II. AUDITION DE MMES NICOLE PÉRY ET SÉGOLÈNE ROYAL
Réunie le mercredi 7 novembre 2001, sous la
présidence
de M. Alain Lambert, président, la commission a
procédé à l'audition de Mme Nicole Péry,
secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation
professionnelle, et de Mme Ségolène Royal, ministre
délégué à la famille, à l'enfance et aux
personnes handicapées, sur les crédits du budget de l'emploi et
de la solidarité, en remplacement de Mme Élisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Alain Lambert, président, a tenu à rappeler avec
solennité les termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative
au fonctionnement des assemblées parlementaires, révisée
notamment par la loi du 19 juin 1996, puis a estimé que l'absence
inexpliquée de Mme Élisabeth Guigou pour la présente
audition contrevenait tant à l'esprit qu'à la lettre de la loi.
Il s'est montré d'autant plus surpris de l'attitude de la ministre que
le refus de sa part de se rendre à l'audition prévue constituait
un précédent. Il a évoqué « un
malentendu », rappelant qu'en République, la
souveraineté n'appartenait pas au pouvoir exécutif mais au peuple
et à ses représentants.
La commission a alors procédé à l'audition de Mme Nicole
Péry, secrétaire d'Etat au droit des femmes et à la
formation professionnelle, sur les crédits de l'emploi.
Puis Mme Ségolène Royal, ministre déléguée
à la famille, à l'enfance, et aux personnes handicapées, a
présenté les crédits de la section
« santé et solidarité ».
La ministre a tout d'abord déclaré que le budget de la section
santé - solidarité du ministère de l'emploi et de la
solidarité constituait le principal instrument budgétaire des
grandes politiques de lutte contre les exclusions, de réduction des
inégalités sociales et d'amélioration de la santé
publique, et a cité la couverture maladie universelle, le revenu minimum
d'insertion, l'allocation aux adultes handicapés et l'allocation de
parent isolé comme autant de dépenses déterminant
directement les conditions de vie quotidienne de nos concitoyens.
Elle a indiqué que le projet de budget pour 2002 confirmait et
amplifiait la priorité donnée depuis 1997 aux budgets sociaux
avec, à structure constante, 14,86 milliards d'euros (97,48
milliards de francs) et un taux de progression de près de 3 % par
rapport aux crédits votés en 2001. Elle s'est
félicitée de ce qu'une priorité réelle ait pu
être donnée aux politiques conduites par le ministère de
l'emploi et de la solidarité, ajoutant que le montant des mesures
nouvelles obtenu en 2002 était le double de celui atteint les
années précédentes. Elle a estimé que,
conjugué aux financements de la sécurité sociale, dont la
situation a été fortement consolidée par une gestion
active et par la reprise de l'emploi, le budget de l'Etat du secteur
santé-solidarité contribuait à l'accroissement de l'effort
social de la nation.
Abordant le thème des minima sociaux, elle a déclaré qu'en
2002, 9,49 milliards d'euros (62,3 milliards de francs), soit plus de
60 % du budget de la santé et de la solidarité, seraient
consacrés à ces minima sociaux, dont 4 436 millions
d'euros (29 milliards de francs) pour le revenu minimum d'insertion,
740 millions d'euros (4 ,84 milliards de francs) en faveur de
l'allocation de parent isolé, 4 427 millions d'euros
(27,7 milliards d'euros) pour l'allocation aux adultes handicapés.
Elle a indiqué qu'en 2001, pour la première fois, le nombre
d'allocataires du RMI avait diminué de près de 1 %, du fait
des bénéfices de la croissance et de l'amélioration de la
situation de l'emploi. Elle a considéré que cette baisse devait
se poursuivre en 2002 malgré l'ajustement du montant du RMI versé
dans les DOM sur celui versé en métropole.
Elle a déclaré qu'au total, pour 2002, les crédits
affectés aux minima n'augmenteraient que de 2,4 %, permettant le
financement de ce qu'elle a qualifié d'« avances
exceptionnelles », à savoir le doublement (de 1 à 2
trimestres) de la période de cumul intégral entre le
bénéfice d'un minimum social et le revenu d'activité, et
la suppression de l'évaluation forfaitaire des ressources lors de
l'attribution de l'allocation aux adultes handicapés.
Dans le domaine social, la ministre a déclaré que la
réponse à l'urgence sociale se concentrerait sur l'accompagnement
social et l'hébergement d'urgence avec la mise en place de
50 maisons de la solidarité, le renforcement des moyens des
commissions locales d'insertion, l'élargissement du dispositif
d'accompagnement social individualisé à de nouveaux
bénéficiaires et la création de 500 nouvelles places
de Centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Tout
ceci, a-t-elle rappelé, dans le cadre du programme national de
prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
En outre, concernant la recrudescence de la demande d'asile, elle a
annoncé la création de 1.500 nouvelles places en centres
d'accueil pour demandeur d'asile, 2.400 places en centres
d'hébergement d'urgence, un centre de premier accueil en région
parisienne et 30 places en centres d'accueil pour demandeurs d'asile
mineurs.
Mme Ségolène Royal a ensuite ajouté que la plupart des
politiques du ministère de l'emploi et de la solidarité
consacrées au développement social seraient renforcées
dans trois directions. Elle a cité, en premier lieu, la politique en
faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes, qui
bénéficie de crédits supplémentaires, en second
lieu, la mise en oeuvre des actions développées à la suite
de l'appel à projets lancé par le secrétaire d'Etat
à l'économie solidaire, qui bénéficiera d'un
renforcement de ses moyens de près de 38 %, et enfin, la
reconduction jusqu'au 31 décembre 2002 du « plan
harki » en faveur des rapatriés.
Elle a surtout insisté sur l'effort particulier réalisé en
faveur des personnes les plus fragiles, annonçant que le budget 2002
mettrait en oeuvre le plan pluriannuel en faveur des personnes
handicapées, annoncé par le Premier ministre le
25 janvier 2000, ce qui permettra la création en 2002 de
1.500 places supplémentaires en centres d'aide par le travail et
1.058 postes d'auxiliaire de vie supplémentaires (dont
500 postes d'auxiliaire d'intégration scolaire effectifs dès
la rentrée 2001).
En ce qui concerne les personnes âgées, elle a souhaité le
plein succès de la mise en place de l'allocation personnalisée
d'autonomie (APA) pour donner à tous les moyens de vieillir dans la
dignité. Elle a ajouté que les crédits nécessaires
à la création de 160 nouveaux centres locaux d'information
et de coordination (CLIC) seraient mis en oeuvre.
Abordant le domaine sanitaire, Mme Ségolène Royal a estimé
que les moyens alloués par l'Etat témoignaient de la
volonté constante du Gouvernement d'améliorer la politique de
santé publique, notamment au profit de ceux qui sont le plus en
difficulté.
Elle a indiqué que le budget 2002 assurerait la continuité des
actions de préventions, de veille et de sécurité
sanitaire. Elle a précisé que les crédits consacrés
à la lutte contre le saturnisme et au développement des actions
menées par l'Etat pour lutter contre les risques liés à
l'environnement seraient accrus de 20 %, l'effort en matière de
lutte contre le SIDA et les maladies transmissibles serait poursuivi, et des
moyens complémentaires en faveur de la lutte contre la drogue et la
toxicomanie seraient mis en oeuvre.
Surtout, elle a déclaré que le budget 2002 prévoit un
quadruplement des crédits (15,2 millions d'euros, soit
100 millions de francs supplémentaires) consacrés aux
programmes de santé publique, qu'il s'agisse de lutte contre le cancer,
d'un accès élargi à la contraception ou de moyens
supplémentaires pour lutter contre la hausse des suicides et en
particulier celui des jeunes.
Elle s'est réjouie de ce que l'accès aux soins des personnes en
situation d'exclusion ait été considérablement
amélioré depuis la mise en place de la couverture maladie
universelle (CMU) pour environ 5 millions d'individus, et a assuré
la poursuite de cet effort.
Concernant l'offre de soins, elle a indiqué que l'augmentation du nombre
d'étudiants expliquait le renforcement des crédits
consacrés aux bourses dont le système d'attribution est
réformé.
Enfin, elle a cité le plan de soutien aux hôpitaux de
3,9 milliards de francs présenté par Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Après avoir rendu hommage au personnel de son administration,
Mme Ségolène Royal a indiqué que la création
d'emplois demeurait la priorité, car elle doit permettre
d'accroître les capacités d'expertise et de contrôle et
d'assurer la mise en oeuvre des politiques nouvelles dans des conditions
satisfaisantes.
Elle a indiqué que la poursuite de la résorption de l'emploi
précaire constituait un autre axe fort du budget 2002.
Elle a conclu son exposé en insistant sur la priorité faite
à la lutte contre les exclusions, estimant que la traduction
budgétaire de cet objectif était réelle.
M. Alain Joyandet, rapporteur spécial des crédits de la
santé et de la solidarité, a tout d'abord noté, avec
satisfaction, que la tenue de cette audition lui avait permis, à
l'instant, de recevoir les 16 réponses encore non parvenues
à son questionnaire budgétaire qui en compte 38. Il a ensuite
demandé à la ministre :
- quel serait le support de la traduction budgétaire du financement du
protocole hospitalier du 14 mars 2000, dont le coût
s'élève à 2 milliards de francs ;
- quel serait le support législatif (Collectif 2001, PLF 2002, PLFSS
2002) de l'annonce faite le matin même par le Gouvernement d'un
déblocage de 3 milliards de francs pour les cliniques.
M. Roland du Luart a interrogé la ministre sur la façon dont elle
justifiait que l'excédent de la caisse nationale des allocations
familiales (CNAF) pour 2000, arrêté à 9,4 milliards de
francs, serve pour 84 % de son montant à financer le FOREC et le
FRR. Il lui a également demandé quelles compensations l'Etat
envisageait pour aider les départements à faire face à la
hausse de 10 % de leurs dépenses induite par la création de
l'allocation prestation d'autonomie (APA).
Mme Marie-Claude Beaudeau a voulu connaître la manière dont
seraient dépensés les 20 millions d'euros annoncés en
faveur des enfants handicapés et autistes et dans quels délais.
Elle a également demandé des explications sur la cause de la
sous-consommation des crédits de la couverture maladie universelle, et
sur la baisse des crédits de l'Institut national de veille sanitaire.
M. Joël Bourdin a demandé à la ministre quelles seraient les
déclinaisons concrètes dans les hôpitaux des
3,9 milliards de francs de moyens supplémentaires annoncés
par le gouvernement, si cette somme permettrait de corriger les dotations
hospitalières en fonction du point ISA des établissements, et
quel serait le coût final des 35 heures à l'hôpital.
Mme Ségolène Royal, ministre déléguée
à la famille, à l'enfance, et aux personnes handicapées, a
alors apporté aux orateurs les réponses suivantes :
- le protocole hospitalier fera l'objet, en 2001 comme en 2000, d'une mesure
nouvelle inscrite en collectif budgétaire ;
- 10 milliards de francs sont, depuis 1997, revenus aux familles, et les
transferts réalisés depuis la CNAF, notamment vers le Fonds de
solidarité vieillesse, ont une dimension familiale ;
- si les conseils généraux prennent une part importante dans le
financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), l'Etat en
assume également sa part ; elle a fait valoir que les conseils
généraux peuvent récupérer les coûts de l'APA
sur leurs charges d'aide sociale, et a insisté sur les occasions de
simplification et de clarification des dispositifs permises par une
réforme qui a pour objet d'ouvrir à chacun la possibilité
de vieillir dans la dignité ;
- le succès du plan triennal pour les autistes et les
polyhandicapés explique l'effort supplémentaire consenti en leur
faveur et qui viendra, par exemple grâce à une offre de soins
diversifiée, donner un soutien et une aide aux familles de ces
enfants ;
- la sous-consommation des crédits de la CMU s'explique par la lente
montée en charge du dispositif.
A l'issue de ces auditions, la commission a procédé au vote sur
les crédits du ministère de l'emploi et de la
solidarité : I - Emploi et articles 68 à 70 rattachés
et II - Santé et solidarité.
S'agissant de la section Emploi, sur proposition de M. Joseph Ostermann,
rapporteur spécial, elle a décidé de proposer au
Sénat :
- la suppression de l'article 68 rattaché (réforme du contrat
initiative emploi) ;
- l'adoption sans modification de l'article 69 (institution d'une bourse
d'accès à l'emploi pour les jeunes engagés dans le
programme Trajectoire d'accès à l'emploi) ;
- la modification de l'article 70 (réforme des contrats de qualification
pour les adultes), afin de maintenir le mécanisme d'exonération
actuel ;
- le rejet des crédits.
Enfin, sur proposition de son rapporteur spécial, M. Alain Joyandet,
elle a décidé de proposer au Sénat de rejeter les
crédits de la section santé et de la solidarité.