure peut être " n'importe qui ", elle a ainsi entendu préserver la possibilité pour la jeune fille de choisir par exemple un membre de sa famille, tel qu'une soeur, une tante ou une grand-mère.
Votre commission vous propose par conséquent d'adopter cinq amendements à cet article :
- le premier est rédactionnel ;
- le deuxième supprime dans le deuxième alinéa du texte proposé les mots : " ou doit vérifier que cette démarche a été faite lors de l'entretien mentionné à l'article L. 2212-4 ". Votre commission n'est en effet pas favorable à ce que se multiplient des démarches parallèles de vérification du consentement parental : il revient au seul médecin, qui a in fine la responsabilité médicale de l'acte, de s'efforcer de convaincre la mineure d'obtenir le consentement parental ;
- le troisième complète le troisième alinéa afin de préciser que les actes médicaux liés à l'interruption de grossesse sont également pratiqués à la demande de la mineure. Ainsi, le médecin pratiquant une anesthésie sur une mineure ne saurait voir sa responsabilité engagée du fait de l'absence de consentement parental ;
- le quatrième prévoit, dans le troisième alinéa que la mineure se fait " assister ", et non " accompagner " par la personne majeure de son choix ;
- le cinquième supprime la référence à une deuxième consultation après l'IVG, par coordination avec l'amendement proposé à l'article 4, qui a déjà introduit cette consultation dans ledit article.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 7
(art. L. 2212-8 du code de la santé
publique)
Clause de conscience
Cet article modifie l'article L. 2212-8 du code de la santé publique, relatif à la clause de conscience dont bénéficient les médecins et les personnels paramédicaux s'agissant de la pratique d'une IVG.
I - Le dispositif proposé
Dans sa rédaction actuelle, le premier alinéa de l'article L. 2212-8 prévoit qu'un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de la grossesse mais qu'il doit, au plus tard lors de la première visite, informer l'intéressée de son refus.
Le présent article procède à une réécriture de cet alinéa. Si le principe du droit du médecin à recourir à la clause de conscience est naturellement maintenu, la nouvelle rédaction proposée par cet article précise que le médecin souhaitant l'invoquer doit en informer la femme sans délai. En outre, il doit communiquer immédiatement à l'intéressée le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention selon les modalités prévues par la loi.
L'exposé des motifs du projet de loi indique : " de cette manière, la liberté de refus du médecin ne sera pas de nature à priver la femme de son droit d'accès à l'IVG, dans les meilleurs délais ".
Le présent article supprime également les deux derniers alinéas de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique.
Ces deux alinéas prévoient d'une part, que le conseil d'administration de l'établissement de santé désigne le service dans lequel les interruptions de grossesse seront effectuées, et d'autre part que, si le chef de service concerné refuse d'en assumer la responsabilité, le conseil d'administration doit créer une unité dotée de moyens permettant les IVG.
Sont en effet tenus de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse, en application de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique :
- les centres hospitaliers régionaux ;
- les centres hospitaliers généraux ;
- les autres établissements d'hospitalisation publics qui comportent une unité pour pratique chirurgicale ou obstétricale, à l'exception des centres hospitaliers spécialisés.
Pour leur part, les établissements privés sont astreints à ne pas dépasser un quota d'IVG égal au quart des actes chirurgicaux ou obstétricaux qu'ils pratiquent.
La suppression des deux derniers alinéas de l'article L. 2212-8 oblige tout chef de service d'un hôpital public à assumer l'organisation de la pratique des IVG, s'il a été décidé par le conseil d'administration de l'établissement, ainsi que le précise la loi hospitalière, que c'est bien à son service que cette mission incombe.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Votre commission partage l'objectif visé par le présent article de garantir à la femme qui a pris sa décision un accès rapide à une IVG. Certaines femmes sont aujourd'hui conduites à dépasser le délai légal de dix semaines parce que les carences du service public de l'IVG n'ont pas permis qu'il soit répondu à leur demande dans les délais. Tout doit être fait pour que de telles situations ne se reproduisent plus.
A l'heure actuelle, un chef de service peut refuser d'organiser des IVG dans son service en invoquant la clause de conscience. Votre commission est attachée à ce que tout médecin ait le droit de refuser de pratiquer personnellement des IVG. Elle considère cependant que, si ce même médecin est responsable d'un service assurant l'organisation d'IVG, il doit assurer les obligations de sa fonction, même s'il ne pratique pas lui-même d'IVG. La pratique des IVG étant une mission de service public, il est normal que les chefs de service ne puissent pas s'opposer à ce que leurs collaborateurs pratiquent des IVG dans leur service.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 7 bis (nouveau)
(art. L. 2322-1 et
L. 2322-4 du code de la santé publique)
Suppression
du contingentement du nombre d'IVG dans les établissements de
santé privés
Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale, supprime le contingentement du nombre d'IVG imposé aux établissements de santé privés.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, comporte deux paragraphes : le I résulte d'un amendement présenté par Mme Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, le II d'un sous-amendement déposé par le Gouvernement.
Le I abroge l'article L. 2322-4 du code de la santé publique qui prévoit que, dans les établissements de santé privés, le nombre d'interruptions volontaires de grossesse pratiquées chaque année ne peut être supérieur au quart du total des actes chirurgicaux et obstétricaux. Tout dépassement de ce quota entraîne la fermeture de l'établissement pendant un an. En cas de récidive, la fermeture est définitive.
Le II complète l'article L. 2322-1 du code de la santé publique relatif aux dispositions applicables aux établissements de santé privés recevant des femmes enceintes. L'ouverture ou la direction d'un tel établissement est subordonnée à l'autorisation préalable du représentant de l'Etat dans le département. Cet article est complété par un alinéa prévoyant qu'un décret fixe les installations autorisées dont les établissements de santé privés sont tenus de disposer lorsqu'ils souhaitent pratiquer des interruptions volontaires de grossesse.
II - La position de votre commission
Le contingentement a été institué dans la loi de 1975 pour éviter que certaines structures privées ne deviennent des cliniques d'avortement. Il témoignait à l'évidence d'une forte méfiance à l'égard du secteur privé. Le législateur a donc confié au secteur public le soin de répondre à la demande d'IVG en tentant de restreindre les IVG réalisées dans le secteur privé. Or, force est de constater que le secteur public n'assume pas complètement cette tâche. Comme le relève dans son rapport le Professeur Nisand, " Là où le privé est très sollicité, c'est souvent la conséquence d'une grave carence du secteur public. "
La suppression du contingentement figure parmi les recommandations du Professeur Nisand qui relève qu'un " rapide calcul permettrait de démontrer qu'une structure qui ne ferait que des IVG ne serait viable sur aucun plan (économique, médical, etc.) "
Il juge donc " logique de proposer l'abrogation de quotas qui discriminent de ce point de vue le privé du public, alors que le privé assume près de la moitié des IVG du pays. ".
Votre commission partage ce sentiment et considère que le maintien du contingentement ne se justifie plus.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 8
Modification des termes de
l'intitulé d'un chapitre désormais
consacré à
l'interruption de grossesse pratiquée pour motif
médical
Cet article modifie l'intitulé du chapitre III du titre premier du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique.
I - Le dispositif proposé
Le chapitre III du titre premier du livre III de la deuxième partie du code de la santé publique est aujourd'hui consacré à l'interruption de grossesse pratiquée pour motif thérapeutique. L'article 8 substitue au mot " thérapeutique " celui de " médical ".
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Votre commission est favorable à cette modification terminologique. L'interruption d'une grossesse pour motif thérapeutique peut aujourd'hui en effet être pratiquée, en application de l'article L. 2213-1, si la poursuite de la grossesse " met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ".
L'interruption de grossesse pratiquée dans les situations auxquelles l'article L. 2213-1 fait référence n'a nullement un but thérapeutique. Ce sont bien des raisons médicales concernant, soit la femme, soit l'enfant à naître, qui sont à l'origine des interruptions de grossesse nécessaires alors que les délais légaux de l'IVG sont dépassés. Le terme de " médical " englobe mieux la diversité des situations pouvant se présenter, tandis que celui de " thérapeutique " apparaît plus restrictif.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 8 bis (nouveau)
(art. L. 2213-1 du code de la
santé publique)
Modification de la procédure
préalable à la décision de pratiquer une interruption
médicale de grossesse
Cet article additionnel introduit par l'Assemblée nationale modifie l'article L. 2213-1 du code de la santé publique relatif à la procédure applicable aux interruptions de grossesse pour motif médical (IMG).
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Cet article additionnel, qui résulte d'un amendement présenté par Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, réforme la procédure de l'IMG.
L'article L. 2213-1 du code de la santé publique prévoit que l'interruption volontaire d'une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins attestent, après examen et discussion, que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme ou qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
L'un des deux médecins doit exercer son activité dans un établissement public de santé ou dans un établissement de santé privé autorisé à recevoir des femmes enceintes et l'autre être inscrit sur une liste d'experts près la Cour de cassation ou près d'une Cour d'appel. Si l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l'un de ces deux médecins doit exercer son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire.
La nouvelle rédaction de l'article L. 2213-1 proposée par l'Assemblée nationale :
- maintient à l'identique les motifs de l'IMG (péril grave pour la santé de la femme ou une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic) ;
- prévoit que la décision de pratiquer l'interruption de grossesse ne peut être prise qu'après que la réalité de l'une ou l'autre de ces situations a été appréciée par une commission pluridisciplinaire. Cette commission comprend au moins trois personnes qui sont une personne qualifiée, un médecin choisi par la femme concernée et un médecin responsable de service de gynécologie obstétrique. Lorsque l'interruption de grossesse est envisagée au motif qu'il existe une forte probabilité que l'enfant à naître soit atteint d'une affection d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic prénatal, le deuxième médecin exerce son activité dans un centre de diagnostic prénatal pluridisciplinaire. Un décret en Conseil d'Etat précise la composition et les modalités de fonctionnement de cette commission ;
- précise que la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par la commission.
II - La position de votre commission
Votre commission approuve la réforme de la procédure de l'IMG proposée par l'Assemblée nationale.
Cette nouvelle procédure présente l'avantage d'être véritablement collégiale puisque la commission est au moins composée de trois membres.
En outre, la composition de cette commission est " pluridisciplinaire " et non plus exclusivement médicale : la présence d'une personne qualifiée qui pourrait être une conseillère conjugale, une psychologue, une assistante sociale, permettra vraisemblablement une plus grande diversité d'approches.
La nouvelle procédure met fin à l'intervention actuellement obligatoire du médecin inscrit sur la liste d'experts près la Cour de cassation ou près d'une Cour d'appel, intervention qui ne se justifiait plus.
Enfin, elle permet à la femme concernée, ou au couple, de se faire entendre dans une procédure dont elle est paradoxalement absente aujourd'hui
Votre commission vous propose donc d'adopter cet article en le complétant. En effet, si, pour les raisons qui ont été évoquées plus haut, votre commission vous demande de rejeter l'allongement du délai légal de l'IVG, elle juge néanmoins indispensable d'apporter une réponse à la détresse des femmes qui dépassent le délai légal.
Elle propose par conséquent que ces situations puissent être prises en charge dans le cadre de la procédure de l'interruption médicale de grossesse, telle qu'elle est réformée par le présent article.
Elle vous demande ainsi d'adopter deux amendements à cet article.
Le premier complète le premier alinéa du texte proposé afin d'ajouter que la référence à la santé de la femme inclue sa santé psychique, appréciée notamment au regard de risques avérés de suicide ou d'un état de détresse consécutif à un viol ou un inceste. Cette précision permettrait la prise en charge des situations les plus douloureuses, qui constituent souvent l'essentiel des cas de dépassement de délais.
Le second modifie, dans le deuxième alinéa du texte proposé, la composition de la commission pluridisciplinaire afin de prévoir la présence d'un médecin gynécologue-obstétricien, et non plus d'un médecin responsable de service de gynécologie-obstétrique, et de préciser que la personne qualifiée ne doit pas appartenir au corps médical.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 9
(art. L. 2213-2 du code de la santé
publique)
Disposition de coordination relative
à
l'interruption de grossesse pour un motif médical
Cet article modifie l'article L. 2213-2 du code de la santé publique afin de substituer au mot : " thérapeutique " le mot : " médical ".
I - Le dispositif proposé
Par coordination avec le changement de l'intitulé du chapitre III opéré par l'article 8, cet article prévoit qu'à l'article L. 2213-2, qui stipule que les dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-8 à L. 2212-10 sont applicables à l'interruption volontaire de la grossesse pratiquée pour motif thérapeutique, la référence au motif thérapeutique est remplacée par la référence au motif médical.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Par coordination avec la position qu'elle a exprimée à l'article 8, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 10
(art. L. 5135-1 et L. 5435-1 du code de la
santé publique)
Interdiction et sanctions de la vente
à des personnes
n'appartenant pas au corps médical de
dispositifs médicaux utilisables pour une interruption volontaire de
grossesse
Cet article actualise les dispositions du code de la santé publique relatives à la vente et de la distribution des dispositifs médicaux utilisés pour les IVG.
I - Le dispositif proposé
Le I de cet article réécrit l'article L. 5135-1 du code de la santé publique qui constitue l'unique article du chapitre V " Produits aptes à provoquer une interruption de grossesse " du titre III " Autres produits et substances pharmaceutiques réglementés " du livre premier " Produits pharmaceutiques " de la cinquième partie du code qui porte sur les produits de santé.
Cet article du code de la santé publique régit les produits et les dispositifs " susceptibles de provoquer ou de favoriser " une interruption de grossesse. Il vise, dans les trois premiers alinéas, " les remèdes et substances, sondes intra-utérines et autres objets analogues " qui ne peuvent être délivrés que par les pharmaciens, sur prescription médicale " transcrite sur un registre coté et paraphé par le maire ou le commissaire de police ".
Le 1° du I du présent article supprime ces dispositions qui apparaissent obsolètes. En outre, les produits concernés relèvent aujourd'hui du droit commun applicable aux médicaments.
Le dernier alinéa de l'article L. 5135-1 traite des dispositifs médicaux utilisés pour des IVG. Le 2° du I du présent article modifie cet alinéa afin d'actualiser sa rédaction.
En définitive, l'article L. 5135-1 ne comporterait plus qu'un seul alinéa prévoyant d'interdire aux " fabriquants et négociants en appareils gynécologiques de vendre des dispositifs médicaux utilisables " pour une IVG à des personnes n'appartenant pas au corps médical. L'objectif demeure la lutte contre les avortements pouvant être pratiqués en dehors du milieu médical grâce à la vente " en parallèle " de dispositifs médicaux destinés en principe exclusivement aux personnels du corps médical.
Le II de cet article procède à une réécriture complète de l'article L. 5435-1 qui constitue l'unique article du chapitre V " Produits aptes à provoquer une interruption de grossesse " du titre III du livre IV consacré aux dispositions pénales au sein de la cinquième partie du code de la santé publique.
Pour lutter plus efficacement encore contre les IVG illégales, il renforce les peines prévues par cet article en cas de non-respect du principe posé par l'article L. 5135-1, c'est-à-dire pour avoir vendu un dispositif médical utilisé pour une IVG à une personne n'appartenant pas au corps médical.
Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 5435-1 comporte six alinéas. Il énonce d'abord les peines encourues, soit deux ans d'emprisonnement et 30.000 francs d'amende (dans son premier alinéa), puis les faits condamnables (alinéas deux à quatre, soit du 1° au 3°). Le cinquième alinéa pose le principe de la confiscation des instruments saisis ayant été illégalement vendus ou distribués à une personne n'appartenant pas au corps médical. Selon le dernier alinéa, une peine complémentaire est prévue à l'encontre des personnes physiques coupables d'avoir vendu ou distribué des dispositifs médicaux. Celles-ci s'exposent à subir une suspension temporaire ou une interdiction durable d'exercer leur profession habituelle, soit la profession " à l'occasion de laquelle le délit a été commis ".
Dans la rédaction proposée par le II du présent article, le premier alinéa de l'article L. 5435-1 durcit les peines encourues Comme précédemment, la peine est de deux ans d'emprisonnement, mais l'amende est relevée, passant de 30.000 francs à 200.000 francs, selon le quantum habituel du code pénal.
Le deuxième alinéa prévoit que les personnes morales " peuvent être déclarées pénalement responsables des infractions " précitées " dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal ", lequel dispose que " les personnes morales, à l'exclusion de l'Etat, sont responsables pénalement (...) des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. "
Les troisième, quatrième et cinquième alinéas concernent les peines pouvant être communes aux personnes physiques et morales : confiscation des dispositifs médicaux saisis, interdiction, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans, d'exercer la profession ou l'activité à l'occasion de laquelle le délit a été commis.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Les IVG et a fortiori les IMG pratiquées sans encadrement médical sont de nature à mettre très gravement en danger la santé et l'intégrité physique des femmes qui pourraient en être les victimes. C'est la raison pour laquelle votre commission approuve pleinement le durcissement des peines prévues en la matière.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 11
(art. 223-11 du code pénal, art. L.
2222-2 du code de la santé publique)
Transfert dans le
code de la santé publique des dispositions du code pénal
relatives à la pratique illégale de l'IVG
Cet article transfère dans le code de la santé publique les dispositions du code pénal relatives à la pratique illégale de l'IVG.
I - Le dispositif proposé
L'article 223-11 du code pénal prévoit que l'interruption de la grossesse d'autrui est punie de deux ans d'emprisonnement et de 200.000 francs d'amende lorsqu'elle est pratiquée, en connaissance de cause, dans l'une des circonstances suivantes :
1° après l'expiration du délai dans lequel elle est autorisée par la loi, sauf si elle est pratiquée pour un motif thérapeutique ;
2° par une personne n'ayant pas la qualité de médecin ;
3° dans un lieu autre qu'un établissement d'hospitalisation public ou qu'un établissement d'hospitalisation privé satisfaisant aux conditions prévues par la loi.
Cette infraction est punie de cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 francs d'amende si le coupable la pratique habituellement. La tentative de ces délits est punie des mêmes peines.
Dans la rédaction du projet de loi, l'article 11 se bornait à apporter deux modifications à la rédaction de l'article 223-11 du code pénal, par coordination avec d'autres dispositions du texte :
- il substituait au terme : " thérapeutique " le terme de " médical " , par coordination avec les dispositions des articles 8 et 9 ;
- il introduisait la référence à la possibilité d'une IVG pratiquée en médecine ambulatoire, par coordination avec l'article 3.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, qui transfère dans le code de la santé publique les dispositions prévues à l'article 223-11 du code pénal.
L'article 11 ainsi modifié comprend désormais deux paragraphes :
- le I abroge l'article 223-11 du code pénal ;
- le II transfère les dispositions dudit article, incluant les modifications apportées par le présent article dans sa rédaction initiale, dans l'article L. 2222-2 du code de la santé publique qui se limitait auparavant à simplement reproduire les dispositions de l'article 223-11 du code pénal, selon le dispositif dit du " code pilote - code suiveur ".
III - La position de votre commission
L'initiative prise par l'Assemblée nationale doit être examinée dans le cadre du présent article et de l'article 11 bis qui procède de manière parallèle au transfert dans l'article L. 2222-4 du code de la santé publique des dispositions de l'article 223-12 du code pénal.
Le code pénal comprend aujourd'hui trois dispositions relatives à l'interruption de grossesse, regroupées dans la section V (" De l'interruption illégale de grossesse ") du chapitre III (" De la mise en danger de la personne ") du livre deuxième (" Des crimes et délits contre les personnes "). Il s'agit de :
- l'article 223-10, qui punit de cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 francs d'amende l'interruption de grossesse sans le consentement de l'intéressée ;
- l'article 223-11, qui fait l'objet du présent article ;
- l'article 223-12, qui punit de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 francs d'amende le fait de fournir à une femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même ; cet article fait l'objet de l'article 11 bis ci-après du projet de loi.
L'Assemblée nationale a choisi de ne transférer dans le code de la santé publique que ces deux derniers articles. Pour justifier cette décision, Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, a indiqué en séance publique 21 ( * ) :
" Nous avons eu, au sein de la commission, une longue discussion relative au positionnement de ces articles. Nous avons conclu qu'il était incontestable de maintenir à sa place l'article 223-10, qui porte sur l'interdiction de pratiquer une IVG sans le consentement de l'intéressée. Il s'agit bien, en effet, d'un cas d'atteinte à l'intégrité de la personne humaine.
" En revanche, pour suivre l'évolution que nous voyons poindre dans les différents codes techniques, il nous a semblé qu'il n'y avait pas lieu de maintenir les articles 223-11 et 223-12 dans le code pénal. Il conviendrait plutôt de les faire basculer, avec les sanctions afférentes, auxquelles nous ne touchons pas, dans le code de la santé publique, qui est le code technique correspondant à notre sujet.
" En résumé, la commission vous propose de laisser dans le code pénal l'article 223-10, qui concerne bien une atteinte à l'intégrité de la personne, et de transférer dans le code technique approprié, c'est-à-dire le code de la santé publique, les deux autres articles 223-11 et 223-12. "
Votre commission comprend mal l'intérêt de ce jeu de passe-passe législatif qui ne modifie rien sur le fond puisque les peines et amendes applicables resteront les mêmes, qu'elles figurent dans le code pénal ou dans le code de la santé publique.
Elle constate d'ailleurs que le Gouvernement a partagé, en séance publique, cette perplexité puisque Mme Nicole Péry, Secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle a indiqué : " A ce jour, et au nom du Gouvernement, je ne peux soutenir cette analyse. " Cet avis était d'ailleurs réaffirmé à l'occasion du débat sur l'amendement insérant l'article 11 bis ; Mme Péry déclarait alors 22 ( * ) : " je ne peux approuver cette approche ".
Elle remarque en outre que l'Assemblée nationale a choisi de distinguer, selon des critères qui apparaissent pour le moins aléatoires, l'article qui devait subsister dans le code pénal et ceux qu'il convenait de transférer dans le code de la santé publique.
Désormais, les peines applicables à l'interruption illégale de grossesse figureraient pour certaines dans le code pénal, pour d'autres dans le code de la santé publique. L'accès de nos concitoyens au droit, gage de sa bonne compréhension, serait rendu encore plus malaisé.
Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement tendant à revenir au texte initial du projet de loi et à maintenir dans le code pénal les dispositions qui y figuraient.
Elle vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 11 bis (nouveau)
(art. 223-12 du code
pénal, art. L. 2222-4 du code de la santé
publique)
Transfert dans le code de la santé publique
des dispositions du code pénal relatives au fait de fournir à une
femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse
sur elle-même
Cet article additionnel, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, transfère dans le code de la santé publique les dispositions du code pénal relatives au fait de fournir à une femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
L'article 223-12 du code pénal prévoit que le fait de fournir à la femme les moyens matériels de pratiquer une interruption de grossesse sur elle-même est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300.000 francs d'amende. Ces peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500.000 francs d'amende si l'infraction est commise de manière habituelle.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à insérer dans le projet de loi un article additionnel 11 bis , présenté par Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, qui transfère dans le code de la santé publique les dispositions prévues à l'article 223-12 du code pénal.
L'article 11 bis comprend deux paragraphes :
- le I abroge l'article 223-12 du code pénal ;
- le II transfère les dispositions dudit article dans un article nouveau du code de la santé publique, l'article L. 2222-4, en les complétant par une phrase prévoyant qu'en aucun cas, " la femme ne peut être considérée comme complice de cet acte. "
II - La position de votre commission
Pour les raisons qui ont été développées dans le commentaire de l'article 11, votre commission s'oppose au transfert de ces dispositions du code pénal vers le code de la santé publique.
Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Art. 12
(art. L. 2221-1 du code de la santé
publique et art. 84, 85, 86 et 89
du décret-loi du 29 juillet 1939
relatif à la famille et à la natalité
françaises)
Abrogation de dispositions sur la propagande
en faveur de l'interruption volontaire de grossesse et de dispositions
obsolètes
Cet article abroge l'article L. 2221-1 du code de la santé publique relatif à la provocation à l'IVG ainsi des dispositions datant du décret-loi du 29 juillet 1939.
I - Le dispositif proposé
Cet article abroge tout d'abord l'article L. 2221-1 du code de la santé publique qui constitue l'unique article du chapitre premier " Provocation à l'interruption de grossesse " du titre II " Dispositions pénales " du livre II relatif à l'interruption volontaire de grossesse.
Dans son premier alinéa, cet article punit de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 francs d'amende " le fait de provoquer par un moyen quelconque à l'interruption de grossesse ". Cette condamnation couvre même les cas où les moyens utilisés sont " licites " et où cette " provocation n'est pas suivie d'effet ". En application de cette disposition, le seul fait d'avoir incité ou conseillé à une femme d'interrompre sa grossesse serait susceptible d'être sanctionné.
Le deuxième alinéa punit des mêmes peines " la propagande ou la publicité, directe ou indirecte, par un moyen quelconque, concernant soit les établissements dans lesquels sont pratiquées les interruptions de grossesse, soit les médicaments, produits et objets ou méthodes destinés à procurer ou présentés comme de nature à procurer une interruption de grossesse, sauf dans les publications réservées aux médecins et aux pharmaciens. "
Le dernier alinéa porte sur les poursuites pouvant être engagées à l'encontre des personnes ne respectant pas les dispositions précédentes. Si la publicité interdite a été faite par voie de presse, sont condamnables les " personnes énumérées à l'article 42 de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 ", à savoir les directeurs de publication ou les éditeurs, à leur défaut, les auteurs et les imprimeurs, puis les vendeurs, les distributeurs et afficheurs.
Lorsque la publicité revêt une autre forme, par exemple audiovisuelle, les responsables du délit peuvent être les chefs d'établissement ou directeurs des entreprises à l'origine de la diffusion des informations sur l'IVG.
Le présent article abroge en outre les articles 84, 85, 86 et 89 du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises, toujours en vigueur à l'heure actuelle malgré leur caractère à l'évidence très daté.
L'article 84 du décret-loi de juillet 1939 prévoit pour un médecin condamné pénalement pour avortement illégal l'interdiction définitive d'exercer dans un établissement pouvant accueillir des femmes enceintes.
L'article 85 prévoit le même type d'interdiction d'exercer toute fonction dans un établissement accueillant des femmes enceintes pour les personnes condamnées par un tribunal étranger.
L'article 86 énonce une peine de deux ans d'emprisonnement et une amende de 60.000 francs pour les personnes contrevenant aux articles 84 et 85, c'est-à-dire les personnes ayant pratiqué des avortements illégaux - à l'époque du décret-loi, toutes les interruptions de grossesse étaient illégales - et exerçant des fonctions dans des établissements pouvant être fréquentés par des femmes enceintes.
L'article 89 permet, enfin, aux syndicats de médecins et aux syndicats de sages-femmes ainsi qu'à " l'administration de l'assistance publique et aux établissements publics d'assistance " de se porter partie civile pour faire sanctionner les délits énoncés par le décret-loi.
L'Assemblée nationale a adopté un amendement de pure forme qui inclut dans le champ de l'abrogation l'intitulé du chapitre du code de la santé publique comprenant le seul article L. 2221-1.
II - La position de votre commission
Votre commission accepte l'abrogation de l'article L. 2221-1 du code de la santé publique dans sa rédaction actuelle. Elle considère en effet que le maintien de ces dispositions - qui n'ont d'ailleurs jamais été appliquées - ne se justifie plus. Cet article était en outre susceptible de constituer un obstacle juridique aux actions d'information en direction des femmes souhaitant accéder à l'IVG.
Pour autant, la suppression des sanctions pour l'incitation à l'IVG ne doit pas avoir pour effet de priver la femme enceinte de toute protection contre les personnes qui souhaiteraient la contraindre à l'IVG.
Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement comportant une nouvelle rédaction de l'article L. 2221-1 du code de la santé publique afin de protéger la femme enceinte contre toute forme de pression destinée à la contraindre à une interruption de grossesse.
L'amendement prévoit que serait puni de deux ans d'emprisonnement et de 200.000 francs d'amende le fait de contraindre ou de tenter de contraindre une femme à une interruption de grossesse en exerçant sur elle des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation.
La rédaction en est directement inspirée de celle prévue par l'article 12 bis ci-après pour le délit d'entrave à la pratique légale des interruptions de grossesse.
S'agissant des dispositions du décret-loi du 29 juillet 1939 relatif à la famille et à la natalité françaises, elles sont à l'évidence devenues obsolètes et n'ont d'ailleurs, de fait, pas été appliquées depuis de très nombreuses années.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Art. 12 bis (nouveau)
(art. L. 2223-2 du code de la
santé publique)
Renforcement du délit d'entrave
à la pratique légale
des interruptions de
grossesse
Cet article additionnel, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, élargit le champ du délit d'entrave à la pratique des IVG.
I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
Le présent article additionnel, qui résulte d'un amendement présenté par Mme Danielle Bousquet, rapporteure de la délégation aux Droits des femmes, modifie l'article L. 2223-2 du code de la santé publique relatif au délit d'entrave à l'IVG.
Cet article punit de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 francs d'amende le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables à cette IVG :
- soit en perturbant l'accès aux établissements ou la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces établissements ;
- soit en exerçant des menaces ou tout acte d'intimidation à l'encontre des personnels médicaux et non médicaux travaillant dans ces établissements ou des femmes venues y subir une interruption volontaire de grossesse.
Le présent article :
- porte l'amende maximale à 200.000 francs,
- élargit la notion de perturbation des établissements en prenant en compte également les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux,
- ajoute la notion de pressions morales et psychologiques aux menaces et actes d'intimidation,
- étend cette protection à l'entourage des femmes concernées.
II - La position de votre commission
Votre commission partage l'objectif visé par cet article : on ne saurait en effet tolérer que puisse être empêchée l'application d'une loi de la République qui garantit aux femmes l'accès à l'IVG.
Elle vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 13
(art. L. 2412-1, L. 2412-2 et L. 2412-3 du
code de la santé publique,
art. 723-2 du code
pénal)
Application à la collectivité
territoriale de Mayotte
Cet article permet l'application à Mayotte des dispositions nouvelles relatives à l'IVG.
I - Le dispositif proposé
Le nouveau code de la santé publique, tel qu'il résulte de l'ordonnance du 15 juin 2000, comprend désormais dans la deuxième partie " Santé de la famille, de la mère et de l'enfant " un livre IV consacré à Mayotte, aux îles Wallis et Futuna, aux Terres australes et antarctiques françaises, à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française.
Les I, II et III du présent article 13 modifient ou abrogent des articles du titre premier, relatif à la collectivité territoriale de Mayotte, de ce livre IV.
Le I procède à une modification de référence dans le premier alinéa de l'article L. 2412-1 du code de la santé publique afin de tenir compte des modifications apportées à l'article L. 2212-8, relatif à la clause de conscience, par l'article 7 du projet de loi.
Le II abroge l'article L. 2412-2 qui prévoit que les dispositions de l'article L. 2212-7 sont applicables dans la collectivité territoriale de Mayotte, à l'exception de la première phrase de cet article qui est remplacée par les dispositions suivantes : " Si la femme est mineure célibataire, le consentement du père ou de la mère ou du représentant légal est requis. ".
Le III de l'article 13 prévoit que l'article L. 2412-3 actuel devient l'article L. 2412-2, ce dernier article étant supprimé par le II.
Le IV propose une nouvelle rédaction de l'article 723-2 du code pénal, qui adapte à Mayotte le contenu de l'article 223-11 du code pénal, afin de tenir compte de la modification proposée par l'article 3 du projet de loi qui autorise, sous certaines conditions, la pratique d'IVG en médecine ambulatoire.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté trois amendements à cet article : le premier est rédactionnel ; le deuxième, proposé par Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, abroge l'article 723-2 du code pénal et rend applicable à Mayotte l'article L. 2222-2 du code de la santé publique, par coordination avec la position adoptée par l'Assemblée nationale à l'article 11. Le troisième amendement, présenté par le Gouvernement, prévoit que les articles 10 et 12 de la présente loi sont applicables à Mayotte.
III - La position de votre commission
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 14
(art. L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la
santé publique
art. 713-2 du code
pénal)
Application aux territoires d'outre-mer et
à la Nouvelle-Calédonie
Cet article permet l'application aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie de certaines dispositions relatives à l'IVG.
I - Le dispositif proposé
Le I prévoit que les dispositions des articles L. 2212-1et L. 2212-7 du code de la santé publique sont applicables dans les territoires d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. Il s'agit donc uniquement des dispositions relatives à la définition de l'IVG et au recueil du consentement des parents pour les IVG pratiquées sur des mineures.
Le II modifie l'article 713-2 du code pénal qui adapte aux territoires d'outre-mer l'article 223-11 du code pénal, afin de tenir compte de l'allongement à douze semaines du délai légal et la modification terminologique de l'interruption de grossesse pour motif thérapeutique, qui devient " médical ".
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté un amendement proposé par Mme Martine Lignières-Cassou, rapporteure de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales, abrogeant l'article 713-2 du code pénal et rendant applicable aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie l'article L. 2222-2 du code de la santé publique, par coordination avec la position adoptée par l'Assemblée nationale à l'article 11.
III - La position de votre commission
La loi Veil n'étant aujourd'hui pas applicable en Polynésie française et Nouvelle-Calédonie, à l'exception de ses dispositions pénales, votre commission comprend le souci de santé publique qui a conduit le Gouvernement à proposer dans cet article l'application à ces territoires des articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique.
De nombreux professionnels de santé ont souhaité attirer l'attention de votre commission sur le bien fondé de cette disposition.
Il n'en reste pas moins que cette disposition soulève de réelles difficultés juridiques. Aux termes de la loi organique n° 96-303 du 12 avril 1996 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, l'Etat n'exerce ses compétences que dans les matières limitativement énumérées où ne figure pas la santé de la famille, de la mère ou de l'enfant. Pour cette raison, notre collègue M. Gaston Flosse, Président du Gouvernement de Polynésie française, estime, dans un courrier qu'il a adressé à votre rapporteur, que les matières traitées par les articles L. 2212-1 et L. 2212-7 du code de la santé publique entrent dans le champ des compétences des autorités polynésiennes et que ces articles ne peuvent donc être rendus applicables à ce territoire par une loi simple.
Pour sa part, le Gouvernement indique, dans l'exposé des motifs du projet de loi, que l'article 14 étend aux territoires d'outre-mer et à la Nouvelle-Calédonie les dispositions des articles L. 2212-1 et L. 2212-7, relatives à la définition de l'IVG et au recueil du consentement parental, " dans la mesure où il s'agit de dispositions relatives au droit des personnes ".
Il s'agit à l'évidence d'un problème complexe d'appréciation juridique de la conformité du présent article à la loi organique du 12 avril 1996. A défaut d'une véritable jurisprudence du Conseil Constitutionnel dans ce domaine, votre commission n'a pas cru devoir trancher ce point de droit.
Sous réserve des explications qu'elle pourra obtenir du Gouvernement en séance publique sur ce point, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Art. 15
(art. L. 132-1 du code de la
sécurité sociale)
Prise en charge
intégrale par l'Etat des dépenses nécessaires aux
interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des femmes
mineures non émancipées n'ayant pas obtenu le consentement
parental
Cet article prévoit la prise en charge intégrale par l'Etat des dépenses nécessaires aux interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des mineures n'ayant pas obtenu le consentement parental.
I - Le dispositif proposé
Cet article modifie l'article L. 132-1 du code de la sécurité sociale, article unique du chapitre II du titre troisième du livre premier, relatif à la prise en charge par l'Etat des dépenses supportées par les organismes de sécurité sociale au titre de l'interruption volontaire de grossesse.
Cet article prévoit que, dans les limites fixées chaque année par les lois de finances, l'Etat rembourse aux organismes gérant un régime légal de sécurité sociale les dépenses qu'ils supportent au titre des interruptions volontaires de grossesse.
Dans le projet de loi de finances pour 2001, ces sommes figurent au chapitre 46-22 des crédits consacrés du ministère de la santé, pour un montant de 162 millions de francs, un niveau quasiment inchangé depuis 1997.
La tarification de l'IVG est fixée par l'arrêté du 14 janvier 1991 relatif aux prix des soins et d'hospitalisation afférents à l'IVG. Les tarifs diffèrent selon le mode, instrumental ou médicamenteux, utilisé pour cette intervention, et selon la durée de l'hospitalisation nécessaire. Ces tarifs sont présentés sous forme de forfaits. Le remboursement des frais afférents à l'IVG est à la charge de l'Etat. Cependant ce sont les organismes de sécurité sociale qui remboursent les femmes des frais engagés (remboursement à 80 %) avant de demander la prise en charge des sommes à l'Etat. Pour 1999, le montant total des remboursements des organismes d'assurance maladie s'est élevé à 157,6 millions de francs.
Le 1° du présent article procède à une modification rédactionnelle de l'intitulé du chapitre II.
Le 2° tire les conséquences des modifications de l'article L. 2212-7 du code de la santé publique qui résultent de l'article 6 du projet de loi, lequel détermine notamment les conditions dans lesquelles une mineure peut demander une IVG sans le consentement parental.
Le a) du 2° insère un nouvel alinéa après le premier alinéa de l'article L. 132-1 du code de la santé publique afin de prévoir que l'intégralité des dépenses exposées à l'occasion des interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des mineures sans le consentement parental est prise en charge par l'Etat.
Le b) du 2° complète le dernier alinéa de l'article L. 132-1 afin de préciser qu'un décret devra fixer les conditions permettant, pour ces mineures, de respecter l'anonymat dans les procédures de prise en charge.
L'Assemblée nationale n'a pas modifié cet article.
II - La position de votre commission
Cet article vient utilement compléter le dispositif prévu par l'article 6.
Votre commission propose d'adopter cet article sans modification.
* 13 Cf. exposé général, partie II.
* 14 Op. cit. p. 39.
* 15 DREES, Etudes et Résultats, n° 69, juin 2000, " les IVG en France, p. 2.
* 16 Hémorragies utérines.
* 17 JO Débats AN, 3 ème séance du mercredi 29 novembre 2000, p. 9585.
* 18 Cf. D. Duval-Arnould, " Minorité et interruption volontaire de grossesse ", le recueil Dalloz, 175 e année, 25 novembre 1999, n° 42, p. 471-475, dont sont repris les développements qui suivent.
* 19 JO 16 janvier 1974, p. 603.
* 20 Telles que l'assistance éducative, prévue à l'article 375 du code civil.
* 21 J.O. Débats A.N. 1 ère séance du 30 novembre 2000, p. 9621.
* 22 Op. cit. p. 9623.